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dimanche 21 mai 2023

1301-CHARLES NÈGRE : VUES DE NICE DEPUIS LA GARE (ANNÉES 1860)

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS



INTRODUCTION


Peu de vues générales de Nice prises du nord-ouest et datant des années 1860 sont connues. Deux d'entre elles, deux photographies de Charles Nègre (1820-1880), sont cependant conservées aux Archives départementales des Alpes-Maritimes (plaques de verre négatives de 18x24 cm, 08FI 0001 et 0002 ; tirage moderne recadré, 10FI 0501 ; un tirage d'époque de 15,5x21,5 cm, réalisé d'après la plaque de verre 0001 est également conservé au Musée de la Photographie Charles Nègre)

Les vues panoramiques ont été prises depuis les abords de la Gare de Nice et révèlent des  aspects moins connus de la ville. Le but de cet article est d'étudier quelques détails de ces deux photographies et de préciser la datation de chacune d'elles.



VUE 08FI 0002


La première vue (08FI 0002), a été prise un matin (ombres), depuis la colline de Carabacel, à proximité du tunnel de Cimiez (près de l'actuel Musée Chagall). 

Elle montre la voie de chemin de fer, la campagne environnante puis le côté oriental de la gare et le quartier de Longchamp(s) ou Camp Long, et enfin la partie sud-ouest de la ville (Image 1 ci-dessous).


1- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale (nord-est/sud-ouest),
version positive de la plaque de verre négative de 18x24 cm,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0002.


Les quartiers urbanisés n'occupent qu'une petite partie seulement du panorama, la campagne du premier plan en occupant la majorité (oliveraies, champs et jardins).

Les quartiers de Beaulieu, Lonchamp, Saint-Etienne et Saint-Barthélemy se sont développés peu à peu depuis l'implantation du site de la Gare en juin 1862 et surtout l'ouverture de la ligne reliant Nice à Paris, Lyon et Marseille en octobre 1864. 

La volonté municipale de créer une ville neuve entre la place Masséna et la Gare s'est manifestée par le projet parallèle de l'avenue du Prince-Impérial dès juin 1862 puis son ouverture en septembre 1864.

Au premier plan (en bas et à droite de l'Image 1), des amis, parents ou collègues, de Charles Nègre, donnent vie et échelle au paysage et guident le regard vers la ville (Image 2 ci-dessous).


2- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale, détail,
version positive de la plaque de verre négative de 18x24 cm, 
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0002.



Ce sont deux adultes, l'un entièrement vêtu de sombre mais portant une ombrelle claire et l'autre d'une veste sombre et d'un pantalon clair, et un enfant vêtu d'habits clairs.  

Ces mêmes personnages se retrouvent sur deux autres photographies de Charles Nègre dont l'une a été prise dans le même quartier, probablement le même jour (Nice, AD06, 08FI 0029, ici).



La Gare de chemin de fer (actuelle Gare Thiers) 

La Gare, récemment aménagée, apparaît terminée (plate-forme 1862-1866, bâtiments 1862-1864, intérieurs 1864-1865) (Image 3 ci-dessous). 


3- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale, détail,
version positive de la plaque de verre négative de 18x24 cm,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0002.


On distingue nettement la partie centrale de la Gare, avec le Bâtiment des Voyageurs au sud, la Halle centrale couvrant les voies (été 1864) et le Bâtiment du Buffet au nord. 

Sur les côtés, différents locaux techniques triplent la surface au sol dont, sur la gauche, les bâtiments des Messageries et Chaises de postes au sud-est. Ces bâtiments latéraux, alignés sur deux rangs, sont bas et très longs mais apparaissent raccourcis du fait du point de vue (écrasement de la perspective). Des ateliers complètent l'ensemble, avec notamment, sur la droite, la Rotonde des machines (locomotives) située au nord-ouest.

Les deux petits pavillons carrés qui précèdent et encadrent ici le Bâtiment des Voyageurs sont absents de la représentation de la Gare sur les plans de la ville des années 1860 et de la plupart de ceux des années 1870.

Le pont de chemin de fer qui passe au-dessus de l'avenue du Prince-Impérial, semble achevé (1864-1865), et la voie ferrée qui le traverse continue en direction de l'est, vers le tunnel de Cimiez (1864-1866). 


L'avenue du Prince-Impérial (actuelle avenue Jean Médecin)

La rampe, montée ou avenue de la Gare, se raccorde à l'est à la nouvelle avenue du Prince-Impérial (1862-1864), bordée encore de rares bâtiments (Image 3 ci-dessus). 

Au sud du pont de chemin de fer, le Plan indicateur de la ville de Nice (Paris, BnF), édité en janvier 1865, ne montre que très peu de propriétés jouxtant l'avenue du côté est, au sud du pont de chemin de fer, près du Chemin n° 2 de St-Michel : la propriété Orengo, face à la rampe de la Gare et, plus au sud, les propriétés Ravel et Gastaud. 

Les bâtiments dans la photographie de Charles Nègre restent cependant difficiles à identifier avec assuranceCertains d'entre eux semblent plus proches de l'église Notre-Dame de Nice qu'ils ne le sont en réalité, du fait de l'angle de vision


Notre-Dame de Nice 

L'église Notre-Dame de Nice ou Notre-Dame-des-Malades apparaît très isolée, entourée essentiellement de vergers (Image 4 ci-dessous). 


4- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale, détail,
version positive de la plaque de verre négative de 18x24 cm,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0002.

Le quartier de Beaulieu, l'avenue du prince-Impérial
 avec l'église Notre-Dame et le quartier de Longchamp,


L'édifice néo-gothique, souhaité par Monseigneur Sola (1791-1881) et confié aux bons soins du révérend Père Lavigne (1816-1874), a été conçu sur les plans de l'architecte parisien Charles Lenormand (1835-1905).

Dans l'image ci-dessus, l'édifice est visiblement en construction. Le déambulatoire et les huit chapelles rayonnantes sont voûtés et couverts mais les colonnes du rond-point restent inachevées. Le chœur n'est pas voûté et la construction de la nef n'est pas encore entamée.

La pose de la première pierre de l'église catholique a eu lieu le samedi après-midi 12 mars 1864 (Journal de Nice des 12 et 18 mars 1864 p 3), non loin de la grande gare en construction, au milieu de quatre temples, luthérien, calviniste, vaudois et russe.

