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dimanche 27 octobre 2019

1069-NICE, LE BOULEVARD CARABACEL-1 (1850-1875)




1- ALEO Miguel (1824-c.1900), Nice, Vue prise du Château, détail, vers 1863-64,
tirage, de 22,5x15,5 cm, dans les années 1930 (vers 1935), d'une prise de vue ancienne, Collection personnelle. 
Détail du quartier (de) Carabacel, avec de droite à gauche, première ligne de bâtiments : 
Villa Marion, Villa Boïeldieu, quatrième Villa Joly, Maison Ciaudo, Maison Blanchi, Villas Boutau, Maison Tori (Grand Hôtel de Nice).
Deuxième ligne de bâtiments :
deux Villas Francinelli, trois Villas Joly (actuelle Villa Beau-Site) (avec au-dessus la Villa Ferrara), Villa Victoria, Villa Cairaschi de Saint-Victor.
Troisième ligne de bâtiments :
Villa de l'Hermitage ou Villa Venanson, Villa familiale Boutau, Villa Coulmann.



DERNIERE MODIFICATION DE CET ARTICLE : 21/04/2023




Cet article a été écrit en collaboration avec Véronique Thuin-Chaudron, historienne de l'architecture.


NICE, LE BOULEVARD CARABACEL


Au milieu des années 1850, la "route de Saint-Barthélémy et de Cimiès" (dite aussi route du Ray et d'Aspremont), située au nord du Nouvel Hôpital Civil en construction (Hôpital Saint-Roch, première campagne de travaux de 1853-1859), serpente au bas de la colline de Carabacel. Elle longe du côté sud (ville) des prairies, vergers et potagers et, du côté nord (colline), quelques propriétés et villas précédées de grands jardins (plan indicateur de 1856 - voir sur Gallica)

Les terrains situés du côté nord, en bord de route, se continuent sur le flanc de la colline et permettent la construction échelonnée de plusieurs villas par le même propriétaire. A partir de novembre 1855, nombre de ces terrains (partie orientale de la colline) appartiennent au chanoine Eugène Spitalieri de Cessole (Nice 1784-Nice 1864), abbé de Saint-Pons, qui les vend en 1857 et 1858 pour accomplir ses bonnes œuvres.

Dans la Revue de Nice du 1er octobre 1859 (p 5), on peut lire : "Sur le côteau de Carabacel, il vient de s'élever un quartier qui par l'élégance de ses constructions, autant que par la situation des lieux, est certainement un des plus beaux et l'un des plus salubres de tout le pays".

Les constructions qui se sont multipliées du côté nord entre 1855 et 1860 (plan du 12 septembre 1860) vont se multiplier ensuite du côté sud à partir de 1860 (plan de 1865).


2- ALEO Miguel (1824-c.1900), Nice, Vue prise du Château, détail, vers 1863-64,
tirage, de 22,5x15,5 cm, dans les années 1930 (vers 1935), d'une prise de vue ancienne, Collection personnelle.
Détail du quartier (de) Carabacel, avec de droite à gauche, première ligne de bâtiments : 
Villa Marion, Villa Boïeldieu, quatrième Villa Joly, Maison Ciaudo, Maison Blanchi, Villas Boutau, [Maison Tori (Grand Hôtel de Nice), non visible ici].
Deuxième ligne de bâtiments :
deux Villas Francinelli, trois Villas Joly (actuelle Villa Beau-Site) (avec au-dessus la Villa Ferrara), Villa Victoria [Villa Cairaschi de Saint-Victor, non visible ici].
Troisième ligne de bâtiments :
Villa de l'Hermitage ou Villa Venanson, Villa familiale Boutau, Villa Coulmann.

3- Détail du Plan indicateur de la Ville de Nice, 1865, édité par Charles Jougla, Paris, BnF (voir sur Gallica),
Tracés du Chemin de Saint-Barthélémy et du futur boulevard Carabacel 
(alignements prévisionnels du plan régulateur exprimés en rouge).



Suite au projet de la municipalité de 1862 de rectifier et d'élargir le "chemin de Saint Barthélémy" (cessions de terrains), les travaux sont engagés dès septembre 1864. Le tracé du nouveau boulevard est plus large et plus septentrional, se rapprochant des propriétés bâties.

Le rectiligne "boulevard Carabacel" est finalisé fin 1865-début 1866, en suivant globalement l'alignement prévu du plan régulateur, et planté de deux rangées d'arbres symétriques (Conseils Municipaux 1862-1866 ; Journal de Nice du 27 août 1865 et du 21 avril 1866 ; plan de 1865 ci-dessus, image 3).

Dès août 1866, les habitants du quartier réclament l'éclairage au gaz pour desservir les cinq hôtels du boulevard et les villas environnantes (Journal de Nice du 8 août 1866 p 2).

Si les journaux citent le "boulevard Carabacel" dès 1866, les anciennes appellations de route, rue ou chemin "Saint-Barthélémy" vont cependant perdurer parallèlement jusqu'au début des années 1870.

Le boulevard est bordé d'hôtels, de pensions et de villas de location entourés de jardins toujours fleuris, plantés de palmiers, d'orangers et d'oliviers, offrant aux hivernants luxe et confort dans un quartier au climat bienfaiteur, un peu éloigné de la mer (dont la proximité est déconseillée aux poitrines délicates), à l'abri de la poussière, des vents forts et des bruits de la ville mais avec des points de vue admirables sur la ville et la mer (Macario, De l'influence médicatrice du climat de Nice, 2° éd., 1862 p 157 ; Dr Henri Lippert, Le climat de Nice : ses propriétés hygiéniques, son application thérapeutique, 1863 p 31 ; voir sur Gallica).

Les Echos de Nice de la saison 1865-1866 citent : le Grand Hôtel de Nice, l'Hôtel Prince de Galles, l'Hôtel de Paris, la Pension des Étrangers (Listes des Étrangers présents aux Hôtels et publicités, iciS'ajoutent dans les deux années suivantes, l'Hôtel de Londres, l'Hôtel d'Europe et d'Amérique, l'Hôtel et Pension de Genève et l'Hôtel Périno. 

Ces hôtels et pensions sont majoritairement installés dans des bâtiments déjà construits mais récents (image 2) et sont situés du côté nord du boulevard, sauf la Pension des Étrangers et l'Hôtel de Londres.

Les autres bâtiments situés à flanc de colline, à côté et au dos des hôtels, constituent d'ailleurs un ensemble de villas de rapport comme la Villa Marion (d'Antoine Marion), la Villa Boïeldieu (Marie Boïeldieu épouse Fighiera), la Villa Joly (Gabrielle Carrand veuve Joly) ou la Villa Victoria (plan de 1865, image 3 et "Listes des Étrangers nouvellement fixés à Nice" parues dans Les Echos de Nice de la saison 1865-1866, ici).

