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samedi 25 février 2023

1292-NICE, LA PASSERELLE ET LE PONT GARIBALDI SUR LE PAILLON


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- Photographie anonyme (peut-être de Jean Walburg de Bray, 1839-1901), 
Le Pont Garibaldi et la rive droite du Paillon, vue sud-est/nord-ouest, 1877,
tirage albuminé, vue 8 de l'album, Alpes-Maritimes : photographies (Gallica).


DERNIÈRE MODIFICATION DE CET ARTICLE : 30/01/2024




INTRODUCTION


Le troisième quart du XIX° siècle a vu la transformation et l'extension de la ville de Nice. La plupart des projets sardes (Consiglio d'Ornato) ont été poursuivis ou amplifiés suite à l'Annexion française, et au soutien financier de l'Etat assuré par Napoléon III lors de sa venue à Nice en septembre 1860.

Les rives du Paillon ont été réaménagées et les ponts entre la vieille ville (rive gauche) et la ville nouvelle (rive droite) se sont multipliés.

Parmi ces ponts, celui de l'embouchure du Paillon (Pont Napoléon III, Pont des Phocéens ou Pont des Anges), construit de fin décembre 1863 à décembre 1864, et celui du Pont-square Masséna, construit de mars 1867 à août 1868, ont été très étudiés.

C'est moins le cas cependant pour la passerelle puis le pont, érigés entre la place Victor (puis Napoléon ; actuelle place Garibaldi) et la rue ou quai du Champ-Mars ou de la place d'Armes (actuelle avenue Saint-Jean-Baptiste). 



LA PASSERELLE ET LE  PROJET DE PONT (1854-1869)


1854-1860

En 1854, le Consiglio d'Ornato considère urgente et prioritaire la construction d'un pont de pierre reliant les deux rives à hauteur de la place Victor (Conseil municipal du 9 janvier 1854, L'Avenir de Nice du 11 janvier et du 4 juin 1854 ; Le Messager de Nice du 28 novembre 1860). 

En 1856, Auguste Burnel rappelle cette nécessité de relier "les deux faubourgs Victor et Saint-Jean-Baptiste, dont les habitants, séparés seulement par la largeur du fleuve, ont plus d'un kilomètre à faire pour se rejoindre" (Auguste Burnel, Etude sur Nice, édition de 1856 p 34, édition de 1857 pp 33-34, édition de 1862 p 31). 

En l'attente de cette réalisation, c'est une simple passerelle de bois qui a été érigée mais à une date qui reste inconnue. 

Les plans de la première moitié du XIX° siècle ne représentent aucune passerelle à cet emplacement (plan du quartier de 1829, Nice, AD06, 1FI 1537 ; plan général de la ville de 1834, Nice, BM de Cessole ; plan du quartier de 1836, AD06, 01FI 1543 ; plan de L'Indicateur niçois pour l'année 1847).

Le dernier pont de bois cité à Nice a été emporté par une crue le 31 janvier 1796 et était situé plus en aval :"On a essayé d'établir des ponts en bois sur le Paillon ; on en avait pratiqué un pour les piétons au commencement de la Révolution un peu au-dessus du pont-neuf mais il fut emporté d'abord et tout le monde est convaincu qu'il est impossible de conserver des ouvrages en bois sur le torrent aux environs de la ville : l'action des eaux agit trop profondément pour qu'ils résistent et le torrent est trop à sec en été pour que les pilliers (sic) en bois ne pourrissent trop tôt" (Guide des Etrangers à Nice, 1827 pp 103-104 ; voir aussi, Jean-Baptiste Toselli, Précis historique de Nice depuis sa fondation jusqu'en 1860, vol. 1, 1867 p 117 ; plan de Nice de 1792, AD06, 01FI 0019).

Emile Négrin évoque cependant le fait que le Pont-Neuf "remplaça une planche que louait une femme sur le "pas du Paillon", et où on arrivait à travers des débris de remparts" (Les Promenades de Nice, 1866 p 71).

La passerelle recherchée est rarement évoquée dans les journaux comme dans les ouvrages du milieu du XIX° siècle. Elle reste absente du plan général de Nice de 1856 (Paris, BnF), du plan du quartier de 1858 (AD06, 01FI 0188) puis de la plupart des plans des années 1860 qui lui préfèrent le projet de pont.

Dans des articles tardifs ayant pour sujet "Nice en 1840", Victorien Sardou (1831-1908) signale l'existence de la passerelle dès cette époque : "Au-delà du Pont-Vieux, il n'y avait plus d'autre communication entre les deux rives, qu'une mince passerelle de bois, toute branlante, à la place où est aujourd'hui le pont Garibaldi" (texte cité dans Léon Sarty, Nice d'Antan - Notes et Souvenirs, Nice, Visconti, 1921 pp 3-4).

La mention la plus ancienne attestant l'existence de cette passerelle se trouve dans un Guide de Nice de 1855 décrivant la place Victor : "son ouverture sur le Paillon permet de traverser le torrent quand les eaux sont basses, pour aller passer sur la planche qui conduit au chemin de l'Empeyrat" (Pierre Cauvin, Indicateur Niçois (vol. 1) suivi du Cicerone de l'Etranger pour Nice et ses Environs (vol.2), 1855, vol. 2 pp 78 et 90-91). 

Dans les photographies des lieux prises l'automne 1858 par Joseph Silli (Collection privée) et l'hiver 1859 par J. Lévy (pour Ferrier et Soulier, Rochester, G. Eastman Museum), on peut déceler, côté rive droite, face à la place Victor, une courte plateforme en bois qui est le vestige de cette ancienne passerelle emportée par les crues, entre 1855 et 1858 (Image ci-dessous).


- J. LEVY (Isaac Lévy, dit Georges, 1833-1913), Vue générale de Nice, détail, 1859,
vue sud-est/nord-ouest, plaque de verre conservée au Eastman Museum de Rochester (Etat de New York), cote 1988.0403.0365, by courtesy of Eastman Museum (ici).


Une photographie de Furne & Tournier, datée du premier semestre 1860, nous montre la passerelle reconstruite en 1859 ou 1860, avant l'Annexion française (Image ci-dessous). 


- FURNE Charles Paul (1824-1875) & TOURNIER Henri Alexis Omer (1835-1885), 
De Nice à Gênes par la corniche - N°5, Nice, Vue prise du Château vers le Mont-Chauve, détail, 1860,
vues stéréoscopiques albuminées de 7x7,3 cm, sur carton de 17,5x8,4 cm, Collection personnelle.


Le Messager de Nice rappelle le 2 décembre 1860 la nécessité d'un pont de pierre mais sans mentionner l'existence de la passerelle : "On sait que le quai St-Jean-Baptiste est destiné au parcours de la route impériale qui passe actuellement sur la rive gauche du Paillon. La nouvelle route impériale suivra la rive droite depuis le pont Neuf jusqu'à la hauteur de la place Napoléon où les deux rives seront reliées par un beau pont en pierre".


1861-1865

Un entrefilet du même journal signale cependant le 15 mai 1861, "le mauvais état de la passerelle sur le Paillon entre la place Napoléon et la rue du Champ-Mars [ou rue/quai de la place d'Armes]". Il est probable que la passerelle a été endommagée par la crue du Paillon de fin novembre 1860 (Messager des Théâtres et des Arts du 9 décembre 1860 p 3), même si Le Messager de Nice n'en parle pas.

En mars 1862, la moitié de la passerelle qui tient à la chaussée se dérobe sous les pieds d'un passant (Le Messager de Nice du 22 mars 1862 p 3) et de nouvelles réparations sont nécessaires.