La construction de l'édifice, orienté nord-est/sud-ouest, s'est faite d'ouest en est. L'élévation des chapelles rayonnantes a été visible dès l'été 1865 (Journal de Nice du 1er septembre 1865 p 2) mais le chœur n'a été commencé qu'au début de l'année 1866 (Journal de Nice du 7 février 1866 p 2) et terminé qu'au début de l'année 1867 (Journal de Nice du 27 avril 1867 p 2).


Datation de la vue

Si l'aspect de la Gare suggère au plus tôt une date vers 1865, l'état de l'église Notre-Dame implique une date vers le milieu de l'année 1866, printemps ou été.



VUE 08FI 001


La deuxième vue (08FI 0001) a été prise un après-midi (ombres), au quartier de Saint-Etienne, à proximité de la Villa Bermond (près de l'actuel Lycée du Parc Impérial). 

Elle montre un large panorama de la ville, qui va de Carabacel (à gauche de l'Image), jusqu'au boulevard du Midi et au Mont-Boron (Image 5 ci-dessous).


5- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale (nord-ouest/sud-est),
version positive de la plaque de verre négative de 18x24 cm,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0001.



La Gare de chemin de fer (actuelle Gare Thiers) 

La vue montre notamment la voie de chemin de fer et le côté occidental de la Gare, avec les bâtiments du Buffet et des Voyageurs reliés par la Halle centrale, la Rotonde des Machines et les longs et bas ateliers occidentaux, l'un d'eux étant accosté d'une haute cheminée.

La surélévation de la plate-forme de la Gare, de 7 mètres par rapport aux bâtiments situés en face d'elle, est sensible, notamment le long de l'avenue Delphine (actuelle avenue Durante) et de la rue de Saint-Etienne (actuelle avenue Georges Clémenceau) (Image 6 ci-dessous)


6- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale, détail, 
version positive de la plaque de verre négative de 18x24 cm,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0001.

Au premier plan, la gare de chemin de fer, et plus au sud-est, 
dans le quartier de Carabacel, marqués d'un point rouge,
la chapelle anglicane, érigée entre 1858 et 1860 sur un terrain acheté le 21 juin 1858
 (merci à Judit Kiraly de cette information),
et l'Hôtel de Nice ouvert en décembre 1864 dans la Maison Tori édifiée en 1863-1864



Avenue du Prince-Impérial (actuelle avenue Jean Médecin) 

Si l'on compare avec la vue précédente, force est de constater le développement de l'urbanisation des quartiers, avec la présence de nouveaux bâtiments et de nombreuses constructions en cours

Cette accélération, qui se produit dans les années 1867-1869, est confirmée par la multiplication des ventes de terrains (notamment ceux du Bureau de la Bienfaisance et Œuvre de la Miséricorde ; Journal de Nice du 4 janvier 1868 p 3 et du 17 avril 1868 p 2), par la multiplication des demandes d'autorisations de voirie (constructions neuves, pose d'enseignes, création de nouveaux hôtels) et par la modification des plans, avec l'apparition de nombreux bâtiments et l'ouverture de nouvelles rues.

Presque en face de l'église Notre-Dame, le bâtiment en construction situé de l'autre côté de l'avenue du Prince-Impérial, à l'angle de la nouvelle rue puis avenue Beaulieu (actuelle avenue du Maréchal Foch), est l'Hôtel Raissan (veuve Raissan et ses fils). Ce nouvel hôtel ne sera ouvert qu'au dernier trimestre 1869 (Nice, Archives Municipales, 2T 32-466) (Image 7 ci-dessous).

Deux bâtiments, l'un derrière l'autre, se construisent au sud-est des premières travées couvertes de l'église, dans la future rue d'Italie (Image 7 ci-dessous). 


7- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale, détail,
version positive de la plaque de verre négative de 18x24 cm,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0001.

Les deux côtés de l'avenue du Prince-Impérial, avec de gauche à droite, 
les bâtiments en construction de l'Hôtel Raissan, de l'église Notre-Dame, 
de Maisons non identifiées et de la Maison Bianchi
 et, plus au sud-est, l'hôpital Saint-Roch,



Un bâtiment en L est également en construction dans l'angle de l'avenue du Prince-Impérial et de la nouvelle voie ouverte en novembre 1867 et désignée pendant quelques mois sous le nom de "nouvelle avenue", d'avenue Saint-Etienne ou d'avenue Eugénie, avant d'être dénommée rue de la Paix au cours de l'année 1868.

Cet immeuble (Image 7 ci-dessus) est celui qui occupe de nos jours les numéros 35, avenue Jean Médecin et 2, avenue Georges Clémenceau. Il a été bâti pour Nicolas Bianchi, suite à une demande d'autorisation qui date de mars 1868 et a été déclaré couvert dès novembre 1868 (Nice, Archives Municipales, 2T 27-96). L'immeuble a été achevé en 1869 et portait d'ailleurs, il y a peu de temps encore, une agrafe timbrée de la date de "1869" au-dessus de la porte du n° 35 (Inventaire du Patrimoine de Villégiature de Nice, ici).

L'accélération du développement du quartier est due à l'ouverture de la ligne de chemin de fer Nice-Monaco en octobre 1868 et à la liaison annoncée avec l'Italie mais également à la construction de l'église Notre-Dame de Nice, entamée en avril 1864 et devenue le centre de réunion des fidèles dès mai 1868.


Notre-Dame de Nice

"Ce temple si monumental et grâcieux (...), dès à présent, se trouve entouré de vastes et élégantes constructions devant former sous peu des rues spacieuses et régulières (...). Que ceux qui en doutent veuillent s'adresser aux propriétaires des maisons, et ils sauront que c'est le voisinage de N.-D. de Nice qui a puissamment aidé à la prompte et lucrative location de leurs appartements (...). Là où il y a quatre ans, il n'y avait que des terrains vagues, on voit surgir une nouvelle ville" (Lettre de l'archiviste J.A. Gallois Montbrun publiée dans le Journal de Nice du 24 avril 1869 p 3).

Dans la vue, l'église apparaît encore inachevée mais son chœur est désormais voûté et couvert et trois travées orientales de la nef sont entièrement édifiées (Image 8 ci-dessous). 


8- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale, détail de l'église Notre-Dame,
version positive de la plaque de verre négative de 18x24 cm,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0001.



L'objectif visé de terminer la moitié de l'édifice vers novembre 1867 (Journal de Nice du 2 mai 1867 p 3) semble avoir été atteint et ce sont, entre les "deux tiers" et "les trois-quarts" de l'édifice, qui ont été achevés au printemps 1868. 

Cette partie de l'édifice a pu être bénie et ouverte au culte le dimanche matin 3 mai 1868 : "Placée aux portes de la ville, à côté de la gare, cette église, que nous avons dédiée sous le vocable de Notre-Dame de Nice, s'élevant doucement dans les airs, parlera à l'âme des voyageurs que nous amènera le chemin de fer, et les détachera de la terre, pour les attacher à Dieu" (Discours de Monseigneur Sola, Journal de Nice du 4 mai 1868 p 3).

Les travaux se continuent pour les 4 travées de nef restantes et la façade accostée de tours (Journal de Nice du 15 juillet 1868 p 2). Sur l'image ci-dessus, on devine l'élévation en cours des murs goutterots des futures travées de nef (en escalier descendant jusqu'à la future façade).

En février 1869, lors d'une assemblée de charité qui se déroule "dans la partie du temple consacrée au culte depuis le 3 mai 1868", le Père Lavigne fait notamment le point sur les travaux : 

"Depuis le mois de février 1868 jusqu'au 3 mai, jour de l'inauguration, cinquante mille francs ont été dépensés, sans compter les frais du culte (...). Le chantier (...) est en pleine activité. Dans l'été dernier, tous les travaux ont été concentrés à l'intérieur pour le ravalement. Dans la partie terminée, il ne reste que les sculptures à exécuter. Depuis le mois de mai, les dépenses se sont élevées, jusqu'à cette heure, à la somme régulière de cinq mille francs par mois. Le mobilier acquis représente une valeur considérable (...). L'église sera sous toit à la fin de l'automne" (Journal de Nice du 5 février 1869 p 2). 

Emile Négrin décrit le projet global en 1869 : "Monsieur Lenormant [sicqui en est l'architecte a donné à son œuvre toute l'harmonie d'ensemble qui caractérise l'architecture du XIII° siècle. L'ogive y est entièrement dépouillée de tout alliage roman. Le maître-autel est placé dans un demi-cercle de colonnettes d'une légèreté incroyable. Une particularité de notre-dame [sicde Nice est que les trois nefs y sont de la même hauteur : hauteur des nefs 18 mètres ; largeur de la nef intermédiaire 8 mètres, des 2 nefs latérales 5 mètres ; longueur de l'église 66 mètres ; hauteur de chacune des tours 65 mètres" (E. Négrin, Les Promenades de Nice, édition de 1869, pp 296-297).

L'achèvement de la nef est espéré pour fin 1869 et celui de la façade pour fin 1870 mais ce ne sera pas le cas. Par manque de fonds (malgré les nouveaux dons du Gouvernement, de la Ville, du Casino de Monaco et des fidèles), le chantier s'étalera sur près d'une décennie supplémentaire et cessera sans que les statues de façade et les flèches des tours ne soient réalisées.


La Chapelle écossaise 

Plus à l'ouest, l'un des grands bâtiments qui apparaît en construction sur la photographie est la Chapelle écossaise (actuelle Eglise protestante unie de Nice-Saint-Esprit).

Cette chapelle est située à l'angle de la rue Saint-Etienne (actuelle rue Alphonse Karr) et du boulevard Longchamp (actuel boulevard Victor-Hugo) (Image 9 ci-dessous).


9- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale, détail,
version positive de la plaque de verre négative de 18x24 cm,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0001.

La rue Saint-Etienne et le boulevard Longchamp, 
avec l'église écossaise en construction au centre de l'image
et, marquée d'un point rouge, la Chapelle russe ou Eglise Saint-Nicolas et Sainte-Alexandra
 bâtie dès décembre 1858 et inaugurée le 12 janvier 1860, sur un terrain acheté le 27 avril 1857.


L'autorisation de construire cette chapelle presbytérienne, sur un terrain de forme triangulaire acquis par la communauté dans la propriété Juge, a été sollicitée par le révérend Alexander Burn- Murdoch (1824-1883), le 30 mars 1868.

"Cet édifice, qui sera construit dans le style du XIII° siècle, aura 12 m. de longueur dans œuvre, sur 22 m. 40. Il sera éloigné du boulevard d'une distance de 28 m 85 et sa façade principale sera parallèle à ce boulevard" (Archives Municipales de Nice, 2T 27-116).

L'autorisation a été accordée le 2 avril 1868 et le premier coup de pioche a été donné le lundi 6 avril suivant (Journal de Nice du 6 avril 1868 p 2).

La vue montre l'angle sud-ouest de la chapelle avec l'achèvement en cours de son gros œuvre (charpente posée). L'état du bâtiment implique au plus tôt la fin de l'année 1868 ou le début de l'année 1869, "l'église protestante, étant encore citée, en construction près du boulevard Longchamp", dans le Journal de Nice du 27 mars 1869 (p 2).


Datation de la vue

Du fait des différents chantiers de construction (église Notre-Dame, Hôtel Raissan) dont deux entamés en avril 1868 (immeuble Bianchi, Chapelle écossaise), la photographie étudiée peut être datée entre la fin de l'année 1868 et le début de l'année 1869.

Cependant la couverture de l'immeuble de Nicolas Bianchi, attestée en novembre 1868 (Archives Municipales, 2T 29-518) mais absente de la photographie, permet de préciser la date de la prise de vue vers septembre ou octobre 1868, soit plus de deux ans après la vue précédente.




samedi 13 mai 2023

1300-NICE, LES EMPLACEMENTS DE L'HÔTEL DE LONDRES AVANT 1860

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS

 

 

Remerciements pour leur contribution à Julie Reynes et Olivier Gaget.


 DERNIERE MISE A JOUR DE CET ARTICLE : 11/03/2024


 

INTRODUCTION

 

En 1834, Paul Emile Barberi dans son Album ou Souvenir de la Ville de Nice maritime et de ses environs, écrit que "les hôtels qui sont le plus en réputation sont ceux des Etrangers, d'York, des Quatre-Nations [sur la rive gauche du Paillon], et la Pension Anglaise [sur la rive droite, faubourg de la Croix-de-Marbre]". Ces hôtels, qui sont aussi les plus anciens de Nice (fin XVIII°-tout début XIX° siècle), sont les seuls qu'il situe sur le plan de la ville (Image 1) (1).

