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lundi 19 février 2024

1334-NICE, LE PORT : LA MAISON NATALE DE GARIBALDI (Histoire et Représentations)


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- Extrait du Plan cadastral de la Commune de Nice fait en 1812,
détail de l'Aménagement du Port, partie nord,
Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes (AD06), 1Fi 217.

Un petit cercle rouge a été ajouté sur le quai nord pour localiser la Maison Gustavin où est né Garibaldi.



LE PORT DE NICE : LA MAISON GUSTAVIN 

OÙ EST NÉ JOSEPH GARIBALDI



INTRODUCTION


Felice Gustavin (1765-1827), charpentier de marine, fait construire un ensemble symétrique de bâtiments près du quai nord du Port Limpia de Nice (Note 1), suite à son mariage, en 1792, avec Rosa Garibaldi (1770-1825).  Leurs trois fils vont naître dans cette maison, Michel (1795-1873), Ange (1800-1867) et Joseph Dominique Gustavin (1816-1886).

Le frère de Rosa, Domenico Garibaldi (1766-1841), capitaine de la marine marchande, s'installe à son tour dans la Maison Gustavin après son mariage, en 1794, avec Rosa Raimondi (1776-1852). C'est là que naissent leurs enfants, le troisième étant Joseph Garibaldi (4 juillet 1807-3 juin 1882). 

Entre 1814 et 1817, avant la naissance de leur sixième et dernier enfant, la famille Garibaldi déménage non loin de là, sur le quai ouest du Port, dans la Maison Abudarham (érigée dans le début des années 1780) (Image 1 ci-dessus) (Note 2).

C'est dans cette nouvelle Maison que Joseph Garibaldi va passer son adolescence et devenir marin à son tour. 

Dans le second tiers du XIX° siècle, son engagement politique le rend célèbre et, dès les années 1860, sa maison natale se voit mentionnée dans les guides de voyage et désignée sur certains plans de ville (Image 5).

A la chute du Second Empire, le nom de Garibaldi est donné à la place Napoléon le 13 septembre 1870 puis au pont en construction proche de cette place (achevé en février 1873). En octobre 1871, le Conseil municipal vote l'installation d'une plaque (en italien) sur la façade de la maison Gustavin. 

Cependant, le projet d'agrandissement du bassin intérieur du Port, envisagé dès la fin du XVIII° siècle, s'est précisé depuis les années 1860 (suite à l'Annexion française) et menace désormais de destruction tous les bâtiments existants du quai nord dont la Maison Gustavin. 

Les expropriations entamées à la fin des années 1860, afin d'allonger le bassin jusqu'aux abords de la nouvelle église de la Conception (Notre-Dame du Port), s'accélèrent dans les années 1870 et s'achèvent en 1879. 

La démolition de la Maison natale de Garibaldi est annoncée en octobre 1879 mais n'est réalisée qu'après avril 1880, l'acheteur des matériaux, M. Charbonnier, ayant alors le projet de reconstruire la maison à un autre emplacement (L'Evènement du 22 octobre 1879 p 2 ; Le Réveil social du 23 avril 1880 p 3).

C'est probablement la disparition de la Maison qui inspire, en novembre 1880, le lancement d'une souscription visant à ériger un Monument à Garibaldi dans la ville. Le projet de reconstruction de la Maison comme celui de l'érection d'un Monument n'aboutiront pas (ce dernier sera cependant relancé suite à la mort de Garibaldi le 2 juin 1882 mais le Monument ne sera inauguré sur la place Garibaldi que le 4 octobre 1891). La Maison Abudarham va, pour sa part, perdurer sur le quai ouest jusqu'à la fin de l'année 1897.



LES PLANS 


Les plans du Port de Nice retracent l'évolution du quartier au XIX° siècle et présentent le contexte de la Maison Gustavin (Image 1 ci-dessus et Images 2 à 5 ci-dessous).



2- Plans de Nice de 1834 (Nice, BM de Cessole) et de 1847 (L'Indicateur niçois, Nice, AD06), 
détails de la partie nord du Port.

3- Plans de Nice de 1856 (Paris, BnF) et 1860 (Nice, AM, 1Fi 1-18), détails de la partie nord du Port.

4- Plans de Nice de 1865 (Paris, BnF) et de 1867 (Nice, AD06, 1Fi 229), détails de la partie nord du Port, 
avec en rouge le projet d'agrandissement du bassin intérieur.

5- Plans de Nice de 1878 (Nice BM de Cessole) et de 1881 (Coll. personnelle), détails de la partie nord du Port
 et projet d'agrandissement (en cours) du bassin intérieur.




LES ANNUAIRES


Les annuaires du milieu du XIX° siècle, permettent de découvrir les noms et les adresses des habitants du Port (Note 3).

Il n'existe pas, dans un premier temps, de nom spécifique à chacun des quais ("strada perimetrale del porto") et les adresses s'avèrent vagues et ambiguës, généralement citées "au port" ou "sur le port", désignant tout à la fois la rue du Port ("stradone del Porto"), les ruelles du Port, l'ensemble des quais, le môle extérieur et le versant oriental de Rauba Capeu.

Le quai nord, précédant des prairies, jardins et bois, est cependant surnommé du fait de l'endroit isolé, "Cuù de Buù" (Cul de Bœuf).

A partir des années 1840, l'urbanisation de ce quartier nord entraîne la création de nouvelles voies aux noms génériques, comme la "rue Neuve du Port" ("Nuova contrada da Piazza Vittorio al porto"). 

En 1853, la dénomination officielle de l'ensemble des anciennes et nouvelles voies est censée mettre fin aux ambiguïtés : la rue du Port devient la "rue Ségurane", la rue Vieille du Port la "rue du Mûrier", la rue Neuve du Port la "rue Cassini", la place de l'Eglise de la Conception (Notre-Dame du Port) la "place Cassini"... 