Les fortes pluies de septembre 1862 ont cette fois totalement raison de la passerelle : "Depuis bien longtemps [!?], il existait (...), un petit pont de bois (...). La dernière crue du Paillon a supprimé ce moyen de communication (...). On nous prie de signaler cet inconvénient à l'Administration Municipale qui s'empressera (...), de faire droit à cette juste réclamation" (Le Messager de Nice du 27 septembre 1862).

Le journal réitère la même demande une semaine plus tard : "Cette passerelle est d'une importance incontestable ; elle relie des quartiers très populeux, et l'énorme circuit qu'on est forcé de faire, rend son utilité encore plus sensible" (Le Messager de Nice du 5 octobre 1862) ; puis deux mois plus tard (Le Messager de Nice du 7 décembre 1862). 

Il est vrai que les pluies et les tempêtes qui se multiplient à cette période (tempêtes des 30 octobre et 24 novembre 1862), entraînent les eaux bouillonnantes, rapides et jaunâtres du Paillon et empêchent les travaux.

"Enfin, la passerelle si souvent emportée et si souvent reconstruite avec le même bonheur [!?], va être établie pour les piétons dans des conditions de stabilité et de viabilité (...). Depuis quelques jours dans toute la largeur du Paillon, de nombreux ouvriers enfoncent à coups de bélier de robustes pilotis qui résisteront aux eaux torrentielles en supportant un solide pont volant qui atteindra les deux rives" (Le Messager de Nice du 18 décembre 1862).

Les travaux durent plusieurs semaines car, fin décembre, une fillette chute sans gravité dans les eaux du Paillon, après avoir glissé sur la planche de service mobile, jetée sur le Paillon en attendant l'achèvement de la grande passerelle (Le Messager de Nice du 28 décembre 1862).

L'aspect de la nouvelle passerelle nous est révélé par une photographie de Miguel Aleo, datant de fin 1863 ou début 1864 (Image ci-dessous).


- ALEO Miguel (1824-c.1900), Nice, Vue prise du Château, détail, fin 1863 ou début 1864,
vue sud-est/nord-ouest, tirage, de 22,5x15,5 cm (vers 1935), d'une prise de vue ancienne, Collection personnelle.



Au premier trimestre 1864, Elisée Reclus, dès la première édition de son ouvrage paru dans la collection des Guides-Joanne, cite la passerelle et l'identifie sur un plan de ville de 1863 : "A 400 mètres au nord [du Pont-Vieux], une passerelle en bois, qui sera tôt ou tard remplacée par un pont de pierre, réunit la place Napoléon au quai de la place d'Armes" (E. Reclus, Les villes d'hiver de la Méditerranée et les Alpes-Maritimes, 1864 p 226).  


- Plan de la Ville de Nice, gravé par écrit par Gérin et F. Lefebvre, écrit par Langevin, détail, 1863,
publié dans l'ouvrage d'Elisée Reclus (1830-1905), Les villes d'hiver de la Méditerranée et les Alpes-Maritimes, 1864 p 190, Nice, Bibliothèque municipale de Cessole.

Noter que l'axe de la passerelle n'est pas aligné sur l'entrée de la place Napoléon.



Des pluies torrentielles s'abattent à nouveau sur la ville du 21 au 27 octobre 1864.

Le Journal de Nice rappelle, le 20 mai 1865, l'état déplorable de la passerelle : "Lorsque le soir, les ouvriers rentrent de leurs travaux, et que le passage se trouve, pour ainsi dire, obstrué, si dans la foule on remarque des femmes, aussitôt de mauvais plaisants profitent de ce moment pour imprimer au tablier des oscillations semblables au roulis d'un navire. Or, comme la passerelle repose, par sa base, que sur [une ligne d'] un seul poteau, qui, par suite de son séjour dans l'eau doit être avarié, il peut arriver, au moment où on y pense le moins, une catastrophe qu'il est urgent de prévenir".

Des sondages préalables à la construction du nouveau pont ont enfin lieu en juin 1865 (Journal de Nice du 25 juin 1865) mais aucune construction n'est entamée.


1866-1868

Dans la troisième semaine de mars 1866, "le Paillon gonflé coule à pleins bords (...) et la passerelle (...) s'est trouvée si fortement ébranlée, que peu de personnes osaient s'y aventurer. Ne serait-il pas possible de la consolider ?" (Journal de Nice du 21 mars 1866 p 2).

Le délabrement de la passerelle est à nouveau signalé en novembre 1866 : "les planches du tablier sont en maints endroits brisées et trouées, en sorte qu'à chaque moment les passants sont exposés à se casser les jambes ; d'autre part, la passerelle tout entier est tellement disloquée et branlante, que beaucoup de personnes n'osent plus la traverser, de peur de choir avec elle dans le lit du Paillon" (Journal de Nice du 18 novembre 1966 p 2). La municipalité ferme donc l'accès à la passerelle, afin d'effectuer les réparations (Journal de Nice du 25 novembre 1866 p 2).

La fragilité de l'ouvrage perdure cependant, les passants ressentant "un roulis assez semblable au mouvement qu'on éprouverait sur un navire privé de lest" (Journal de Nice du 2 décembre 1866 p 2).

Emile Négrin dénomme le pont de bois "passerelle Napoléon" en 1866 (Emile Négrin, Les Promenades de Nice, 1866 p 73).

En janvier 1867, de nouveaux travaux de consolidation sont opérés à la passerelle : "le tablier de ce pont a été arcquebouté au moyen de poutrelles, qui le préserveront de toute oscillation" (Journal de Nice du 10 janvier 1867 p 2).

En novembre 1867, les travaux du pont Napoléon sont annoncés mais, fin décembre, seul le projet est arrêté (Journal de Nice des 3 et 17 novembre p 3 et 22 décembre 1867 p 2).

En juin 1868, le mauvais état de la passerelle et sa dangerosité sont à nouveau signalés, les planches pourries de son tablier, le garde-fou fragile et son plancher casse-cou, et quelques réparations se voient à nouveau entamées (Journal de Nice du 25 juin 1868 p 2).

Le projet de pont reste en attente et est régulièrement réclamé (Journal de Nice des 18 juillet et 15 août 1868 p 2).

L'état déplorable de la passerelle est à nouveau signalé en août, suite à un accident évité de justesse, du fait du basculement des planches sous les pieds d'une famille (Journal de Nice du 15 août 1868 p 2).

Le projet de pont a été remanié, notamment du fait de la différence de hauteur des rives, et renvoyé à Paris ; à son retour il devrait être immédiatement mis en adjudication. Une pétition pour hâter la construction circule cependant dans le quartier de Carabacel (Journal de Nice des 2 et 3 septembre 1868 p 3).

Du fait d'une nouvelle crue du Paillon début octobre 1868, la passerelle nécessite des réparations qui vont se monter à 975 francs ; la passerelle est rendue à la circulation le 11 octobre (Journal de Nice du 15 octobre p 3 et du 27 novembre 1868 p 2).

Un projet de square à établir sur la place Napoléon est validé par le Conseil municipal du 18 novembre et ses travaux sont adjugés le 28 décembre 1868. Une allée doit notamment être tracée dans l'axe du futur pont mais "A quand la construction ?" (Journal de Nice du 16 décembre 1868 p 3).



LA PASSERELLE ET LA CONSTRUCTION DU PONT GARIBALDI (1869-1873)


1869

Du fait de crues brèves mais violentes, la passerelle doit être régulièrement entretenue et réparée mais le projet de son remplacement par un pont large et stable se voit sans cesse reporté.

