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jeudi 26 octobre 2023

1318-NICE, LES VUES ANCIENNES DE LA "COLLECTION L.L. PARIS"


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 22/01/2024


Image 1- "25. Nice. Le Port.", "Collection L.L. Paris""Méditerranée"vers 1873,
vue sud-ouest/nord-est prise en contrebas du quai Lunel (actuel quai Amiral Infernet),
 épreuves stéréoscopiques sur papier contrecollées sur carton de 8,7x17,5 cm
Vienne, Albertina Museum, Foto GLV2000_16830.


VOIR LA PREMIÈRE PARTIE DE CET ARTICLE



INTRODUCTION


Cet article concerne essentiellement l'étude des stéréoscopies sur papier de la "Collection L.L. Paris", consacrées à la ville de Nice. 

Il fait suite à un premier article (lien ci-dessus) concernant les épreuves positives sur verre albuminé, stéréoscopies et vues pour lanterne magique, de "Ferrier Père, Fils & Soulier" puis de "M. Léon & J. Lévy", "J. Lévy & Cie" et "Lévy Et Ses fils".

Deux questions préalables sont nécessaires à l'étude de la "Collection L.L." : de quand date le dépôt de cette marque et quels noms recouvre-t-elle ?

Beaucoup d'études restent très ambiguës sur la date de création de la marque "L.L", laissant sous-entendre que cette dernière ait pu exister dès les années 1860, lors de l'association Léon & Lévy. 

Cependant, Michel Mégnin, dès le Dictionnaire des orientalistes de langue française (2001-2012) (ici) situe bien cette date en "1901" (ce qui est confirmé par les textes de l'époque). Cela implique que tous les supports qui la portent datent au plus tôt des premières années du XX° siècle, même si les prises de vue qu'ils diffusent sont antérieures.

Quant aux noms que les initiales "L.L." recouvrent, tout le monde semble s'accorder sur "Léon & Lévy" mais est-ce bien le cas ? 

Ce "L" de "Léon" serait-il un hommage à son ancien associé et beau-père ou bien à son épouse ? C'est difficile à croire car au retrait de Moyse Léon en 1874, Isaac Lévy opte pour "J. Lévy & Cie" puis "Lévy Et Ses fils". Pourquoi revenir près de trente ans plus tard à "Léon & Lévy" ? 

Ne serait-ce pas plutôt "Lévy & Lévy" ? Les documents des premières années du XX° siècle citent "L.L. (Lévy et ses fils)" (L'Homme Préhistorique, 1er septembre 1905 p 287, Gallica) ou "Lévy & ses fils, Marque L.L., Marque I.N.P. [Imprimerie Nouvelle Photographique]" (Le Tarif des droits d'octroi de Paris, T II, 1907 p 1254, rthcards.co.uk).


Image 2- "19, Nice, le quai du Midi", "Collection L.L. Paris""Vues de France"vers 1873,
vue ouest-est prise depuis le Pont des Anges vers le quai du Midi (actuel quai des Etats-Unis),
 épreuves stéréoscopiques sur papier contrecollées sur carton de 8,7x17,5 cm
Vienne, Albertina Museum, Foto GLV2000_16828.



COLLECTION L. L. : VUES STÉRÉOSCOPIQUES SUR PAPIER


Inventaire

La recherche s'est d'abord axée sur l'inventaire des vues de Nice de la "Collection L.L.". Ce dernier, certes non exhaustif, est un moyen d'étudier la Collection toute entière au travers du seul prisme niçois. Si certains collectionneurs veulent m'aider à compléter la liste ci-dessous, merci de m'adresser un message à : patin.camus@gmail.com. 

Les vues répertoriées sont pour la plupart conservées au Musée Albertina de Vienne (Autriche) (ici).

Les vues stéréoscopiques niçoises sont formées de deux tirages de format presque carré aux angles supérieurs arrondis, contrecollés sur un carton de couleur pourvu d'un numéro et d'un titre (sous l'une des vues) et de l'inscription "COLLECTION L.L. PARIS", sur l'un des côtés verticaux et le nom de la série, sur l'autre. De plus rares cartons ne comportent cependant ni le nom de l'éditeur ni celui de la série mais uniquement le titre de la vue, lui-même dépourvu de numéro.

Les cartons des vues connues sont le plus souvent de couleur jaune. C'est d'ailleurs une tradition de la Maison Lévy. Ses cartons de l'Exposition Universelle de 1867 à Paris, au fond jaune pâle (mais également jaune orangé ou orange), en témoignent : chaque carton de cette exposition porte l'inscription, "Photographié par M. Léon & J. Lévy" mais le haut des deux tirages est cependant découpé en forme d'arc plein cintre. La série de l'Exposition Universelle de 1867 a été rééditée au début du XX° siècle sous la marque "L.L.", avec la même configuration que les vues niçoises.

Il est donc probable que des cartons présentant des vues de Nice aient existé, signés "M. Léon & J. Lévy" puis "Lévy & Cie" dès les années 1860 et 1870. Etrangement, aucun d'eux n'est connu mais cela peut être dû aux hasards de la conservation, les vues des Collections privées restant, de plus, peu accessibles.

Les séries de vues stéréoscopiques comprenant des vues de Nice sont : 

- "VUES DE FRANCE" - la série sur carton de couleur jaune pâle comporte au moins 5 vues niçoises connues dont les numéros s'échelonnent entre le n° 16 et le n° 31 (ce qui laisse présumer une série d'au moins 16 vues) :

"16, Nice, quai Masséna" [avec un homme posant - épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] (Image 3) ;

"19, Nice, le quai du Midi - - - Nice" [épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] (Image 2) ;

"22, - NICE, VUE DE LA BAIE DES ANGES." [Collection en ligne La Stéréothèque] ;

"24, - NICE, VUE DE LA RESERVE." [Collection privée] ;

"26, - NICE, PONT DES ANGES ET BOULEVART DU MIDI." [Collection personnelle] ;

"31, - NICE, QUAI MASSENA ET LE PAILLON". [vue proche de la vue 16 de la même série mais avec deux personnages (femmes ?) posant - Collection personnelle] ;

"Sans titre" (Nice, Promenade des Anglais) [avec un homme barbu assis sur une chaise au premier plan, à l'extrémité orientale de la Promenade, et quatre hommes en arrière sur la chaussée - Collection privée].


- "FRANCE" - la série est sur carton à fond rouge et affiche "Collection L.L." sans mentionner "Paris" ; une seule vue de Nice est connue à ce jour : 

"1, Nice l'Entrée du Port" [vue est-ouest prise depuis le col de Villefranche, entre les oliviers, avec un homme assis sur le côté gauche ; Collection privée].

- "MEDITERRANÉE" - la série, qui montre notamment des vues de Monaco, Menton, Antibes et Cannes, comporte 8 vues niçoises connues dont les numéros s'échelonnent entre le n° 8 et le n° 26 (ce qui laisse présumer une série d'au moins 19 vues) ; trois vues différentes, dont deux représentant le même site, affichent cependant le n° 25 :

"8 Nice, vue générale prise de Montboron" [épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] ;

"18, - NICE. VUE PANORAMIQUE DU PORT ET DE LA VILLE." [épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] ;

"21 Nice, vue du port" [épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] ;

"22 Nice. le château Smith" [épreuves stéréoscopiques transparentes sur papier et colorisées au verso, Collection privée] :

"25, - NICE. LE PORT." [épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] (Image 1) ;

"25 Nice, vue prise du château - - - Nice" [vue de Carabacel - épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] (Image 5) ;

"25 Nice, vue prise du château" [vue de la Baie des Anges - épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] ;

"26 Nice, la vallée prise du château" [vue de Carabacel - épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] (Image 4).


Les titres présentent des variantes : numéro suivi ou non d'une virgule ou d'un point ; titre entièrement composé de majuscules et suivi d'un point ou titre présentant des majuscules réservées aux noms propres et dépourvu de point final ; indication supplémentaire ou non de la ville à l'extrême droite du carton.

Force est de constater cependant que ces variantes se retrouvent au sein même des séries et révèlent davantage un choix éditorial d'une époque qu'une différenciation marquée.

La question de savoir si, au sein d'une même série, les prises de vue sont contemporaines ou non s'impose donc.