Le quai nord, situé entre le "quai Lunel" (à l'ouest) et le "quai des Deux Emmanuel" (à l'est), prend le nom de "quai Cassini".

L'annuaire de 1855 cite bien les habitants du quai nord au "quai Cassini" mais celui de 1858 les englobe sous l'appellation de "quai Lunel" et ceux des années suivantes les citent alternativement "au port" ou "quai Lunel" jusqu'en 1867 (Note 4). 

Entre 1868 et 1880, la dénomination de "quai Cassini" s'impose, même si l'adresse de "quai Lunel" désigne parfois encore certains artisans du quai.

Si l'on ajoute à cela le fait que les listes des noms de personnes ne sont que partielles (professionnels et propriétaires), que la plupart des propriétaires possèdent plusieurs maisons dans le même quartier (y compris la famille Gustavin), que le nom des ruelles adjacentes est rarement cité et que la numérotation des grandes voies est changeante et même parfois insolite (deux maisons différentes pouvant porter le même numéro et une même maison, deux numéros différents), il s'avère très difficile de dire "qui habite où".

La Maison Gustavin est ainsi citée "au port" dans les annuaires de 1845 à 1848, "quai Cassini, 2" dans celui de 1855, "quai Lunel, 4 et 6" dans celui de 1858, "au port, 4" dans l'annuaire de 1862, "quai Lunel, 6" dans ceux de 1864 et 1865, "quai Cassini" en 1868 et "quai Cassini, 4 et 6" dans ceux des années 1870 à 1879. 



LES RECENSEMENTS


Les recensements des années 1860 et 1870 sont tout aussi ambigus (Note 5). Le "quai Cassini" ne fait pas partie des voies répertoriées dans les registres des recensements de 1861 et de 1866 et seulement quelques habitants du quai nord sont cités "rue du mûrier" ou "quai Lunel". Il est vrai que les recensements ciblent les adresses des domiciles et qu'une partie des propriétaires et des artisans ne logent pas sur place.

Le registre de recensement de 1872 cite enfin le "quai Cassini" et liste 18 foyers dont 1 seul était présent dans celui de 1866 : Desira Michel, cordonnier (1822-1911).

Le registre de recensement de 1876 cite pour sa part 20 foyers "quai Cassini" dont seulement 7 étaient listés dans celui de 1872 : Allardi Eugène, fabricant de briques (c.1834-?) (propriété située à l'est de la Maison Gustavin et séparée d'elle par une ruelle) ; Faraut Etienne, marin (c.1826-?) ; Borghi Pierre, ferblantier (1844-?) ; Sauvaigo Louis, coiffeur (1844-1919) ;  Gustavin Dominique (1816-1886), propriétaire de la maison éponyme ; Fasan Joseph, marin (1819-1891) ; Viegl Fortuné, artiste peintre (c.1813-1890).



ÉTUDE D'UNE ESTAMPE (Vers 1849)


Les images du Port de Nice (dessins, estampes et photographies) se concentrent généralement sur son entrée, ce qui fait que les vues du quai nord et de la maison Gustavin sont peu nombreuses.

Ce sont le plus souvent des vues aériennes, panoramiques et lointaines, prises depuis la Colline du Château, le Mont-Boron ou le Mont-Alban et, dans les plus rares vues prises depuis les quais ou les môles, la Maison Gustavin apparaît parfois masquée par la Maison Abudarham ou les mâts des navires.

Le détail d'une Vue prise au-dessus de Montalban, éditée pour la première fois en 1849, révèle cependant le revers de la Maison Gustavin (Images 6 et 7 ci-dessous). 


6- GUESDON Alfred (dessinateur, 1828-1876) et ARNOUT Jules (graveur, 1814-1868),
Nice, Vue prise au-dessus de Montalban, détail, 1849,
vue nord-est/sud-ouest montrant les quais nord et ouest du Port,
image publiée dans L'Illustrazione Universale du 28 maggio 1865, p 755, Collection personnelle.

Un cercle rouge a été ajouté pour localiser la Maison Gustavin sur le quai nord (dans l'alignement de l'église de la Conception située au premier plan) et un autre pour localiser la Maison Abudarham sur le quai ouest.



Cette maison avec jardin, qui appartient désormais aux fils Gustavin, est occupée par l'aîné des trois frères, Michel Gustavin (1795-1873), marchand de bois de construction et propriétaire.

Elle est constituée de trois bâtiments rectangulaires accolés au sud, reliés à un bâtiment carré qui fait retour sur les côtés est et ouest et à un bâtiment central et étroit au nord. Deux bâtiments bas complètent le retour oriental (ateliers ou entrepôts). 

Le bâtiment qui borde le jardin du côté nord-ouest ne fait pas partie de la propriété Gustavin mais de celle des frères Etienne (1812-1857) et Pierre (1817-1857) Bonafons/Bonafond, marchands de savons et propriétaires.


7- GUESDON Alfred (dessinateur, 1828-1876) et ARNOUT Jules (graveur, 1814-1868),
Nice, Vue prise au-dessus de Montalban, 1849,
détail de la vue précédente, axé sur la propriété Gustavin,
image publiée dans L'Illustrazione Universale du 28 maggio 1865, p 755, Collection personnelle.




ÉTUDE D'UNE ESTAMPE (Vers 1869)


Fin décembre 1869, la réédition de l'ouvrage d'Emile Négrin, Les Promenades de Nice, comprend "66 gravures" dont celle de la Maison natale de Garibaldi qu'il a lui-même dessinée. La date précise de ce dessin reste cependant inconnue.

C'est une représentation centrée sur la façade sud du bâtiment central de la Maison Gustavin, avec ses trois niveaux alignant cinq baies et sa toiture dominée par deux cheminées (Image 8).