En mars 1869, le Journal de Nice publie l'article suivant : "Le projet du Pont Napoléon, dont l'exécution se fait beaucoup attendre, va être très prochainement présenté à la signature du ministre des travaux publics. Ce projet, dressé par les ingénieurs du département, consiste en un pont à trois arches, avec arcs et garde-corps en fonte. Sa longueur sera de 69 mètres 47 centimètres entre les murs du quai ; sa hauteur de 5 mètres 55 au-dessus de l'étiage du Paillon. La chaussée carrossable aura 7 mètres de largeur. Nul doute qu'aussitôt l'autorisation ministérielle, on s'occupera immédiatement de la mise en œuvre de cet ouvrage d'art, dont la dépense dépassera 200,000 francs" (Journal de Nice du 24 mars 1869 p 3).

Fin avril 1869, alors que des enfants jettent des pierres sur un chien dans le lit du Paillon, 150 personnes s'amassent, pour observer ce spectacle révoltant, sur la passerelle, "la faisant craquer sous leur poids, au risque d'être précipités dans le lit du torrent" (Journal de Nice du 29 avril 1869 p 3).

En mai, devant la multiplication des études du futur pont depuis 5 ans mais l'absence de travaux, le Journal de Nice s'impatiente et dénomme cet ouvrage de, "Pont des Soupirs" (Journal de Nice du 12 mai 1869 et du 10 juin 1869 p 2).

Le Journal de Nice revient sur le sujet en août, septembre et octobre : "L'administration municipale attend l'exécution du pont Napoléon (...) pour pouvoir rectifier les quais de la rive gauche du fleuve (...). Le pont sera en pierres mais les pierres dorment encore sur leurs assises" (Journal de Nice du 22 août 1869 p 2).

"Du pont de la place Napoléon, on n'en entend pas plus parler que s'il n'en avait jamais été question. En attendant, la passerelle perd de plus en plus l'équilibre et va en [sic] beau jour se coucher dans le lit du Paillon" (Journal de Nice du 26 septembre 1869 p 2).

"On réclame de nouveau des réparations urgentes à la passerelle en bois de la place Napoléon, qui se disloque de plus en plus et ne tient debout que par un phénomène qu'on ne peut s'expliquer" (Journal de Nice du 20 octobre 1869 p 2).

Emile Négrin désigne le pont de bois de "passerelle branlante" fin 1869 (Emile Négrin, Les Promenades de Nice, 1869 p 88).

Ce n'est que le 25 novembre 1869 qu'un nouveau plan et une élévation du futur pont sont arrêtés, avec trois arches de pierre et de fonte (Nice, AD06, 2S 1134, reproduction 10816). Ils sont envoyés pour approbation au Ministre des Travaux Publics (Journal de Nice du 1er décembre 1869 p 3). 


- Nice. Pont métallique sur le Paillon, élévation en couleurs du 25 novembre 1869, 
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 2S 1134, reproduction 10816.



Le nom de "Pont Napoléon" va lui être attribué, aux dépens du pont de l'embouchure, renommé Pont des Phocéens ou Pont des Anges (Emile Négrin, Les Promenades de Nice, 1869 p 48 ; Alexandre Lubanski, Nice-Guide, 1870 pp 8 et 267-268).


1870

Au printemps 1870, le projet est acté : "Son Excellence le ministre des travaux publics doit allouer très prochainement un crédit de 50,000 francs pour commencer la fondation des culées et piles du pont Napoléon. Enfin !!!" (L'Avenir de Nice du 23 mai 1870 p 2).

La question des abords est posée (expropriations), avec sur la rive gauche l'élargissement et l'endiguement du boulevard du Pont-Vieux, et sur la rive droite le percement de la rue Defly (expropriations Vasserot et Binet) : "Le pont qui va être prochainement entrepris en face de la place Napoléon rend nécessaire l'ouverture de la rue Defly, qui, de ce point, doit aboutir à la place de l'hôpital [Saint-Roch]" (Journal de Nice du 2 juin 1870).

Des travaux préliminaires sont entamés le 7 juin ; ils consistent en la construction d'un aqueduc partant du Pont-vieux à 1 mètre 50 de profondeur et aboutissant au nouveau pont, en contrebas des fondations afin d'établir les maçonneries entièrement à sec (L'Avenir de Nice du 6 juin 1870 p 2).

L'adjudication des travaux du pont métallique a lieu en préfecture le 29 juin 1870. Les adjudicataires sont MM. Boignes, Rambourg et Compagnie, maîtres de forge à Paris (Journal de Nice du 1er juillet 1870). 

Malgré le contexte très difficile, avec la Guerre franco-prussienne, la mobilisation, le manque de matières premières, la chute du Second Empire, la tentative niçoise séparatiste et l'absence de touristes étrangers, les travaux sont engagés. 

La construction du pont est entamée face à la descente du Paillon (accès à la place et square Napoléon) et face à la future rue Defly (ancienne rue de l'Empeirat), à quelques dizaines de mètres en aval de la passerelle située pour sa part face à l'Hôtel des postes (angle nord-ouest de la place Napoléon). La passerelle est conservée le temps des travaux et sert notamment à la circulation des ouvriers aux deux extrémités du chantier

Les matériaux commandés s'accumulent sur le quai de la place d'Armes dès novembre et nécessitent le placement d'un bec de gaz le mois suivant (Journal de Nice des 28 novembre et 17 décembre 1870).


1871

En janvier 1871, les travaux du pont se voient stoppés du fait de fortes intempéries (Journal de Nice des 16 et 22 janvier 1871).

Le 18 janvier, la passerelle est à nouveau emportée par une crue du Paillon : "Il faut dès à présent remonter jusqu'au Pont-Vieux pour communiquer de la rue Victor avec le quartier Carabacel. C'est déplorable..." (Journal de Nice du 19 janvier 1871). 

La demande de reconstruction se fait ensuite pressante (Journal de Nice du 28 janvier 1871) mais la municipalité répond par un communiqué que les travaux sont prévus et seront entrepris dès que la baisse des eaux le permettra (Journal de Nice du 30 janvier 1871).

Par la suite, le Journal de Nice relance la demande de reconstruction de la passerelle (Journal de Nice du 8 février 1871) et réclame la reprise des travaux du pont (Journal de Nice du 29 mars 1871).

C'est le Phare du Littoral du 5 février 1871 qui révèle la reconstruction de la passerelle entamée le 3 février. LJournal de Nice du 8 février 1871 signale les travaux en cours. Ces derniers semblent durer plusieurs semaines mais sont terminés en mars car des actes de vandalisme signalent, à la fin de ce mois, le vol d'une partie de son parapet (Le Phare du Littoral du 30 mars 1871).

Les travaux de construction du pont, eux, ne reprennent pas, mais cette fois du fait du non-versement de la suite de l'allocation gouvernementale.

En avril 1871, le Journal de Nice propose la solution d'établir un droit de péage pour résoudre le problème financier (Journal de Nice du 16 avril 1871 p 3). La municipalité répond par un nouveau communiqué, repoussant cette proposition et expliquant que l'avance des fonds par un emprunt municipal entraînerait des intérêts restants à la charge de la Ville, ce qui n'est pas envisageable, et lance donc un appel à souscription auprès des propriétaires du quartier (Journal de Nice du 17 avril 1871).

Suite aux élections municipales des 30 avril et 7 mai 1871, le Journal de Nice repose la question du pont au nouveau Conseil municipal (Journal de Nice du 24 mai 1871) mais ce dernier ne retient pas le pont dans la liste des travaux prioritaires (Conseil municipal du 27 mai 1871).

Le 30 juillet 1871, le Journal de Nice réitère sa proposition d'instituer un droit de péage pour la construction du pont.