En 1836, Ferdinand Artaria cite pour sa part l'Hôtel "Des Etrangers, l'Hôtel d'Yorck [sic], Le Dauphin, Les Quatre Nations" (2).

Cependant, il existe d'autres hôtels répartis dans les différents quartiers de la Croix-de-Marbre, de la Buffa, de Beaulieu, de Carabacel, des Ponchettes, du Port et du Lazaret. Ils possèdent des façades peintes à fresque, sont souvent précédés de jardins complantés d'orangers et de citronniers et proposent chambres, appartements et table d'hôte.

Augustin Bricogne, dans son ouvrage de 1839, cite les hôtels d'Europe, de la Pension Anglaise [sur la rive droite], de France, du Midi, du Nord, d'York, des Etrangers et de Londres [sur la rive gauche] (3).

Cet article a pour but d'étudier l'Hôtel de Londres et ses déplacements dans la ville de Nice avant l'Annexion française.

La recherche s'est essentiellement axée sur les annuaires et les guides et récits de voyages. Il est nécessaire de préciser que certains ouvrages n'ont pu être consultés, que les Guides de voyage, déjà décalés du fait des délais d'édition et de transmission des renseignements par les hôteliers, fournissent des listes souvent partielles ou très décalées dans le temps, et qu'enfin les récits de voyageurs ont souvent été édités plusieurs années après leur rédaction.

 

 

L'HÔTEL DE LONDRES

 

Premier emplacement

L'Hôtel de Londres est cité pour la première fois dans un récit de voyage d'Augustin Jal qui arrive à Nice en octobre 1834 : "Il nous fut difficile de nous loger ; l'hôtel des Etrangers, un des plus beaux établissements de ce genre que l'on puisse trouver en Europe, regorgeait de monde, et c'est à peine si nous pûmes trouver une chambre à l'hôtel de Londres. Le gîte nous importait peu ; nous ne voulions passer qu'une nuit ; s'il avait fallu faire un plus long séjour, nous aurions été plus à plaindre parce que cette maison située au nord est très-froide" (4).

A cette date, l'Hôtel de Londres est situé au bord de la rive gauche du Paillon, face au Pont-Neuf, sur la place Charles-Albert, probablement dans la Maison de Pierre Audiffret (bâtiment nord de la place, au n°2) mais sa date d'installation reste inconnue.

L'hôtel, qui porte un nom très répandu tant en Piémont qu'en France, s'adresse en priorité à la clientèle anglaise. Son nom est cependant en français, même s’il est parfois cité en italien dans des ouvrages en français (Albergo di Londra).

 

1- Indication des emplacements de l'Hôtel de Londres sur un détail du
 Plan de la Ville de Nice (Maritime),
 dessiné et lithographié par Paul Emile Barberi (1775-1847), d'après les originaux du cadastre de L. Escoffier, Ingénieur en Chef, Imprimerie lithographie de Villain, Nice, 1834,
Nice, Bibliothèque Municipale de Cessole.

n°1 : Premier emplacement de l'Hôtel de Londres, place Charles-Albert (1834-1837).
n°2 : Deuxième emplacement de l'Hôtel aux Ponchettes (1837-1843).


Deuxième emplacement

En 1837, l'Hôtel de Londres déménage pour un meilleur emplacement situé aux Ponchettes, à côté de la Colline du Château, comme le révèle le récit d'un voyage effectué en mars 1838 : "Our first year's lodgings, Maison Maigron, are now the Hotel de Londres ; the situation is dry and one of the warmer in Nice. I do not recommend it, howewer, as the house is closely sheltered by a high rock, which, though a protection against wind, more than overbalances the advantage by intercepting the cheering warmth of the morning sun" (5).

La Maison Maigron, située près des anciens remparts et signalée dès les années 1820 (6), était une maison de location avant même que l'Hôtel de Londres n'investisse ses locaux.


2- Indication de la Maison Maigron sur un détail de 
Nice, vue prise de la Terrasse, Paris, Audot, 1837, 
dessin de Grundmann gravé par Lhuillier, gravure sur cuivre en taille douce, 16,5x26 cm,
 Archives Municipales de Nice (AM, 4Fi 40, ici).



En 1839, l'ouvrage d'Augustin Bricogne signale à son tour, "l'hôtel de Londres, ci-devant [auparavant] place Carlo Alberto en face le pont neuf, maintenant aux Ponchettes au bout de la Terrasse maison Mégron [sicdans une des positions les plus agréables et les plus chaudes de la ville" (3).

Un Guide médical de Nice, écrit en 1840, précise : "The Hôtel de Londres has six drawing rooms, and makes up thirty beds" (7)

Le récit d'une saison à Nice, effectuée entre novembre 1840 et juin 1841, signale pour sa part, "l'hôtel de Londres nouvellement restauré (8).

Une lettre d'octobre 1843 vante à nouveau la position de l’Hôtel de Londres : "The situation is perhaps too warm for a summer residence ; but, in a winter, must render it a very desirable place for an invalid : a rock at the back of the base completly sheltering it from the winds. It fronts the sea, and is at the foot of an elevated terrace or promenade, which extends for some distance along the beach, forming a sheltered and agreeable walk for persons in delicate health" (9).

Cependant, fin octobre 1843, l'Hôtel de Londres déménage, laissant le bâtiment à l'Hôtel Paradis et à son directeur Joseph Faraut/Faraud/Féraud (fin 1853, ce même emplacement deviendra celui de l'Hôtel des Princes tenu par Jean Baptiste Isnard).


 

Troisième emplacement

Un guide de 1844 cite ensuite l'hôtel "dit du Paradis aux Ponchettes" et "l'hôtel de Londres situé au midi, dans le plus beau quartier de la ville avec vue sur la mer et de la campagne", la campagne évoquée étant celle de la rive droite du Paillon (10).

L'adresse de l'Hôtel est précisée dès l'Indicateur niçois de 1845 à deux reprises : "Williams [probablement William Williams], hôtel de Londres, boulevart [sic] du Midi, près le Théâtre [Royal]" et "Velliano frères et sœurs, hôtel de Londres, près du Théâtre, maison Defly" (11).