 

8- NÉGRIN Émile (1833-1878), Maison natale de Garibaldi, vers 1869,
bâtiment central de la Maison Gustavin, façade sud,
estampe signée de l'auteur et éditée dans Les Promenades de Nice,
Nice, Société Typographique, 1869-70, p 135 (Google Books),
 (Bibliographie de la France du 1er janvier 1870 p 6).



A cette date, Michel Gustavin (1795-1873) est retraité et domicilié, depuis le début des années 1860, dans sa maison de la nouvelle route de Villefranche. C'est son frère Joseph Dominique Gustavin (1816-1886), avocat, qui vit désormais quai Cassini, 6 (puis 4), au 2ème étage (signalé à cette adresse dans les annuaires à partir de 1870 et dans les recensements de 1872 et 1876).

Le dessin d'Emile Négrin et l'existence d'une boulangerie attestée au rez-de-chaussée au milieu du XIX° siècle, ont permis de situer l'appartement où est né Joseph Garibaldi, au premier ou au second étage de cette maison, au-dessus de ce commerce. 

La boulangerie, qui n'est pas attestée en 1807, ne semble cependant occuper que la partie ouest du rez-de-chaussée et l'ensemble de la maison a pu être modifié au cours du XIX° siècle.

C'est d'ailleurs ce que semble montrer la mise en parallèle des Plans de 1834 et de 1847 ou ceux de 1865 et de 1867 (Images 2 et 4 ci-dessus). Il faut cependant préciser que ces plans ont des dimensions différentes, une échelle et une qualité de précision variables et qu'il est difficile de savoir si les changements constatés dans la représentation de la Maison Gustavin sont dus à la façon de la dessiner ou à sa modification effective. 

Son bâtiment nord, n'est ainsi présent que sur le Plan de 1834 (Image 2), alors qu'il est encore visible sur l'estampe de 1849 (Images 6 et 7), et la Maison est étrangement représentée sur le plan de 1878 avec trois bâtiments espacés les uns des autres (Image 5).




ÉTUDE D'UNE PHOTOGRAPHIE (Non datée)


Présentation

Moins de dix photographies datant des années 1860 et 1870 offrent une vision détaillée de la Maison Gustavin, les vues étant, pour la plupart, celles de Jean Walburg de Bray. 

La photographie étudiée est également l'œuvre de ce photographe. Deux versions existent, capturées à quelques minutes d'intervalle depuis le môle intérieur du carénage, au sud du Port. 

Elles ne présentent de différences qu'au niveau du premier plan, avec notamment la présence ou non du photographe lui-même. Elles montrent le quai d'entretien et de réparation des barques puis l'échelonnement des navires à voiles dans le bassin sud du Port, le petit môle est séparant les deux bassins puis l'ensemble du quai Cassini (avec le dépôt de lest du côté ouest) et l'angle nord-ouest du quai Lunel (avec la bascule).


9- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Nice. Le Port et la Maison Garibaldi, vue non datée,
vue sud-nord prise depuis le môle du carénage, avec le photographe assis, posant au premier plan,
tirage argentique de grand format, Editions Gilletta, XX° siècle, Collection personnelle.



Les exemplaires conservés de cette vue présentent des supports cartonnés des années 1870, parfois accompagnés du titre, Intérieur du Port de Nice ou Nice. Le Port et la Maison Garibaldi

Des tirages postérieurs ont été effectués par Jean Gilletta, successeur de Jean Walburg de Bray, après la mort de Garibaldi, recadrés sur sa maison natale, avec notamment le titre, Nizza. Casa dove nacque Garibaldi 1807-1882. Une estampe, tirée de l'une de ces photographies, a été diffusée dans les journaux français et italiens. 

Si les Editions Gilletta ont choisi une autre photographie pour éditer la carte postale célébrant le Centenaire de la Naissance de Garibaldi en 1907, de nouveaux tirages des vues étudiées ont cependant été effectués au XX° siècle, avec pour titre, Nice. Le Port vers 1873, au fond la maison natale de Garibaldi

Tout ceci a contribué à dater ces vues conservées dans les Collections publiques des années 1870, "vers 1873" ou "vers 1876-78" (Note 6).


La Maison Kempf puis Grosso

Dans les années 1860 et 1870, le quartier nord du Port est globalement constitué et peu de nouvelles constructions viennent le compléter (Note 7). 

Il faut cependant noter l'implantation de l'Usine à haute cheminée du confiseur Musso, au nord-est de la Maison Gustavin, en 1863 (sur la droite de l'Image 9 ci-dessus et de l'Image 10 ci-dessous). 

Un autre repère visuel intéressant est fourni par la Maison Kempf. Cette maison a été bâtie à la demande du fabricant de bières Adolphe Kempf (?-1856), probablement peu de temps après son mariage en 1843, sur un terrain situé au nord-ouest de la Maison Gustavin, à l'angle des futures rue Emmanuel Philibert et rue du Mûrier.

La Maison semble avoir été revendue vers 1857 (dans l'année suivant le décès d'Adolphe Kempf), au courtier maritime Etienne Grosso (c.1801-1868). Elle est encore désignée sous le nom de "Kempf" sur le Plan de novembre 1867 (Image 4 ci-dessus) mais apparaît ensuite sous le nom de "Veuve Grosso" sur un plan de 1870 (Nice, AM, 1Fi 67/03). 

En juin 1872, la veuve Grosso, née Elisabeth Bal(l)ustre/Bal(l)estre (c.1811-1875), dépose une demande d'autorisation permettant d'exhausser de trois étages sa maison située quai Lunel, 10. Cette transformation (1872-1873) est visible sur quelques photographies, la Maison Grosso dominant désormais les façades de la Maison Gustavin (Image 10 ci-dessous).


10- ALEO Miguel (1824-c.1900), Le Port de Nice, détail, 1864,
vue de l'est montrant la Maison Kempf, en arrière de la Maison Gustavin, 
détail d'un tirage albuminé de 25,8x19,8 cm, Collection privée.

