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mardi 28 octobre 2025

1419-L'INHUMATION DE 7e CLASSE À PARIS, AU XIXe SIÈCLE (DOSSIER IA)


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS



LIRE OU ÉCOUTER L'HISTOIRE (RÉDIGÉE AVEC L'I.A.)

L'INHUMATION DE 7e CLASSE À PARIS, AU XIXe SIÈCLE



UNE INHUMATION POPULAIRE À PARIS, AU XIXe SIÈCLE 

(DÉROULEMENT ET COÛTS)



INTRODUCTION


La Règlementation

Le XIXe siècle en France, et particulièrement à Paris, est une période de profonde réorganisation des pratiques funéraires, motivée par des impératifs hygiénistes et une rationalisation économique croissante. 

Le mouvement commence avec le Décret du 23 Prairial An XII (12 juin 1804), qui formalise l'obligation d'enterrer les défunts hors des limites des cités, une mesure fondamentale qui va préparer la ségrégation géographique des cimetières et l'éloignement des morts modestes (1).

Afin de gérer ce service public essentiel, l'État établit rapidement un monopole, garantissant à la fois salubrité et uniformité tarifaire. Le décret impérial du 18 août 1811 est crucial car il instaure les premiers tarifs officiels et les standards de construction des cercueils, fixant une hiérarchie de prix basée sur la taille et le matériau (bois ou plomb) (2). 

Ce cadre réglementaire est ensuite affiné au fil des décennies. L'ordonnance royale du 11 septembre 1842 remplace le système initial de six classes de funérailles par un système plus complexe de neuf classes (2). 

La codification de ce système est achevée par l'homologation, par décret du 2 octobre 1852, du cahier des charges des pompes funèbres de Paris, confirmant la spécificité détaillée de ces neuf classes au sein de la capitale (3).


Lec Classes funéraires

Le choix d'une classe funéraire au XIXe siècle est bien plus qu'une simple transaction, il s'agit d'un marqueur social public, une codification réglementée de la richesse ou de la pauvreté du défunt et de sa famille. Cette stratification est intrinsèquement liée au système des concessions dans les cimetières, l'inégalité du faste du convoi se répercutant dans la permanence de la sépulture (1).

L'existence de neuf classes donnae l'impression d'une offre exhaustive adaptée à toutes les couches de la société. Cependant, l'analyse démographique et économique du système révèle une réalité contrastée. Les trois classes les plus coûteuses (1re, 2e et 3e) ne représentent jamais plus de 3% des enterrements payants effectués à Paris entre 1860 et 1875 (2). 

Cela démontre que le luxe ostentatoire des grandes funérailles servait principalement de façade statistique et de référence sociale, validant le statut des élites mais masquant la réalité des pratiques funéraires majoritaires. 

La fonction principale de ce système hiérarchique était de légitimer le monopole et de justifier les tarifs appliqués aux classes populaires, lesquelles assuraient le volume des transactions et la stabilité financière de la compagnie concessionnaire. La codification des classes officialisait ainsi l'inégalité socio-économique dans le rituel public de la mort.



LA 7e CLASSE D'INHUMATION


Une Inhumation ordinaire

Pour documenter le déroulement d'une inhumation dite "ordinaire" ou "hors célébrité," il est impératif de s'écarter de l'image d'Épinal des fastes du Second Empire et de se concentrer sur les choix majoritaires de la population. L'examen des registres des compagnies de pompes funèbres à Paris révèle une concentration écrasante des choix dans le bas de l'échelle tarifaire.

Entre 1860 et 1875, les trois dernières classes payantes (7e, 8e et 9e) représentent entre 59% et 64% de toutes les sépultures payantes choisies par les familles parisiennes (2). 

Au sein de ce groupe, la 7e classe s'impose comme le véritable standard social de la dignité minimale payante, représentant à elle seule la moitié des enterrements payants effectués par la compagnie Vahard durant cefle période (2). 

Choisir la 7e classe permet aux familles modestes d'acquérir une reconnaissance sociale minimale par le biais d'un service payant, évitant ainsi l'humiliation d'avoir recours à l'inhumation gratuite.

Le déroulement du convoi et de la cérémonie pour une 7e classe est caractérisé par sa sobriété et son efficacité logistique.


Le Service religieux

Le rôle de l'église dans le déroulement des funérailles est garanti mais l'apparat est strictement proportionnel au tarif. Pour la 7e classe, le service religieux se limite à la prestation liturgique de base. Les ornements somptueux de l'église, les draperies riches et la présence nombreuse du clergé (chape et étole) étant réservés aux classes 1 à 4. Le rituel public de la 7e classe est bref et fonctionnel.


Un Char funèbre modulaire

Le transport funéraire est assuré par la compagnie concessionnaire. Le char funèbre ou corbillard joue un rôle central dans la distinction des classes. Par souci d'économie de la part du monopole, les véhicules ne sont pas uniques à chaque classe. Une même caisse ou châssis peut servir à plusieurs niveaux de prestation, la différenciation des classes résidant dans les éléments amovibles et les garnitures textiles (3). 

Pour une 7e classe, le char funèbre est dépouillé. Les éléments d'apparat tels que les galeries, les panaches de plumes ou les tentures luxueuses sont soit absents, soit réduits à leur expression la plus simple et la plus usagée. La compagnie de pompes funèbres optimise sa logistique en vendant l'illusion de la stratification par l'ajout ou le retrait d'ornements extérieurs, tout en maintenant une base matérielle standardisée.

Le convoi funéraire pour une 7e classe est minimal, se composant du char funèbre et potentiellement d'une simple voiture de deuil ou de clergé. Le nombre de porteurs et le personnel d'honneur sont également réduits au strict minimum réglementaire. L'économie de la mise en scène est donc totale : l'investissement est concentré sur l'aspect visible du cortège (le seul moment où la dignité payée est publiquement affichée) mais avec une contrainte budgétaire maximale.



L'ÉCONOMIE DE LA MORT (CLASSES POPULAIRES)


 Le Coût de la Prestation (Hors Concession)

La ventilation des coûts pour les classes populaires révèle une priorité accordée à l'apparat extérieur, le rituel social visible (le cortège, le personnel, les tentures) par rapport à la qualité du contenant (le cercueil).

Alors que le coût d'un convoi de 4e classe est mentionné à 254 francs (5), les exemples documentés de dépenses totales pour les classes plus basses confirment l'importance de l'investissement dans le rituel. 

Un enterrement de 4e classe peut coûter jusqu'à 426 francs (incluant les décorations de la maison du deuil), tandis qu'un service de 6e classe pour un enfant de 7 ans s'éleve à 126 francs (2). 

Pour l'exemple de 4e classe à 426 francs, le cercueil en sapin uni, sans garniture intérieure ou extérieure ni plaque, ne coûte que 20 francs.

Pour l'exemple de 6e classe à 126 francs, le cercueil en sapin simple sélectionné par la famille (le moins coûteux disponible) ne coûte que 12 francs, soit environ 10% du coût total du service extérieur. 