Les 10 et 11 août, le Journal de Nice peut enfin publier le communiqué suivant : "Par décision du 3 août courant, M. le ministre des travaux publics a accordé, sur la proposition de M. le préfet [du 8 juillet 1871], un nouveau crédit de 15, 000 fr applicable à la construction du pont sur le Paillon, à Nice, en face la place Garibaldi. M. le ministre fait espérer l'allocation d'une nouvelle somme pour ces travaux, après que l'Assemblée nationale aura voté le budget rectificatif de 1871". Par décision du 19 août, une nouvelle somme de 30, 000 fr. est en effet accordée (Journal de Nice du 19 août 1871).

Les travaux du pont reprennent aussitôt, à proximité de la passerelle, avec l'espoir d'un achèvement en fin d'année ou peu après (Journal de Nice des 21 et 23 août 1871).

Le Conseil municipal, dans sa séance du 12 octobre 1871, adresse cependant au Conseil Général le vœu du "prompt achèvement du pont Garibaldi dont les travaux ne sont pas poussés avec assez d'activité et qui menacent même de se prolonger indéfiniment" (compte-rendu publié dans le Journal de Nice du 22 décembre 1871). Le Journal de Nice déplore également la lenteur désespérante des travaux (Journal de Nice du 18 octobre 1871).

Dans sa séance du 7 novembre, du fait du temps pluvieux, la municipalité rappelle qu'elle a interdit aux piétons d'emprunter la passerelle et renouvelle son vœu de voir accélérer la construction du pont (compte-rendu publié dans le Journal de Nice du 31 décembre 1871).

Les pluies entraînent cependant un nouvel arrêt des travaux du pont. Le Journal de Nice déplore à nouveau la lenteur des travaux, rappelle l'absence d'une voie de circulation pour les voitures et la fragilité de la passerelle en temps de crue (Journal de Nice du 12 novembre 1871).

Le même journal élève au rang d'exemple la réalisation tant attendue de ce pont : "En serait-il de ces projets comme de celui relatif à la construction du pont de la place Garibaldi, passé à l'état de mythe ?" (Journal de Nice du 9 décembre 1871). Fin décembre, le journal en arrive à poser la question suivante : "L'administration aurait elle renoncé à faire construire ce pont ?" (Journal de Nice du 28 décembre 1871). 


1872

La réponse à cette question est publiée dans ce même journal du 21 janvier 1872 : "Les plans de détail n'avaient pas encore été approuvés par le ministre. Ils viennent d'arriver revêtus de cette sanction. En conséquence, les travaux vont être repris sous peu de jours".

Les pluies torrentielles de fin janvier n'aident pas à l'avancée des travaux et le 31 du mois, le Journal de Nice publie l'information suivante : "La passerelle entre la place Garibaldi et le quai Place d'Armes a été en partie emportée par le débordement récent du Paillon. Les communications entre deux quartiers les plus fréquentés de la ville n'ont plus lieu que difficilement par la voie du Pont-Vieux". 

Le journal constate le lendemain que "nul ouvrier n'est encore à l'œuvre" pour réparer la passerelle et signale dans son édition du 3 février que le Paillon "a repris son cours si inoffensif et régulier" mais que les réparations n'ont toujours pas été entreprises ; elles commencent cependant dès le 4 (Journal de Nice des 3 et 5 février 1872). Les dégâts sont moins importants que l'année précédente.

Les travaux du pont reprennent pour leur part en mars 1872 : "on s'occupe en ce moment de la culée à établir du côté de la place d'Armes [après celle de la rive gauche]". Le Journal de Nice du 22 mars 1872 s'en réjouit et espère l'ouverture du pont avant la fin de l'année.

Des financements complémentaires sont nécessaires pour son achèvement et le préfet profite de la présence du ministre des Travaux publics à Nice, début avril, pour les demander (Journal de Nice du 6 avril 1872). 100.000 fr. sont ensuite obtenus (Journal de Nice du 26 avril 1872).

Le Conseil municipal du 27 avril 1872 vote de nouveaux crédits d'entretien et de réparation de la passerelle (AM, Conseils municipaux, 1D1-7 p 182) et celui du 25 mai 1872, la mise en place d'un contrat annuel d'entretien de la passerelle de 400 fr. avec l'entrepreneur Spinetta, valable de 1869 jusqu'à la date de l'achèvement du pont : "sur le montant des prélèvements échus, la ville prélèvera 600 fr. qu'elle a payés pour réparation de la passerelle en 1871" (Journal de Nice du 10 juin 1872).

Le Journal de Nice du 28 juin 1872 s'affirme "heureux de constater qu'on poursuit avec activité les travaux du pont de la place Garibaldi", même si les travaux correspondants pour l'ouverture de la rue Defly restent en attente (Journal de Nice du 2 août 1872).

Tout semble s'accélérer cependant : un accord à l'amiable permet la prochaine ouverture de la rue Defly et la fin des travaux du pont est annoncée pour novembre 1872 : "les piles et les culées sont terminées depuis longtemps et on voit déjà sur le quai Place-d'Armes les charpentes en fer destinées à l'établissement des arches et du tablier" (Journal de Nice du 11 août 1872). Cependant l'achèvement de la place de ce côté là de la rive oblige à interrompre momentanément les travaux du pont, ce qui désole le Journal de Nice qui redoute les pluies de septembre (Journal de Nice du 18 août 1872). 

"La pose de l'armature en bois devant servir à l'établissement du tablier en fonte du pont Garibaldi, entre la culée et le pilier de la rive droite, est commencée depuis quelques jours. Cette opération a lieu sous les ordres de l'ingénieur en chef des ponts-et-chaussées, M. Delestrac" (Journal de Nice du 29 août 1872).

Du fait des matériaux qui encombrent la rive droite et les travaux de construction du canal de conduite du Paillon qui se déroulent sur la rive gauche, l'accès à la passerelle est jugé difficile de jour et dangereux de nuit, et le Journal de Nice du 14 septembre 1872 réclame la mise en place d'un éclairage à ses deux extrémités.

Les travaux du pont attirant un grand nombre de curieux sur la passerelle voisine, un arrêté municipal interdit aux piétons d'y stationner, leur poids constituant un grave danger "à cause du peu de solidité de cet ouvrage" (Journal de Nice des 16 et 22 septembre 1872).

L'administration du gaz procède "à la pose de tuyaux qui doivent conduire le gaz sur la rive droite du Paillon, en passant par le pont Garibaldi. Dès que le tablier de ce pont sera établi, le service du gaz pourra être fait d'une manière satisfaisante dans les quartiers de Carabacel, Cimiés et dans toute cette partie éloignée de la ville" qui ne recevait le gaz, de manière insuffisante, que par l'embranchement du Pont-Vieux (Journal de Nice du 20 septembre 1872).

Le mauvais état de la passerelle et de ses abords est à nouveau signalé dans le Journal de Nice du 22 septembre 1872 : descente rapide du côté de la place Garibaldi, absence de l'éclairage demandé et fragilité de la passerelle qui nécessiterait l'interdiction d'y passer : "l'une des rampes est complètement disloquée vers le milieu et pourrait céder à la moindre pression".

Des erreurs de dimensions des pièces de la charpente en fer viennent retarder les travaux, obligeant leur adaptation (Journal de Nice du 14 octobre 1872).