Entre 1843 et 1844, la construction d'un nouveau bâtiment devant accueillir l’Hôtel de Londres a cependant été entamée à un autre emplacement et il est probable que l'Hôtel s'est installé boulevard du Midi uniquement dans l'attente de ses nouveaux locaux.

Le lieu choisi est situé "boulevard du Pont-Neuf", appellation qui ne désigne pas la rive gauche comme on pourrait le croire mais l'ensemble de la rive opposée, rebaptisée dès 1853, quai Masséna, dans sa partie sud et quai Saint-Jean-Baptiste, dans sa partie nord.

C'est dans la future portion du quai Saint-Jean-Baptiste que le chantier s'est ouvert, entre l'immeuble Tiranty qui fait l'angle de la Piazza del Sobborgo di San Gio Battista (future place Masséna) et le bâtiment de l'Hôtel d'Angleterre, qui prendra ensuite le nom d'Hôtel Chauvin/Chauvain.

La découverte de vestiges romains sur le chantier retarde probablement la construction, du fait de la réalisation de fouilles archéologiques : "On a trouvé, près du Pont-Neuf, en creusant les fondements de l'hôtel de Londres, de petites voûtes en forme de carrières sépulcrales", lit-on dans un ouvrage de 1847 (12).


3- Indication de deux emplacements de l'Hôtel de Londres sur un détail du
 Plan de la ville de Nice,
 dressé par Ch. Montolivo et gravé par Ch. Dyonnet, 1856,
 Paris, BnF (Gallica).

n°3 : Troisième emplacement de l'Hôtel de Londres, boulevard du Midi (1843-1845).
n°4 : Quatrième emplacement de l'Hôtel, boulevard du Pont-Neuf (1845-1852).


 

Quatrième emplacement

En 1845, l'Hôtel emménage dans ses nouveaux locaux. 

Dès 1846, L'Indicateur niçois cite l'Hôtel suivi des noms de ses directeurs et de sa nouvelle adresse, "Velliano frères, boul. du Pont-Neuf " et, en 1847, le Guide Murray le situe près de l'Hôtel Chauvin, anciennement d'Angleterre (13).

L'Hôtel de Londres occupe en effet le bâtiment construit entre la Maison Tiranty (qui constituera l'angle de la future place Masséna) et l'Hôtel Chauvain, et il va être réuni à ce dernier dans une même façade.

L'Hôtel de Londres est régulièrement cité dans les années suivantes. 

L'Avenir de Nice du 20 mars 1852 annonce l'achat de l'Hôtel de Londres pour un prix dépassant 222,000 fr, par M. Chalanqui de Marseille (qui possède le Grand Hôtel des Empereurs dans cette ville). "La direction de cet hôtel sera confiée à une famille suisse qui amènera un personnel complet, ainsi que d'excellents chefs de cuisine sortant de chez Véry et Vefour de Paris".

En juin 1852, le nom des directeurs de l'Hôtel de Londres, "Vegliano" (sic), est cette fois accompagné du nom du nouveau propriétaire,"Chalenqui" (sic) (14). Il s'agit de Jean Joseph Chalanqui (1789-1858).

C'est cependant la fin de l'Hôtel de Londres qui va être rénové dans la même année et va changer de direction et de nom, pour devenir l’Hôtel des Empereurs. 

Trois documents dont la mise à jour n'a pas été réalisée, deux Guides de voyage et un Plan de Nice, feront perdurer par erreur le nom de l'Hôtel de Londres jusqu'en 1856 (15).



L'HÔTEL DES EMPEREURS

 

"L’Hôtel des Empereurs" est cité dès l'automne 1852 dans une publicité (ci-dessous) qui paraît dans L'Avenir de Nice du 24 octobre 1852, lors de l'annonce d'un concert le 26 octobre puis dans un Guide Murray de la même année : "Hotel des Empereurs, formerly de Londres, kept by Joseph Monnoyeur, of Paris, newly fitted up" (16).


- Publicité pour l'Hôtel des Empereurs, parue dans L'Avenir de Nice du 24 octobre 1852 p 4,
Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes.


La direction de l'hôtel, qui devait être confiée à une équipe suisse, ne s'est pas donc pas réalisée immédiatement.

Une publicité paraît dans les Guides Bradshaw de 1853 et 1854 et précise que M. Chalanqui est toujours le propriétaire de l'Hôtel et qu'il est également le fondateur et le propriétaire de l'Hôtel des Empereurs de Marseille (17).


- Publicité parue dans les Guides Bradshaw's Continental de 1853 et 1854.


Si le nom de M. Monnoyeur est encore cité en janvier 1853, il est remplacé par celui de M. Dumas dès le mois de juin de la même année (L'Avenir de Nice des 30 janvier et 3 juin 1853).

L'Hôtel des Empereurs est régulièrement cité à la suite de celui de l'Hôtel Chauvain, et situé "près le Pont-Neuf" ou "près la place Masséna". Le "Grand Hôtel des Empereurs" et le "Grand Hôtel Chauvain" sont désormais côte à côte dans le même bâtiment.

Le Guide de Nice de Pierre Cauvin paru en 1855, cite à deux reprises le nom du nouveau propriétaire de l’Hôtel des Empereurs : "Rufenacht Eugène, q. S. Jean-Bapt., 57" et "Ruffnacht [sic], qui possède aussi l'hôtel des Bergues à Genève - confortable - près pl. Masséna". Il s'agit du Suisse, Rudolf Friedrich Eugen Rüfenacht (né en 1820) qui est l'associé de Chalanqui pour les établissements de Nice et de Marseille (18).

C’est cependant la fin de l’Hôtel des Empereurs qui va être englobé sous le nom du Grand Hôtel Chauvin voisin, vers 1855.

Ce sont les images qui documentent le mieux ces changements, avec notamment deux lithographies montrant le Grand Hôtel des Empereurs accosté du Grand Hôtel Chauvain (ici et ici) (19) puis une photographie de Louis Crette montrant désormais les deux bâtiments réunis sous la seule enseigne du Grand Hôtel Chauvain (20).

Plusieurs ouvrages de la fin des années 1850 continuent de citer le nom de l'Hôtel des Empereurs (21). 