Dans son ouvrage Les Promenades de Nice (pp 78-79), publié en 1867, Emile Négrin écrit : "Au commencement de cette route [Saint-Barthélémy], à droite, les regards sont flattés par la gracieuse ligne architecturale que forment les villas Marion, Boïeldieu et Joly (images 2 et 3), de véritables villas toutes chargées de sculptures, et qui ne sont pas le moins bel ornement de ce beau quartier de Carabacel".

On accède aux villas à flanc de colline par plusieurs montées : l'une est située à l'extrémité est du boulevard (chemin de Saint-Charles) et les autres sont situées le long du boulevard (dont les actuelles montée Carabacel et impasse des Cèdres).

"Parisiens, anglais, américains ou allemands, nobles ou simplement bourgeois, tous riches (et il faut l'être) voyagent avec toute leur maison, leurs chevaux et leur cave ; ils louent une villa sur la hauteur de Carabacel ; leur famille est nombreuse, ils connaissent les habitants des villas voisines, se reçoivent et se réunissent. On y dîne en cravate blanche, à la russe, avec des fleurs sur la table et des valets de pied en culottes courtes. C'est la vie de l'at home élégant, transporté sous un riant climat. Les enfants y sont très nombreux ; on rencontre dans les ruelles qui mènent à ces villas des institutrices coiffées avec des anglaises d'un autre âge, conduisant avec dignité de jolies petites filles aux cheveux flottants et des petits garçons à jambes nues costumés en Écossais" (Le Monde Illustré du 12 janvier 1867 p 19).

Pendant plusieurs décennies, personnalités et souverains vont se succéder dans ce quartier de la ville.

Les photographes (J. Lévy, Joseph Silli, Furne et Tournier, Jean Andrieu, Miguel Aleo, Albert Pacelli, Charles Nègre, Jean Walburg Debray, Eugène Degand, Léonard de Saint-Germain, Etienne Neurdein, Jean Giletta...) vont réaliser des prises de vues éloignées de l'ensemble du quartier Carabacel et de sa colline (le plus souvent depuis la Colline du Château, parfois de la terrasse de l'Hôtel des Anglais ou de la tour du Casino de la Jetée Promenade, voire depuis le Mont Boron) et de plus rares vues rapprochées du boulevard Carabacel. Ce sont cependant essentiellement les constructions présentes sur côté droit (nord) du boulevard et la colline qui sont visibles sur les photographies.

Les photographies les plus anciennes montrant le quartier Carabacel semblent, vers 1858-1859, celle de J. Lévy (Isaac Lévy, dit Georges, 1833-1913), conservée au Eastman Museum de Rochester (Etat de New York - plaque de verre, ici), montrant une large vue du quartier et celle de Joseph Silli (vues stéréoscopiques, Collection privée), axée sur la partie orientale du chemin Saint-Barthélémy. 
    
La plaque de verre positive réalisée dans le cadre de l'atelier Ferrier et Soulier racheté par J. Lévy (leur ancien employé) en 1864, peut être datée vers 1858-1859 car elle semble montrer la première campagne de travaux de l'Hôpital Saint-Roch achevée ou en cours d'achèvement (1853-1859) mais ne montre pas encore certaines constructions visibles sur la vue stéréoscopique de Furne et Tournier, datée pour sa part vers 1859-1860 et citée dans leur catalogue de 1861 (image 10).

Trois plaques de verre négatives de Charles Nègre, conservées aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes, offrent également des vues montrant en détail le quartier Carabacel, vers 1865-1868 (cotes : 08FI0028 - 08FI0068 - 10FI0453).

Deux photographies ci-dessous d'Eugène Degand (images 4, 5, 6, 7) permettent cette fois de découvrir des vues rapprochées du boulevard Carabacel dans la première moitié des années 1870. Les deux prises de vues, proches dans le temps et toutes deux prises depuis le côté sud-est du boulevard, sont complémentaires.

La première photographie, prise légèrement en hauteur depuis le terrain de la propriété Barthélémy (qui étrangle l'entrée est du boulevard), offre une vue globale, montrant toute la longueur et les deux côtés du boulevard Carabacel.



4- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice. Boulevard Carabacel, vers 1869-1874,
tirage vers 1869-1874,
tirage albuminé de 15,1x9,7 cm, sur carton de 16,5x10,9 cm, Collection personnelle.
En pied de colline, au bord du côté nord du boulevard sont présents, de droite à gauche (numérotation) :
 le Grand Hôtel de Paris (Villa Marion), le Palais à Marie, l'Hôtel d'Europe et d'Amérique, [l'Hôtel Périno, non visible],
la Maison Blanchi, les Villas Boutau, le Grand Hôtel de Nice, la Villa Burnet.


5- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice. Boulevard Carabacel, détail de la vue précédente, vers 1869-1874,
tirage albuminé de 15,1x9,7 cm, sur carton de 16,5x10,9 cm, Collection personnelle.
En pied de colline, au bord du côté nord du boulevard sont visibles, de droite à gauche (dans l'ordre de la numérotation de l'époque) :
 le Grand Hôtel de Paris (Villa Marion), le Palais à Marie, l'Hôtel d'Europe et d'Amérique, la Maison Blanchi.



La deuxième photographie, prise de beaucoup plus haut et plus à l'ouest, ne montre pas les extrémités du boulevard ni son côté sud mais révèle l'ensemble de son côté nord, ainsi que le flanc et le sommet de la colline de Carabacel et permet de découvrir les portails, jardins et rez-de-chaussée des villas.


6- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice. Boulevard Carabacelvers 1871-1873,
tirage vers 1879-1880,
tirage albuminé de 15,1x9,7 cm, sur carton de 16,5x10,9 cm, Collection personnelle.
En pied de colline, au bord du côté nord du boulevard sont présents :
[l'Hôtel de Paris et le Palais à Marie ne sont pas visibles], l'Hôtel d'Europe et d'Amérique, l'Hôtel Périno,
la Villa Blanchi, les Villas Boutau et le Grand Hôtel de Nice.
Le Palais à Marie est visible sur un tirage élargi (panoramique de 22,2x8,4 cm) 
de ce même cliché, conservé à Amsterdam, au Rijksmuseum
Ce tirage permet également de déchiffrer les caractères publicitaires peints sur le mur du bâtiment occidental de l'entrée de l'Hôtel Périno (au bord du boulevard) : "Annexe - Hôtel - Périno".



7- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice. Boulevard Carabaceldétail de la vue précédente, vers 1871-73,
tirage vers 1879-1880,
tirage albuminé de 15,1x9,7 cm, sur carton de 16,5x10,9 cm, Collection personnelle.
En pied de colline, au bord du côté nord du boulevard sont visibles, de droite à gauche (numérotation) :
 l'Hôtel d'Europe et d'Amérique, l'Hôtel Périno, la Villa Blanchi.