NOACK Alfred (1833-1895), Nice, Vue prise de Montboron, détail, vers 1874-1876,
 vue du sud-est montrant la Maison Grosso surélevée, en arrière de la Maison Gustavin, 
détail d'un tirage albuminé de 34x27,5 cm, Collection privée.



La Maison Gustavin

Un détail de l'image étudiée permet d'avoir une vison rapprochée des façades sud et est de la Maison Gustavin. 

Face au quai, les bâtiments latéraux offrent une élévation de quatre niveaux avec un alignement de six baies et sont coiffés d'une toiture à quatre pans pourvue de cheminées très visibles. 

Le bâtiment central, pour sa part plus bas et moins allongé, est constitué de trois niveaux de cinq baies et couronné d'une toiture à deux pans où les cheminées ne sont pas apparentes (Image 11 ci-dessous). 


11- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Nice. Le Port et la Maison Garibaldi, vue non datée,
détail de l'Image 9, centré sur la Maison Garibaldi, vue sud-nord prise depuis le môle du carénage,
tirage argentique de grand format, Editions Gilletta, XX° siècle, Collection personnelle.



Dans les années 1860 et 1870, les habitants du quai Cassini sont essentiellement des marins, des voiliers, des charpentiers, des tonneliers et des marchands de fournitures pour navires (annuaires, recensements, autorisations de voirie). 

Plusieurs d'entre eux vivent et travaillent au sein de la Maison Gustavin, comme le cordonnier Michel Desira (1822-1911) ou encore le marchand de comestibles pour navires Jean Roux (c.1839-?) qui demande, en janvier 1865, l'autorisation de placer une devanture "quai Lunel, 6" (Nice, AM, 2T20-17).

Le rez-de-chaussée de la maison présente d'ailleurs une alternance de fenêtres, de portes simples et de portes doubles et cintrées qui sont celles de boutiques d'artisans. Trois d'entre elles sont précédées d'une "tente" et deux sont surmontées d'une inscription lisible, "Boulangerie" et "Coiffeur".

L'inscription "Boulangerie" s'étale au-dessus d'une baie du bâtiment occidental et de deux baies du bâtiment central, englobant la gouttière.

Probablement créée à cet emplacement par Louis Chicon/Chichon (1801-1847) mais absente des annuaires des années 1840, la boulangerie est citée pour la première fois dans l'annuaire de 1855, quai Cassini, 4. Tenue alors par la veuve Elisabeth Chichon, née Arnulf (1807-?), elle revient, à la fin des années 1850, à ses beaux-fils. 

"Joseph Chicon, boulanger" (1835-?) est cité "rue Lunel" dans le recensement de 1861. "Chicon", sans précision de prénom, est ensuite signalé "au Port, 4" dans l'annuaire de 1862. C'est enfin "François Chichon, boulanger" (1837-1908) qui est cité "quai Lunel, 6" dans les annuaires de 1864 et de 1865. 

La boulangerie n'est étrangement plus citée pendant sept ans, jusqu'à sa reprise, en 1872, par Jean Baptiste Steve/Estève (1833-1913) (son nom est absent des recensements de 1866 et de 1872 mais présent dès l'annuaire de 1873). Ce dernier va d'ailleurs la conserver jusqu'en 1879, quai Cassini, 4.

Jean Steve est cependant dit "aubergiste" à la date de son premier mariage en 1864 mais "boulanger" lors de son deuxième mariage en 1869. A-t-il arrêté le métier d'aubergiste, qu'il exerçait probablement avec ses parents, pour ouvrir sa propre boulangerie à une autre adresse ou bien a-t-il repris, dès 1865, la boulangerie de la Maison Gustavin sans y être signalé ?

L'absence de son nom dans les annuaires, comme celui d'autres commerçants, peut s'expliquer par la réduction des listes professionnelles de 1866 à 1868 puis leur disparition de 1869 à 1872. En revanche, l'absence de son nom dans les recensements de 1866 et de 1872, ne trouve pas d'explication satisfaisante.

L'inscription "Coiffeur" est pour sa part présente au-dessus d'une seule porte du bâtiment oriental de la Maison Gustavin, la porte cintrée la plus proche du bâtiment central (Image 11 ci-dessus).

L'existence d'un coiffeur à cet emplacement n'est attestée qu'au début des années 1860, avec le nom de "Grinda Joseph, perruquier" (1839-1885), cité "rue du Murier" dans le recensement de 1861, notamment accompagné de ceux de "Sauvaigo Louis" (1844-1919) et de "Majon Joseph, perruquier" (c.1837-?).

Charles Joseph Grinda est ensuite cité au Port, 4" dans l'annuaire de 1862, "quai Lunel, 2" dans les annuaires de 1864 et 1865 puis "quai Lunel" dans le recensement de 1866. 

Le nom de Joseph Grinda disparaît ensuite des documents et celui de son successeur, qui n'est autre que "Sauvaigo Louis", n'est signalé que lors du recensement de 1872 et n'apparaît dans les annuaires qu'à partir de 1874. 

Cette fausse interruptioncomparable à celle qui a été constatée pour la boulangerie voisine, trouve là encore son explication dans la diminution puis la disparition temporaire des listes professionnelles des annuaires. 

Le coiffeur Louis Sauvaigo va conserver son activité "quai Cassini" (sans précision de numéro) jusqu'à la fin des années 1870. Il est cité dans le nouveau recensement de 1876 et dans les annuaires jusqu'en 1877 (les annuaires de 1878 et de 1880 ne sont pas conservés et son nom est absent de celui de 1879).


La Maison Isnard puis Baudoin

Si l'on zoome très fortement sur la partie gauche de l'image, quelques inscriptions se révèlent mais sont souvent indéchiffrables. Aux deux angles supérieurs de la maison qui accoste la Maison Gustavin, l'inscription "Pharmacie", est cependant lisible. 