Edwin Lee fait de même, dans sa nouvelle édition de, Nice and its Climate, préfacée en novembre 1859 et parue en 1861 mais corrige cependant dans ses Addenda : "The Hotel Chauvain is now greatly enlarged by the addition of the adjoining Hotel des Empereurs" (22).



 ÉPILOGUE


Avant 1860, l'Hôtel de Londres a occupé quatre emplacements successifs, en alternant d'une part entre les bords du Paillon et le bord de mer mais d'autre part entre la rive gauche (nouveaux quartiers situés au-delà des limites des anciens remparts de la vieille ville) et la rive droite (ville nouvelle). D'autres hôtels niçois ont d'ailleurs suivi un cheminement semblable. 

Après l'Annexion française, le nom d'Hôtel de Londres sera repris par d'autres établissements niçois.



NOTES

 

1- Paul Emile Barberi, Album ou Souvenir de la Ville de Nice maritime et de ses environs, Nice, note 8 (Nice, Bibliothèque municipale de Cessole ; voir en ligne sur le site du Rijksmuseum d'Amsterdam).

2- Ferdinand Artaria & Fils, Nouveau Guide du Voyageur en Italie, Milan, 1836, pp 7 et 51 (GoogleBooks).

3- Augustin Bricogne, Le Conducteur des Etrangers dans l'intérieur de Nice et dans ses environs, Nice, 1839 pp 90-91 (Nice , Bibliothèque municipale de Cessole).

4- Auguste Jal, De Paris à Naples - Etude de Mœurs, de Marine et d'Art [octobre 1834], Paris, Allardin, 1836, t. 1, vol. 1, p 117 (GoogleBooks).

5- "Letters from Italy - Letter n°1-Nice" [mars 1838], in, Dublin University Magazine, vol. XIX, premier semestre 1842, janvier, pp 46-56 (p 49) (GoogleBooks) ; 

- voir aussi, Lady Montefiore, Notes from a Private Journal of a Visit to Egypt and Palestine [Nice - décembre 1838], 1844 p 67 (citant l'Hôtel de Londres et sa vue sur mer) (GoogleBooks).

6- Joseph Rosalinde Rancher, Guide des Etrangers à Nice, Imprimerie de la Société typographique, Nice, 1827, p 80 (et auberges p 68) (GoogleBooks).

7- William Farr, A Medical Guide to Nice, London, 1841, Appendix, p 133 (GoogleBooks) ;

8- P.B., Nouvelles notices comparées sur Montpellier, Toulouse, Nice et Chambéry, Ed. Kindle, 2016 (récit d'un séjour à Nice effectué de novembre 1840 à juin 1841 et rédigé en juin 1841 ; ouvrage publié en 1845 ou 1846).

9- Letters to the Continent to a beloved Parent, Lettre XIII, Nice, October 1843, 1846, p 165 (GoogleBooks).

10- A. Risso, Nouveau guide du Voyageur dans Nice, Imprimerie Société typographique, Nice, Seconde édition, 1844 p 75 (Archives Départementales des Alpes-Maritimes, en ligne).

11- L'Indicateur niçois pour l'année 1845 précédé de l'Almanach de la Division en langue italienne, Société Typographique, Nice, pp 185 et 289 (Archives Départementales des Alpes-Maritimes, en ligne).

12- Mathieu Victor Auguste Thaon, Premières époques de l'histoire de Nice et des Alpes-Maritimes, Nice, Imprimerie Caisson, 1847 p 62 (GoogleBooks). 

- Lorsqu'en 1853, ces fouilles seront à nouveau évoquées, ce ne seront plus les fondations de l'Hôtel de Londres qui seront citées mais celles de l'Hôtel des Empereurs qui lui a succédé et a déjà été remplacé ; Auguste Carlone, Un Charivari à Nice - Chronique historique de l'an 1600, Nice, Imprimerie Canis,1853 p 32, note 1 (GoogleBooks).

13- L'Indicateur niçois pour l'année 1846 précédé de l'Almanach de la Division en langue italienne, Société Typographique, Nice, p 149.

- Guide Murray, Hand-book for Travellers in Northern Italy, London, 1847 p 69 ("Hôtel Chauvin, formerly Hôtel d'Angleterre [...] - Hôtel de Londres, next door to the last, fair"). 

14- L'Avenir de Nice du 26 juin 1852 p 1 (Archives départementales des Alpes-Maritimes, en ligne). 

15- Quelques Guides non mis à jour citent encore l'Hôtel de Londres après 1852 : 

- Pharamond Blanchard, De Paris à Constantinople, 1855, liste l'Albergo di Londra p 39 (GoogleBooks) ; 

- Edwin Lee, Nice and its Climate, réédité en 1855 (p 33), le situe encore aux Ponchettes (GoogleBooks) ; 

- Plan de Nice, dressé par Ch. Montolivo et gravé par Ch. Dyonnet, B. Visconti éditeur, Nice, 1856 (Image 3), identifie encore dans sa légende l'Hôtel voisin de l'Hôtel Chauvain comme l'Hôtel de Londres (Paris, BnF, sur Gallica.

16- L'Avenir de Nice du 26 octobre 1852 p 2 (Archives départementales des Alpes-Maritimes, en ligne) ; 

- Un concert du 18 février 1853 est ensuite décrit dans la Revue et Gazette Musicale de Paris du 6 mars 1853 p 84 (concert du 18 février 1853) (GoogleBooks)

17- Guides Bradshaw's Continental 1847-1939, vol.1, années 1853 et 1854 (GoogleBooks), 

18- Richard/Audin (Jean Marie Vincent), Guide classique du Voyageur en Europe, Paris, L. Maison, 1852, Appendice publicitaire, p 8.

- Pierre Cauvin, Guide du Commerce. Indicateur niçois (vol. 1) suivi du Cicerone de l'Etranger pour Nice et ses environs (vol.2), Nice, Société Typographique, 1855, vol. 1 p 79 et vol. 2 p 98 (GoogleBooks).

- Guides Bradshaw's Continental 1847-1939, vol.2, années 1855-1856 (GoogleBooks), 

19- Vue du jardin public et du quai Masséna, lithographie d'après un dessin de Cassini, extraite de Souvenir de Nice, 1855 (?), Acadèmia Nissarda, Voyage Pittoresque 

- Quai Masséna, lithographie de Jacques Guiaud, 1861 (?), Acadèmia Nissarda, Jacques Guiaud.