Le faible coût alloué au cercueil pour les classes populaires s'explique par le fait que l'État et la compagnie savent que ces bières simples en sapin suffiront amplement à contenir les restes jusqu'à la décomposition biologique nécessaire avant la réutilisation du terrain commun après cinq ans (1). L'économie des pompes funèbres est donc principalement une économie de la perception sociale.

Le décret de 1811 a fixé des prix de référence pour les cercueils réglementés, permettant aux familles ayant plus de moyens d'opter pour une meilleure qualité ou durabilité : un cercueil en chêne de 2 mètres, équipé de six poignées en fer poli, coûte 60 francs, tandis qu'une bière en plomb de la même taille atteint 250 franc (2).


L'Inhumation gratuite (Indigents)

À l'extrémité inférieure du spectre se trouvent les indigents, pour qui la prestation funéraire est entièrement gratuite (3). 

Ce service est financé par une taxe prélevée sur les Parisiens (initialement 10 francs pour les enfants de moins de 7 ans et 20 francs pour les adultes ; ce montant est abaissé à 6 francs après 1853) (2).

La compagnie fournit une bière gratis qui, selon les registres internes, coûte entre 2 et 9 francs à la compagnie. Le choix de la famille est limité au strict minimum, généralement la couleur du drap mortuaire (noir ou blanc) et le nombre de pans du cercueil (six ou huit). Ce système garantit que même les plus pauvres bénéficient d'une sépulture individuelle, respectant ainsi les exigences d'hygiène et la dignité humaine de base.



LE LIEU DU REPOS


La hiérarchie des tombes et le système des concessions

Si le système des classes funéraires codifie l'inégalité dans le déroulement du rite, le système des concessions l'institutionnalise dans l'espace physique du cimetière.

L'ordonnance du 6 décembre 1843, qui étend les principes du décret de Prairial, établit trois catégories de concessions payantes, qui sont l'équivalent direct des classes des funérailles (1).

- Perpétuelles: Héritées de l'Ancien Régime, elles garantissent l'éternité du repos. Elles sont très coûteuses et stratégiquement situées sur les grands axes des cimetières pour une visibilité maximale (1).

- Trentenaires: D'une durée de 30 ans.

- Temporaires: Dites quinzenaires (15 ans).

Le véritable standard funéraire pour les classes modestes et les indigents n'est cependant aucune de ces concessions payantes mais le terrain commun, alloué gratuitement pour cinq ans) (1).

Afin de faire face au manque d'espace chronique dans les cimetières urbains, le sol est donc inlassablement rouvert et les fossoyeurs font face à des corps en décomposition ou à des ossements de squelettes, qu'ils doivent entasser sur le côté pour faire place aux nouvelles sépultures (6). 


L'exil géographique des morts modestes

L'inégalité spatiale est accentuée par la politique municipale des cimetières. À partir du Second Empire, de nouveaux et vastes cimetières parisiens sont créés extra muros (hors les murs de Paris, comme Pantin ou Thiais). Ces cimetières périphériques sont majoritairement affectés aux inhumations à durée limitée (terrain commun), c'est-à-dire les sépultures des classes modestes et des pauvres (1).

Par contraste, les cimetières plus anciens ou ceux qui sont restés intra muros (comme le Père Lachaise ou Montparnasse) sont réservés aux concessions perpétuelles. Ce phénomène est décrit comme un "nouvel exil des morts mais un exil des morts modestes ou pauvres" (1). Les riches achetent l'éternité du repos et la proximité symbolique du centre urbain, tandis que les pauvres acceptent la temporanéité et l'éloignement physique.

Cette politique a une conséquence existentielle profonde : la gratuité de l'inhumation pour les plus démunis a pour prix la garantie de l'oubli matériel. La durée du souvenir des morts, même chérie par les familles, arrive à durer plus longtemps que la trace physique de la tombe en terrain commun (1).


La tombe comme marqueur de la citoyenneté post-mortem

Le système des classes funéraires au XIXe siècle agit comme un miroir fidèle de la société industrielle. Il remplace les distinctions d'Ancien Régime par une hiérarchie purement économique et réglementée. L'acquisition d'une concession perpétuelle réservée aux classes supérieures, souvent assortie d'un momument, représente l'achat d'un droit de cité éternel dans la nécropole urbaine et la garantie matérielle de la mémoire familiale.

Inversement, l'inhumation ordinaire des classes modestes n'est qu'une transaction logistique et hygiénique dont la durée est strictement limitée par la biologie et la réglementation municipale. Le rôle du monopole, en rationalisant l'offre de neuf classes, institutionnalise l'inégalité de la mémoire, offrant aux riches l'éternité matérielle et aux pauvres une dignité éphémère.



SOURCES


(1)- Bertherat, Bruno. "Le siècle des tombes (France, xixe siècle). Brève histoire d’un paradoxe". Un siècle de sites funéraires de la Grande Guerre, édité par Annette Becker et Stéphane Tison, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2018 (ici).

2- Stéphanie Sauget, "La mise en place d'un marché funéraire du cercueil à Paris au XIXe siècle", Annales de démographie historique, 2017 (ici).

3- Patrick Magnaudeix, "Le char fiunèbre français, dit corbillard", Attelage-patrimoine, 2021 (ici).

4- Régis Bertrand, "Le décret de prairial en question (1870-1905)", Aux origines des cimetières contemporains, edited by Régis Bertrand and Anne Carol, Presses universitaires de Provence, 2016 (ici).

5- "Ordonnateurs de convois fiunéraires - Paris", Geneawiki, d'après, M. Balard, Les mystères des pompes funèbres de la ville de Paris dévoilés par les entrepreneurs eux mêmes, Paris, E. Allard, 1856 (ici).

6- Vanessa Harding, "Les vivants et les morts dans les métropoles de l'époque moderne", Cairn-Info, 2005 (ici).




vendredi 24 octobre 2025

1418-LA DIFFUSION DES VUES DE NICE ET DE SA RÉGION (1850-1875)-4

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- Étiquette du libraire-éditeur E. Fleurdelys, collée au dos d'une carte de visite, 
numérotée "80" et datée du "31 octobre 1872", Collection personnelle.


VOIR LA PREMIÈRE PARTIE DE CET ARTICLE



"E. Fleurdelys" est l'un des libraires qui, à Nice, a diffusé les photographies de Jean Walburg de Bray (1839-1901), dans les années 1870. Cet article lui est consacré.



Eugène FLEURDELYS (1847-apr.1902)



SÈVRES


François Eugène Fleur de Lys/Fleurdelys, est né le 11 novembre 1847 à Sèvres (à 13 km au sud-ouest de Paris ; Seine-et-Oise, actuelles Yvelines). 

Il est le fils du Suisse, François Louis Benjamin Fleur de Lys, jardinier (né le 20 janvier 1811, à Prilly près Lausanne, canton de Vaud), et de Jeanne Aimée/Amélie Wuichet, qui se sont mariés à Paris, le 9 novembre 1844.