LES BÂTIMENTS LONGEANT LE BOULEVARD CARABACEL DU CÔTE NORD


Si l'on prend en compte l'ensemble des deux photographies, le boulevard Carabacel est longé du côté nord (sur la droite de l'image) et d'est en ouest (d'avant en arrière) par les bâtiments suivants, tous précédés d'un jardin :


- LA VILLA MARION DEVENUE LE (GRAND) HÔTEL DE PARIS (image 4) (n° 4 de l'actuel boulevard Carabacel, IPAG, depuis 1967)

La Villa Marion aîné est construite sur une parcelle de terrain achetée au chanoine de Cessole le 23 mars 1858 par Antoine Marion, jardinier (né à Montefano en 1821). Elle est en fin de construction sur la photo de J. Lévy (fin 1858-début 1859), est présente sur le plan de septembre 1860 puis sur la vue de Furne & Tournier de 1860 (Image 13) et de Miguel Aleo de 1864 (image 2) mais dépourvue d'enseigne. 

L'hôtel est cité dès 1865 dans Les Echos de Nice (ici). Une publicité qui paraît en p 4 du Journal de Nice, de mars 1867 à mai 1869, rappelle que "l'Hôtel de Bordeaux à Vichy est tenu par Jury, Propriétaire de l'Hôtel de Paris à Nice". En 1869, l'hôtel niçois est signalé dans l'Indicateur des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco publié par Léon Affairous, "Grand Hôtel de Paris, M. Juri (sic), boulevard Carabacel, 5" puis, dès 1870, dans le Guide d'Italie de Karl Baedeker. 

L’hôtel n'apparaît cependant dans les annuaires niçois qu'à partir de 1872, avec comme propriétaire (du fonds), Eugène Jury, 54 ans, qui y vit avec sa femme Julie et leurs trois enfants. Eugène Jury semble être né vers 1818 mais les listes électorales de la Ville de Nice du début des années 1870 le citent systématiquement né en 1820.

Le Guide des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco de D. Boistier publié en 1874 cite au n° 5 du boulevard, "Grand Hôtel de Paris, Jury (E.), propriétaire".

La partie centrale du bâtiment de plan rectangulaire est constituée de quatre niveaux à neuf baies de façade et est accostée symétriquement de parties latérales, de trois niveaux à deux baies, dominées par une terrasse à balustrade qui court sur toute la largeur du bâtiment. L'enseigne est accrochée au centre du sommet de la façade. Au troisième niveau, deux balcons rythment les extrémités de la partie centrale.

Cette configuration du bâtiment découle des conditions stipulées par le vendeur et les propriétaires voisins. L'acte de vente du 23 mars 1857 restreignait la hauteur des constructions à 9 m mais ces conditions ont été modifiées par la convention du 7 juin 1858 qui a permis 12 m aux extrémités et 16 m au centre. 



- LES MAISONS FRANCINELLI situées en arrière de la Villa Marion/Hôtel de Paris (actuel chemin de Saint-Charles)

Antoine Francinelli achète une parcelle de terrain au chanoine de Cessole le 14 juillet 1857 et fait construire au centre de son terrain une première maison avec 7 baies sur la façade sud (1857-58). Cette dernière est probablement surélevée suite à la convention passée avec le chanoine de Cessole, le 7 juin 1858, lors de l'achat d'une deuxième parcelle de terrain.

Il fait ensuite construire une deuxième maison à l'ouest de son terrain en 1861 (percée de 3 baies sur la façade sud) puis une troisième maison, côté est en 1862 (5 baies en façade sud et 2 en façade est).

Le 10 mars 1868, il demande l'autorisation de tripler la surface de sa maison la plus orientale. Cette dernière va être remplacée par une longue construction, percée désormais de 13 baies au sud et de 3 baies à l'est. Selon les photographies contemporaines, cette nouvelle construction ne semble cependant avoir été réalisée qu'à partir de la fin de l'année suivante (1869-70).



- LA VILLA BOÏELDIEU OU PALAIS À MARIE (image 4) (n° 6 de l'actuel boulevard Carabacel, Palais Royal, depuis 1905)

La Villa Boïeldieu est construite en 1857-1858 sur un terrain acheté au chanoine de Cessole le 14 juillet 1857 par Marie Claire Boïeldieu (née en 1813 à Toulon), épouse de César Fighiera/Fighera (mariés à Nice le 17 février 1849).

La villa est citée pour la première fois dans une annonce parue dans Les Echos de Nice du 26 octobre 1858, sous le nom de "Villa Albion, route St-Barthélémy" et est alors le siège d'un pensionnat (voir ci-dessous). L'Ecole privée pour Demoiselles Fighiera Boïeldieu était préalablement située rue Saint-François-de-Paule, 2 et ne comportait pas de pension (Pierre Cauvin, Guide du Commerce. Indicateur niçois, 1855 p 130).


8- Annonce parue d'octobre à décembre 1858 dans Les Echos de Nice,
Nice, Bibliothèque municipale Nucéra.



La Villa est présente sur la vue de J. Lévy (1858), sur le plan de 1860, sur la vue de Furne & Tournier de 1860 (Image 13) et sur celle de Miguel Aleo de 1864 (image 2). 

La villa est ensuite signalée dans la liste des "Villas et appartements à louer - Rue Saint-Barthélémy" de l'ouvrage de De Carli, Conseiller du touriste à Nice et dans ses environs, publié en 1864 (pp 36-37, ici) : "Villa Boïeldieu au n° 7, quartier Carabacel. - Grands appartements meublés et beau jardin. - Nouvel accès et position des plus agréables. - S'adresser sur les lieux".


9- Publicité pour la Villa Boieldieu parue dans le Guide aux stations d’hiver du littoral méditerranéen du Dr Lubanski, 1865, p XXXV.



Du fait de la vente sur saisie immobilière, cette propriété achetée par M. Durand le 30 septembre 1865 est connue dans le détail (Journal de Nice du 6 septembre 1865 pp 2-4). Elle est alors constituée :
- d'un terrain clos de 2.000 m2,
- d'un portail en fer soutenu par deux colonnes surmontées chacune d'un petit ange (visibles sur certaines photographies du XIX° siècle),
- d'un jardin planté de fleurs et arbres d'agrément, 
- d'un bassin ovale central avec jet d'eau, accosté d'une colonne surmontée d'une statue de la Madone (visibles sur certaines photographies du XIX° siècle), 
d'une fabrique en maçonnerie,
- d'une maison civile de 80 pièces composée de trois étages, d'un rez-de-chaussée à trois entrées (l'entrée principale étant précédée de deux rampes d'escalier en marbre) et d'un sous-sol (images 4 et 5).

Une petite annonce parue dans le Journal de Nice du 15 novembre 1865, précise que "La Villa Boïeldieu - Ayant changé de titre distinctif, avis est donné, qu'elle porte maintenant celui de : - Palais à Marie - ". Le nom de "Palais à Marie" ne vient donc pas du prénom de Madame Boïeldieu mais de celui de l'épouse du nouveau propriétaire, Madame Durand. 