Datation

La datation des vues répertoriées n'est pas toujours aisée et cela pour plusieurs raisons : les vues sont souvent générales, les reproductions consultées ne sont pas toujours en haute résolution ni les vues originales en bon état (ne permettant pas d'en visionner le détail).

Plusieurs campagnes de prises de vue semblent avoir été réalisées à quelques années d'intervalle et retracent en partie l'évolution des sites emblématiques de la ville. Aucune des vues citées n'est cependant antérieure à 1870 ni postérieure à 1885. Deux périodes semblent s'imposer : 

- vers 1873 : 

La grande majorité des vues répertoriées, toutes séries confondues, impliquent cette date par la configuration des quais du Port et des abords du Paillon.


Image 3- "16, Nice, quai Masséna.", "Collection L.L. Paris""Vues de France"vers 1873,
vue du Paillon, prise à proximité du Jardin public, montrant le quai Masséna (actuelle avenue de Verdun) et le quai Saint-Jean-Baptiste (actuelle avenue Félix-Faure), avec notamment l'Hôtel de la Paix (1868),
épreuves stéréoscopiques sur papier contrecollées sur carton de 8,7x17,5 cm
Vienne, Albertina Museum, Foto GLV2000_16826.



- vers 1883 : 

La seule vue connue de la série "FRANCE", "1, Nice l'Entrée du Port" montre un état des lieux qui ne peut être antérieur au début des années 1880, du fait de la présence de la chapelle du Petit-Séminaire (érigée en 1880-1881) mais également de la disparition de l'ancien phare du môle extérieur du port, au profit du nouveau phare érigé plus à l'est (1879-1880), alors que les deux ont coexisté jusqu'en 1882.

La vue, "22 Nice. le château Smith" de la série "MEDITERRANEE", date de cette même période car elle montre le Restaurant de la Réserve édifié en 1876-77 en bord de rive et, sur les rochers voisins, un Chalet et un faux bateau, respectivement érigés en 1867 et 1882. Enfin, la vue ne montre pas encore la haute arcature qui, en 1885, va porter une villa et contrebuter le flanc de la colline au-dessus de la nouvelle route de Villefranche.

La vue, "25 Nice, vue prise du château" de la série "MEDITERRANEE", date de cette même période car elle montre dans la Baie des Anges, la toiture du Théâtre italien détruite par l'incendie de 1881, la plate-forme de la Jetée-Promenade déjà dégagée de la carcasse du Premier Casino, détruit par l'incendie d'avril 1883, mais pas encore le bâtiment dont la construction débute cette même année à l'est du Théâtre (actuel "Palais des Etats-Unis").

La vue, "26 Nice, la vallée prise du château" de la série "MEDITERRANEE" est contemporaine des précédentes car elle montre un état des architectures des villas de la Colline de Carabacel postérieur à 1880.


Image 4- "26 Nice, la vallée prise du château", "Méditerranée""Collection L.L. Paris"vers 1883, 
vue sud-est/nord-ouest prise depuis la terrasse du Château, montrant l'allée du Cimetière 
puis en contrebas, la rive gauche du Paillon avec une partie de la Vieille Ville
 et la rive droite, avec notamment le quartier de Carabacel,
épreuves stéréoscopiques sur papier contrecollées sur carton de 8,7x17,5 cm
Vienne, Albertina Museum, Foto GLV2000_16833.



Un même site est, d'une part, photographié sous des angles différents à plusieurs reprises à une même date et, d'autre part, photographié à nouveau à une date postérieure. Certaines vues sont tellement semblables qu'il est difficile de croire qu'elles aient été insérées dans une seule et même série. 

Il semble y avoir eu plusieurs éditions de séries intitulées, "Vues de France", avec une présentation variée des titres mais toutes constituées de vues datant vers 1873 (du moins celles qui sont connues). La série intitulée "France", n'étant à ce jour connue que par une seule vue qui date de 1883, il est difficile d'en tirer des conclusions. Les séries intitulées "Méditerranée" présentent des variantes de titre mais semblent, pour leur part, constituées de vues datant vers 1873 et/ou vers 1883. 

Les séries qui se sont succédées sous le même nom comportaient-elles systématiquement des vues identiques ou bien des vues équivalentes ? Ces séries ont-elles été rééditées dans les années 1880 et 1890, et si oui, comportaient-elles uniquement des vues prises la même année ou mixaient-elles des vues de dates différentes ? 

Dans tous les cas, il est assez étonnant de voir que ces photographies ont été rééditées sous la marque "L.L." au tout début du XX° siècle, soit deux ou trois décennies après leur prise de vue, alors qu'elles ne correspondaient plus à l'actualité des lieux, contrairement aux cartes postales de la marque.

Y-avait-il une volonté d'évoquer le passé ? Celui qui achetait ou visionnait ces vues, en France ou à l'étranger, était-il conscient du décalage temporel, certes peu sensible sur les vues générales et aériennes, mais plus évident sur les vues plus resserrées, notamment celles du Pont des Anges (disparu) et des abords du Paillon (transformés) ?

Aucune vue de Nice de grand format sur papier albuminé ne semble connue (vues et albums de la Maison Lévy), contrairement à celles d'autres villes, régions et pays.



J. LÉVY : VUES SUR VERRE


Vues stéréoscopiques sur verre

Il est logique de penser que les vues niçoises ont également été diffusées sur verre. Si aucun négatif sur verre n'est connu, l'existence de telles séries est prouvée par la conservation de rares vues stéréoscopiques positives sur verre : 

"Nice. Vue générale.", vers 1873 [vue de Carabacel prise du château - épreuves stéréoscopiques sur verre, Collection privée - vues complémentaires des vues "25 Nice, vue prise du château - - - Nice" de la série "Méditerranée" épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] ;

"Nice. Promenade des Anglais.", vers 1873 [épreuves stéréoscopiques sur verre - Collection privée - l'homme debout au premier plan est le même que celui qui pose assis sur les vues de la Promenade, "Sans titre", de la série "Vues de France" - vues stéréoscopiques sur papier, Collection privée] ;

Sans titre, vers 1873 [vue du Paillon depuis le quai Masséna - épreuves stéréoscopiques sur verre, Collection privée et Société Getty Images - vues semblables aux vues "16, Nice, quai Masséna" de la série "Vues de France" (Image 3) mais avec plusieurs hommes posant au lieu d'un seul, 5 sur la vue de gauche et 6 sur celle de droite - épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum] ;

"Nice. Vue prise du fort MontAlban.", vers 1873 [épreuves stéréoscopiques sur verre - Collection privée] ;



Vues sur verre pour lanterne magique

Quelques vues positives sur verre pour lanterne magique sont également conservées dans des Collections privées ainsi qu'au George Eastman Museum de Rochester, avec parfois des titres différents (ici). 

La vue, "10176, Nice, vue prise de fort Mont-Alban" [épreuve sur verre pour lanterne magique, conservée au G. Eastman Museum de Rochester] est ainsi la même que la vue, "Nice. Vue prise du fort MontAlban." [épreuves stéréoscopiques sur verre - Collection privée] et que la vue, "8 Nice, vue générale prise de Montboron" [épreuves stéréoscopiques sur papier, Vienne, Albertina Museum].

Les vues pour lanterne magique qui datent vers 1873 ont été étudiées dans la première partie de cet article (ici). Il est cependant intéressant de confronter, quand c'est possible, la même vue sous forme d'épreuves stéréoscopiques sur papier et d'épreuve sur verre pour lanterne magique, et de constater la qualité supérieure et pérenne des vues sur verre (Images 5 et 6).


Image 5- "25 Nice, vue prise du château - - - Nice", "Collection L.L. Paris", "Méditerranée", vers 1873, 
vue sud-est/nord-ouest montrant la suite (partie sud)
 du panorama de la vue précédente mais dix ans auparavant,
épreuves stéréoscopiques sur papier contrecollées sur carton de 8,7x17,5 cm
Vienne, Albertina Museum, Foto GLV2000_16832.

La vue est postérieure à 1872 car elle montre, notamment,
 la nouvelle façade de l'Hôpital Saint-Roch (sur la droite). 
Elle est cependant antérieure à l'été 1875 car elle ne montre pas encore
 la nouvelle façade du Lycée Masséna (sur la gauche).

Image 6- Sans titre, Nice, vue générale prise depuis la Colline du Château, vers 1873,
vue sud-est/nord-est montrant la Vieille Ville, les quartiers Saint-Jean-Baptiste et Carabacel,
plaque de verre pour lanterne magique de 8,2x8,2 cm, Collection personnelle.