Les crues tant redoutées se produisent mi-octobre : "Le Paillon est arrivé, la pluie torrentielle accompagnée de tonnerre et d'éclairs qui n'a cessé depuis 24 heures, a fait de son lit desséché une véritable mer en miniature. Les eaux furieuses ont emporté une notable partie de la passerelle Garibaldi et gravement compromis les travaux du pont en construction. L'armature en bois de l'arche gauche qui était prête à recevoir la charpente en fer, a été totalement emportée, malgré les terrassements préparés pour la protéger de toute crue intempestive. On assure que les deux arches dont les longrines [poutres] et le arcs-boutants n'étaient pas consolidés, ont subi une légère déviation" (Journal de Nice du 18 octobre 1872 et Journal Officiel de la République Française du 20 octobre 1872 p 6583). 

La circulation entre les deux rives est donc interrompue (Journal de Nice du 23 octobre 1872). Ce n'est qu'un mois plus tard que la passerelle est rétablie et que l'arcature en fer de la troisième arche du pont est établie : "il ne reste plus que le tablier du pont à établir et tout fait espérer qu'avant la fin de l'année on pourra traverser le Paillon en voiture" (Journal de Nice du 20 novembre 1872).

Ce vœu pieux est vite démenti cependant : "Si les pierres de bordure des trottoirs du pont Garibaldi sont livrées à l'époque assignée, l'entrepreneur Bilbaut espère livrer le susdit pont à la circulation au plus tôt vers le 15 janvier" (Journal de Nice du 1er décembre 1872). La date du 15 janvier est à son tour abandonnée et de nouvelles crues, risquant notamment d'emporter la passerelle, sont à nouveau redoutées (Journal de Nice du 4 décembre 1872).


- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, Vallée du Paillon, détail, vers novembre-décembre 1872,
vue sud-est/nord-ouest, tirage ultérieur (au milieu des années 1880) de 15,1x9,3 cm, 
sur carton de 16,5x10,9 cm, Collection personnelle.
La troisième arche de fer (côté rive droite) se devine en place, encore portée par une arche de bois.



1873

Le 12 janvier 1873, le Journal de Nice annonce enfin "comme certaine la prochaine inauguration du pont reliant la place Garibaldi au quai place d'Armes, et dès lors ce quartier va prendre une animation toute nouvelle". Si la date de cette inauguration tarde à être fixée (Journal de Nice du 2 février 1873), le pont touche cependant à son achèvement, "les trottoirs sont terminés, sauf le bitume ou le ciment ; on s'occupe en ce moment d'encaisser la voie principale" (Journal de Nice du 3 février 1873).

Le pont doit être livré fin février : "Il sera éprouvé dans peu de jours au moyen d'une charge de sable et de gravier et le roulement de plusieurs voitures pesamment chargées" (Journal de Nice du 10 février 1872). Dès le 13 février, les piétons seuls semblent autorisés à emprunter le tout nouveau pont mais cette information est aussitôt démentie (Journal de Nice des 14 et 19 février 1873).

Un habitant du quartier de Saint-Roch demande, dans une lettre adressée au journal, qu'après l'ouverture du pont, la passerelle une fois démontée soit réinstallée un peu plus en amont et le Journal de Nice du 22 février, qui soutient cette requête, propose de la placer entre l'extrémité sud de la place d'Armes et la rue Victor.

Le journal réitère cette idée le lendemain, signale que les épreuves à poids mort ont parfaitement réussi (192,500 kg répartis en 110 m3 de galets), que les épreuves roulantes vont avoir lieu (2 chariots chargés de 11 tonnes chacun faisant plusieurs passages), que le pont va être ouvert et traversé dès ce dimanche 23 février par les chars du Carnaval ; cependant, les habitants de la rive droite attendront en vain le passage de la cavalcade (Journal de Nice des 23 et 24 février 1872).

Le Phare du Littoral du 23 février annonce également l'inauguration du pont de la place Garibaldi : "ce matin, sans discours, sans cérémonie, simplement et sans bruit (...). Les épreuves ont été faites hier (...). Nous devons un sérieux compliment à M. L. Bilbault qui a construit ce remarquable travail pour la maison Boigues et Rembourg [Boignes et Rambourg]".

Le Phare du Littoral publie le 27 février suivant une lettre de l'entrepreneur de travaux publics Bilbault qui décline les compliments, attribuant tout le mérite du pont aux ingénieurs et précise à l'occasion tous leurs noms : "1° M. Delestrac, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées du département des Alpes-Maritimes ; 2° M. Caméré, ingénieur des ponts-et-chaussées , qui a fait commencer ledit ouvrage ; 3° A.M. Vigan, ingénieur des ponts-et-chaussées, qui l'a fait achever en suivant pas à pas l'avancement des travaux de chaque jour. 

Enfin, à M. Woisard, conducteur des ponts-et-chaussées qui, du commencement à la fin, a suivi ce magnifique travail. Quant à adresser des remerciements  à l'entrepreneur (...), c'est à la maison, Boigues, Rambourgs (sicet compagnie, représentée par M. Chayet, directeur des fonderies à Fourchambault, et entrepreneur du pont métallique de Nice, et dont je ne suis que le simple agent, et sous-traitant en ce qui concerne la partie non métallique".

Dans les premiers jours de mars, la passerelle est démontée. A cette occasion, le journal rappelle son souhait de réinstallation de la passerelle face à la place d'Armes (Journal de Nice du 5 mars 1873).



ÉPILOGUE


Aucun document des années suivantes (texte, plan) ne vient prouver la réinstallation de la passerelle. La municipalité, consciente de la fragilité et de la dangerosité d'un tel ouvrage en bois, semble ne pas avoir souhaité réitérer cette expérience.

La présence d'une passerelle, mais métallique cette fois, est attestée entre la place d'Armes et la place Risso, de la fin des années 1880 (1889) à la fin des années 1920 (1928) (voir notamment les plans de Nice de 1889, 1891 et de 1911, Paris, BnF). 

Le Pont Garibaldi, érigé en 2 ans et sept mois (entre juillet 1870 et février 1873), a pour sa part perduré jusqu'en 1965, date à laquelle il a été remplacé par un radier (traverse Garibaldi et place Yves Klein actuelles, longeant la Bibliothèque Louis Nucéra et le M.A.M.A.C).


- Photographie anonyme (peut-être de Jean Walburg de Bray, 1839-1901), 
Le Pont Garibaldi et la rive gauche du Paillon, vue nord-ouest/sud-est, 1877,
tirage albuminé, vue 6 de l'album, Alpes-Maritimes : photographies (Gallica).





vendredi 17 février 2023

1291-CHARLES NÈGRE : NICE, VUE DEPUIS LA COLLINE DU CHÂTEAU

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale depuis la colline du Château, sans date,
version positive d'une plaque de verre négative au collodion de 18x24 cm,
 Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0004. 

On aperçoit en haut de l'image les couvents de Cimiez puis de Saint-Pons.



INTRODUCTION


La vue de Charles Nègre (1820-1880), numérisée ci-dessus (Image 1), est la version positive d'une plaque de verre négative au collodion (18x24 cm), conservée aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes (08FI 0004).

Elle est intitulée, Nice, Vue générale depuis la Colline du Château et est datée des années 1860 (entre 1863 et 1870).

Prise depuis la terrasse du Château, elle capture la partie occidentale du Cimetière du Château et montre le nord-est de la ville de Nice, la vallée du Paillon et les massifs des Préalpes.

Sur la rive gauche du Paillon s'échelonnent la vieille ville, la place Napoléon (actuelle place Garibaldi), la rue Victor (actuelle rue de la République) puis la route de Turin, et sur la rive droite, la rue de la place d'Armes (anciennement rue du Champ-Mars, actuelle avenue Saint-Jean-Baptiste), bordée du quartier de l'Empeirat et de la colline de Carabacel, puis la route de Saint-Pons (actuelle avenue Gallieni), bordée des collines de Cimiez et de Saint-Pons. 