Le Guide des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco de D. Boistier signale en 1874, "Palais à Marie, Durand (Mme veuve), propriétaire".

La maison, de plan rectangulaire, est constituée de quatre niveaux de neuf baies. La façade plaquée sur le bâtiment n'est cependant constituée que de trois niveaux dominés par une terrasse. Un portique de six colonnes sert d'entrée et porte une longue terrasse à balustrade. Aux extrémités de cette terrasse, trois colonnes formant tourelle portent à leur tour deux des trois balcons du niveau suivant.

Le portail en fer qui ouvre sur le boulevard Carabacel et la grille de clôture, visibles sur les photographies du XIX° siècle, subsistent de nos jours, doublés d'une plaque métallique et peints en noir. Le portail est encore dominé par sa lyre originelle ; cette dernière a perdu les étoiles qui la couronnaient mais a conservé la médaille cruciforme qui la soulignait. 

Cette lyre, emblème de la Musique et des musiciens, a permis à Véronique Thuin-Chaudron de démontrer que Marie Boieldieu appartenait à une prestigieuse famille de musiciens du côté paternel, avec surtout son grand-père le compositeur François Adrien Boieldieu (1775-1834) fait Chevalier de la Légion d'Honneur en 1820, mais également son oncle le compositeur Adrien Boieldieu (1815-1883) fait Chevalier de la Légion d'Honneur en 1852 et sa cousine la pianiste Louise Boieldieu (1840-1924), épouse du compositeur Emile Durand (1830-1903).

La propriété est saisie à nouveau en 1875 et achetée par M. Gilly le 31 décembre 1875. 



- LA VILLA JOLY DEVENUE LE (GRAND) HÔTEL D'EUROPE ET D’AMÉRIQUE (images 5, 6 et 14) (n° 8 de l'actuel boulevard Carabacel, Hôtel Impérial, depuis 1928 avec en arrière la Villa Beau-Site, n° 4 de l'actuelle montée Carabacel, façades conservées)

Le 23 mars 1858, Gabrielle Carrand (née à Lyon le 16 février 1806), veuve d'Etienne Joly (1791- Lyon 1845 ; mariés à Lyon le 19 août 1827), achète ce terrain au chanoine de Cessole. 

Les photographies permettent de voir qu'elle fait bâtir quatre villas entre 1858 et 1860 : trois villas au nord du terrain (en retrait du chemin de Saint-Barthélémy), avec dans l'ordre, la villa centrale (à la façade bleue), la grande villa orientale (à la façade lilas) et la villa occidentale (ces trois villas seront par la suite réunies sous le nom de Villa Beau-Site) et enfin une villa au sud (en bord de chemin), en avant de la villa orientale. 

On voit notamment la fin de construction de la villa nord occidentale et la construction en cours de la villa méridionale sur la photo ci-dessous (image 10). Ces Villas Joly sont ensuite présentes sur le plan dressé le 12 septembre 1860. 

Gabrielle Carrand, veuve Joly, revend la propriété à son gendre Jacques Nicolas (Nice 1811-Marseille 1894) le 15 avril 1865.


10- FURNE Charles Paul (1824-1875) & TOURNIER Henri Alexis Omer (1835-1885), 
De Nice à Gênes par la corniche - n°5, Nice, Vue prise du Château vers le Mont-Chauve, détail, vers 1860,
vues stéréoscopiques albuminées de 7x7,3 cm, sur carton de 17,5x8,4 cm, Collection personnelle.
La Villa Joly est visiblement en construction, sur la gauche de l'image.



La Villa Joly est citée dans la liste des "Villas et appartements à louer - Rue Saint-Barthélémy" de l'ouvrage de De Carli, Conseiller du touriste à Nice et dans ses environs, publié fin 1864 (pp 36-37, ici) : "Villa Joly au n°9. - 4 maisons confortablement meublées, belle exposition au midi ; on peut les diviser en plusieurs appartements. Chaque maison a la jouissance de son jardin. S'adresser sur les lieux". Elle est également signalée dans le Guide aux stations d’hiver du littoral méditerranéen du Dr Lubanski, 1865 (Image 11 ci-dessous).


11- Publicité pour les Villas Joly parue dans le Guide aux stations d’hiver du littoral méditerranéen du Dr Lubanski, 1865, p XXXV.



Ces villas de location vont être progressivement transformées en hôtel, en commençant par celle érigée au bord du Chemin de Saint-Barthélémy. Cette dernière est bien visible sur la photo de 1864 (image 2) mais encore sans enseigne.

C'est Bernard Balbi/Balby, responsable entre 1863 et 1866 de l'Hôtel Bellevue/de Belle Vue situé rue Saint-Etienne, qui fait une première demande à la municipalité le 20 septembre 1866, pour placer au 6, boulevard Carabacel, une enseigne portant les inscriptions, "Hôtel et Pension Américain". L'Hôtel Américain est bien dans la villa située au bord du boulevard mais la Pension Américaine occupe la villa située juste derrière.

L'hôtel porte ce nom pendant un an puis adopte celui de, "Hôtel d'Europe et d'Amérique" (demande du 27 mai 1867, arrêté du 11 juillet suivant, AM 2T 25-215 ; publicités dès octobre 1867) (Image 12 ci-dessous).


12- Publicité pour l'Hôtel et Pension Américain parue dans 
Les Echos de Nice du 15 septembre 1867 (Nice, Bibliothèque Nucéra)
et publicité (et listes des Etrangers) pour l'Hôtel d'Europe et d'Amérique parue
dans Les Echos de Nice (ici) dès le 5 octobre 1867.



L'Hôtel d'Europe et d'Amérique est ensuite cité dans l'Indicateur des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco publié en 1869 par Léon Affairous ("M. Balby, boulevard Carabacel") puis dans les annuaires niçois à partir de 1870 ("chemin de Saint-Barthélémy").

L'hôtel est constitué des quatre maisons construites par l'architecte Nicolas. "Le bail du propriétaire et du maître d'hôtel prévoit en 1869 que le premier devra construire une salle à manger et une cuisine, et qu'il reliera deux des maisons en construisant la partie vide qui les sépare" (Véronique Thuin-Chaudron, La construction à Nice de 1860 à 1914, Thèse de Doctorat d'Histoire, T I p 171). 

Il est possible que le lien évoqué entre deux maisons concerne le nouveau bâtiment aligné au revers de l'hôtel présent sur le plan cadastral de 1872 (Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 1G-Section A-Carabacel-1ère feuille) ou bien les villas aux façades ondoyantes aux corniches sculptées qui sont situées à l'arrière du bâtiment portant l'enseigne (images 2 et 6) et qui constituent l'actuelle Villa Beau-Site.

Les trois villas situées en arrière de l'Hôtel d'Europe et d'Amérique ont été visiblement transformées entre 1864 (images 2 et ci-dessous) et le début des années 1870 (image 6).