La recherche a permis de revisiter les vues niçoises conservées au G. Eastman Museum et d'attribuer désormais à "J. Lévy & Cie" deux autres vues distribuées à New York par T.H. McAllister :

"Baie des Anges, Nice", vers 1878 [cette vue montre le boulevard du Midi récemment planté de palmiers (vers 1876-1877) - épreuve sur verre pour lanterne magique conservée au G. Eastman Museum de Rochester] ;

"Le Paillon, Nice", vers 1878 [cette vue montre, sur le quai Saint-Jean-Baptiste, l'exhaussement en cours de la façade orientale du Grand-Hôtel (vers 1876-1880) - épreuve sur verre pour lanterne magique conservée au G. Eastman Museum de Rochester].

Il faut enfin évoquer une vue pour lanterne magique postérieure, qui peut être datée vers 1883 :

"Panorama de Nice" ou "General View - Entrance of the port - Nice" [vue de l'entrée du Port depuis la route de Villefranche, entre les oliviers, avec un personnage debout posant au tout premier plan (Image 7) ; cette vue est proche de la vue stéréoscopique sur carton rouge de la série "France", intitulée "1, Nice, l'Entrée du Port" - épreuve sur verre pour lanterne magique, Collection personnelle, avec l'étiquette, "France II, Topic 21/36" ; épreuve sur verre pour lanterne magique, Collection privée avec l'étiquette "Lévy & Ses Fils"].


Image 7- "General View - Entrance of the port - Nice""France II, Topic 21/36", vers 1883, vue est-ouest prise de la route de Villefranche montrant, entre les oliviers, l'entrée du port. Sur la gauche de l'image, le phare (érigé en 1879-1880) est désormais unique (depuis 1882), et sur la droite, la chapelle du Petit Séminaire est présente (1880-1881), plaque de verre de 8,4x10,1 cm, Collection personnelle.

 Cette même vue existe sous le nom de "Panorama de Nice" et est signée "Lévy & ses Fils - photographes éditeurs - 25, Rue Louis-le-Grand, 25, Paris" (édition postérieure à 1894), Collection privée.



ÉPILOGUE


Les vues étudiées sur papier et sur verre impliquent donc plusieurs campagnes de prises de vues niçoises, notamment vers 1873, 1878, 1883 (tous les cinq ans) et, bien entendu, d'autres campagnes postérieures. 

Il ne faut pas oublier la campagne, constituant le même fonds, qui s'est tenue vers 1862-1865 (réalisée par "Ferrier Père, Fils & Soulier" ou par "M. Léon & J. Lévy") et a été mise en évidence dans la première partie de cet article (ici). 

Cependant, aucune de ces vues des années 1860 ne semble, à ce jour, connue sous la marque "L.L.", et il semble en être de même pour les séries niçoises antérieures créées par Claude Marie Ferrier en 1854-1855 et 1859. 

La "Vue du port de Nice." prise par Ferrier en 1859 a cependant circulé sous forme de vue pour lanterne magique de la série "France", distribuée par T.H. McAllister aux Etats-Unis (G. Eastman Museum de Rochester). 

Ceci permet de penser que le fonds ancien de la Maison Lévy a été exploité pendant de nombreuses décennies, les vues de Nice sur verre et sur papier se retrouvant en plus ou moins grand nombre selon les séries puis en fonction de leur conservation aléatoire. Cet article devra donc être modifié par la suite, en fonction des vues niçoises qui se révèleront.

Il faut enfin émettre l'hypothèse que certaines vues niçoises, voire des séries entières (notamment des années 1870 et 1880), aient été réalisées par des photographes n'appartenant pas à la Maison Lévy mais acquises et distribuées par elle.



jeudi 19 octobre 2023

1317-NICE, UNE VUE ANCIENNE DU PORT POUR LANTERNE MAGIQUE

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 14/04/2024


1- Photographe anonyme, 2461. Port de Nice., sans date,
vue positive sur verre de 8,5x10 cm, Collection personnelle.



INTRODUCTION


De nombreuses vues anciennes montrant les sites emblématiques de villes comme Nice, Cannes ou Monaco ont été éditées et rééditées dans la seconde moitié du XIX° siècle, sous forme de diapositives sur verre, noir et blanc ou colorisées (vues pour lanterne magique) et intégrées dans des séries régionales, nationales ou internationales.

Ces séries affichent parfois le nom de leur éditeur mais ne précisent généralement pas le nom du photographe ni la date de prise de vue. 

Si certaines séries apparaissent assez homogènes avec un seul auteur et des vues réalisées sur une même période, d'autres séries sont manifestement constituées d'un mélange de vues réalisées par des auteurs multiples à des périodes différentes.

L'image étudiée est extraite d'une série positive sur verre montrant des sites des Alpes-Maritimes dont la plupart ont été manifestement photographiés dans les années 1880. Elle s'en distingue cependant par son antériorité.


2- Photographe anonyme, 2461. Port de Nice, détail de la vue précédente, sans date,
vue positive sur verre de 8,5x10 cm, Collection personnelle.



DESCRIPTION ET DATATION DE LA VUE


C'est une vue du Port de Nice, prise depuis la Colline du Château (Images 1 et 2). Elle montre l'extrémité sud-est du port, avec (d'ouest en est et de gauche à droite) :

- les bateaux à vapeur et à voile, le petit môle est, le débarcadère des bateaux à vapeur, le quai puis le môle de carénage, 

- le chantier de construction de la Marine, la prison (ancien bagne) avec, entre ses pavillons nord et sud, sa galerie basse couverte d'une terrasse (le pavillon nord est coiffé d'un clocheton dont l'horloge indique 13h 40)

- quelques bâtiments du boulevard de l'Impératrice dont l'Hôtel Royal près de la plage de sable, 

- le bas de la colline du Mont-Boron avec des propriété boisées, le site de l'ancien Lazaret en ruines et les rochers de la Réserve (parc à huîtres) 

- puis les silhouettes du Petit Séminaire et du Château Smith.

La voie du boulevard de l'Impératrice qui longe la plage a été ouverte en 1857. L'Hôtel Royal tenu par Santi Saccomani (qui affiche ostensiblement son enseigne au balcon du dernier niveau) a investi la Maison Salvi de 1857 à 1866, ce qui délimite d'emblée la période de la prise de vue.

La présence de nouvelle Villa Vigier (1862-1863), à l'est de l'hôtel, aurait pu resserrer la datation mais cette dernière est hors-champ. Cependant, au lointain, la maison située au-dessus du Château Smith implique, elle aussi, la date de 1862 au plus tôt.

Enfin, la cabane suspendue au rocher du Restaurant de la Réserve au Lazaret montre un état intermédiaire entre l'état de 1862 (cabane assez sommaire) et celui de 1866 (cabane rénovée mais dominée par une grande enseigne) et ne côtoie pas encore le chalet qui sera édifié sur le rocher voisin en 1867.

La date retenue peut donc être située vers 1862-1865 et plus probablement vers 1864-1865. Quelques vues des mêmes lieux, réalisées dans les années 1860, viennent d'ailleurs confirmer cette datation :

- celles de photographes parisiens voyageurs (Furne & Tournier ; Hippolyte Jouvin ; Jean Andrieu) 

- et celles de photographes qui passent les saisons d'hiver à Nice ou sont domiciliés dans cette ville (Louis Crette ; Alphonse Davanne ; Miguel Aleo ; Pierre Ferret ; Joseph Silli ; Charles Nègre, Jean Walburg De Bray, Albert Pacelli), 

- sans oublier les quelques peintures, lithographies et dessins contemporains (Dieudonné Lancelot, Félix Benoist).



FERRIER ET LÉVY


Les Éditeurs

La vue étudiée présente un titre mais pas de nom d'éditeur. La recherche a permis cependant de retrouver une vue sur verre semblable. Cette dernière est stéréoscopique mais son image de droite s'avère identique à l'image étudiée dans les moindres détails, y compris ceux concernant l'usure.

L'aspect global de cette dernière semble impliquer les éditeurs parisiens du 99 puis du 113, boulevard de Sébastopol, "M. Léon & J. Lévy de Paris" : Moise Léon (1812-1888) et Isaac dit Georges Lévy (1833-1913) (le "I" d'Isaac majuscule s'écrivant comme un "J" ?). 