Cette maison a été construite dans la dernière décennie du XVIII° siècle ou la première décennie du siècle suivant. Elle est présente dès le plan de 1812 et y apparaît pourvue d'une cour sur son côté nord et accolée à une autre maison sur son côté ouest (Image 1 en tête d'article). 

Elle est ensuite représentée sur de nombreux plans (1834, 1845, 1855, 1860, 1867 et 1870) mais est étrangement absente de certains d'entre eux (1847, 1856, 1863, 1865) (Images 2 à 4 ci-dessus). 

L'annuaire de 1859 signale les deux "Maisons Isnard, rue du Mûrier, 7, 9". Sur les plans de 1867 et 1870, ces maisons sont représentées à l'angle de la rue du Mûrier et du quai Lunel, la maison la plus occidentale étant désignée sous le nom de "Isnard" mais la maison la plus proche de la Maison Gustavin, sous le nom de "Baudoin". 

Honoré Baudoin (1815-1875)  semble avoir acquis cette maison fin 1866 (son nom est absent du recensement du printemps 1866 et des annuaires jusqu'en 1866). "Baudoin, propriétaire" est ensuite cité "quai Lunel" dans les annuaires de 1867 et de 1868 mais la mention reste ambiguë, d'autres propriétaires du même nom étant domiciliés sur ce même quai. 

Honoré Baudoin dépose cependant, en mai 1867, une demande d'autorisation pour badigeonner la façade de sa maison de la "rue des Mûriers" (Nice, AM, 2T24-164). Son nom est étrangement absent du recensement de 1872 mais est ensuite cité "quai Lunel, 10", à la date de son décès en mai 1875.

D'autres photographies contemporaines montrent que la maison a été été agrandie au XIX° siècle, sur le terrain de l'ancienne cour. Les deux inscriptions de son angle sud-est y sont lisibles, quand la luminosité n'est pas trop forte.

Aucune pharmacie n'est cependant signalée au Port dans les annuaires des années 1860 et 1870. Il est donc probable que ces inscriptions conservent le souvenir de l'ancienne pharmacie de Joseph Bernard Sauvaigo, signalée dans l'annuaire de 1855, "quai Cassini, 2". Absente de l'annuaire de 1858, elle est, à partir de l'annuaire de 1863, régulièrement signalée "rue Cassini, 23" où elle a déménagé.

L'annuaire de 1862 cite pour sa part le pharmacien, sans précision d'adresse, mais révèle qu'il s'est formé à Turin et a été "reçu en 1852". Il est donc venu s'installer sur le Port de Nice entre 1852 et 1855 et les inscriptions relevées peuvent dater de ces années-là.

Le fait que ces dernières perdurent sur les photographies des années 1870 pose cependant problème. Comment comprendre en effet qu'après le déménagement de la pharmacie (au plus tard en 1862), Honoré Baudoin ait pu repeindre sa maison en 1867 sans faire disparaître ces inscriptions ?


La Maison Labranche puis Simondini

L'une des maisons du quai Lunel (la troisième à partir du bord gauche de l'Image 9), offre à son tour une inscription lisible, au-dessus de sa porte d'entrée, "Marbriers - Codda". 

La Maison a été érigée, comme celles qui l'accostent, entre 1792 et 1812 (Image 1). Le marbrier est venu s'y installer entre 1848 et 1855. Il est cité sous le nom de "Goda (sic) Augustin, quai Lunel, 2", dans l'annuaire de 1855 puis de "Codda, quai Lunel", dans celui de 1858.

L'atelier occupe l'une des "Maisons Labranche, rue du Mûrier, 6 et 8" signalées dans l'annuaire de 1859. "Codda" Auguste" ou "Augustin", est cependant cité "au Port, 4" dans les annuaires de 1862 et de 1864 puis "quai Lunel, 8", dans ceux de 1865 à 1868 (la maison sera ensuite désignée sous le nom de "Simondini" sur le plan de 1870 ; Nice, AM, 1Fi 67/03). 

Au printemps 1868, Augustin Codda (c.1803-1880), cherche à déménager son atelier "boulevard de l'Impératrice" (Nice, AM 2T27 190) et se voit cité, dès l'annuaire de 1869, "nouvelle route de Villefranche".


Datation

La vue étudiée peut être datée entre 1863, date de début de la carrière de photographe de Jean Walburg de Bray et de l'installation de l'usine Musso, et 1880, date de démolition probable de la Maison Gustavin. Comme elle ne montre pas encore la Maison Grosso, surélevée de trois étages fin 1872, elle peut avoir été prise entre 1863 et 1872. 

Les indices fournis, par le renouvellement de l'inscription "Boulangerie" sur la Maison Gustavin et par la présence de l'inscription "Marbriers - Codda" sur la maison du quai Lunel, semblent davantage impliquer les années 1865-1868. Ces deux indices ne sont cependant pas déterminants car la reprise du boulanger Steve n'est pas attestée en 1865 et l'inscription du marbrier a pu perdurer après le déménagement de son atelier en 1868.

Les autres photographies des mêmes lieux montrent la présence ou non des étages surélevés de la Maison Grosso mais également des variations de détail des façades de la Maison Gustavin. 

L'inscription "Boulangerie", se restreint parfois au seul bâtiment central (contrairement à l'image étudiée), ses lettres sombres et son fond clair ne débordant pas sur la gouttière latérale et le bâtiment oriental. Inversement, de hauts tuyaux de cheminée (absents de l'image étudiée) sont parfois présents sur le toit du bâtiment central.

L'établissement d'une chronologie basée sur ces seuls détails est cependant difficile, du fait de prises de vues effectuées de plus ou moins loin, de plus ou moins haut, avec des angles de vue différents (révélant ou non la Maison Grosso et les cheminées du bâtiment central de la Maison Gustavin) et avec une luminosité plus ou moins forte (permettant ou non de lire les inscriptions de la Maison Gustavin et des autres maisons du quartier). 