Son frère, Jules Théodore Alfred Fleurdelys, naît pour sa part le 20 mai 1849, à Boissise-la-Bertrand (Seine-et-Marne ; à 50 km au sud-est de Paris), où leur père travaille désormais.

Dans les années 1860, au plus tard, les parents Fleurdelys, retournent en Suisse et s’installent à Lausanne (ils y décéderont avant 1875). Leurs fils, mineurs, restent à Paris ou y reviennent pour y travailler.



PARIS


Le 23 juillet 1868, Eugène Fleurdelys, employé de commerce, âgé de 20 ans (mineur), demeurant officiellement à Lausanne avec son père, jardinier (consentant par acte notarié), se marie à Paris (18ème arrondissement).

Il épouse Delphine Adeline Marie Vuichet/Wuichet (une cousine ?), couturière, 22 ans, née le 18 décembre 1845, à Paris (2ème arrondissement), fille de père non dénommé et de Louise Marie Vuichet/Wuichet, décédée. 

Marie Vuichet est dite, "demeurant rue Constance, 11" (18ème arrondissement), adresse qui est celle d’Eugène Fleurdelys et de son frère Jules Théodore Alfred Fleurdelys, 19 ans, employé de commerce lui aussi.

Eugène et son épouse quittent la capitale entre fin 1869 et fin 1870 (son frère Jules reste à Paris).



NICE


Eugène Fleurdelys ouvre, à Nice, une librairie suisse, avenue de la Gare, 5 (sous les arcades situées au nord-ouest de la place Masséna).

Il existe une possibilité pour qu'il ait répondu, pendant l’été 1869, à la petite annonce suivante du journal L’Église Libre (parue du 2 juillet au 3 septembre 1869) "A céder à Nice, un fonds de librairie et de papeterie, à des conditions très-avantageuses. Facilités. - Belle occasion pour un jeune libraire protestant qui parlerait plusieurs langues. S'adresser au gérant de l’Église Libre".

Cependant, les ouvrages protestants restent "à vendre à Nice chez Bouillat, libraire, rue Gioffredo" (près du Temple Vaudois), à la fin de l'année 1869.

Il faut donc se résoudre à penser que le couple Fleurdelys s'est installé à Nice dans le courant de l'année 1870, sans qu'il soit possible d'affirmer que c'est à la suite de la Guerre franco-prussienne.

Eugène Fleurdelys fait paraître sa première publicité à l’occasion des fêtes de fin d’année dans L’Église Libre du 16 décembre 1870 (Paris, BnF) (Image 2).

Il se présente d’ailleurs, dès le numéro du 9 decembre 1870, comme l’administrateur de ce journal, créé à Nice au début de l’année 1869, avec pour rédacteur Léon Pilatte (1822-1893), pasteur suisse de l’Église évangélique de Nice (indépendante de l’Église vaudoise des vallées du Piémont, depuis l’Annexion de Nice à la France).


2- Annonce de la Librairie E. Fleurdelys (suivie de la liste des publications disponibles),
parue dans L’Église Libre des 16, 23 et 30 décembre 1870, 
Paris, BnF (Gallica).



Au plus tard au printemps 1871, il adjoint à son activité de libraire-éditeur une Agence générale de vente et location de villas et appartements (annonces parues dans : Le Patriote Albigeois du 4 juin 1871 ; Journal de Genève du 3 juin puis des 21 et 25 octobre 1871 ; L’Église Libre, dès le 13 octobre 1871) (Image 3). 


3- Annonce pour l'Agence d'affaires d'Eugène Fleurdelys, parue dans L’Église Libre, du 13 octobre 1871, 
Paris, BnF (Gallica).



Eugène Fleurdelys cède, dès mars 1871, son poste d’administrateur de L’Église Libre à Frédéric Hamilton [Frederick Fitzroy Hamilton (1837-1897)] et annonce la sortie de deux ouvrages de cet écrivain dont La Botanique de la Bible, qui va paraître en novembre 1871 (extraits publiés dans L’Église Libre dès fin 1869) (Image 4). 

Eugène Fleurdelys édite cet ouvrage illustré de vingt-cinq photographies de Jean Walburg de Bray et il diffuse également les vues de ce photographe, consacrées à la ville de Nice et de ses environs. 


4- Annonce de la Librairie Eugène Fleurdelys, annonçant la sortie de l'ouvrage,
La Botanique de la Bible,
parue dans L’Église Libre des 16, 23 et 30 décembre 1870, 
Paris, BnF (Gallica).



Jean Walburg de Bray (1839-1901), né en France, est fils de pasteur et a vécu de longues années en Suisse (voir sa biographie, ici). C’est un photographe paysagiste qui diffuse essentiellement ses vues, sans son nom, grâce à un réseau de libraires dont plusieurs sont de nationalité suisse (Eugène Fleurdelys ; Félix Morel ; Albert Ruegger).

De rares vues conservées, contrecollées sur un fond de carton rouge, témoignent d’une série conséquente de plus de 80 vues (datables de 1869 et des années suivantes) et présentent au verso, sur une étiquette imprimée à l’encre bleue, "E. Fleurdelys – Libraire – 5, Avenue  de la Gare - Nice" (Image 1).

L’Annuaire des Alpes-Maritimes de 1872 cite, pour la première fois, "Fleurdelys, libraire, et Fleurdelys, couturière, avenue de la Gare, 5". Le recensement de la ville de Nice du printemps 1872 signale, à cette même adresse, ces époux de nationalité suisse, respectivement dans leur 25ème et 27éme année, sans enfant.

Leur premier enfant, Camille Hélène Fleurdelys, naît le 11 octobre 1872, suivi d’Alfred Hippolyte Jean Fleurdelys, le 11 mai 1875 et de Blanche Marthe Fleurdelys, le 27 avril 1877.

Eugène Fleurdelys cesse de faire paraître des annonces dans L’Église Libre mais également dans la revue Les Guêpes d’Alphonse Karr, après 1872.

Il semble continuer cependant ses activités d’agent d’affaires (Le Journal Amusant du 16 mai 1874) et de libraire-éditeur jusqu’en 1877 (Bibliographie de la France 1871-1877). 

Il est également cité, pour la dernière fois, dans l'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1877, en tant que "libraire bouquiniste", même si son successeur, "Sauvaigo Gaêtan, bouquiniste, avenue de la Gare, 5", n’est signalé qu’à partir de l’Annuaire de 1884 (Annuaire de 1878 non conservé ; nom absent de l’Annuaire de 1879 ; Annuaires de 1880 à 1883 non conservés). 

Il quitte Nice pour Paris, entre le printemps 1877 et l’automne 1878, même si ses nom et adresse niçoise perdurent, par erreur, dans des éditions postérieures des Guides Baedeker (Le Midi de la France ; Italie septentrionale). 

On peut s’interroger sur la situation financière d’Eugène Fleurdelys. Est-ce une faillite qui entraîne son départ ? Ce point n’est cependant pas documenté dans les Archives commerciales de la France.