Ces photographes-éditeurs sont les assistants puis, dès 1864, les successeurs de la Maison "Ferrier père & fils & Soulier" : Claude Marie Ferrier (1811-1889), Jacques Alexandre Ferrier (1831-1911) et Charles Soulier (1816-1886). Ils conservent le fonds, l'exploitent et l'enrichissent.

Au retrait de Moïse Léon, la société devient vers 1874, "J. Lévy & Cie" puis vers 1894, "Lévy & Ses Fils" (ils participent ensemble à l'Exposition Universelle d'Anvers en 1894).

Ils diffusent leurs propres photographies sur verre et papier mais également celles prises par d'autres photographes dans le monde entier. Leurs catalogues offrent dès les années 1870, plusieurs milliers de sujets (les catalogues conservés de 1864, 1870, 1880, 1886 et 1903 n'ont pu être consultés).


Les Vues

Quelques-unes de leurs vues anciennes de Nice et de la région (Cannes, Antibes, Villefranche, Menton, Monaco) sont connues par des textes ou des Collections publiques et privées.

Les vues de Nice semblent relever notamment :

d'une série éditée par Claude Ferrier vers 1855 : 

"Il y a quelques temps, M. Ferrier revenait d'Italie. Il avait passé là-bas les plus beaux mois de l'année, aussi rapportait-il quatre albums contenant plusieurs centaines de vues stéréoscopiques (...). On sait que cet artiste opère sur glace albuminée (...). Toute l'Italie est dans ces splendides albums. On passe de Nice à Turin, de Turin à Gênes, de Gênes à Florence ; on parcourt Rome, Venise, Padoue, Pise" (La Lumière du 24 février 1855, Paris, BnF, Gallica). 

Il présente notamment ses vues d'Italie à l'Exposition Universelle de 1855 à Paris (Gazette Nationale du 2 août 1855) où il obtient une mention honorable (Bibliographie de la France 1855 p 655).

Les vues de Nice prises en 1854 ne semblent pas conservées.


- d'une série éditée par Ferrier et Soulier avec cinq vues citées dans leur Catalogue de 1859 : 

Vue générale de Nice [vue de la rue Ségurane et de la vallée du Paillon prise depuis le versant oriental de la Colline du Château - épreuves stéréoscopiques sur papier, Collection privée - épreuves stéréoscopiques sur verre, Collection privée) ;

Nice et le Mont Chauve [probablement la vue intitulée, 365 bis, Panoramic View of Nice, prise depuis la terrasse du Château - épreuve sur verre pour lanterne magique conservée au G. Eastman Museum de Rochester]

Vue du port de Nice [vue sud-ouest/nord-est avec un bateau à vapeur au premier plan - épreuves stéréoscopiques sur verre, Entrée du Port de Nice, dans la Collection Davanne - merci à Didier Gayraud de m'avoir signalé cette vue  ; réédition postérieure sur épreuve sur verre pour lanterne magique, The Harbour of Nice, conservée au G. Eastman Museum de Rochester] ; 

Panorama de la plage de Nice [vue inconnue]

Panorama de Nice, côté Quai Masséna [vue inconnue] ; 

Dans le Catalogue londonien de 1859 des vues stéréoscopiques distribuées par "Negretti And Zambra", seulement deux vues niçoises de Ferrier sont citées dans sa série italienne (page 12) mais avec la précision de leur numéro :

365 Vue générale de Nice.

366 Vue du port de Nice.

Le même Catalogue fournit une précision intéressante (traduction de la page 32) : "Beaucoup de vues continentales sur verre de Ferrier, peuvent être également obtenues sur papier. Celles disponibles sur papier sont uniquement celles de Suisse, d'Italie, de France, de Belgique et de Hollande, dont la plupart, bien que non issues des mêmes négatifs que celles sur verre, sont presque identiques".


- d'une série éditée vers 1862-1865, à laquelle appartient la vue étudiée :

2461. Port de Nice [épreuve sur verre pour lanterne magique, Collection personnelle et Agence Roger-Viollet],

2462. Panorama de Nice pris de la nouvelle route de Villefranche [épreuves stéréoscopiques sur verre, Collection privée].

2463. Perspective du Paillon, à Nice [épreuves stéréoscopiques sur papier mais également sur verreCollections privées ; épreuves stéréoscopiques sur verre, Amsterdam, Rijksmuseum].

Nice. Villa Smith. Vue prise du côté de la mer. (vers 1862-1865 ou vers 1873 ?) [épreuves stéréoscopiques sur verre, Collection privée].

La série, constituée de huit vues, est répertoriée dans l'ouvrage de Jean-Marie Voignier, Les Vues stéréoscopiques de Ferrier et Soulier : catalogue 1851-1870, Editions du Palmier en zinc, Paris, 1992 p 40 - catalogue de 1864 ou de 1870 ?) avec :

"2456 Le Phare de Nice (effet de lune).

2457 Vue prise dans le jardin d'Alphonse Karr (n°1).

2458 Vue prise dans le jardin d'Alphonse Karr (n°2). 

2459 Vue prise dans le jardin d'Alphonse Karr (n°3).

2460 Panorama de Nice, pris du château.

2461 Port de Nice.

2462 Panorama de Nice, pris de la nouvelle route de Villefranche.

2463 Perspective du Paillon.".

Il est probable que l'ensemble de ces vues apparaissaient dans le catalogue de 1864 (Jardin d'Alphonse Karr) et dataient des années 1862-64.


- d'une série éditée vers 1873 : 

Nice. Vue générale. [vue prise depuis la terrasse de la Colline du Château et montrant la vallée du Paillon et le quartier de Carabacel - épreuve sur verre pour lanterne magique, Collection personnelle] ; 

Nice. Promenade des Anglais. [vue est-ouest avec un personnage posant au tout premier plan - épreuves stéréoscopiques sur verre, Collection privée] ; 

Nice, le quai Masséna. [vue sud-nord avec des personnages posant sur le quai - épreuves stéréoscopiques sur verre, Collection privée] ;

10176, Nice, vue prise de fort Mont-Alban (vers 1862-1865 ou vers 1873 ?) [épreuve sur verre pour lanterne magique, conservée au G. Eastman Museum de Rochester et dans une Collection privée] ;

The angel's gulf Nice [vue est-ouest de la baie, prise depuis la Colline du Château - épreuve sur verre pour lanterne magique, conservée au G. Eastman Museum de Rochester] :

Statue of Messina [Massena] in Nice Italy (vers 1873 ?) [épreuve sur verre pour lanterne magique conservée au G. Eastman Museum de Rochester] ;

Pont des Anges, Nice [épreuve sur verre pour lanterne magique conservée au G. Eastman Museum de Rochester] ;

Pont-Neuf, Nice. (vers 1873) [vues est-ouest du Pont - avec de la circulation - et de la place Masséna - épreuve sur verre pour lanterne magique conservée au G. Eastman Museum de Rochester] ;

Le Môle, Nice. (vers 1873) [détail d'une vue ouest-est du port prise depuis la Colline du Château - épreuve sur verre pour lanterne magique conservée au G. Eastman Museum de Rochester - vue de l'Agence Roger-Viollet et de la Société Getty Images].


- d'une série éditée vers 1883 :

Panorama de Nice [vue de l'entrée du Port depuis la route de Villefranche, avec un personnage posant au tout premier plan - épreuve sur verre pour lanterne magique, Collection personnelle et Collection privée avec l'étiquette "Lévy & Ses Fils"].


Les vues stéréoscopiques sur verre les plus anciennes, éditées par Ferrier & Soulier bénéficient d'un passepartout noir aux filets dorés et trois couches de verre mais les vues postérieures ou rééditées, d'un passepartout blanc encadré de noir et de seulement deux couches de verre. 

Les vues niçoises existent tout à la fois sous forme double (vues stéréoscopiques) et sous forme simple (vues pour lanterne magique) et affichent parfois la même numérotation, du fait qu'elles sont issues d'un même négatif.

La vue de Nice étudiée appartient aux images diffusées par la Maison J. Lévy dès ses premières années d'activité (vues stéréoscopiques sur verre de 8,5x17 cm) mais date probablement d'une réédition postérieure (vue unique pour lanterne magique sur verre de 8,5x10 cm ; demi-plaque stéréoscopique).