Sur la photographie de Miguel Aleo de 1863-64, les trois villas, de hauteur différente, sont indépendantes et ornées d'un large décor en stuc (image 13 ci-dessous).


13- ALEO Miguel (1824-c.1900), Nice, Vue prise du Château, détail, vers 1864,
tirage, de 22,5x15,5 cm, dans les années 1930 (vers 1935), d'une prise de vue ancienne, Collection personnelle.
Détail du quartier (de) Carabacel, avec de droite à gauche, première ligne de bâtiments : 
Villa Marion, Villa Boïeldieu, quatrième Villa Joly, Maison Ciaudo, Maison Blanchi.
Deuxième ligne de bâtiments :
deux Villas Francinelli (avec au-dessus la Villa Ferrara), trois Villas Joly, Villa Victoria.



Sur la vue d'Eugène Degand (image 6) ainsi que sur une photographie diffusée par E. Neurdein (stéréoscopies) dès 1869 et plus tardivement par Neurdein Frères (grand format, image 14 ci-dessous) et le distributeur niçois Lucchesi (stéréoscopies), les deux villas les plus occidentales ont été reliées entre elles et surélevées d'un niveau. 

La villa (arrière) la plus occidentale a été exhaussée en deux temps : en 1864 pour sa moitié droite (est) et en 1871-72 pour sa moitié gauche (ouest ; travaux en cours sur l'image 14) et elle a donc perdu sa large corniche en stuc.

La villa (arrière) centrale a été exhaussée, pour sa part, en 1869.


14- NEURDEIN Etienne (1832-1918), Nice. Boulevard Carabacel, ND, 155, vers 1869,
tirage de grand format postérieur à 1885, Archives Municipales de Nice.
Détail du quartier (de) Carabacel, avec de droite à gauche, première ligne de bâtiments : 
[Villa Marion non visible], le jardin du Palais à Marie [bâtiment non visible], l'Hôtel d'Europe et d'Amérique, l'Hôtel Périno,
la Villa Blanchi, les Villas Boutau et le Grand Hôtel de Nice.
Deuxième ligne de bâtiments :
 trois Villas Joly avec la villa la plus occidentale en travaux (actuelle Villa Beau-Site), Villa Victoria.
Troisième ligne de bâtiments :
Villa de l'Hermitage ou Villa Venanson, Villa familiale Boutau.



La villa située au bord du boulevard qui constitue l'Hôtel d'Europe et d'Amérique n'a pas été modifiée pour sa part. Elle est précédée au sud d'un jardin clos et arboré avec dans son angle sud-est un petit pavillon (au dôme surmonté d'un croissant de lune) et en son centre un bassin ovale (image 6 et ici). 

Le bâtiment, de plan rectangulaire, est constitué de trois niveaux de sept baies sur la façade sud (et de 4 baies sur les côtés). Il apparaît le plus petit mais le plus orné de l'alignement. En avant de la façade, un portique à colonnade aux extrémités arrondies est constitué de huit colonnes à chapiteaux dont les deux colonnes centrales ont leur fût décalé vers l'arrière. La porte d'entrée est accostée de deux figures engainées. Le portique reçoit la terrasse qui règne au second niveau, et un balcon, situé au centre du troisième niveau, reçoit l'enseigne de l'hôtel. 

Un large décor en stuc encadre l'ensemble des baies de la façade sud et règne au centre de la corniche. Le toit est une large terrasse bordée en façade qui reçoit elle aussi des éléments en stuc, avec un grand motif central accosté de deux figures féminines en ronde-bosse, de deux vases puis d'une figure aux angles.



- LA MAISON CIAUDO DEVENUE L'HÔTEL PÉRINO (images 7 et 14) (n° 10 de l'actuel boulevard Carabacel - façades conservées, et n° 12, Villa Tynderis, depuis 1894 - façades conservées)

Le bâtiment, propriété de Ciaudo, est construit avant 1856 et présent sur les plans de 1856 et de 1860. 

La maison est citée dans la liste des "Villas et appartements à louer - Rue Saint-Barthélémy" de l'ouvrage de De Carli, Conseiller du touriste à Nice et dans ses environs, publié en 1864 (ici, image 10).


15- Liste des "Villas et appartements à louer - Rue Saint-Barthélémy" de l'ouvrage de
 De Carli, Conseiller du touriste à Nice et dans ses environs, publié en 1864 (ici).



L'entrée de la propriété est accostée de deux petits bâtiments qui précèdent le jardin.

L'ensemble est visible sur la photo de Miguel Aleo de 1864 (image 2) mais encore sans enseigne.

Pierre Périno fait une première demande pour poser une enseigne au 11, boulevard Carabacel, Maison Ciaudo, le 11 septembre 1868 lors de l'ouverture de "l'Hôtel Perino" (AM, 2T28-392) puis une seconde demande en 1869, pour faire une inscription. L'enseigne apposée sur le bâtiment principal et l'inscription peinte sur l'un des deux bâtiments d'entrée sont visibles sur l'une des photos de Degand (image 5). 

L'Hôtel Périno est cité dans l'Indicateur des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco édité en 1869 par Léon Affairous mais n'apparaît dans les annuaires niçois qu'à partir de 1873.

Le bâtiment, de plan rectangulaire, n'a rien de remarquable. Il est constitué en façade de quatre niveaux percés de huit baies et reçoit deux balcons latéraux au troisième niveau et un balcon central au quatrième niveau.



- LA MAISON BLANCHI (images 5 et 14) (n° 14 de l'actuel boulevard Carabacel, Maison Blanche, depuis 2016)

Le bâtiment a été érigé entre 1856 et 1858, sur la propriété de Zéphyrin Blanchi, capitaine en retraite (cité dans l'annuaire de 1864) qui en a hérité à la mort de son épouse Joséphine Audiffret (en 1863).

Le bâtiment, vaste et allongé, n'a rien de remarquable. Il est constitué en façade de quatre niveaux percés de douze baies et ne possède aucun balcon. Une construction plaquée sur la moitié sud-ouest de la façade permet cependant l'existence d'une terrasse à hauteur du deuxième niveau.



- LES VILLAS ET PENSIONS BOU(T)TAU (images 4, 6 et 14) (notamment n° 20 de l'actuel boulevard Carabacel, Chambre de Commerce et d'Industrie, depuis 1921-1923)

Un immeuble élevé et deux autres bâtiments bas du même propriétaire sont présents sur le plan de 1860, visibles sur la photo de Miguel Aleo de 1864 (image 2) puis sur le plan de 1865. Joseph Boutau, rentier, Chevalier de la Légion d'Honneur, est adjoint au maire de Nice tout au long des années 1860.

Le bâtiment principal, de plan rectangulaire (en bord de boulevard) est constitué de trois niveaux percés en façade, de huit baies. En arrière, est élevé un autre bâtiment, vers 1865.