PARIS


Au plus tard en 1878, Eugène Fleurdelys est de retour dans le 18ème arrondissement de la capitale, peut-être pour reprendre son ancien travail et pour retrouver son frère, Jules, employé de commerce.

Ce dernier s’est marié à Paris, le 4 mai 1875 avec Jeanne Francine Suzanne Bory, couturière (née le 21 janvier 1856 à Paris, 2ème arrondissement). Il habite toujours rue Constance, 11 (18ème arrondissement), avec sa femme et leur fille, Mathilde Aimée, née le 11 janvier 1876  (leur autre fille, Amélie Gertrude Louise, née le 23 septembre 1877, est malheureusement décédée le 11 octobre de la même année). Le couple va ensuite donner naissance à Amélie Marie (le 10 décembre 1880). 

La présence d’Eugène Fleurdelys est attestée à Paris lors de la naissance de leurs nouveaux enfants, rue Tholozé, 26 : Hélène Julia, le 22 octobre 1878, Fernand Eugène, le 2 septembre 1881 (ce dernier, baptisé à Paris le 1er mai 1883, décédera malheureusement, à la même adresse, à 5 ans et 11 mois, le 2 août 1887) et Laure Marie (le 20 mars 1885).

Dans chacun de ces actes, Eugène Fleurdelys est dit, "employé de commerce", sans plus de précision, et sa femme, sans profession. Lors de la déclaration de naissance de son fils Fernand Eugène en 1881, l’un des témoins est cependant, Edmond Michelon, libraire, 45 ans (demeurant rue Durantin, 18, dans le 18ème arrondissement), sans qu’il soit possible d’affirmer qu’il s’agit de son employeur.



VALPARAISO


Le 18 juin 1902, Eugène Fleurdelys, commerçant, âgé de 54 ans, consent, par devant le consul de France de Valparaiso (Chili), au mariage de son fils, Alfred (Hippolyte Jean).

Ce dernier, professeur de violon (1er prix du Conservatoire de Paris en 1891), est âgé de 27 ans et demeure avec sa mère, rue Lacuée, 16 (12ème arrondissement). Il épouse le 3 septembre 1902, à Paris (18ème arrondissement), Berthe Augustine Laure Dupré, couturière, âgé de 30 ans (née le 5 décembre 1871 à Paris, 18ème arrondissement). 

Il semble donc qu’Eugène Fleurdelys ait quitté femme et enfants, entre le 5 août 1887 (date de déclaration du décès de son fils Fernand Eugène, à Paris) et le 18 juin 1902 (date de son consentement, à Valparaiso, au futur mariage parisien de son fils Alfred Hippolyte Jean).

Était-il encore à Paris, en 1891, lors du baptême de sa fille Blanche Marthe (le 7 mai) et lors de la remise de la médaille de son fils Alfred Hippolyte Jean ?

Il a rejoint, à Valparaiso, son frère cadet Jules (Théodore Alfred) Fleurdelys qui, lui, a quitté Paris avec femme et enfants, entre fin 1880 (sa fille Amélie Marie est née le 10 décembre 1880 à Paris) et début 1886 (son fils Henri Eugène Ernest est né à Valparaiso le 4 mars 1886), et plus probablement entre 1882 (date de création de l’Agence de Colonisation du Chili en Europe) et 1886. 

Jules tient, du fait de l’important port marchand de cette ville, un commerce de denrées alimentaires et importe notamment le "Cognac J. Fleurdelys" (Bulletin officiel de la propriété industrielle et commerciale, 1892 p 384). Il a pour associé, dans les années 1890, M. Bunout (Annuaire du Commerce de l’Étranger Didot-Bottin, 1896 p. 1403 et 1898 p. 1692),

La profession exercée par Eugène Fleurdelys à Valparaiso reste inconnue, comme la suite de sa vie et sa date de décès. A-t-il fini ses jours à Valparaiso ? 

La famille de son frère semble, pour sa part, être rentrée en France en 1914.

Son neveu Henri Fleurdelys (Paris, 18ème arrondissement), soldat de la Légion étrangère, est mort pour la France, à 30 ans, le 4 juillet 1916, à Belloy-en-Santerre (Somme). Son frère Jules est mort, par la suite, à Paris.





mercredi 22 octobre 2025

1417-LE DROIT FUNÉRAIRE FRANÇAIS AU XIXe SIÈCLE (DOSSIER I.A.)

 

 SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS



LIRE OU ÉCOUTER L'HISTOIRE (RÉDIGÉE AVEC L'I.A.)

LE TERRITOIRE DE L'OMBRE ET DE LA LOI



LE CADRE LÉGAL DES INHUMATIONS ET DES CIMETIÈRES EN FRANCE AU XIXe SIÈCLE : 

DE LA RÉFORME HYGIÉNISTE À LA LAÏCISATION RÉPUBLICAINE



INTRODUCTION : LE CONTEXTE DE LA RUPTURE LÉGISLATIVE FUNÉRAIRE


Le XIXe siècle français constitue une période de transformation radicale du droit funéraire et de l'organisation spatiale de la mort. 

Hérité de l'Ancien Régime, le service funéraire était historiquement dominé par l'Église, notamment par les conseils de fabrique et les consistoires, qui géraient les cimetières, souvent situés dans ou autour des lieux de culte (inhumations intra-muros). 

Ces pratiques séculaires engendraient de graves problèmes d'hygiène et de salubrité publique en raison de la densité des sépultures au cœur des villes.

Le cadre législatif du XIXe siècle s'est construit autour de trois phases juridiques distinctes mais liées. 

La première phase, le Fondement Impérial de 1804, a imposé la rupture spatiale et la centralisation administrative. 

La deuxième phase, la Consolidation Administrative (1805-1870), a précisé les modalités de gestion et d'éloignement des cimetières. 

Enfin, la Réforme Républicaine (1870-1900) a inscrit les pratiques funéraires dans le mouvement de laïcisation, garantissant la neutralité du cimetière et la liberté de choix des obsèques.

L'ensemble de ces textes a défini le modèle français du service public funéraire communal.



LA FONDATION DU DROIT FUNÉRAIRE MODERNE (1804)


Le Décret Impérial du 23 Prairial An XII (5 juin 1804) : La Double Rupture

L'acte législatif fondamental qui structure le droit funéraire contemporain est le Décret Impérial du 23 Prairial An XII (5 juin 1804). Ce texte, promulgué sous Napoléon Bonaparte, visait une double rupture avec l'héritage de l'Ancien Régime.

D'une part, il répondait à des impératifs sanitaires. L'obligation principale était l'interdiction stricte des sépultures intra-muros pour éloigner les miasmes et les risques d'insalubrité des centres-villes.

Le décret imposait donc le transfert des cimetières hors des limites des communes et des habitations. Les grandes nécropoles modernes, telles que le Père-Lachaise, ont été créées à la suite de ce décret dès 1804, marquant l'avènement du cimetière extra-muros.