T.H. McALLISTER


Seule l'une des vues de Nice (365 bis) pour lanterne magique (de 8,3x10,2 cm) conservées au George Eastman Museum de Rochester (État de New York, U.S.A, iciaffiche sur des étiquettes les noms de, "J. Lévy & Cie Successeurs de Ferrier Père Fils & Soulier - Paris" mais également celui de, "T.H. McAllister, Manufacturing Optician, 49 Nassau Street, New York",


Image 3- Publicité pour T.H. McAllister, Sadlier's Catholic Almanac de 1866,
page extraite de l'Appendice publicitaire, p 10 (GoogleBooks).

La Maison McAllister de Philadelphie est dite ici "Established in 1796" 
mais les publicités des années 1880 la diront "Established in 1783".



Thomas Hamilton McAllister (Philadelphia 1824- New York 1898), est l'un des membres d'une prestigieuse famille de fabricants et vendeurs d'instruments de précision et d'optique, établie à Philadelphia (depuis la fin du XVIII° siècle) puis à New York. 

T.H. McAllister s'installe dans sa propre boutique new-yorkaise en 1865, au 627, Broadway puis, dès 1866, à l'adresse citée du 49, Nassau Street.

Dès ses débuts, il distribue des "Stereoscopes and Stereoscopic Views, Magic Lanterns, and Stereopticons, Dissolving Views for Public Exhibitions [série de deux à cinq vues créant une animation par le biais du fondu enchaîné]" (Image 3). 

Il édite d'ailleurs, au plus tard en 1867, des Catalogues de ses "Magic Lanterns with several thousand Colored Photographic Views on Glass, Illustrating Art, Science, Religion, History, etc." (Appleton's Journal, November 13, 1869 p 416, GoogleBooks ; The New York Teacher and The American Educational Monthly, 1871 p 116, GoogleBooks).

Si la vue 365 bis du G. Eastman Museum s'affirme contemporaine ou postérieure à 1874 ("J. Lévy & Cie"), il est difficile de dire à partir de quelle date précise T.H. McAllister a commencé à distribuer les vues de J. Lévy.

Son Catalogue and Price List of Stereopticons..., de 1867 ne cite pas J. Lévy et aucune vue de Nice n'y est d'ailleurs présente (Media History, Wisconsin Center, ici). Ses catalogues des années suivantes n'ont pu être consultés (Catalogues de 1877 et de 1881 conservés). 

Son Catalogue de février 1887 (Internet Archive, ici) cite cependant, parmi ses fournisseurs, "Levy & Co., of Paris" (Image 4). 



Image 4- Page extraite du Catalogue de 1887 de T.H. McAllister (Internet Archive, ici).



Ce même catalogue propose dans la rubrique, "Places of Interest - Foreign", 2 vues de Nice intégrées dans une série de Villes françaises ("France." p 92) et 7 autres vues dans une série de Villes de la Méditerranée ("The Mediterranean." p 110) mais ne précise pas l'éditeur de chacune des séries. 

Si les 7 vues de Nice de la série "The Mediterranean" (ici) sont assurément des vues de l'anglais Francis Frith (1822-1898) prises vers 1874-1875, le doute subsiste pour l'attribution des 2 autres vues de la série "France", aux titres génériques : Nice, General View of the City, et, Nice, The Harbor. Sont-elles de J. Lévy & Co, de J. Lachenal & Co ou d'un autre éditeur français ou britannique ?

Il est probable que ce sont les deux vues réalisées par Claude Marie Ferrier en 1859 et citées, avec les mêmes titres, dans le catalogue anglais de Negretti And Zambra de la même année, les deux vues de la série "Italy" du fonds J. Lévy étant passées dans la série "France", suite à l'Annexion française du comté de Nice en 1860.



LACHENAL


La Maison parisienne, "J. Lachenal, L. Favre et Cie", est dite "fondée en 1869" dans son Catalogue général des photographies sur verre pour le stéréoscope et la projection de 1874 (Paris, BnF, Gallica) qui précise également les médailles et mentions remportées entre 1870 et 1874.

Fondée notamment par les photographes Jean Lachenal (?-?) et Claude Louis Favre (1826 ?-1881) au 72, boulevard de Sébastopol, cette Maison entre dès cette époque en concurrence avec la Maison M. Léon, J. Lévy et Cie, par ses vues internationales sur verre. 

Après la mort de Claude Louis Favre en 1881, Jean Lachenal conservera la Maison sous le nom, "Lachenal & Cie", jusqu'à la fin des années 1880 (décès en 1889 ?) et cèdera, semble-t-il, tout ou partie du fonds à Adolphe Block (1829-1918).


Le Catalogue général des vues stéréoscopiques sur verre de 1871 (pp 67-69) de J. Lachenal, L. Favre et Cie et celui de 1874 (pp 59-62) comportent des vues du Midi de la France (Arles, Nîmes, Montpellier, Marseille, Toulon) dont 7 vues de Nice (Paris, BnF, Gallica) :

1970. Nice, pris du château. [vue inconnue],

1971. Le Vieux Port, Nice. [épreuves stéréoscopiques sur verre, Collection privée],

1972. Le Môle et Château de l'Anglais. [vue inconnue],

1973. Port de Nice, vue instantanée. [vue inconnue],

1974. Statue de Masséna. [vue inconnue],

1975. Vue instantanée du Pont-Neuf. [épreuve sur verre pour lanterne magique conservée au G. Eastman Museum de Rochester],

1976. Vue instantanée du Pont-Neuf. [épreuves stéréoscopiques sur verre, Collection privée).


Ces vues semblent dater vers 1870, ce que confirment :

- le signalement de la Statue de Masséna, installée fin juin 1869 (vue 1974.),

- la présence du kiosque sur le quai Saint-Jean-Baptiste, installé en janvier 1870, et l'absence des arbres de l'avenue du Prince-Impérial, plantés en mars-avril 1871 (vue 1975.).

Ne faut-il pas d'ailleurs reconnaître une partie de ces vues du Midi de la France dont 2 vues de Nice (vues instantanées du Pont-Neuf, 1975 et 1976) dans celles attribuées au photographe parisien "F. Blanc" dans la Bibliographie de la France du 10 septembre 1870 (vol. 9, 1870 p 432) ? 

L'atelier de ce photographe est situé au 72, boulevard de Sébastopol (Catalogues des Expositions de la S.F.P. de 1869 et 1870), comme l'est ou le sera celui de Lachenal & Favre (qui y est attesté dès 1871), ce qui peut laisser penser que F. Blanc fait partie de la même Maison ou la précède mais que, dans les deux cas, ses vues seront diffusées par J. Lachenal, L. Favre et Cie.

Cette Société dite fondée en 1869 a dû subir des évolutions car le Journal Officiel du 29 août 1871 (p 3061) signale la formation de la Société "Rachenat, Fatre et Cie (sic), photographie, boulevard Sébastopol, 72 (acte sous seing privé, 24 août)".



BENERMAN & WILSON


La recherche a mis en évidence l'existence d'une agence américaine ("American Trade Agents") directement liée à J. Lévy & Cie, fabriquant et distribuant leurs vues sur le territoire américain (voire au-delà) : "Bernerman & Wilson Photographic Publishers".

Cette société est fondée en 1874 par les photographes et éditeurs, F. Benerman (?-?) et Edward Livingston Wilson (1838-1903), à Philadelphia, Southwest Corner Seventh and Cherry Streets. 

Ils éditent notamment, dès septembre 1874, le premier numéro d'un bulletin dénommé The Magic Lantern (GoogleBooks, ici) dont voici un extrait : 

"The French lantern slides I referred to as made by Messrs. L. Levy & Co., embrace in their catalogue views from nearly all parts of the world, and are imported into this country by Messrs. Benerman & Wilson, of Philadelphia, who are the sole trade agents" (R.J. Chute, "The Magic Lantern", in, The Magic Lantern, n°1, September 1874 pp 2-3 - voir aussi, "The Magic lantern - Where They Are Produced, and Where They Made Be Bought" p 4).

Dans le n° 2 du même bulletin, un article rappelle que, jusqu'à il y a peu, les vues pour lanterne magique étaient peintes à la main et que ce sont Messrs. Langenheim Brothers de Philadelphie qui ont obtenu la première épreuve positive sur verre en 1848 [brevet de 1850]. La technique a ensuite été reprise par les français Dubosc-Soleil et Ferrier au tout début des années 1850 [brevet de 1852]. 