Le terrain, qui se continue sur la colline, est dominé par la Villa personnelle de Joseph Boutau (voir plus bas).



- L'IMMEUBLE TORI DEVENU LE (GRAND) HÔTEL (ET PENSION) DE NICE (images 4, 6 et 14) (façades conservées, n° 28 de l'actuel boulevard Carabacel, Palais de Nice depuis 1936 ou 1937 )

L'immeuble Tori est construit en 1863-1864, à flanc de colline. La photo de Miguel Aleo montre le bâtiment en construction (image 16 ci-dessous). 


16- ALEO Miguel (1824-c.1900), Nice, Vue prise du Château, détail, vers 1863-64,
tirage, de 22,5x15,5 cm, dans les années 1930 (vers 1935), d'une prise de vue ancienne, Collection personnelle. 
Le Grand Hôtel de Nice est visiblement en construction (en arrière de l'Eglise du Vœu et de l'Hôpital Civil).



L'immeuble Tori est loué dès 1864 et ouvert en décembre comme hôtel par Charles Kraft, 25 ans (Krafts ou Krafft, né en 1839 à Neuenbürg, Wurtemberg, Allemagne) sous le nom de Grand Hôtel de Nice. Il est le fils de Jean Kraft, propriétaire du Bernerhof de Berne dont le Grand Hôtel de Nice se recommande (images 17 et 18). 

Charles Kraft s'est récemment marié à Berne, avec Berthe, et leurs nombreux enfants vont naître à Nice.

 Le nom du Grand Hôtel de Nice apparaît dans les journaux dès décembre 1864 (image 17) et dans l'annuaire niçois et le plan de 1865 (image 3).

Une publicité pour le Grand Hôtel de Nice, qui paraît en 1865, stipule : "Cet établissement, situé sur la colline de Carabacel, quartier le plus chaud de Nice, et le plus recommandé des médecins, est à l'abri des vents, de la poussière et du bruit, magnifiques jardins pour la promenade - Vue splendide de toute la Baie des Anges" (Les Echos de Nice du 15 septembre 1865, ici - image 18).


17- Publicité pour l'ouverture du Grand Hôtel et Pension de Nice, 1864,
parue dans Le Journal des Débats Politiques et Littéraires du 1er décembre (p 4), Paris, BnF.

18- Publicité pour le Grand Hôtel de Nice, saison 1865-1866,
parue dans Les Echos de Nice, dès le 15 septembre 1865 (ici).



Le bâtiment du Grand Hôtel de Nice, de plan rectangulaire, est constitué de 4 niveaux et offre treize baies en façade et quatre sur le côté. Le balcon du dernier niveau couvre toute la façade sud, porte les lettres du nom de l'hôtel en son centre et se continue sur les côtés.

Dans les années 1870 (plans et photos), un bâtiment bas de petites dimensions accoste l'hôtel à l'est sur le même alignement.

En 1874, Charles Kraft devient le propriétaire du Grand Hôtel de Nice (Véronique Thuin-Chaudron, L'Influence de la Suisse sur la naissance et l'essor de l'hôtellerie niçoise, note 23, ici).



- LA PENSION AMERICAINE/PENSION DE GENÈVE (façades conservées, n° 4 de l'actuelle montée Carabacel, Villa Beau-Site)

Il y a cependant des hôtels qui ne sont peu ou pas visibles sur les deux photographies d'Eugène Degand, comme la Pension Américaine.

Jean Rusterholz le 22 juillet 1867 fait une demande à la municipalité pour modifier son inscription, passant de "Pension Américaine" (1866) à "Pension de Genève" (AM 2T 25-250). L'hôtel est ensuite cité dans des publicités de 1867 (Les Echos de Nice, Listes des Étrangers aux Hôtels, ici). 

Jean Rusterholz (ou Rusterhofftz) est né vers 1842, probablement en Suisse. Âgé de 22 ans, il est secrétaire à l'Hôtel Chauvain de Nice en 1864 et proche d'Henri Trüb, 27 ans (né à Zurich vers 1836) et de sa femme Elisa, 18/22 ans (née à Berne vers 1842/46). 

Ces derniers respectivement concierge et femme de chambre de l'Hôtel Chauvain, deviennent en 1865 maître et maîtresse d'hôtel de l'Hôtel Besson (rue Alberti, près le Temple Vaudois). Henri Trüb, "ancien restaurateur et ayant tenu la Pension d'Allemagne, à Nice [ex Pension Besson puis Hôtel Windsor dès novembre 1867]" est cependant déclaré en faillite le 21 avril 1868, avec ouverture à la date de mars 1867 (AD 06 - 06U04/0674 ; Journal de Nice du 24 avril et 15 novembre 1868 p 3).

C'est à eux que fait appel Jean Rusterholz, dès 1867, pour l'ouverture de la Pension de Genève à Carabacel. C'est d'ailleurs au 6, boulevard Carabacel qu'Henri Trüb, maître d'hôtel et Elisa, sans profession, auront trois nouveaux enfants, entre décembre 1867 et août 1871 (le nom de l'hôtel étant uniquement cité dans l'acte de naissance de 1871).

Son nom n'apparaît dans les annuaires niçois qu'à partir de 1869 mais sans le nom de l'établissement. "L'Hôtel et Pension de Genève", situé au 6, boulevard Carabacel, est cependant signalé dans une publicité de l'ouvrage de Léon Watripon, Nice-Guide, de 1869 (ci-dessous). 


19- Publicité présente à la fin de l'ouvrage de Léon Watripon, Nice-Guide, en 1869,
Paris, BnF (Gallica).



L'Hôtel n'est cependant présent dans les listes des annuaires qu'à partir de 1872 et le nom de "Rusterhofftz" (sic) qu'à partir de 1874. 

Les plans ne révèlent pas l'emplacement de cet hôtel sur le boulevard. En 1870, lNice-Guide du Dr Lubanski (p 244, ici), dans sa liste d'hôtels du quartier Carabacel classés "dans l'ordre de la distance du centre", le cite après l'Hôtel de Nice mais, en 1867 et 1877, il est affiché au même numéro que l'Hôtel d'Europe et d'Amérique (n° 6 en 1867 et 1869 et n° 9 en 1877) et est situé derrière lui (ensemble de quatre villas - voir ci-dessus la description de l'Hôtel d'Europe et d'Amérique). 

Deux photographies antérieures à 1875, l'une d'Eugène Degand (conservée au Rijksmuseum), l'autre de Jean Walburg Debray (diffusée par Jean Lucchesi) montrent d'ailleurs l'enseigne "Pension" sur la terrasse de la Villa Joly la plus orientale.

Le Guide des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco de D. Boistier paru en 1874, cite cependant "sur le côté droit" (côté sud) du boulevard de Carabacel, au n° 6, "Pension de Genève, Trub (H.), propriétaire", entretenant l'ambiguïté. La Pension de Genève a-t-elle changé de côté et si oui à quelle date ?