Cet article a pour but de retracer en partie l'évolution des lieux et de synthétiser les repères visuels de datation, suite à l'étude de nombreuses photographies semblables et contemporaines.


2- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale depuis la colline du Château, détail 1, sans date,
version positive d'une plaque de verre négative au collodion de 18x24 cm,
 Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0004. 

A la droite de la tour Saint-François se devine la passerelle qui mène à la place Napoléon (ancienne place Victor, actuelle place Garibaldi). Cette dernière semble avoir été construite ou reconstruite vers 1859-60.



DÉTAIL 1


Le détail (Image 2 ci-dessus) concerne le bas de la partie gauche de l'image. Il cadre l'angle nord de la place du Vœu mais ne montre ni l'église du Vœu ni l'hôpital Saint-Roch (hors-champ). 

Il révèle les constructions qui longent la rive droite, puis celles, perpendiculaires, qui bordent les deux côtés du boulevard Carabacel (ancien chemin de Saint-Barthélemy) et s'étagent sur la colline. 

On devine la passerelle qui relie les deux rives (près de l'emplacement du futur pont Garibaldi).

Seule, l'ancienne Villa Venanson (désormais propriété du prince russe Soutzo), située au sommet de la colline de Carabacel, date du début du XVIII° siècle. Quelques bâtiments, notamment situés en bord de rive, datent de la première moitié du XIX° siècle et les autres, majoritairement des années 1850 et 1860. 

Les bâtiments construits à partir de 1858 ont pu être identifiés et datés (Image 3 ci-dessous).


3- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale depuis la colline du Château, détail 1, sans date,
version positive d'une plaque de verre négative au collodion de 18x24 cm,
 Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0004. 

Les bâtiments dépourvus de date sont ceux qui ont été érigés avant 1858. Les autres portent la date de leur construction au-dessus de leur couverture (58 = 1858...).

Les dates en rouge indiquent le futur emplacement de constructions qui ne seront réalisées qu'en 1868 et 1869.



DÉTAIL 2


Le détail (Image 4 ci-dessous) concerne le bas de la partie droite de l'image avec au premier plan le cimetière israélite, le cimetière chrétien (murs de soutènement) et l'allée occidentale qui les dessert avec ses quatre cabanes (guichet en pierre du gardien et trois cabanes en bois), et à l'arrière-plan, la vallée du Paillon, enjambée au loin par le pont du chemin de fer (voie d'Italie).


4- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale depuis la colline du Château, détail 2, sans date,
version positive d'une plaque de verre négative au collodion de 18x24 cm,
 Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0004.

La place d'Armes est située sur la rive droite, avant le pont de chemin de fer, et est bordée de grands arbres.



Quelques constructions de la rive droite, proches de la place d'Armes, sont antérieures à 1858 mais la plupart sont postérieures à cette date (Image 5 ci-dessous).




5- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Vue générale depuis la colline du Château, détail 2, sans date,
version positive d'une plaque de verre négative au collodion de 18x24 cm,
 Archives Départementales des Alpes-Maritimes, cote 08FI 0004. 

Les bâtiments dépourvus de date sont ceux qui ont été érigés avant 1858. Les autres portent la date de leur construction au-dessus de leur couverture (58 = 1858...).

La date en rouge indique le futur emplacement d'une construction qui ne sera réalisée qu'en 1868.



DATATION DE LA VUE DE CHARLES NÈGRE


L'étude des bâtiments situés sur les rives du Paillon et celle des bâtiments du cimetière impliquent une date vers 1867, du fait de la présence du pont de chemin de fer sur le Paillon, achevé à la fin de l'année 1866 (Image 5) et l'absence de bâtiments qui seront érigés en 1868 (Images 3 et 5). 

Les sommets des Préalpes ne sont pas enneigés (Image 1) mais une partie des arbres ont perdu toutes leurs feuilles (entre novembre 1867 et février 1868 ?), et les ombres portées de l'allée du cimetière notamment (Image 4) indiquent une forte lumière orientale de fin de matinée, ce que confirme l'heure affichée sur l'horloge de la tour Saint-François (10h 20 ou 11h 25) (Image 3).




lundi 6 février 2023

1290-ALPES-MARITIMES AU XIX° S.-ALBUMS DE LA B.N.F.-2

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS



1- Pont de Saint-Ferréol (commune de Marie), vue 31 de l'album, Alpes-Maritimes : photographies, Paris, BnF (Gallica).


DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 13/11/2023




LES ALBUMS DES ALPES-MARITIMES


Chaque album renferme une collection de vues qui constituent autant de pièces d'un puzzle géant qui raconte tout à la fois l'histoire de la photographie et l'histoire des lieux.

Dans un premier temps, la découverte de chacune des photographies des Alpes-Maritimes est fascinante. Ces dernières montrent bien souvent les lieux les plus représentés avec un même point de vue mais à différentes époques et certaines d'entre elles révèlent des lieux plus rarement photographiés ou d'un point de vue renouvelé.

Vient ensuite le temps de l'étude de chacune des photographies, avec l'observation des architectures représentées mais également de l'état de la végétation et du mobilier urbain pour une hypothèse individualisée de datation.

Dans un troisième temps, il est nécessaire d'avoir une perception globale de l'album pour essayer de comprendre qui l'a constitué (le photographe, l'éditeur, le distributeur, l'acheteur, le conservateur) et dans quel ordre, sachant que dans le cas de photographies insérées dans des fenêtres ou même de photographies collées, l'ordre originel a pu être perturbé. 

Les albums de voyage comportent souvent un titre imprimé en couverture et les photographies, de différents formats, sont légendées à la main. Des dates sont parfois même mentionnées. Il est alors aisé de reconstituer l'ordre chronologique et géographique du parcours effectué.

Cependant, la plupart des albums-souvenirs ne comportent souvent aucune date et rassemblent des photographies souvent prises sur une décennie entière, sans aucun ordre apparent. Elles ne sont classées ni chronologiquement, ni géographiquement (parcours), les photographies d'un même lieu pouvant même être dispersées dans tout l'album, en alternance avec celles d'autres lieux.

Enfin, il est nécessaire de s'interroger sur la date de constitution des albums puis sur le nom des photographes, généralement absent tout à la fois de la couverture et des tirages.



L'ÉTUDE DE L'ALBUM : ALPES-MARITIMES : PHOTOGRAPHIES, 1873 


Présentation

Cet album regroupe 36 vues non légendées (sur papier albuminé) d'ouvrages d'art des Alpes-Maritimes, ports, ponts, aqueducs, barrages et gares, avec 15 vues urbaines (regroupées en début d'album), de Villefranche (3), Nice (10), Antibes (2) et Cannes (1) puis 21 vues des vallées du Var, de la Vésubie, de la Tinée (au nord de Nice) et de la Siagne (au nord de Cannes) (voir l'album au complet de l'Ecole des ponts ParisTech sur Gallica).




2- Pont de chemin de fer sur le Var (Pont Napoléon III, commune de Saint-Laurent-du-Var)vue 17 de l'album, Alpes-Maritimes : photographies, Paris, BnF (Gallica).

Ce pont a été érigé de février 1862 à avril 1864. 



Description

Ce sont quelques-unes des 15 vues urbaines qui vont être étudiées ici.

Une vue du Phare de Villefranche est suivie de deux vues du Port de Villefranche, prises respectivement depuis l'est (Image 3 ci-dessous) et depuis l'ouest. 


3- Port de Villefranche, vue 2 de l'album, Alpes-Maritimes : photographies, Paris, BnF (Gallica).