20- Archives Départementales des Alpes-Maritimes, Iconographie, 10FI 4603 (ici. Voir l'étude et la datation de cette image, vers 1857, sur ce blog (ici).

21- Guide Murray, Hand-book for Travellers in Northern Italy, London, 1858 p 69 (GoogleBooks) ;

- Augustin Joseph du Pays, Itinéraire de l'Italie et de la Sicile, 2ème édition, Paris, 1859, p 87 (GoogleBooks).

22- Edwin Lee, Nice and its Climate, London, 1861, p 33 et Addenda p 4 (GoogleBooks).

 

 


dimanche 7 mai 2023

1299-LIBRARY OF CONGRESS : VUES DES ALPES-MARITIMES AU XIX° S.


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS 


1- Vue intitulée, Mentone, mais qui est en fait une vue de Vintimille, prise du sud-ouest, 
Washington, Library of Congress, Lot 7742, p 102.



PRESENTATION


La Library of Congress (Washington) conserve un album de 108 photographies d'Italie, France et Autriche, datant de la seconde moitié du XIX° siècle (Lot 7742, Genoa, Pisa, Nice, Avignon, Parma, Milan, Verona, Vienna, vers 1860-1890, ici).

Dans cette collection se trouvent 7 vues des Alpes-Maritimes dont : 3 de Nice, 1 de Villefranche, 1 d'Eze et 2 de Menton (pp 100-103) :

- Views of Nice (Nice, la Baie des Anges vue des Ponchettes), p 100 (Image 5) ;

- Views of Nice. Promenade Anglais. Public garden (Nice, la Promenade des Anglais, le Jardin public)p 100 (Image 6) :

Nice from Smith's Villa (Nice, vue du Château Smith), p 103 (Image 7) ;

- Villafranca. American fleet (La rade de Villefranche avec la flotte américaine), p 101 (Image 8) ;

- Esa (Eze), p 101 (Image 2) ;

Mentone from the east (Menton, vue du Pont Saint-Louis à la frontière italienne), p 101 (Image 4) ;

- Mentone (La ville), p 102 mais qui est en fait une vue de Vintimille (Image 1).

L'ensemble de ces vues est anonyme et non daté.


2- Esa (Eze, vue du nord-est), Washington, Library of Congress, Lot 7742, p 101.

Cette vue, prise par Alphonse Davanne (Image 3), a été ensuite diffusée sous les deux noms de Miguel Aleo & d'Alphonse Davanne. 

Elle date de la première moitié des années 1860.



IDENTIFICATION


Davanne et Aleo

Si plusieurs vues semblables, signées d'Alphonse Davanne, de Miguel Aleo ou des noms des deux photographes sont conservées, seulement deux des photographies ont pu être retrouvées à l'identique :

- la vue de Villefranche (Villafranca. American fleet), signée de Miguel Aleo (1824-c.1900) (Collection privée),

- la vue d'Eze (Esa ; Image 2), signée d'Alphonse Davanne (1824-1912) (Image 3) qui se retrouve par la suite signée d'Aleo & Davanne (Glasgow University, Dougan, 106-63).


3- DAVANNE Alphonse (1824-1912), Eza, vers 1860-1866,
tirage albuminé de 9,6x5,6 cm sur carton de 10,5x6,1 cm, Collection personnelle.



Il semble cependant que ces deux photographes sont également les auteurs des autres vues :

- Miguel Aleo pour les trois vues de Nice,

- et Alphonse Davanne pour les deux vues de Menton et Vintimille.


4- Mentone from the east (Menton, la Baie de Garavan vue du Pont Saint-Louis, à la frontière italienne), 
Washington, Library of Congress, Lot 7742, p 101.

Alphonse Davanne a multiplié les prises de vues de cet endroit dès la fin des années 1850. L'une de ses photographies du début des années 1860 est notamment conservée aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes (10FI 0045). Miguel Aleo a pour sa part réalisé une photographie des lieux, datée dans le négatif de "1858" (Collection privée). Plusieurs vues ensuite signées des deux photographes ont été également diffusées dès la fin des années 1860.

Cette vue, prise par Alphonse Davanne, présente un état d'urbanisation et de déboisement des collines de Garavan qui correspond au milieu des années 1860 (état semblable à celui d'une vue d'Albert Pacelli, Collection privée).



Ces deux photographes sont parisiens, ont le même âge et sont amis. Il est probable que ce soit Alphonse Davanne qui ait d'ailleurs initié Miguel Aleo à la photographie au milieu des années 1850 (voir sur ce blog la biographie de Miguel Aleo, ici). 

De 1858 à 1860, accompagnés de leur épouse, ils passent la saison d'hiver à Menton puis à Nice, de 1860 (après l'Annexion française) au début des années 1870.

Vers 1860, ils diffusent individuellement leurs photographies mais ces dernières ne portent pas toujours leur nom. Elles sont revêtues, par la suite, de leur nom ou de leur timbre (sec ou humide) avec leur monogramme, "AD" (pour Alphonse Davanne) ou "MA" (pour Miguel Aleo), voire pour les grands formats, de leur signature, et elles présentent le nom de leur diffuseur (libraires).

A la fin de l'année 1867, il semble cependant que les deux photographes s'associent et éditent désormais leurs photos, sous leur timbre commun, "AD" (pour Aleo & Davanne), redoublé parfois de leurs deux noms.

Ils ne se contentent pas seulement d'éditer sous leurs deux noms leurs nouvelles photographies (vues de Cannes vers 1868-1871) mais rééditent leurs anciennes photographies, notamment les vues des Alpes-Maritimes, de Monaco de Normandie, d'Auvergne, du Dauphiné et des Pyrénées d'Alphonse Davanne et les vues des Alpes-Maritimes, de Monaco et de Corse de Miguel Aleo.

Leur association semble durer jusqu'aux années 1880 (adresses des diffuseurs), même si Miguel Aleo quitte Nice en 1871 puis la France en 1875 pour s'installer à New York.

L'absence de leur nom sur certaines vues anciennes puis la présence de leurs deux noms sur les vues rééditées rendent très complexes tout à la fois l'attribution et la datation de leurs photographies, d’autant qu'ils ont tous les deux photographié les mêmes lieux à plusieurs reprises et que leurs vues portent souvent des titres semblables ou identiques.