Philadelphie a été et reste un centre important de production de vues pour lanterne magique, avec Messrs. Langenheim Brothers, Messrs. Briggs & Son et Mr. Carbutt. Depuis plus de vingt ans, Messrs. Langenheim Brothers ont notamment distribué les vues pour lanterne magique aux opticiens de Philadelphie, Messrs. McAllister & Co, et Queen & Co., mais également sur tout le territoire américain. 

Récemment, Messrs. Benerman & Wilson, éditeurs de la revue Philadelphia Photographer, ont passé un accord avec la Maison Levy & Co., successeurs de Ferrier & Soulier de Paris, afin de distribuer leurs vues pour lanterne magique et leurs appareils à travers tous les Etats-Unis (A. Root, "The Magic Lantern - Its History and Uses for Educational and Other Purposes", in, The Magic Lantern. n° 2, October 1874 pp 11-13ici).

Au début de l'année 1875, Bernerman & Wilson publient un catalogue des vues de J. Lévy & Cie traduit en anglais : Classified Catalogue of Magic Lantern Slides and Transparencies for the Stereoscope Manufactured by Messrs. J. Lévy & Co, Paris (non consulté).

Il est donc probable que c'est auprès de Benerman & Wilson que se fournit T.H. McAllister, au plus tôt vers 1874 et au plus tard vers 1887, ce qui n'exclue pas le fait qu'il ait pu se fournir en France antérieurement. En effet dès la fin des années 1850, les établissements parisiens (Ferrier, Gaudin) "exportent quotidiennement des milliers d'épreuves stéréoscopiques pour l'Angleterre et l'Amérique" (Ernest Lacan, "Revue Photographique", in, Le Moniteur Universel du 3 décembre 1857 p 3 ; Retronews).

T.H McAllister, natif de Philadelphie, a d'ailleurs un revendeur exclusif du nom de George H. Pierce dans cette même ville, au 136, South 11th Street (Catalogue de décembre 1888, HathiTrust, ici).



ÉPILOGUE


La vue niçoise étudiée permet une entrée dans l'univers des épreuves sur verre pour lanterne magique.

Les textes du XIX° siècle ne vantent le plus souvent que "les vues stéréoscopiques" de MM. Ferrier & Soulier (peintre verrier), M. Léon & J. Lévy puis J. Lévy & Cie (ou encore de J. Lachenal, L. Favre & Cie). Il faut rappeler qu'en dehors d'être visionnées sur des stéréoscopes, ces vues doubles peuvent d'ailleurs être projetées sur écran. Ces éditeurs ont cependant produit et diffusé des épreuves simples pour lanterne magique. 

La production de vues pour lanterne magique semble avoir été peu importante ou peu mise en évidence chez Ferrier Père & Fils & Soulier et ne s'être développée, du fait des besoins éducatifs, qu'après 1864, sous M. Léon & J. Lévy (voir notamment les articles de : Samuel Highley, "Application de la Photographie à la Lanterne magique pour l'Education professionnelle" (1863), in, H. de la Blanchère, Répertoire encyclopédique de la Photographie, T IV, 1864 pp 61-62 ; "Photography And The Magic Lantern Applied To Teachery History", in, English Mechanic And Mirror Of Science, February 5, 1869, p 435 ; "The Magic Lantern Educationally Considered", in, British And Foreign Mechanic And Scientific Instructor, May 7, 1870, p 145 - V. Blanchard, "Hints On Producing Glass Transparencies In The Camera", in, The Year-Book of Photography, 1864 pp 46-47).

A l'Exposition Universelle de 1867 à Paris, M. Léon & J. Lévy exposent des "Epreuves photographiques sur verre [dont des vues pour lanterne magique ?] ; épreuves stéréoscopiques [sur verre et sur papier]". Le nom de "lanterne magique" n'est pas cité par eux et n'apparaît d'ailleurs que chez un seul exposant (londonien) dans tout le catalogue. Il semble que ces termes soient trop corrélés à l'ancien usage des projections d'images peintes ludiques et fantasmagoriques. Les images photographiques cherchent davantage à affirmer une vision éducative et réaliste et préfèrent les dénominations "d'épreuves positives" ou "d'épreuves transparentes pour projection". Les expositions des années suivantes en témoignent :

Le Catalogue de la Neuvième Exposition de la Société Française de Photographie (Paris, 1870) affiche p 20 : "Léon et Levy, à Paris, boulevard Sébastopol, 113 - Membres de la Société Française de Photographie. - Collections d'épreuves stéréoscopiques sur verre - Une série d'épreuves transparentes servant aux projections photographiques".

Un article du Moniteur de la Photographie précise pour cette même exposition : "Ce sont leurs positives sur verre, auxquelles on a joint quelques belles épreuves du même genre dues à M. Blanc, qui font les frais des séances de projection photographique organisées dans un local attenant à l'exposition, et qui sont suivies avec beaucoup d'intérêt par le public" (Ernest Lacan, "Exposition Photographique", in, Le Moniteur de la Photographie du 15 août 1870 p 1 - voir aussi, L'Abbé François Moigno, L'Art de la projection, 1872 pp 155-156).

J. Lévy publie cependant en 1870 un catalogue de son fonds au titre explicite : "Catalogue général des épreuves stéréoscopiques sur verre et lanternes magiques de Ferrier père, fils et Soulier ... MM. Léon et J. Lévy ..." (non consulté).

Le Catalogue de la Onzième Exposition de la Société Française de Photographie (Paris, 1876) affiche p 43 : "Levy (J.) & Cie, boulevard Sébastopol, 113, à Paris, - Membre de la Société Française de Photographie. - Quatre colonnes renfermant des vues stéréoscopiques. Un cadre de vues transparentes pour projections et autres - Projections faites dans le local de l'exposition avec les épreuves photographiques de M. Levy. Appareil de projection à la lumière oxyhydrique, construit par M. Baux".

Le Rapport concernant l'Exposition Universelle de 1878 à Paris détaille à son tour les différents types de vues : "Les vues stéréoscopiques, surtout les vues positives imprimées sur verre ont un charme tout particulier (...). Deux maisons seulement en France (nous ignorons s'il en est d'autres à l'étranger) produisent couramment des épreuves de choix ; ce sont celles de M. Lévy (...) et celle de MM. Lachenal et Favre (...). Nous ne dirons rien des épreuves sur papier ; elles manquent presque toujours de la finesse désirable (...).

Aux épreuves stéréoscopiques il faut joindre la production des épreuves pour projection, si employées aujourd'hui pour les cours, les conférences scientifiques (...). Aux collections si curieuses de M. Lévy et de MM. Lachenal et Favre, qui comprennent presque tous les sites connus de la terre et un grand nombre de sujets scientifiques, nous joindrons celles que M. Molteni a réunies pour l'instruction et le service des conférences" (Alphonse Davanne, Exposition Universelle Internationale de 1878 à Paris - Rapport sur les épreuves et les appareils de photographie, Paris, 1880 p 48 ; Collection S.F.P. ; voir également le Rapport d'Alfred Firmin-Didot, Le Papier - IIIème groupe de l'Exposition Technologique de 1882, Paris, 1883 pp 25-26 ; GoogleBooks). 

Contrairement aux vues stéréoscopiques, aucune vue de Nice pour lanterne magique de Ferrier ou Lévy ne semble attestée avant 1874, que ce soit en France ou aux Etats-Unis. Il faut rappeler cependant que les vues antérieures à cette date portent rarement la mention de leur éditeur et que de nombreuses vues conservées dans les Collections privées restent méconnues. 

En 1995-1996, la Société de Géographie a déposé à la BnF sa collection photographique, notamment constituée, dès 1875, de milliers de vues sur verre : trois vues seulement sont de J. Lévy et Cie (trois vues d'Arménie, 1887), aucune de Lachenal et Favre, un très grand nombre de vues de Molteni mais sans aucune de Nice.

Les vues de Nice stéréoscopiques sur verre distribuées par Ferrier ou Lévy restent de nos jours assez rares, et celles pour lanterne magique, plus rares encore. Sur les sites de vente en ligne, il existe actuellement de nombreuses vues pour lanterne magique de J. Lévy mais aucune de Nice. 