La prise en compte des autres images connues (dessins, estampes) ne résout pas le problème car ce sont des vues simplifiées, non datées et souvent inspirées des photographies recensées. 

Un seul élément apparaît certain : quelques photographies montrent la Maison Grosso surélevée alors que la Maison Gustavin reste dépourvue de cheminée sur son bâtiment central, ce qui induit au moins l'existence de trois états successifs : 

- un premier état montrant la Maison Gustavin, avec un bâtiment central pourvu de deux cheminées et de l'inscription "Boulangerie" au-dessus d'une seule baie (François Chichon boulanger) (vers 1863-1865 ?),

- un deuxième état montrant la Maison Gustavin, avec un bâtiment central désormais dépourvu de cheminées mais présentant l'inscription "Boulangerie" étalée jusqu'au bâtiment voisin peut-être depuis la reprise du boulanger Jean Baptiste Steve en 1865 (la vue étudiée révèle d'ailleurs la nouvelle inscription mais pas encore les étages supérieurs de la Maison Grosso) (vers 1865-1872 ?),

- un troisième état montrant la Maison Gustavin, encore dépourvue de cheminées sur son bâtiment central, présentant l'inscription "Boulangerie" étalée jusqu'au bâtiment voisin mais dominée désormais par les nouveaux étages de la Maison Grosso, érigés fin 1872 (vers 1872-1880).


12- ALEO Miguel (1824-c.1900) & DAVANNE Alphonse (1824-1912),
  Nice. Port et Maison de Garibaldi, vers 1865-1872 (?),
vue est-ouest prise de l'angle des quais nord et est,
distribuée par Barbery frères, Librairie Etrangère, Nice, après 1867,
tirage albuminé recoupé de 9,8x6,3 cm, Collection personnelle.

Au-delà du double escalier central du quai nord, le dépôt de lest est visible avec ses deux murs parallèles.
Comme sur la photographie étudiée précédemment (Images 9 et 11), la Maison Gustavin ne possède pas de cheminées apparentes sur son bâtiment central. L'une des boutiques du rez-de-chaussée présente l'inscription "Coiffeur" et une autre boutique est surmontée par une inscription sur fond blanc qui déborde sur la gouttière latérale mais n'est pas lisible ici ("Boulangerie"). La Maison Baudoin voisine affiche l'inscription "Pharmacie" sur ses deux angles.


NOTES


(1) - Le Port Limpia/Lympia, constitué de deux bassins, a été créé au milieu du XVIII° siècle (vers 1850-1852) mais la réalisation de ses môles d'entrée se sont poursuivis jusqu'en 1775. 

Le bassin intérieur s'arrête alors à la hauteur de la rue du Port (actuelle rue Ségurane) qui conduit à la Place Victor (actuelle place Garibaldi). De nouveaux bâtiments s'ajoutent sur les quais entre 1780 et 1810. 

L'entrée du Port est à nouveau modifiée dans les années 1830 et 1840. La zone nord se voit pour sa part urbanisée à partir des années 1840, autour de la construction de la nouvelle église de la Conception ou Notre-Dame du Port (1840-1853) (Image 1 en tête d'article) et le quartier est relié à la place Victor par la rue Neuve du Port (actuelle rue Cassini).

(2) - Sur la Maison Félix Gustavin et la Maison Samuel Budaran/Abudarame/Abudharam/Abudarham, voir notamment :

- Henri Sappia, "La Maison Abudarham et la Famille Garibaldi", Nice Historique, 1901-6, pp 81-87 (et en ligne, ici).

- Simonetta Tombaccini-Villefranque, "A propos de la maison Garibaldi", Nice Historique, 2007-2, pp 97-106 (et en ligne, ici, avec 4 photographies de la Maison Gustavin conservées à Nice à la Bibliothèque municipale de Cessole).

(3) - Les annuaires cités sont conservés à Nice aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes (AD06) et accessibles en ligne : L'Indicateur niçois de 1845 à 1848 ; Le Guide des Etrangers à Nice de 1858-59 ; L'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1861 à 1880 (les annuaires de 1876, 1878 et 1880 ne sont pas conservés). 

Le Guide [Cauvin] du Commerce - Indicateur niçois suivi du Cicerone de l'Etranger de 1855 et le Guide [Boistier] des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco de 1874 sont en ligne sur Google Books.

(4) Après 1853, le nom de "quai Cassini" peine également à s'imposer sur les plans. Il n'est pas inscrit sur le Plan de 1856 (contrairement aux noms de "quai Lunel" et de "quai des Deux Emmanuel") et n'apparaît sur les plans suivants qu'à partir de 1865 (Images 3 à 5).

(5) - Les registres de recensement cités de 1861, 1866, 1872 et 1876 sont conservés aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes et accessibles en ligne.

Les dates de naissance et de décès des personnes citées ont notamment été recherchées dans les registres d'état civil conservés aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes. Elles ont été croisées avec les recherches généalogiques de Claude Blanco concernant la paroisse Notre-Dame du Port de Nice (Geneanet) et le site municipal des cimetières de Nice.

(6) - Ces photographies sont notamment conservées à :

- Nice : Bibliothèque municipale de Cessole (en ligne, ici) ; Bibliothèque municipale Romain Gary (en ligne, ici) ; 

- Paris : Ecole des Ponts Paris Tech, Ministère des Travaux Publics, Album de PhotographiesCollection L'héritage des Ponts-et-Chaussées (en ligne, ici) ;

- Lovere (Lombardia) : Accademia di Belle Arti Tadini, Museo dell'Ottocento (en ligne, ici) ; 

Plusieurs dessins et estampes se sont inspirés de ces photographies. Voir un dessin original, publié tardivement dans Le Petit Niçois du 3 juin 1901 (Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, en ligne).