5- Views of Nice (Nice, la Baie des Anges vue des Ponchettes), Washington, Library of Congress, Lot 7742, p 100.

Cette photographie est-ouest, prise par Miguel Aleo montre, sur la Promenade des Anglais, la silhouette du Casino achevé en 1867 mais, aux Ponchettes, les arbres du Cours qui ne seront arrachés qu'en 1870. 

La vue peut être située entre ces deux dates (1867-1870).


Davanne 

Dès 1858, Alphonse Davanne multiplie les vues de Menton. En 1860, il participe à l’édition d’un livre intitulé, L’Hiver à Menton (texte d’Alfred de Longpérier-Grimoard [1820-1890]), avec dix vues de la ville et de ses environs. Ce livre est réédité en 1861 puis en 1862 (Bibliothèque universelle et Revue suisse, 1863, t 18, p 21 n 1 ; Bibliographie de la France 1862, n° de février p 54).

En 1862 également, Davanne édite de nombreuses vues de Menton et de ses environs (Bibliographie de la France 1862, n° du 17 mai 1862 pp 223 et du 28 juin 1862 p 296).

Il présente ses vues de Menton :

- à la Quatrième Exposition de la Société Française de Photographie de 1861 (mai-août), 

- à l’Exposition de Marseille de 1861 (mai-septembre) (Le Sémaphore de Marseille du 13 septembre 1861 p 2), 

- ses "vues d’après nature" (Menton ?) à l’Exposition Universelle de Londres de 1862 (mai-décembre),

- à la Septième Exposition de la Société Française de Photographie 1865 (mai-juillet),

- et à l’Exposition Universelle de Paris en 1867 (avril-novembre).

La plupart de ses vues de Menton ont été prises entre 1857 et 1865 mais Alphonse Davanne a continué à prendre des vues de la ville par la suite, notamment, lors d'une nouvelle saison à Nice en 1873-1874 (Bulletin de la Société Française de Photographie, 1874, vol. 20 pp 157-160). Il a d'ailleurs exposé une vue de Menton à Londres en 1875 (The Photographic News, October 29, 1875 p 522).

Alphonse Davanne reviendra, avec sa famille, passer des saisons à Menton dans les années 1880 (notamment en 1887).


6- Views of Nice. Promenade Anglais. Public garden (Nice, la Promenade des Anglais, le Jardin public, vue plongeante est-ouest prise depuis un balcon de la Maison Donaudy, à l'angle de la place des Phocéens),
Washington, Library of Congress, Lot 7742, p 100.

Cette photographie, prise par Miguel Aleo, montre la présence, au Jardin public, du Kiosque à musique (face à l'Hôtel des Anglais) érigé entre septembre et décembre 1867, entouré de plantations en mars puis équipé de luminaires au gaz en mai et juin 1868. 
Sur la Promenade des Anglais, un échafaudage est présent sur la façade de la Pension Rivoir.

 Cette vue peut être datée pour cela de fin 1868 ou de début 1869.
 
A noter, à gauche de l'image, le Pont Napoléon III (érigé en 1864) et le Cosmographe de François Ouvière (installé l'été 1865) et, l'extrême droite de l'image, le Temple anglican de la rue de la Buffa (inauguré fin 1862) qui sera, dès le début des années 1870, masqué par de nouvelles constructions.


Aleo

Miguel Aleo a exposé, pour sa part, de 1859 à 1870 des "Vues de Nice et de ses environs" et des "Vues de la Riviera" dont des vues de Villefranche :

- aux Expositions de Société Française de Photographie de Paris, de 1859 et 1861, 

- à l'Exposition de Beaux-Arts de Nice en 1862,

- à l'Exposition Universelle de Londres en 1862,

- aux Expositions de Société Française de Photographie de Paris, de 1863, 1864, 

- à l'Exposition Universelle de Paris en 1867,

- aux Expositions de Société Française de Photographie de Paris, de 1869 et 1870.


7- Nice from Smith's Villa (Nice, vue du Château Smith), Washington, Library of Congress, Lot 7742, p 103. 

Cette vue plongeante est-ouest, prise par Miguel Aleo, depuis le Mont-Boron montre au tout premier plan le quartier du Lazaret avec le Petit Séminaire, le Port Lympia, la Colline du Château puis, au lointain, sur la gauche, la Baie des Anges, la Promenade des Anglais et le quai du Midi et, sur la droite, la colline de Carabacel. 

La photographie révèle de nombreuses constructions datant de 1867 (le Casino de la Promenade des Anglais, le Kiosque à musique du Jardin public, le restaurant de la Réserve sur le rocher du Lazaret) mais pas encore le prolongement du môle extérieur du port qui sera entrepris en 1870. 

La vue peut être située entre ces deux dates (1867-1870).



DATATION


Les prises de vues étudiées semblent toutes dater des années 1860 (voir les repères chronologiques cités sous les images).

Certaines d'entre elles sont antérieures à 1867 (vers 1860-1866) :

- la vue d' Eze et les deux vues de Menton, prises par Alphonse Davanne,

- mais également la vue de Villefranche, prise par Miguel Aleo.

Les trois vues de Nice prises par Miguel Aleo sont pour leur part postérieures à 1867 (vers 1869).

Tous les tirages étant de l'époque de l'association d'Aleo & Davanne, ils datent au plus tôt de la fin des années 1860 mais peuvent être cependant postérieurs d'une ou même de deux décennies.


8- Villafranca. American fleet (La rade de Villefranche vue de l'ouest, avec la flotte américaine), 
Washington, Library of Congress, Lot 7742, p 101.

Cette vue, prise par Miguel Aleo, ne montre pas encore le grand mur de soutènement qui va longer le bord de mer lors de la double création de la voie ferrée et de la nouvelle route de Nice à Monaco, en 1866-1867.

Par comparaison avec les vues prises par les autres photographes (notamment Jean Andrieu et Pierre Ferret), cette vue peut être datée vers 1865.
 
Les nombreuses vues de Villefranche, ensuite diffusées sous les deux noms d'Aleo & Davanne, montreront le grand mur de soutènement du bord de mer (Image 9).


9- ALEO Miguel (1824-c.1900), Villefranche, vers 1867,
tirage albuminé de 14,2x9,2 cm, Collection personnelle.