LES BÂTIMENTS NORD DU HAUT DE LA COLLINE 


Au sommet de la colline de Carabacel (images 2, 5 et 14) sont visibles des bâtiments emblématiques de la ville de Nice, avec d'est en d'ouest, la Villa Ferrara devenue le Couvent des Sœurs du Saint-Sacrement, le grand bâtiment de la Villa Boutau, la Villa de l'Hermitage devenue Couvent des Ursulines.


- LE MONASTÈRE DU SAINT-SACREMENT (images 2, 3, 13, 20) (façades conservées, n° 4 de l'actuel chemin de Saint-Charles, EHPAD Saint-Charles)

Les Sœurs du Saint-Sacrement et de Saint-Joseph s'installent à Nice vers 1863 mais ne sont signalées à Carabacel qu'à partir de 1868 (annuaire de 1869). 

Elles achètent à M. Ferrara (image 3) une propriété située en hauteur, du côté est de la colline (dans l'axe de l'Hôtel d'Europe et d'Amérique), avec un petit bâtiment probablement érigé vers 1862-1863 car il n'est visible sur les photographies qu'à partir de 1863-64 (image 2). 

Le bâtiment, de plan rectangulaire, est constitué de quatre niveaux percés de cinq baies sur la façade sud et de trois baies sur les façades latérales. Des balcons sont visibles à son dernier niveau (image 13).

Avec le développement du monastère, ce bâtiment principal va être fortement agrandi par deux ailes symétriques (en commençant par le côté ouest), visibles sur les photographies de 1869-1871. Le plan cadastral de 1872 permet de voir le détail de ce monastère (Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 1G-Section A-Carabacel-1ère feuille).

Le bâtiment principal est ensuite, vers 1873, exhaussé d'un niveau dont la toiture, surélevée dans la partie centrale, est dominée par un clocher fin et élancé (toiture en construction dans la photographie ci-dessous - image 20).


20- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, vue générale (prise du haut du vieux château), détail, vers 1873-1874,
photographie (vue 7-F.1.) extraite du recueil Nice et ses environs édité vers 1875,
et constitué de 25 photographies encadrées sur des formats de 41x32 cm,
Paris, BnF, cf. le recueil sur Gallica.
On voit, sur la photo d'ensemble, le nouveau Pont Garibaldi, terminé en 1873.
Le niveau supérieur et la toiture du bâtiment principal du monastère du Saint-Sacrement sont visiblement en construction.



Deux bâtiments, indépendants du monastère (visibles sur l'Image 20 ci-dessus), sont érigés plus à l'ouest. Le plus éloigné est la nouvelle Villa Victoria, bâtie vers 1869 et fortement agrandie à l'ouest vers 1873-74. Le deuxième bâtiment est construit entre cette dernière et le monastère, entre 1871 et 1873.


- LA VILLA BOUT(T)AU (images 2, 6, 14) (n° 11 de l'actuelle avenue du Bois, Résidence Carabacel)

Près du sommet de la colline, vit la famille Boutau, Joseph, son épouse Agathe et leurs quatre enfants mais également leur personnel, institutrice et domestiques (cuisinière, femmes de chambre, jardiniers) (recensement de la Ville de Nice de 1872).

La villa, antérieure à 1858, est un bâtiment rectangulaire immense, constitué de quatre niveaux percés de onze baies et accosté de deux tours. La tour occidentale est placée au centre de la façade latérale et est de même hauteur que le bâtiment mais la tour orientale, de plan hexagonal, en retrait, placée dans l'alignement de la façade nord, s'élève comme un phare et domine d'un niveau les terrasses de la villa.



- LA VILLA DE L'(H)ERMITAGE OU VILLA VENANSON (images 2, 6, 10, 14, 20, 21) (n° 42 de l'actuelle avenue Emile Bieckert, Palais de l'Hermitage, depuis 1906)

Construite au début du XVIII° siècle, la Villa de l'Hermitage/Ermitage ou Villa Venanson, située au sommet de la colline de Carabacel, est, du milieu du XVIII° siècle (vers 1767) au milieu du XIX° siècle, la propriété des comtes de Venanson. 

En 1847, le comte Victor Belli di Venanzone (ou de Venanson) en hérite mais il la revend en 1863 (image ci-dessous).


21a- Annonce de mise en vente de la Villa de l'Hermitage, 
parue dans Le Messager de Nice du 10 janvier 1863 p 3 (AD06).



C'est le prince Jean Michel Soutzo (1813-1892), diplomate grec d'Athènes, qui l'achète. En janvier 1868, ce dernier la remet cependant en vente en (image ci-dessous).

21b- Annonce de mise en vente de la Villa de l'Hermitage,
 parue dans Le Figaro du 19 janvier 1868 p 2 (Paris, BnF).



L'acte d'achat est signé le 24 juillet 1868 par Alexandrine Blanche Caroline Rocher de Perret, sœur Marie-de-Jésus (née à Paris, 1er arr., le 20 mars 1834, fille de Jean Rocher et d'Arie Adélaïde Lauze de Perret), domiciliée à Avignon, afin de faire de cette propriété une fondation de l'ordre des Ursulines, avec un monastère, un pensionnat et des classes d'externat pour jeunes filles (Journal de Nice du 24 août 1868 p 3). 

Sœur Marie-de-Jésus complète la propriété par l'achat, le 9 octobre 1869, d'un terrain attenant de 3.000 mètres carrés environ, appartenant encore à Victor Belli de Venanson (acquis par lui le 12 juin 1862 auprès de M. et Mme d'Obrescoff ; Journal de Nice du 14 décembre 1868 p 3).

Une des pièces de la maison est transformée en chapelle, une aumônerie est construite et la villa voisine est achetée. Les premières élèves sont admises le 11 janvier 1869 (Chanoine Victor Pontel, Histoire de sainte Angèle Merici et de tout l'ordre des Ursulines, 1878 pp 412-417, ici, et Monseigneur Postel, sa vie et ses œuvres, 1885 pp 168-178, Gallica).

Le bâtiment principal ou castel, au centre d'un jardin immense et luxuriant, est en L et constitué de trois niveaux. La façade la plus au sud offre trois baies par niveau et est dominée par une tourelle centrale (ou clocher) et deux petites tourelles d'angle (de hauteur inégale) (images 2, 20 et 21c).


21c - Couvent et pensionnat Sainte-Ursule, estampe extraite de l'ouvrage d'Emile Négrin, Les Promenades de Nice, 1869, p 255 bis, d'après une photographie d'Albert Pacelli.
"On passe devant le pensionnat des religieuses du Saint-Sacrement ; on arrive ensuite au monastère de Sainte-Ursule. C'est l'ancienne villa De Venanson où se réfugia la duchesse de Berry. Ses deux tourelles et son palmier superbe dominent tout le paysage marin de Nice (monter  à côté du portail)" (idem, pp 255-256).