D'autre part, le décret répondait à des impératifs idéologiques et de police. Dans le contexte post-révolutionnaire, l'État entendait reprendre le contrôle sur la gestion des cimetières qui avaient été traditionnellement liés à l'Église.

Le décret a ainsi réalisé la municipalisation du service funéraire, transférant l'autorité de la Fabrique religieuse au Conseil Municipal et au Maire. Ce processus de reprise en main par l'autorité civile sur l'espace sépulcral est un préalable essentiel à la laïcisation complète qui sera mise en œuvre par la Troisième République.

Le décret de Prairial An XII a également établi des règles précises concernant l'éloignement. 

Le Décret du 7 mars 1808 a ensuite instauré un rayon de distance minimal autour des nouveaux cimetières transférés hors des communes.

Ce principe s'appliquait même aux villages les plus modestes. Afin d'assurer l'application uniforme sur le territoire, l'Ordonnance royale du 6 décembre 1843 étendit formellement à toutes les communes du royaume les prescriptions de Prairial en matière de translation des cimetières.


L'Institution du Régime des Concessions Funéraires

Un autre apport majeur du Décret de Prairial An XII fut l'établissement du régime des concessions funéraires, créant un droit d'usage privatif sur un espace public.

Le Titre III du décret, dans son Article 10, permeflait l'octroi de "concessions de terrains aux personnes qui désireront y posséder une place distincte et séparée, pour y fonder leur sépulture et celle de leurs parents ou successeurs et y construire des caveaux, monuments ou tombeaux".

Ce système initial, bien que ne mentionnant pas explicitement les termes de concessions "à perpétuité" ou  "temporaires", posait le principe de la sépulture familiale durable.

L'acquisition de ces concessions était, selon l'Article 11, initialement conditionnée par des obligations caritatives, nécessitant des "fondations ou donations en faveur des pauvres et des hôpitaux, indépendamment d’une somme qui sera donnée à la commune".

Ce mécanisme hybride introduit une logique de marché dans le service public funéraire, permettant aux familles d'acquérir un droit réel de jouissance sur un bien appartenant au domaine public communal.



LA GESTION ADMINISTRATIVE ET LE RÉGIME DES SÉPULTURES (1805-1870)


La Police des Cimetières et les Pouvoirs du Maire

Tout au long du XIXe siècle, la gestion des cimetières relève quasi exclusivement des communes, à l'exception de cas très marginaux comme les nécropoles militaires ou de rares cimetières confessionnels privés subsistants.

Le Maire exerce un pouvoir de police spéciale sur les lieux de sépulture, le désignant comme le garant de l'ordre public, de l'hygiène et de la salubrité.

Ses pouvoirs sont étendus : il est compétent pour choisir l'emplacement des concessions et délivre les autorisations nécessaires à toute inscription ou construction. Aucune inscription ne peut ainsi être placée sur les pierres tumulaires ou monuments funéraires sans avoir été préalablement soumise à son approbation.

Il est également chargé de veiller à ce que les règlements intérieurs du cimetière soient respectés, notamment en ce qui concerne l'entretien et les dimensions (hauteur des végétaux, emprise au sol) des sépultures.

L'administration a clarifié que l'aménagement du cimetière est une charge obligatoire. Une décision ministérielle de 1859 a confirmé que l'agrandissement d'un cimetière, lorsqu'il est destiné à pallier une insuffisance de terrain pour l'inhumation des morts, doit être considéré comme une "dépense obligatoire" pour la commune.


Les Formalités de l'Inhumation

L'inhumation est un acte strictement encadré par l'autorité administrative. Au XIXe siècle, comme aujourd'hui, l'inhumation d'une personne nécessitait obligatoirement la constatation du décès par un médecin et la délivrance d'un permis d'inhumer par l'autorité municipale (ou le Procureur en l'absence de certificat médical). Cette procédure garantissait le contrôle étatique de la mortalité par l'intermédiaire de l'état civil.

L'organisation des obsèques était également soumise à des délais stricts, initialement motivés par les préoccupations sanitaires. L'organisation des funérailles devait être réalisée dans un délai contraint (fixé plus tard à six jours) à compter du décès, soulignant la primauté des impératifs d'ordre public sur les considérations familiales ou religieuses immédiates.


Les Actes Législatifs Fondamentaux (1804–1887)

- 23 Prairial An XII (5 juin 1804), Décret Impérial : Hygiène et Organisation - Obligation d'inhumation extra-muros ; municipalisation des cimetières ; introduction des concessions.3

- 7 Mars 1808, Décret Impérial : Police sanitaire - Fixation du rayon de distance minimal autour des nouveaux cimetières.

- 6 Décembre 1843, Ordonnance Royale : Consolidation - Étend l'application des prescriptions de Prairial An XII à toutes les communes.

- 14 Novembre 1881 Loi Neutralité et Laïcisation Suppression des divisions confessionnelles obligatoires ; instauration du cimetière public neutre et interconfessionnel.3

- 15 Novembre 1887 Loi : Liberté de Conscience - Garantie du droit de choisir la forme (civile ou religieuse) des funérailles.



LES GRANDES RÉFORMES DE LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE (1870-1900) : LA LAÏCISATION DU SERVICE FUNÉRAIRE


La fin du XIXe siècle, sous la Troisième République, est caractérisée par une série de lois visant à retirer définitivement l'influence religieuse sur le service public funéraire, parachevant ainsi la transition administrative initiée en 1804.


La Neutralité du Cimetière Communal (Loi de 1881)

La Loi du 14 novembre 1881 est un jalon essentiel dans la laïcisation de l'espace funéraire public. Elle a supprimé les divisions confessionnelles obligatoires au sein des cimetières. Jusqu'alors, de nombreux cimetières comportaient des carrés distincts réservés aux différentes confessions.

À partir de cefle loi, le cimetière communal a été déclaré interconfessionnel et neutre, interdisant toute ségrégation ou distinction par religion pour les inhumations. Cette mesure garantissait l'égal accès au lieu de sépulture pour tous les citoyens, quelles que soient leurs croyances. 

La loi de 1881 s'inscrit directement dans la démarche de laïcisation républicaine, précédant de près la loi sur la liberté des funérailles et la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État.


La Liberté Individuelle et les Funérailles (Loi de 1887)

La Loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles a consacré la liberté de conscience individuelle même au moment de la mort. Ce texte garantit à chaque citoyen le droit de choisir le caractère civil ou religieux de ses obsèques.

Cefle loi complétait l'œuvre de neutralisation de 1881. Si la loi de 1881 neutralisait l'espace physique, celle de 1887 neutralisait le rituel, officialisant l'enterrement civil comme une option légale et protégée.

À l'époque, l'enterrement civil et le développement de la crémation (qui se développait à l'étranger) étaient des moyens pour les courants anticléricaux d'affirmer leur position vis-à-vis de l'Église. La loi garantit la liberté de culte, ou d'absence de culte, dans les cérémonies funéraires.