Les vues mises en vente datent pour la plupart du tournant du XX° siècle  et mentionnent : "Vues Sur Verre - Pour Le - Stéréoscope Et La Projection - Lévy & Ses Fils - Photographes-Editeurs - 44, Rue Letellier, Paris (XV°)". De plus rares vues datent de la période 1874-1894 avec : "J. Lévy & Cie Succrs de Ferrier Père Fils & Soulier - - Paris".

Une adresse intermédiaire entre le 113, boulevard de Sébastopol (1864-1890) et les deux adresses du 25, rue Louis-Le-Grand (Bureaux) et du 44, rue Letellier (Ateliers) est connue vers 1890-1896 au 28, avenue de l'Opéra (Image 5).


Image 5- Publicité pour Lévy Et Ses Fils extraite de l'Annuaire Général et International de la Photographie,
 6ème année, Paris, 1897 p 63 (GoogleBooks).


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jeudi 12 octobre 2023

1316-NICE, L'ANCIEN HÔTEL DES ÎLES-BRITANNIQUES-4

 

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DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 12/10/2023


CET ARTICLE A ÉTÉ ÉCRIT EN COLLABORATION AVEC PATRICK WILD


NICE - L’ANCIEN HÔTEL DES ÎLES BRITANNIQUES



LA GÉRANCE DE BAEBLER & BUCHLI (1910-1920)


Les nouveaux gérants de l'Hôtel des Îles-Britanniques de Nice, "Baebler & Buchli", sont signalés dès mars 1910 (The Swiss & Nice Times du 24 mars 1910).

Leur première publicité prend la suite de celle d'Andréa Zambail et paraît dans The Swiss & Nice Times à partir du 6 juin 1910.


- Publicité pour l'Hôtel des Îles-Britanniques parue dans The Swiss & Nice Times
de juin 1906 à avril 1913,
Paris, BnF, Gallica. 


Ernst Johannes Bäbler/Baebler est né le 28 février 1872 à Zurich (7). Il est l'un des enfants de Johann Paulus Bäbler, rédacteur (Schwanden, Glaris Sud, Suisse, 13 mars 1839 - Zurich-Neumünster, Suisse, 30 juillet 1907) et de la première de ses deux épouses, Elisabeth(a) Guggenbühl (Zurich 10 novembre 1842 - Zurich-Neumünster 23 mai 1876), qui se sont mariés le 31 mai 1866 à Zurich.

Rien n’est connu de la jeunesse puis des débuts de la carrière d’Ernst Johannes Bäbler à Zurich dans les années 1860-1880. Il est probable qu’il ait fait l’Ecole hôtelière, travaillé à Zurich pendant la saison hivernale et dans des hôtels de stations thermales des Alpes suisses pendant la saison estivale.

Âgé de 29 ans, Ernst Johannes Bäbler se marie le 25 avril 1891 (lieu inconnu) avec Anna Maria Fritsche (née le 8 juin 1871 à Appenzell, Suisse). 

Le couple va avoir sept enfants entre 1892 et 1902. Ces naissances, notamment effectuées dans les villes suisses de Coir/Chur, Lucerne/Luzern, Saint-Gall/St. Gallen, Davos et enfin Zurich, semblent impliquer la mobilité professionnelle de leur père à cette époque (7). 

Son épouse décède malheureusement le 25 septembre 1906, âgée de 35 ans (lieu inconnu). 

Ernst Johannes Bäbler se remarie le 22 octobre 1908 (à Zurich ?), avec sa cousine, Mathilda Sophie Maria Bäbler (née le 6 juillet 1883 à Brescia, Italie). Une fille naît de cette nouvelle union l'année suivante, à Zurich (7).

En 1907, Ernst Johannes Bäbler se fixe pour quelques années à Saint-Maurice-les-Bains (St. Moritz-Bad, Suisse), pour y diriger l'Hôtel du Lac (Fögl d'Engiadina du 22 juin 1907 ; Fémina, 1907 p 281 et p 341). 

Il s'y associe ensuite à "Buchli" entre 1908 et 1910 (évocation dans, Guide Through Europe, 1912 p 676).

En 1910, il prend la direction de l'Hôtel des Îles-Britanniques de Nice avec son associé et y emménage avec ses enfants et sa deuxième épouse.

Au début de la recherche, peu de renseignements ont pu être trouvés concernant M. Buchli/Büchli, sinon l'initiale de son prénom, "F.". 

Son nom n'apparaît pas à l'adresse de l'hôtel dans le recensement de la Ville de Nice de 1911 mais il faut probablement le deviner dans la liste des membres de la famille "Baebler", sous le prénom de "Frédéric, né en 1880, à Coire, Suisse, frère [!]qui semble célibataire.

Ces éléments ont permis de retrouver un individu nommé Friedrich/Fritz Buchli. Il est le fils de Johannes Buchli (?-?) et de Magdalena Hermann (?-?) qui se sont mariés à Braunau (Suisse).

Friedrich Buchli a fait l'Ecole hôtelière en Suisse et est ensuite parti travailler en Angleterre, en France (dans les Pyrénées) puis à St-Moritz-Bad (Haute-Engadine, Suisse), vers 1908-1910 et enfin, à Nice, dès 1910.

Dans les années 1910, les publicités de l'Hôtel des Îles-Britanniques précisent que l'établissement offre jusqu'à 200 lits. Dès 1913, son numéro de Téléphone devient le 26-97.


- Publicité pour l'Hôtel des Îles-Britanniques parue dans Bradshaw's Through Routes to the Chief Cities and Bathing and Health Resorts of the World, 1913 (GooglebBooks).



La Première Guerre Mondiale frappe notamment de plein fouet l'hôtellerie niçoise. 

Âgé de 35 ans, Friedrich Buchli se marie à Balgach (près de Saint-Gall/St. Gallen, Suisse), le 21 septembre 1915, avec Frieda Sonderegger (née le 23 novembre 1893, lieu inconnu). Ils vont avoir plusieurs enfants dont un fils prénommé Fredy et probablement trois filles, Beatrice, Elaine et Ruth (?).

Pendant la Guerre, de nombreux hôtels niçois servent d'hôpitaux et de maison de repos aux blessés et de pension aux réfugiés. Le restaurant de l'Hôtel des Îles-Britanniques sert notamment, dès 1916, de réfectoire à plusieurs centaines d'enfants réfugiés serbes.

Avec l'Armistice de novembre 1918, l'avenue de la Gare est rebaptisée, "avenue de la Victoire". 

Il est probable que la Guerre ait mis à mal les finances de Baebler et Buchli et que ces derniers aient souhaité arrêter la gérance de l'Hôtel des Îles-Britanniques après la saison d'hiver 1919-1920. 

Leurs deux noms ont généralement été présents de 1911 à 1920 dans les Annuaires niçois (listes des habitants par rues, par noms et par professions) mais dans un ordre et une orthographe qui ont parfois varié : "Baebler et Buchli" (le plus souvent), "Bucchi (sic) et Baebler" (1914), voire "Baëbler (sic)" tout seul (1918).

Au printemps 1920, les membres de la Famille Brun, propriétaires des murs de l'Hôtel des Îles-Britanniques, vendent les bâtiments à la Banque Nationale de Crédit.

Ernst Johannes Bäbler quitte Nice avec sa famille et prend, en 1921, la direction du Palace-Hôtel de Pontresina (Suisse) (La Rezia du 11 juin 1921).

"Ernest Jean Baebler", naturalisé français, domicilié au 43, rue Rossini (au Real Palace ?), décédera cependant à Nice, à l'Ecole de Commerce, le 24 janvier 1934, âgé de 61 ans (il n'a été inhumé au Cimetière niçois de Sainte-Marguerite qu'en 2010). 

Son nom reste absent des Annuaires des Alpes-Maritimes des années 1930. En 1933, l'adresse de son épouse est signalée à Menton mais son nom n'apparaît pas non plus dans les Annuaires. Mathilda Sophie Maria Baebler décédera, elle aussi, à Nice, le 11 mai 1959, à l'âge de 75 ans.

Fiedrich/Fritz Buchli, après Nice, travaille à Davos. Il dirige ensuite à Arosa (Schanfigg, Suisse), le Kulm Hotel puis le Grand Hotel Tschuggen. A partir de 1924, il cumule la direction de ce dernier avec celle du Grand Hotel Kurhaus de Tarasp (Scuol-Tarasp, Suisse). Il travaille avec son fils Fredy Buchli qui va lui succéder vers 1947. 