La deuxième vue (Image 3) montre au tout premier plan la voie de chemin de fer à la sortie du tunnel de 1450 mètres (percé en 1864-1865, Journal de Nice du 28 août 1865 ; maçonné en 1865-66, Journal de Nice du 18 février 1866) mais avec les bâtiments de la gare et la maison du garde terminés l'été 1867 (Journal de Monaco du 18 août 1867). La vue suivante ne révèle cependant aucun des aménagements ferroviaires qui traversent le paysage et semble donc antérieure.

Deux photographies sont consacrées au Port de Nice, l'une vue de l'est (Image 4 ci-dessous), et l'autre du sud.


4- Port de Nice, vue 4 de l'album, Alpes-Maritimes : photographiesParis, BnF (Gallica).



La première vue (Image 4), prise depuis le col de Villefranche montre au lointain la baie des Anges (sur le côté gauche de l'image), avec la nouvelle maison de Félix Donaudy érigée sur le boulevard du Midi en 1859-1860 mais pas encore le nouveau bâtiment de la Banque de France (bâti entre l'été 1864 et l'été 1865). 

Au tout premier plan (sur le côté droit de l'image), le kiosque du Restaurant de la Réserve est absent (élevé en 1867), de même que la nouvelle Villa Vigier (érigée en 1862-1863) mais uniquement du fait que cette dernière est hors-champ. Enfin, au lointain se dessine la silhouette du Grand Hôtel de Nice, à Carabacel (érigé en 1863-1864). Cette photographie peut donc être datée du début des années 1860, probablement vers 1863-1864, comme le prouve d'ailleurs la présence de l'Hôtel de Nice au bas de la colline de Carabacel.

Trois photographies des ponts de Nice et de ses environs sont présentes dans l'album dont :

-  le Pont de chemin de fer sur le Var (édifié en 1863-1864) (Image 2), 

- le Pont de Nice, Pont Napoléon III ou Pont des Anges sur le Paillon (édifié en 1864). Cette photographie peut être datée entre fin 1867 et début 1868 du fait de la présence du grand palmier érigé sur la place des Phocéens face à la rue Saint-François-de-Paule en juillet 1867 et de l'absence des plantations du square des Phocéens, effectuées au printemps 1868,

- le Pont de Nice ou Pont Garibaldi sur le Paillon (érigé entre 1870 et 1873), pris depuis le nord et la rive droite, puis depuis le sud et la rive gauche (Image 5 ci-dessous). 


5- Pont de Nice (Pont Garibaldi), vue 8 de l'album, Alpes-Maritimes : photographiesParis, BnF (Gallica).



Cette dernière vue (Image 5) révèle un bâtiment d'angle du quai Saint-Jean-Baptiste en fin de construction, sa façade hémicirculaire comportant encore des échafaudages. Ce bâtiment, conservé de nos jours (près du M.A.M.A.C.), à l'angle de l'avenue Saint-Jean-Baptiste et de la rue Defly (avec la Pharmacie des Arts au rez-de-chaussée) n'a été érigé qu'en 1877 ; il apparaît sur des photographies toutes postérieures à 1876 et sur le plan de la ville de 1878 (Bibliothèque municipale de Cessole).

Quatre photographies sont consacrées à la Gare de Nice (érigée entre 1863 et 1867), montrant la façade centrale du bâtiment des voyageurs (image 6 ci-dessous) et ses voies couvertes. Ces vues datent au plus tôt de 1865.


6- Gare de Nice (bâtiment des voyageurs), vue 9 de l'album, Alpes-Maritimes : photographiesParis, BnF (Gallica).



Ce sont ensuite deux vues d'Antibes, le Port d'Antibes et le Phare de la Garoupe puis une du Port de Cannes (Image 7 ci-dessous).


7- Pont de Cannes, vue 15 de l'album, Alpes-Maritimes : photographiesParis, BnF (Gallica).



Cette dernière photographie urbaine de l'album (Image 7) délivre en fait une vue générale de la ville de Cannes, vue de l'est, depuis l'étage d'un bâtiment qui borde la plage de la Croisette. Sur l'esplanade des Allées (sur la droite de l'image), la nouvelle mairie (érigée entre les étés 1874 et 1876) est bien visible. Elle comporte un échafaudage permettant de réaliser les sculptures ornant le haut de sa façade méridionale et peut ainsi être datée précisément du printemps 1876.

Les quinze vues prises en milieu urbain semblent refléter un parcours effectué d'est en ouest, depuis le port de Villefranche jusqu'à celui de Cannes. Elles datent des années 1860 et 1870, et plus probablement entre 1863-64 et 1877-78.


Les Travaux Publics de la France

L'album mis en ligne sur Gallica, Alpes-Maritimes : Photographies, appartient à l'Ecole des Ponts-et-Chaussées (Ecole des ponts ParisTech) qui lui attribue la date de "1873". L'album a en effet été réalisé par l'Ecole des Ponts-et-Chaussées pour le Ministère des Travaux Publics. Ceci explique la vocation documentaire de ces photographies, axées sur des ouvrages d'art et dépourvues de tout être vivant.

Les clichés ont été destinés à l'ouvrage intitulé, Les Travaux Publics de la France, réalisé sous la direction de Léonce Reynaud (1803-1880), par des ingénieurs des Ponts-et-Chaussées. Il a été édité à Paris par J. Rothschild, pour un prix global de 600 francs et un tirage de grand luxe sur papier Hollande à 1.200 francs. 

L'appel à souscription a été lancé dès janvier 1875 pour 5 volumes grand in-folio rassemblant plusieurs centaines de pages de texte, 250 planches photographiques (phototypes), 600 gravures (519 en fait) et 5 cartes chromolithographiées :

vol. 1 : Routes et Ponts, rédigé par les ingénieurs Félix Lucas et Victor Fournié,

vol. 2 : Chemins de fer, rédigé par l'ingénieur Ed. Collignon,

vol. 3 : Rivières et canaux ou Navigation intérieure, rédigé par l'ingénieur H. de Lagrené,

vol. 4 : Ports de mer, rédigé par l'ingénieur Ph. Voisin-Bey,

vol. 5 : Phares et balises, rédigé par l'ingénieur Ed. Allard.

50 livraisons ont été envisagées sur 2 ans : "Les cinq volumes seront entièrement terminés en 1877 (Bibliographie de la France, n° 5 du 30 janvier 1875 pp 138-139).

Il semble cependant que les délais n'ont pas été tenus :

- les livraisons 1 à 10 n'ont été effectuées qu'en 1876 (Annuaire du Club Alpin, 1876, Paris, 1877 p 616),

- les livraisons 11 à 20 puis 21 à 30, l'ont été en 1877 (Bibliographie de la France, n° 17 du 28 avril 1877 p 241 et n° 38 du 22 septembre 1877 p 526),

- les livraisons restantes auraient logiquement dû se faire en 1878 mais les livraisons 31 à 45 n'ont eu lieu qu'en 1879 (Otto Lorenz, Catalogue mensuel de la Librairie Française, mai 1879 p 40),

- et les quatre dernières livraisons, 46 à 50, qu'en 1883 (Otto Lorenz, Catalogue mensuel de la Librairie Française, mai 1883 p 39).

Cet échelonnement des livraisons entre 1876 et 1883 est d'ailleurs confirmé par de nombreuses références bibliographiques postérieures (Otto Lorenz, Catalogue général de la Librairie Française, 1887 p 674 ; Nouveau Dictionnaire d'Economie Politique, 1891 p 866...).

"1883" est également la date d'une nouvelle édition de l'ouvrage en 5 volumes, avec des planches phototypées, légendées et soulignées du nom du ou des ingénieurs ayant réalisé l'album concerné.