Le Débat sur le Monopole des Pompes Funèbres

Pendant la majeure partie du XIXe siècle, les services extérieurs des pompes funèbres étaient souvent exercés sous un monopole, initialement détenu par les fabriques et consistoires religieux, leur assurant une position économique prépondérante.

La remise en cause de ce monopole par l'autorité religieuse a constitué un objectif politique majeur pour les républicains dès le début de la Troisième République, notamment en raison des difficultés rencontrées pour organiser les enterrements civils.

Les débats parlementaires intenses ont marqué les années 1880, exacerbés par les tensions relatives aux refus de certaines fabriques d'assurer le service des libres penseurs.

Bien que la loi définitive qui met fin au monopole religieux et instaure un monopole communal ne soit adoptée qu'en 1904 16, la lutte pour la suppression du monopole des inhumations fut une des caractéristiques juridiques et politiques majeures de la fin du XIXe siècle.



L'ÉVOLUTION DU RÉGIME DES CONCESSIONS (DROIT DES BIENS FUNÉRAIRES)


Nature et Classification des Concessions

Le régime de la concession, introduit en 1804 4, est le fondement du droit funéraire des biens. La concession est juridiquement définie comme un acte par lequel la commune accorde à un particulier un droit d'usage privatif et exclusif sur une parcelle du cimetière.

Ce droit n'est pas un droit de propriété sur le sol, mais un droit réel de jouissance sur l'emplacement destiné à recevoir une sépulture familiale.

Bien que le Décret de Prairial An XII ait initialement posé le principe de la sépulture durable, l'administration du XIXe siècle a développé différentes classifications de durées, incluant :

- Les Concessions à Perpétuité : Droit accordé pour la durée d'existence du cimetière. Ces concessions étaient particulièrement recherchées par les familles aisées.

- Les Concessions Temporaires : (Par exemple, 5, 15, 30 ans). Leur prix était généralement acquitté en même temps que la taxe municipale d'inhumation.

L'administration communale conserve le droit, encadré par la loi, de reprendre les concessions. Cette possibilité s'applique aux concessions non perpétuelles arrivées à échéance et non renouvelées, ou aux concessions de toute durée tombées en état d'abandon (procédure de constatation).


La Monumentalisation et le Financement des Cimetières

La possibilité d'acquérir une concession a eu un impact profond sur l'esthétique et l'organisation des cimetières. Elle a permis l'individualisation des sépultures et leur monumentalisation.

L'initiative privée a rapidement couvert les espaces d'inhumation de monuments, allant au-delà des simples "signes indicatifs" que l'on pouvait poser sur les fosses communes.

Le régime des concessions joue un rôle significatif dans le financement de ce qui est devenu un service public communal. La vente des concessions, en particulier dans les grandes villes où le développement des cimetières extra-muros (comme le Père-Lachaise) était coûteux, a contribué partiellement à financer l'extension et la maintenance de ces nouveaux espaces périurbains.

Ce mécanisme a permis d'équilibrer l'obligation (confirmée en 1859) de dépense de la commune pour fournir de l'espace  avec des revenus générés par les familles cherchant une sépulture durable.


Pouvoirs de Police du Maire sur les Cimetières au XIXe Siècle

Domaine d'Application Fondement Légal (XIXe Siècle) Rôle et Responsabilité du Maire

- Localisation et Hygiène, Décret de Prairial An XII, Ordonnance de 1843 : Décision d'éloignement, gestion de l'aménagement (plan du cimetière), garantie de la salubrité publique.

- Inhumation et État Civil, Réglementation administrative : Délivrance du permis d'inhumer, respect des délais légaux et de l'ordre public funéraire.

- Ordre Public et Neutralité, Lois de 1881 et 1887 : Veiller à la neutralité du lieu, interdire la ségrégation confessionnelle, assurer la liberté de la cérémonie (civile/religieuse).3

- Gestion des Concessions, Décret de Prairial An XII (Art. 10), Jurisprudence : Aflribution des emplacements, gestion des durées, reprise des concessions en état d'abandon.



ANALYSE DES TENDANCES ET DES CONSÉQUENCES JURIDIQUES


La Centralité du Décret de Prairial An XII : Un Acte Polymorphe

Le Décret de 1804 est traditionnellement analysé comme une mesure d'hygiène publique. Cependant, son impact le plus profond réside dans le déplacement de l'autorité. 

En imposant le transfert des cimetières extra-muros par impératif sanitaire, le décret a rendu nécessaire l'acquisition et la gestion des terrains par l'administration civile, c'est-à-dire la municipalité.

Ce changement d'autorité sur l'immobilier funéraire a retiré le contrôle opérationnel des mains de la Fabrique religieuse.

Ce contrôle administratif précoce a rendu la laïcisation ultérieure du cimetière, menée par la IIIe République, structurellement possible. L'État n'a pas eu besoin d'exproprier l'Église des cimetières au moment de la Loi de 1881 3, car l'espace était déjà, depuis des décennies, propriété et responsabilité de la commune (un service public laïcisé de facto). 

L'action de 1804 a ainsi créé la condition spatiale et administrative nécessaire à l'établissement du principe de neutralité en 1881.


Le Paradoxe de l'Égalité et de la Stratification Sociale

Les lois républicaines de la fin du siècle (1881 et 1887) avaient pour objectif idéologique de garantir l'égalité et la neutralité confessionnelle dans la mort. Le service funéraire de base (l'inhumation en terrain commun) était un bien universel et gratuit.

Cependant, le maintien et l'essor du régime des concessions, initialement codifié en 1804, ont permis aux familles fortunées d'acquérir des droits d'usage exclusifs et permanents (concessions perpétuelles).

Le système a ainsi favorisé l'investissement dans des monuments ostentatoires, transformant le cimetière républicain, espace de neutralité légale et d'égalité devant la loi, en un lieu de forte stratification sociale et visuelle. 

Le droit à la sépulture était égalitaire, mais la possibilité de représentation du défunt était conditionnée par la richesse, créant un contraste saisissant entre les tombes anonymes et les mausolées durables.


La Primauté de la Police Administrative

L'encadrement des inhumations au XIXe siècle démontre que le droit funéraire est, fondamentalement, un droit de police administrative soumis au contrôle du Maire et du Préfet, avant d'être un droit civil de l'individu.

Le corps du défunt et le lieu de sépulture sont intégrés au domaine de la santé publique et de l'ordre. L'inhumation n'est pas un droit inconditionnel, mais un acte soumis à une autorisation administrative (le permis d'inhumer).

De même, l'usage des concessions est subordonné au pouvoir de police du maire pour les questions d'hygiène et d'ordre.

Ce modèle garantit que le maire demeure le gardien de l'équilibre entre les droits privés (le droit familial sur la concession) et l'intérêt général (la salubrité et l'optimisation de l'espace public).

La prépondérance de la police administrative assure la gestion et l'évolution du cimetière, même face aux droits acquis par les familles.



CONCLUSION : L'HÉRITAGE DU XIXe SIÈCLE


Le XIXe siècle fut déterminant pour l'établissement du droit funéraire français, opérant trois ruptures fondamentales. 