(7) - En juin 1865 M. Dellpoiane/Dellepiano demande l'autorisation d'élever d'un étage sa maison du quai Lunel (façade est) et de la rue du Mûrier, 13 (façade ouest) et l'obtient début juillet (Nice, Archives Municipales, 2T20-199). Il s'agit de l'avant-dernière maison (partie sud de la maison double) située à l'extrémité nord du quai Lunel. Les photographies des années 1860 et 1870 prouvent cependant que cet exhaussement n'a pas été réalisé (image 12).




samedi 17 février 2024

1333-MONACO, LA GARE DE LA CONDAMINE (Histoire et Représentations)-3


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS




MONACO, LA CONDAMINE : 

HISTOIRE ET REPRÉSENTATIONS DU QUARTIER DE LA GARE (1860-1890)



MONACO, LA GARE DE LA CONDAMINE (1881-1890)


Les Textes

Les plantations de la place du Canton sont enfin programmées en mai 1881 :"Des bancs ont été posés sur la place du Canton qui va recevoir une double rangée d'arbustes et des réverbères à gaz" (Journal de Monaco du 31 mai 81 ; voir aussi ceux du 19 avril 1881 et du 2 mai 1882).

La place d'Armes est, pour sa part, pourvue en septembre et octobre 1881 d'une fontaine centrale dont le jet d'eau fonctionne pour la première fois le 4 novembre 1881, lors de la Fête de la Saint-Charles (Journal de Monaco des 27 septembre, 18 octobre et 8 novembre 1881 ; la fontaine apparaît dès le plan de l'Annuaire de la Principauté de 1882).

Après avoir été annoncés en juillet 1881, de nouveaux travaux sont entamés au sein de la Gare : "La compagnie du chemin de fer P.-L.-M. a décidé l'agrandissement de la gare de Monaco, dont les locaux actuels ne suffisent plus à la foule toujours croissante des voyageurs que la saison d'hiver amène dans la Principauté, non plus qu'à l'abondance des marchandises importées et nécessaires au commerce local. 

De nouveaux et vastes magasins seront construits sur le côté droit [nord] de la gare, et serviront de dépôt pour les messageries ; des améliorations vont être apportées au bâtiment à usage des voyageurs, et une marquise couvrant le quai permettra de monter en wagon et d'en descendre sans être exposé aux ardeurs du soleil ou à la pluie. " (Journal de Monaco du 12 juillet 1881).

Un point sur le chantier est fait en octobre 1881 : "l'emplacement du jardin de droite de la gare va servir à la construction d'un vaste bâtiment où seront installés les bureaux de la messagerie. Les fouilles sont sur le point d'être achevées, et la livraison du bâtiment est annoncée pour la fin de décembre" (Journal de Monaco du 18 octobre 1881).

Le quartier de la Gare semble alors avoir atteint le maximum de son développement : "Les environs de la gare, à la Condamine, ont pris depuis peu une extension que justifie l'importance des transactions commerciales de notre pays ; des rues, à peine tracées il y a trois ou quatre ans, sont aujourd'hui bordées de maisons ; une population considérable s'est fixée dans ce quartier" (Journal de Monaco du 12 juin 1883).

Au nord de la voie ferrée, une portion de route traversant le territoire de la Principauté, du boulevard Charles III au pont de Sainte-Dévote, envisagée depuis 1882, est entreprise en septembre 1884 et est achevée près de deux ans et demi plus tard, en avril 1886, prenant le nom de boulevard de l'Ouest : "Il importait aussi de donner aux quartiers du Nord-Ouest des débouchés qui sont appelés à mettre en valeur des terrains dont les altitudes, la situation topographique pouvaient favoriser l'établissement d'immeubles destinés à satisfaire aux déplacements de populations qui s'accroissent d'année en année" (Journal de Monaco du 27 avril 1886).

Ce nouveau boulevard est notamment relié au boulevard Charles III, à l'avenue de la Gare et au chemin de la Turbie. Au-dessus de lui et des bâtiments de la Gare, le quartier boisé de la Colle et le lieu-dit Les Révoires (propriété Plati notamment) vont perdre à leur tour leur végétation et se couvrir de constructions en quelques années seulement.

Les Carmélites vont s'installer au cœur de ce nouveau quartier début 1888 et y ériger leur chapelle entre juin et décembre de la même année (Journal de Monaco des 1er et 8 mai, 17 juillet, 16 octobre, 18 et 25 décembre 1888).


Les Images

Dans la photographie ci-dessous, la place du Canton apparaît désormais bordée des arbustes plantés en juin 1881 (Journal de Monaco du 31 mai 81) (Image 16)

Face au square de la Gare, le chantier d'une nouvelle maison est en cours d'achèvement près de l'avenue de la Gare, sur la parcelle de terrain probablement acquise par les Frères Vial, entrepreneurs de travaux publics, fin juillet 1880 (Journal de Monaco du 17 août 1880).

La photographie peut être datée de l'été 1881, après les plantations de la place du Canton mais avant la construction du nouveau bâtiment des Messageries. Les nouvelles constructions réalisées sur le plateau de Monte-Carlo viennent confirmer cette datation.

A l'est de la rade de Monaco, tout au bas de l'avenue de Monte-Carlo, la blanche Villa Colombe de M. Briguiboul, apparaît en effet accostée de deux nouveaux bâtiments (terminés) qui précèdent l'Hôtel Beau-Rivage. 

Ce sont les constructions érigées, par M. Victor Desfossés (banquier parisien), sur une parcelle qu'il a acquise en février 1880 (Journal de Monaco du 24 février 1880). Les travaux semblent avoir été menés entre l'automne 1880 et l'été 1881 (les deux bâtiments vont être représentés sur le plan de l'Annuaire de la Principauté de Monaco de 1882 (ici) et sur celui, contemporain, de l'Album-Guide Illustré International, édité en 1886, vue 186, Paris, BnF, Gallica).