Friedrich Buchli, âgé de 67 ans à cette date, conserve cependant l'administration des Bains de Tarasp. Il décédera à Coire/Chur (Suisse) début avril 1959, à l'âge de 79 ans (Neue Zürcher Zeitung du 14 avril 1959). 

Son épouse Frieda/Frida, née Sonderegger, décédera à la fin du XX° siècle (probablement à Coire, après 1985). Leur fils Fredy (marié à Anita Osterwalder) décédera à Coire/Chur, début juillet 1985 (Neue Zürcher Zeitung du 6 juillet 1985).



ÉPILOGUE


L'Hôtel des Îles-Britanniques de Nice a existé de 1868 à 1920. Il a accueilli de nombreux touristes français et étrangers (notamment anglais et américains), des souverains et des personnalités (notamment du sport).

Les maitres d'hôtel, tour à tour Français (Maurice Rosnoblet et Antoine Chassepot), Autrichien (Joseph Lavit) et Suisses (Andréa Zambail puis Jean Baebler et Friedrich Buchli) s'y sont succédés, en moyenne tous les dix ans (ce qui interroge).

Dans les publicités, l'adresse de l'hôtel qui a été mise en avant a été celle de l'avenue du Prince-Impérial (plutôt que celle de l'avenue de Longchamp) puis celle du boulevard Victor-Hugo (plutôt que celle de l'avenue de la Gare) et enfin celle de l'avenue de la Victoire (plutôt que celle de l'avenue Victor-Hugo). 

Le nom de l'Hôtel a cependant été le plus souvent classé dans les annuaires à "Îles Britanniques" et très rarement à "Grand Hôtel". Il est à noter que l'annuaire de 1920 affiche à l'adresse de l'hôtel, le "Princess Restaurant".

La vente de la Maison Brun va entraîner la disparition de l'Hôtel des Îles-Britanniques et du Restaurant mais également celle des commerces qui y avaient élu domicile.

Citons notamment, côté avenue de la Victoire, la "Taverne Gothique", ouverte vers 1883 par Albert Khün (au 15 bis avenue de la Gare) et reprise depuis 1893 par Jean-Baptiste Rebaudo (désormais au 21 avenue de la Victoire) et, côté avenue Victor-Hugo, le Cinéma ouvert depuis 1906 ou 1907 ("Artistic Cinéma", "Odéon Cinéma", "Gaieté-Cinéma" puis "American Cinéma" ; ce dernier sera remplacé par le "Cabaret du Geai qui parle" et le "Bar Améric").

Achetés le 4 juin 1920 par la Banque Nationale de Crédit de Paris pour y créer une succursale niçoise, les bâtiments de l'Hôtel des Îles-Britanniques se voient transformés sous la direction des architectes Dalmas Père et Fils, Charles Dalmas (Nice 11 mars 1863 - Nice 18 octobre 1938) et Marcel Dalmas (Paris, 14ème, 25 mai 1892 - Nice 16 juillet 1950).

De la même façon que la construction de ces bâtiments et l'ouverture de l'Hôtel avaient participé à la naissance et au développement du quartier dans les années 1860, la transformation de l'hôtel en Banque participe à la mutation du quartier dans les années 1920, lors de la reprise économique d'après Guerre. 

Dès 1920 en effet, de nombreux immeubles du quartier sont achetés et transformés ; trois banques s'installent notamment avenue de la Victoire : la "Société Générale", la "Banca Commerciale Italiana" et la "Banque Nationale de Crédit".

La réalisation de la Banque Nationale de Crédit ne va être qu'évoquée ici car elle sort du cadre de cet article (voir notamment sur ce bâtiment, le dossier publié dans, La Construction Moderne, avril-juin 1929, sur Gallica).

Il est cependant nécessaire de répondre à la question posée dès l'Introduction de cet article : le bâtiment conservé de nos jours (actuelle Banque BNP Paribas, à l'angle de l'avenue Jean-Médecin - depuis 1966 - et du boulevard Victor-Hugo) est-il le fruit d'une transformation des bâtiments de l'ancien hôtel ou une reconstruction totale après leur démolition ?

L'Eclaireur du Dimanche du 21 novembre 1920 répond à cette question (Gallica) : "De l'immeuble existant, il ne doit rester debout que la carcasse, c'est-à-dire à peine les murailles des quatre faces qui seront elles-mêmes percées d'ouvertures géantes. De l'intérieur, rien ne doit subsister, ni escaliers, ni étages ; seule la toiture sera conservée".

Les travaux ont débuté en juin 1920 et ont été menés jour et nuit par plus de 100 maçons, 40 terrassiers et 80 cimenteurs, pendant une année environ, les bâtiments étant totalement masqués par une palissade de très grande hauteur.

Une ouverture partielle des bureaux de la Banque a été envisagée pour fin janvier 1921 et tous les travaux semblent avoir été terminés l'été suivant (bureaux de la Banque et bureaux industriels des deux derniers étages dont l'un réservé aux architectes du projet).


- ETABLISSEMENT DE PHOTOGRAPHIE GILETTA, NICE, Carte postale,
Banque Nationale de Crédit.- Nice. - Vue d'ensemble, vers 1921-1922.
L'une des quatre vues de la banque prises par Giletta. 
Les plus anciennes cartes postales connues ont circulé dès la fin de l'année 1922,
Fonds Geneanet.

Les nouvelles façades (bâtiment de plus de 60 m de long et de 30 m de large) ont gagné en prestige, avec un rez-de-chaussée surélevé, rythmé de grandes arcades et de baies plein cintre, surmonté d'un décor néo-classique de grands supports qui, sur trois niveaux, ont réduit le nombre de baies, allégé les angles et accentué la verticalité de l'ensemble. 

Le tout est désormais couronné, au-dessus d'une corniche imposante, par un attique dominé par une succession de frontons. L'axe central de la façade du boulevard Victor-Hugo est particulièrement soigné, avec une entrée surmontée d'un décor tripartite majestueux en légère saillie, dominé par un grand fronton triangulaire sculpté. 

L'entrée principale est cependant située sur l'avenue de la Victoire, et se fait par six portes placées sous un vaste porche dont cinq donnent accès à un hall immense qui traverse tout le bâtiment.



NOTES


(7) Famille Bäbler

Les renseignements généalogiques ci-dessous croisent les recherches effectuées par Patrick Wild - que je remercie de nos échanges - et celles que j'ai effectuées. Patrick Wild est un descendant de cette famille. Il a posté ses recherches sur Geneanet mais également sur glarusfamilytree.

Ces résultats ont notamment été confirmés par :

- le relevé des naissances londoniens de 1892, pour sa fille Maria Anna Bäbler, 

- les décrets de naturalisation de son fils Jean Ernest Bäbler (1931), de sa deuxième épouse Mathilda Sophie Maria Bäbler et de leur fille Maria Elisabeth Bäbler (1933) (Journal Officiel de la République Française du 25 octobre 1931 p 11258 et du 22 janvier 1933 pp 661 et 665), 

- l'acte de décès d'Ernst Johannes Bäbler à Nice en 1934. 

Ernst Johannes Bäbler (né le 28 février 1872 à Zurich, Suisse) et son épouse Anna Maria Fritsche (née le 8 juin 1871 à Appenzell, Suisse) ont eu trois filles et quatre garçons :

- Maria Anna Bâbler, née le 18 février 1892 à Londres (Angleterre) ;

- Ernst Johann Bäbler, né le 15 avril 1894 mais malheureusement décédé le 29 mars 1895 (lieu inconnu) ;

- Emil Ernst Bäbler, né le 17 février 1896 (lieu inconnu) ;

- Maria Emma Bäbler, née le 19 mai 1897 (à Coire/Chur ou Lucerne/Luzern [?], Suisse) ;

- Walter Johann Bäbler, né le 12 septembre 1898 (lieu inconnu) ;

- Theresia Margaretha Bäbler, née le 7 janvier 1900 (à Saint-Gall/St. Gallen, Suisse) ;

- Johann Ernst Bäbler, né le 21 février 1902 (à Davos, Suisse).

Ernst Johannes Bäbler et sa deuxième épouse, Mathilda Sophie Maria Bäbler (née le 6 juillet 1883 à Brescia, Italie), ont eu une enfant :

-  Maria Elisabeth Bäbler née le 25 avril 1909, à Zurich (Suisse).


- Nice, Banque BNP Paribas, photographie numérique, octobre 2023.