La rupture spatiale, imposant le cimetière extra-muros, a été la cause initiale de la rupture administrative, transférant la gestion de l'Église à la commune. Cefle municipalisation a rendu possible la rupture idéologique, consacrée par les lois de la Troisième République garantissant la neutralité de l'espace et la liberté de choix des funérailles.

Le modèle français qui en a émergé est celui d'un service public communal, universellement ouvert et neutre. Ce modèle repose sur un socle juridique complexe où le Décret de Prairial An XII de 1804 et les lois de laïcisation de 1881 et 1887 constituent les piliers légaux. 

L'héritage de ces lois demeure le squelette du droit funéraire actuel, dont les principes continuent de structurer le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).





vendredi 17 octobre 2025

1416-CASTAINGS : PORTRAITS STÉRÉOSCOPIQUES DES DE GRAAF


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- CASTAINGS Bernard Ambroise (1800-1876), Portraits stéréoscopiques
 de Jacob Christiann de Graaf
, Paris, sans date,
Collection privée W. (Allemagne).



VOIR SUR YOUTUBE LA VIDÉO DU MUSÉE CARNAVALET DE PARIS 

(2024, 3 MIN 32) INTITULÉE :

PARIS EN RELIEF : HISTOIRE DE LA STÉRÉOSCOPIE




INTRODUCTION


Trois daguerréotypes stéréoscopiques, conservés dans une Collection privée (Collection W., Allemagne), offrent des portraits de membres de la Famille néerlandaise de Graaf, réalisés par "Mr. Castaings", photographe parisien (Images 1 à 3).

Le but de cet article est d'étudier ce photographe et ces trois plaques daguerriennes qui, par ailleurs, semblent les seules connues de cet artiste.



I - LE PHOTOGRAPHE : BERNARD AMBROISE CASTAINGS (1800-1876)



SAINTE-MARIE-DE-GOSSE (LANDES)


Bernard Ambroise Castaings est né le 5 mai 1800 (16 floréal an VIII) à Pinaquy, commune de Sainte-Marie-de-Gosse (Landes). Il est le dernier né (des quatre fils) de Bertrand Castaings, charpentier (1768-1854) et de Jeanne Bertrande Lesbaches (1772-1846), qui se sont mariés dans cette commune le 21 novembre 1792.



PARIS


Instituteur

Rien n'est connu de la vie de Bernard Ambroise Castaings avant la date de son mariage (acte non retrouvé), avec Thérèse Labbé (née le 17 mai 1810 à Paris, 11ème arrondissement). Les époux ne semblent pas avoir d'enfant. 

Un emprunt, contracté le 23 mai 1842, par Bernard Ambroise, "instituteur", et son épouse, est cité dans plusieurs actes notariés postérieurs (rente annuelle viagère de 560 fr. ; actes des 29 mars 1846, 22 mars 1849 et 16 novembre 1859 ; Paris, Archives notariales de Charles Victor Lamy).

Cet emprunt est peut-être lié au Cabinet de lecture qu'il ouvre à cette époque (librairie-bibliothèque privée, permettant grâce à un abonnement modique du client, d'accéder à des journaux et ouvrages, à lire sur place ou à emporter). L'Annuaire Général du Commerce de 1844, situe ce dernier, boulevard Saint-Denis, 6  

Bernard Ambroise Castaings cède cependant ce Cabinet de lecture dans l'année 1844, à M. Hebert (Annuaire Général du Commerce de 1845) et devient maître de pension à la rentrée scolaire d'octobre 1844.

Il acquiert en effet un externat auprès de M. François Sanglier. Il porte cependant rapidement plainte contre ce dernier, ayant "été trompé tout à la fois et sur le nombre des élèves et sur le montant des pensions payées par chaque élève". Il gagne son procès mais se voit peu dédommagé (Journal des débats politiques et littéraires du 21 février 1845).

Bernard Ambroise Castaings est à nouveau dit, "maître de pension", dans l'Annuaire Général du Commerce de 1846 puis de 1847, rue du Faubourg Saint-Denis, 65, ainsi que dans l'acte notarié du 29 mars 1846 (rente viagère).

Au début des années 1850, il tient cette fois une institution, rue de la Banque, 5. 

La Société pour l'instruction élémentaire lui accorde une mention honorable pour l'année scolaire 1851-52, au titre de l'enseignement libre (Journal d'Education Populaire - Bulletin de la Société pour l'Instruction Elémentaire, juin-juillet 1852, p. 232).

Bernard Ambroise Castaings reste à cette adresse jusqu'en 1854 ou 1855 puis change d'adresse et de profession (Annuaire Général du Commerce de 1852, 1853, 1854 ; son nom est absent de celui de 1855).


2- CASTAINGS Bernard Ambroise (1800-1876), Portraits stéréoscopiques
 de Hendrica Petronilla Be
rg, épouse de Graaf, Paris, sans date,
Collection privée W. (Allemagne).


Photographe

La date de sa formation à la photographie n'est pas connue mais il s'installe donc en 1854 ou 1855, comme photographe, rue du Faubourg Saint-Denis, 66 et 67 (10ème arrondissement) (Annuaire Général du Commerce de 1856). 

En septembre 1856, il prend ensuite un associé :

"Suivant acte sous signature privée, fait double à Paris [chez M. Pergeaux, agent d'affaires], le dix septembre mil huit cent cinquante-six, enregistré le seize du même mois, M. Bernard-Ambroise CASTAINGS DE NOLIBOY [!], artiste en photographie et en daguerreotype, demeurant à Paris, faubourg Saint-Denis, 67, et M. Alexandre-Eléonore THIERRY, rentier, demeurant à Vaugirard, rue de Sèvres, 82 [commune qui ne sera annexée à la ville de Paris qu'en 1859], ont formé entre eux une société de commerce en nom collectif qui, aura pour objet l'exploitation de la photographie. 

Cette société durera six années consécutives à partir du quinze septembre mil huit cent cinquante-six. Le siége est présentement à Paris, faubourg Saint Denis, 67. La raison sociale sera CASTAINGS et THIERRY, et les signatures des deux associés seront obligatoires pour engager la société" (Le Droit du 20 septembre 1856).

Rien n'a été découvert sur la suite de cette société mais il est probable que c'est une association financière et que M. Thierry n'exerce pas la profession de photographe.

"Castaing (sic), daguerréotypes" (Annuaire-Almanach du Commerce, de 1857 à 1861) puis "Castaing (sic), photographe" (Annuaire..., de 1862 à 1865), officie toute une décennie à cette adresse de la rue du Faubourg Saint-Denis, 67.

Cependant, c'est bien sous le nom de "Castaings" (avec le "s" final) qu'il identifie ses épreuves conservées, que ce soit au revers des trois portraits stéréoscopiques sur plaques daguerriennes étudiés, "Mr. Castaings, - Artiste Professeur" (texte imprimé) ou des deux cartes de visite sur papier connues, "Castaings - 67, Faubg. St. Denis" (tampon manuel à l'encre bleue ; Collections privées).