Le plan de la propriété est détaillé sur le plan cadastral de 1872 (Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 1G-Section H-Carabacel-3ème feuille).



QUELQUES HÔTELS DU CÔTE SUD DU BOULEVARD CARABACEL 


Les bâtiments du côté sud sont moins étudiés ici car ils sont peu visibles sur les photographies du XIX° siècle.


- L'HÔTEL ET PENSION DE LONDRES (n° 15 de l'actuel boulevard Carabacel)

L'Hôtel et Pension de Londres est situé du côté sud du boulevard Carabacel, à l'angle occidental de la rue Gioffredo. 

En 1862, le terrain est acheté à Pierre Bessi (quincaillier 9, rue du Collet) par le cuisinier Germain Valdini et le menuisier Léopold Maiffret. Les deux hommes font en 1863, une demande d'autorisation pour une construction neuve.

Germain Valdini tient ensuite un restaurant au 11, rue Saint-Barthélémy, cité dans les annuaires niçois de 1864 et 1865. Il dépose une demande pour faire une inscription à l'angle de la rue Gioffredo et du boulevard Carabacel, en 1866.
Une nouvelle demande d'inscription pour le même endroit est faite par Jean Baptiste Charpenne en 1868. Germain Valdini tient, pour sa part, dès 1869 (demande d'enseigne) un restaurant rue Saint-Etienne (annuaires de 1870-1872).

L'Hôtel et Pension de Londres est cité dès 1867 dans Les Echos de Nice (Listes des Étrangers aux Hôtels, ici). Il n'apparaît cependant dans les annuaires niçois qu'à partir de 1872. 



- LA PENSION DES ÉTRANGERS (n° 39 ou n° 41 de l'actuel boulevard Carabacel)

Le 10 septembre 1861, Pierre Mattia dépose une demande d'enseigne pour la Pension des Étrangers qu'il vient d'ouvrir quartier de Carabacel, à la Villa Michel située au sud-ouest du Chemin de Saint Barthélémy (AM, 2T9-253).

La Pension des Étrangers "avec jardin", est citée par le Dr Lippert dans son ouvrage de 1863 (Le climat de Nice : ses propriétés hygiéniques, son application thérapeutique, 1863 p 31) puis dans la liste des "Villas et appartements à louer - Rue Saint-Barthélémy" de l'ouvrage de De Carli, Conseiller du touriste à Nice et dans ses environs, publié en 1864 (ici, image 14), dans les annuaires de 1864 à 1867 et est présente sur le plan de 1865 (image 3). 


22- Liste des "Villas et appartements à louer - Rue Saint-Barthélémy" de l'ouvrage de De Carli, Conseiller du touriste à Nice et dans ses environs, publié en 1864 (ici).



Pierre Mattia, maître d'hôtel (né à Nice vers 1819), sa femme Françoise (née Suaut, avec laquelle il s'est marié à Nice, paroisse Saint-Jacques le 25 octobre 1852) et leurs cinq enfants sont cités quartier Carabacel dans le recensement de la Ville de Nice de 1866. 

La Pension des Étrangers est citée dans Les Echos de Nice du 13 janvier 1866 (ici). 

Le 31 juillet 1867, Pierre Mattia fait une demande pour établir une entrée sur le côté de la maison (arrêté du 12 août 1867, AM 2T 25-257).

La Pension semble cesser son activité la même année (absente des annuaires après 1867).



-LA PENSION DE CARABACEL

La pension de Carabacel est située du côté sud, à l’extrémité occidentale du boulevard Carabacel.

Elle est visible sur le plan de 1865 (image 3) et signalée dans le Guide aux stations d’hiver du littoral méditerranéen du Dr Lubanski, daté de la même année (image 23 ci-dessous).

 
23- Publicité pour la Pension Carabacel parue dans le Guide aux stations d’hiver du littoral méditerranéen du Dr Lubanski, 1865, p XXXV.



En 1866, la Pension est citée sous le nom de "Pension Stockar" dans le Guide Murray, Handbook for Travellers in Northern Italy (p 81), "Pension Stockar, at Carabacel, belonging to Mayhoffer homoepathic physician".

Dans les années 1870, l’établissement peut être aussi bien désigné sous le nom "d’Hôtel" (Dr Lubanski, Nice-Guide, 1870 p 244) que sous celui de "Pension" (Elisée Reclus, Nice, Cannes, Antibes, Monaco, Menton, San Remo, 1874 p XV).



- LA MAISON PILATTE DEVENUE L'HÔTEL ET PENSION DU PRINCE DE GALLES 

La Maison ou villa Pilatte est visible sur le plan de 1865 (image 3), proche de la Pension de Carabacel, au-delà de la future intersection avec le boulevard Dubouchage.

Le Guide aux stations d’hiver du littoral méditerranéen du Dr Lubanski cite la Maison Pilatte et ses huit appartements meublés (image 24 ci-dessous).

Le Journal de Nice du 7 octobre 1865 (image 24 ci-dessous) et Les Echos de Nice de la saison 1865-1866 (Listes des Étrangers aux Hôtelsici) citent ensuite l’Hôtel et Pension du Prince de Galles au 18, rue Saint-Barthélémy, Villa Pilatte, tenu par M. Jordan (sic). "Jourdan Henri, né en 1839, maître d’hôtel, boulevard Carabacel" est cependant signalé dès la liste électorale de Nice de 1864 (inscription en 1863). 


24- Publicité pour la Maison Pilatte parue dans le Guide aux stations d’hiver du littoral méditerranéen
du Dr Lubanski, 1865, p XXXV.


25- Publicité pour l'Hôtel et Pension du Prince de Galles parue dans le Journal de Nice du 7 octobre 1865 p 3,
Nice, Bibliothèque municipale Nucéra.



Les Echos de Nice le citent à nouveau en 1867, avec des mentions semblables (ici, image 26 ci-dessous).


26- Publicité pour l'Hôtel du Prince de Galles parue dans Les Echos de Nice du 2 novembre 1867 (ici).



L'Indicateur des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco publié en 1869 par Léon Affairous signale "Hôtel du Prince de Galles, M. Jourdan H., b. Carabacel".

En 1870, Karl Baedeker, dans son Guide de l'Italie - Manuel du Voyageurcite l'Hôtel du Prince de Galles "dans le voisinage" du boulevard Carabacel et le Nice-Guide du Dr Lubanski (1870 p 244, ici), dans sa liste d'hôtels du quartier Carabacel classés "dans l'ordre de la distance du centre", le signale après l'Hôtel de Nice. Les autres ouvrages parus la même année comme The Monthly Homeopathic Review (1870 p 229) ou l'annuaire niçois (1870) le signalent, "boulevard Carabacel".

L'Hôtel du Prince de Galles est uniquement présent dans les annuaires niçois de 1870 à 1872 (sans indication de numéro) puis semble cesser son activité.



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