Les volumes et les vues (phototypes) de la première édition de 1876-1883 ont pu être consultés en partie (Musée Français de la Photographie) et il semble que l'édition de 1883 reprend les mêmes vues (5 volumes complets conservés à la BnF, avec également 4 cartes de 1879-1880 et 2 portfolios de 40 vues de 1883).

Les 5 volumes de 1883 de la BnF [ici] ne contiennent cependant que peu de photographies des Alpes-Maritimes: 

- une seule dans le vol.1, Routes et Ponts Pont du Var (pl. 40), 

- aucune dans les vol. 2 et 3, Chemins de fer et Rivières et canaux

- quatre dans le vol. 4 : Port de Cannes (pl. 41), Port d'Antibes (pl. 42), Port de Nice (pl. 43 p ), Port de Villefranche (pl. 44),

- et aucune dans le vol. 5, Phares et balises.

De plus, trois seulement des photographies de l'édition de 1883, celles du Pont du Var, du Port d'Antibes et du Port de Cannes, sont identiques à celles étudiées. Il faut en déduire qu'il y a eu un nombre très conséquent de photographies collectées mais que seulement 250 d'entre elles ont été retenues. 

Ce travail de collecte et d'édition semble croiser celui débuté autour du seul sujet des Ports : C'est le 24 octobre 1868 qu'une décision ministérielle a ordonné la publication d'un "Atlas des ports maritimes de la France" et a chargé une commission présidée par M. L'inspecteur général Reynaud d'arrêter les bases et de diriger l'exécution de ce travail. L'édition des Ports maritimes de la France se fera en 8 volumes entre 1874 et 1899.

Il semble que les autres sujets aient été envisagés dès la même époque, non seulement du fait de l'appel à souscription de 1875 mais également du fait de l'exposition réalisée par le Ministère des Travaux Publics, organisée par Léonce Reynaud, dans le cadre de l'Exposition Universelle de Paris de 1878 : 

"Ce qui nous a retenu le plus longtemps, ce qui nous paraît constituer la partie la plus intéressante de cette exposition du ministère des travaux publics, c'est une série de plus de vingt albums photographiques [22 exactement], de grandes dimensions, où l'on peut passer en revue presque toutes les productions importantes de nos ingénieurs : routes, ponts, viaducs, tunnels, ports, phares, canaux, quais, etc." (Gazette des Architectes et du Bâtiment, n° 22, été 1878 pp 128-129).

Léonce Raynaud a également été responsable de l'exposition du Ministère des Travaux Publics lors des Expositions Universelles antérieures de 1855, 1867, 1873 et 1876. 

Le livret de l'Exposition de 1878 précise que "La belle collection de vues photographiques envoyées à l'Exposition universelle de Vienne [1873] par le Ministère des travaux publics a été le point de départ de cet ouvrage qui en reproduit les planches les plus remarquables (...). 

L'intérêt avec lequel cette première collection fut accueillie décida la Commission à la renouveler en la complétant. La collection, telle qu'elle se présente aujourd'hui, est enrichie par l'addition d'un grand nombre de vues nouvelles ; en même temps, les anciennes épreuves jugées imparfaites ont été, remplacées par d'autres, exécutées dans une saison plus favorable. Afin d'apporter plus de variété dans la composition des albums, on a classé les vues par région et par département, au lieu de les grouper exclusivement par nature d'ouvrage.

Le Ministère des travaux publics est redevable de cette collection à M. Magny, de Coutances (Manche), et à M. Duclos, photographe, à Quimper (Finistère).

Vingt-deux albums (1) - Note 1 : Une partie des clichés a été empruntée, avec l'autorisation de l'Administration, par M. Rothschild, éditeur, pour servir à l'ouvrage intitulé : "Les travaux publics de la France", qui se publie sous les auspices du Ministère des travaux publics. A ce titre, les livraisons parues de cet ouvrage ont été comprises au nombre des objets exposés par le Ministère" (Exposition Universelle de 1878 - France - Notices sur les modèles, cartes et dessins relatifs aux travaux des ponts et chaussées, réunis par les soins du Ministère des travaux publics, Paris, 1878, pp 485-491 ; voir aussi, Fernand de Dartein, M. Reynaud, Sa vie et ses œuvres, Paris, 1885 pp 223-224).

La collection de photographies a donc été entamée entre les Expositions Universelles de 1867 et de 1873, a été exposée à Vienne en 1873 (ce qui explique la date retenue par la BnF) puis complétée après cette date, une sélection étant opérée ensuite, en amont des éditions successives de 1876 à 1883.


Origine et datation des photographies

On aurait pu croire qu'une partie des vues avait été prise par des ingénieurs des Ponts-et-Chaussées mais il semble que cela ne soit pas le cas. La formation à la photographie des élèves-ingénieurs n'a débuté qu'en 1876 (par le photographe Alphonse Davanne [1824-1912]) et le livret de l'Exposition de 1878 précise désormais que M. le conducteur Huguenin est le chef du bureau de dessin et de l'atelier de photographie. 

Ce même livret cite uniquement le nom de deux auteurs des photographies récoltées, deux photographes professionnels, Alfred Magny (1824-c.1900) de Coutances et Jules Duclos (1824-1879) de Quimper mais les centaines de photographies (plus d'un millier ?) ont-elles été réalisées uniquement par ces deux photographes ?

Il semble bien que non car la Préface rédigée par Léonce Reynaud, datée de "Paris, novembre 1879", et publiée dans le volume 1 de l'édition de 1883 (p. III), précise que : "Des photographes de premier ordre ont prêté à la collection de planches le plus précieux concours ; ce sont : MM. Baldus et Berthaud, à Paris ; De Bray, à Nice ; Cabibel, à Perpignan ; Cognaq, à La Rochelle ; Collard et Davanne, à Paris ; Delon, à Toulouse ; Duclos, à Quimper ; Joguet, à Lyon ; De Labrador à Bayonne ; Letellier, au Havre ; Magny, à Coutances, Pacault à Pau ; Prompt,  à Albi ; Provost, à Béziers ; Romanowski, à Montpellier ; Sarault à Asnières ; Terpereau, à Bordeaux et Terris à Marseille".

La liste cite donc le photographe de Nice, Jean Walburg de Bray (1839-1901) pour les vues des Alpes-Maritimes qui ont été éditées mais a-t-il été le seul photographe à fournir des vues du département ?

Il semble que oui car le Journal de Monaco du 13 mai 1873 précise que M. de Bray est l'auteur "pour les Alpes-Maritimes du splendide album des Ponts-et-Chaussées envoyé à l'exposition de Vienne par le gouvernement français".

La collecte auprès de l'ensemble des photographes a dû être entamée dès les années 1867/68-1873. Ces derniers, dont Jean Walburg de Bray, ont pu fournir des vues antérieures à ces dates (Port de Nice, vers 1863-1864) mais également postérieures à ces dates, prises entre 1873 et 1876 (Port de Cannes en 1876), voire entre 1876 et 1883 (Nice, Pont Garibaldi, vers 1877). Les vues montrent d'ailleurs des ouvrages d'art contemporains (troisième quart du XIX° siècle) mais également plus anciens.

L'album mis en ligne sur Gallica, Alpes-Maritimes : Photographies, qui appartient à l'Ecole des Ponts-et-Chaussées (Ecole des ponts ParisTech), conserve donc quelques-uns des clichés originaux jamais édités (tirages sur papier albuminé), pris sur deux ou trois décennies, avec notamment des vues urbaines  artificiellement présentées selon un parcours d'est en ouest.