A l'automne 1860, "Castaings, soixante ans, photographe, faubourg Saint-Denis, 67, prévenu d'outrage à la morale publique et de publication de dessins sans autorisation", se voit condamné à quatre mois de prison et 800 fr. d'amende, pour ses photographies obscènes de sept jeunes blanchisseuses, lingères, brocheuses ou fleuristes, âgées de 17 à 21 ans (Le Droit du 11 octobre 1860).

Âgé de 65 ans, il cesse toute activité professionnelle en 1865. Après cette date, son nom n'est plus cité dans les annuaires parisiens. 

Le 13 février 1876, il décède "à son domicile du quai [de] Jemmapes, 108 [10ème arrondissement], âgé de 75 ans (...), instituteur, époux de Thérèse Labbée (sic), âgée de 64 ans, sans profession". Il est inhumé, le 15 février, au Cimetière de Saint-Ouen.

Son épouse décèdera le 15 août 1882, à l'âge de 72 ans, à son domicile de la rue du Point du jour, 65 (16ème arrondissement). Elle sera inhumée, le 17 août, au Cimetière des Batignolles (17ème arrondissement).



II - LES PORTRAITS DE LA FAMILLE DE GRAAF


Description

Les trois plaques (en cuivre argenté de 17x8,5 cm environ ?), conservées en Allemagne (Collection privée W.), présentent trois personnes dont deux sont identifiées : le notaire  d'Utrecht (Pays-Bas), Jacob Christiaan de Graff (Utrech 1814-Utrecht 1895) (Image 1) et Hendrica Petronilla Berg (Amsterdam 1817-Utrecht 1879) (Image 2), qui se sont mariés à Utrecht le 12 mai 1842.

Le couple ne semblant pas avoir eu d'enfant, la troisième personne, qui est une jeune femme, est potentiellement l'une des jeunes soeurs célibataires de Jacob Christiaan de Graff, Clasina Hilledonga (1830-1876) ou Johanna Berendina de Graaf (1832-1866) (Image 3).

Les trois personnes sont photographiées dans le studio du photographe Bernard Ambroise Castaings, comme le rappelle l'étiquette collée au verso de chacun des daguerréotypes stéréoscopiques : 

"Rue du Faubourg-Saint-Denis, n° 67, - à côté de celle des Petites Écuries. -  PORTRAITS SUR PLAQUE ET SUR PAPIER  - M. CASTAINGS, ARTISTE PROFESSEUR. - se transporte à domicile après décès.".

Les trois portraits présentent, d'une manière traditionnelle, chacun des personnages assis (les deux femmes sur une chaise et l'homme sur un siège non visible), tourné de trois-quarts et cadré de près (corps coupés aux genoux, tête centrée et proche du sommet de l'image). 

Il appuient leur bras droit sur une petite table, recouverte d'une nappe et placée au-devant d'un rideau. Ils sont élégamment vêtus d'habits alternant les tissus sombres et clairs. 

Les femmes portent une coiffe (bonnet ou capote de soie), attachée sous le menton par un grand noeud, un châle à rayures sur les épaules et une robe à motifs géométriques. L'homme porte une veste sombre et longue (au genou), un noeud papillon large et noir sur une chemise blanche et un gilet et un pantalon clairs ; il présente obliquement, de la main gauche, une canne de marche au pommeau en ivoire.

La lumière venant de la droite et l'application discrète de couleurs illuminent les zones les plus claires : les chairs (visages et mains), une partie des tissus (vêtements, nappe, rideau) et l'or des bijoux (chaîne de montre de M. de Graff, alliance et montre au poignet de son épouse).

Il est cependant à noter que les mêmes éléments du décor, comme la nappe ou le rideau, peuvent varier de couleur d'un portrait à l'autre (homme et femmes), voire entre les deux épreuves d'un même portrait (M. de Graaf).


3- CASTAINGS Bernard Ambroise (1800-1876), Portraits stéréoscopiques
 d'une jeune femme de la Famille
 de Graaf, Paris, sans date,
Collection privée W. (Allemagne).


Datation

La date du voyage en France du notaire Jacob Cristiaan de Graaf et des ses proches n'est pas connue. 

Si l'on se fonde sur les renseignements qui concernent la carrière de Bernard Ambroise Castaings, ces portraits peuvent être datés entre 1854/55 et 1865.

Bernard Ambroise Castaings se dit, lors de son association en 1856, "artiste en photographie et en daguerreotype", fait la publicité pour ses "daguerréotyypes" dans les annuaires suivants puis s'y désigne comme, "photographe", dès 1862.

On serait donc tenté de dater les portraits étudiés du milieu des années 1850 mais rien ne permet de l'affirmer.

L'effet de stéréoscopie (défini dans les années 1830) s'applique aux plaques daguerriennes dès 1839. Cependant, son développement est freiné, au niveau des portraits, par de nombreuses contraintes, notamment liées à la réalisation de deux images décalées (réalisées successivement par le même appareil ou, parfois, simultanément par deux appareils) et aux longs temps de pose. 

Si certains photographes se spécialisent dans les portraits stéréoscopiques sur plaques daguerriennes dès le milieu des années 1840, il faut cependant attendre l'invention du premier objectif binoculaire, en 1850, pour voir se développer ce genre.

Le succès populaire des portraits stéréoscopiques s'accroît dans les années suivantes mais l'usage du collodion albuminé, qui dès lors favorise la photographie sur verre puis sur papier, entraîne la disparition progressive des plaques daguerriennes.

L'Exposition Universelle de Paris en 1855, marque le net recul du daguerréotype, sauf pour les épreuves stéréoscopiques auxquelles certains artistes vont rester fidèles pendant plusieurs années encore.

"Le portrait stéréoscopique est en ce moment en vogue (…). Réussi comme épreuve [effets de relief] et intelligemment colorié, le portrait stéréoscopique a un charme sans égal" (Eugène Disdéri, Panthéon de l'Industrie, 1855, p. 22).

 "Le daguerréotype sur plaque est bien abandonné aujourd’hui et n’a qu’un petit nombre de représentants à l’Exposition, en Angleterre, en France et aux États-Unis ; quelques-uns ont cependant envoyé des plaques où l’on retrouve poussées à leur perfection toutes les qualités du genre. Ce sont principalement des portraits ou des épreuves stéréoscopiques" (Gazette Nationale du 26 octobre 1855).

À l’Exposition de Paris de 1861, "la photographie l’emporte tellement sur la daguerréotypie que celle-ci est à peu près abandonnée" (Le Sémaphore de Marseille du 5 septembre 1861).

"Le daguerréotype, malgré la perfection à laquelle il était arrivé présentait cependant encore de grands inconvénients, le miroitage de la plaque, l’impossibilité de reproduire avec un premier type un nombre indéfini d’épreuves, le prix élevé des épreuves..." (Le Temps du 22 octobre 1861).