Au sommet du plateau de Monte-Carlo, se remarquent d'autre part les longues et neuves façades du Grand Hôtel, flanquées de deux dômes couronnés d'une flèche. Ce bâtiment, érigé sur les plans de l'architecte Vincent Levrot (1837-1911), de fin mars 1881 à fin décembre 1881, apparaît déjà couvert (depuis fin juin 1881). Il va ouvrir le 1er janvier 1882 et être inauguré le 5 suivant (Journal de Monaco du 10 janvier 1882) (Image 16 ci-dessous).

16- Photographe anonyme [NEURDEIN Etienne (1832-1918)], Monaco, 115., détail, été 1881
vue nord-ouest/sud-est, tirage albuminé acquis par la famille Kempe-Hallwyl lors de leur deuxième voyage
 en Suisse, Allemagne, France et Italie, effectué entre le 10 août et le 20 décembre 1883,
Stockholm, Hallwylska Museet, ici.



La photographie suivante (anonyme) montre le bâtiment des Messageries de la Gare (bureaux et magasins) en cours de construction (Image 17 ci-dessous). 

L'avancement des travaux, entamés au cours de l'été 1881, implique au plus tôt la fin de l'année mais, plus probablement, le début de l'année 1882 (ce bâtiment n'apparaît qu'à partir du plan de l'Annuaire de la Principauté de 1884).

La présence de la fontaine, visible au centre de la place d'Armes (installée en septembre et octobre 1881), implique également la fin de l'année 1881 au plus tôt.

Malgré la raréfaction des terrains à bâtir proches de la Gare, le chantier d'une nouvelle maison (fondations), entamé à l'automne 1881, est visible à proximité de la place du Canton (cette maison apparaît dès le plan de l'Annuaire de la Principauté de 1882).

La photographie peut être datée entre fin 1881 et début 1882.


17- Photographe anonyme, Monaco et Monte-Carlo, détail, fin 1881-début 1882,
vue nord-ouest/sud-est, tirage albuminé, 27x18 cm, Collection personnelle.

Le grand arbre qui accoste la maison carrée située face au bâtiment des Voyageurs apparaît dépourvu de feuillage et confirme la saison proposée (comparer avec l'Image 18 ci-dessous).



Une photographie d'Albert Courret montre les deux bâtiments en construction de l'image précédente totalement achevés (Image 18 ci-dessous).

Le bâtiment des Messageries est pourvu sur deux côtés d'une marquise qui s'est sans doute substituée à celle qui était envisagée au-dessus du quai (Journal de Monaco du 12 juillet 1881).

La maison proche de la place du Canton est pourvue d'une façade occidentale aveugle très repérable sur les vues postérieures mais qui est, en fait, peinte en trompe-l'œil de deux étages de trois baies et d'un grand fronton triangulaire, inscrit dans le pignon et percé d'une petite baie centrale. 

Cette photographie montre également deux nouvelles constructions. A proximité du hangar de la Gare, le bâtiment de l'auberge de Sébastien Giacheri (rue de la Colle) a été fortement agrandi vers l'ouest (comparer avec l'Image 17).

Enfin, face à l'entrée de la Gare, dans l'alignement des quatre bâtiments accolés de l'avenue de la Gare, une nouvelle maison a été érigée dans le courant de l'année 1882 (elle apparaît dès le plan de l'Annuaire de la Principauté de 1883).

La photographie peut donc être datée au plus tôt de la fin de l'année 1882. Le chantier de la cathédrale Notre-Dame, visible sur la photographie entière (ici), vient confirmer cette datation.

Le bâtiment, érigé sur les plans de l'architecte Charles Lenormand (1836-1904) dès janvier 1875, sur le Rocher (côté ouest), est désormais visible grâce à ses hauts murs (chœur, transept et quatre premières travées de nef) qui se détachent sur le ciel (Journal de Monaco du 1er août 1882). Cependant, la tour octogonale du transept n'est pas encore pourvue de toiture, ce qui induit la fin de l'année 1882 ou le premier semestre 1883.


18- COURRET Albert (1856-1928), Monaco, Vue générale de la Principauté, détail, fin 1882 ou début 1883,
vue nord-ouest/sud-est, tirage albuminé, extrait de l'ouvrage d'E. Langlois et A. Brocas, Album-Guide Illustré International, Nice, Londres, 1886, vue 175,
Paris, BnF, Gallica.



La photographie suivante montre que les arbres de la partie du square située au sud du bâtiment des Messageries de la Gare ont disparu (leur représentation est effacée à partir du plan de l'Annuaire de la Principauté de 1886).

Au nord des bâtiments de la Gare, la réalisation du nouveau boulevard de l'Ouest (mars 1884-avril 1886) est visible au bas du quartier de La Colle, entre les falaises des Révoires et la voie ferrée (Image 19 ci-dessous).

Sur le plateau, les premières constructions du quartier de La Colle sont présentes du côté sud-ouest (1884-1886) et d'autres sont visiblement en construction du côté nord-est (1886-1888). Cependant, la chapelle des Carmélites n'est pas encore érigée (juin-décembre 1888).

Sur l'image entière (ici), le bâtiment de la cathédrale Notre-Dame apparaît désormais pourvu d'une cinquième travée de nef, couverte dès l'été 1887 (Journal de Monaco du 6 septembre 1887).

La photographie peut donc être datée entre l'été 1887 et l'été 1888.

19- ND. Phot., NEURDEIN Etienne (1832-1918) & NEURDEIN Louis Antonin (1846-1914), 
Panorama de la Principauté de Monaco, détail, fin 1887-début 1888, 
vue nord-ouest/sud-est, tirage albuminé de 26,8x20,8 cm, Amsterdam, Rijksmuseum, ici.