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samedi 8 novembre 2025

1422-NICE : LE RÈGLEMENT DES CIMETIÈRES APRÈS L'ANNEXION (1861)


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- MESSY Émile (1835-1890), Cimetière de Nice, vers 1865-1866.
Portrait d'un homme auprès de la tombe de la veuve Lecomte. 



ARRÊTÉ DE LA MAIRIE DE NICE SUR LA POLICE DES CIMETIÈRES ET DES INHUMATIONS 

(publié dans Le Messager de Nice du 11 juillet 1861)


Le Messager de Nice du 11 juillet 1861,
Archives départementales des Alpes-Maritimes.



Nous, Maire de la ville de Nice, Officier de l'Ordre Impérial de la Légion-d'Honneur, et de l'Ordre Royal des SS. Maurice et Lazare, 

Vu les lois des 16-24 août, 1790, 19-22 juillet 1791 ; 18 juillet 1837 ; 

Vu les décrets du 23 prairial an XII [12 juin 1804] et 30 décembre 1809 ; 

Vu l'ordonnance du 6 décembre 1843 ; 

Vu la déclaration du Conseil Municipal du 27 mars 1860 [Nice, Archives municipales, 1D1-1, pp. 41-42], approuvé le 20 avril suivant, portant vote de règlement et tarif des concessions de terrains dans le Cimetière ; 

Considérant que la police des Cimetières appartient exclusivement à l'Autorité Municipale spécialement chargée de maintenir l'exécution des lois et règlements sur les inhumations et d'empêcher qu'il ne se commette, dans les lieux de sépulture, aucun acte contraire au respect dû à la mémoire des morts ;

ARRÊTONS



TITRE I. — INHUMATIONS.


Art. 1er. — Les inhumations ne pourront être faites ailleurs que dans les cimetières publics ; en conséquence, aucune inhumation n'aura lieu dans les églises, temples, synagogues, chapelles, couvents et autres édifices religieux. Cependant, toute personne qui en aura manifesté l'intention, pourra être inhumée dans sa propriété particulière, pourvu que cette propriété soit à la distance de 35 à 40 mètres au moins de l'enceinte de la ville ou des agglomérations d'habitations.

Art 2 — Chaque inhumation aura lieu dans une fosse séparée ; chaque fosse aura au moins, au-dessous du niveau du sol, un mètre cinquante centimètres de profondeur, sur une longueur et une largeur suffisantes, pour les corps de l'âge de 15 ans et au-dessous, et deux mètres de profondeur, toujours sur une longueur et une largeur suffisantes, pour les corps au-dessus de cet âge. Les fosses seront distantes les unes des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds.

Art. 3. — Aucune inhumation ne pourra être faite, en quelque endroit que ce soit, avant un délai de 24 heures à partir du décès, et sans l'autorisation de l'Officier de l'État-Civil. Lorsqu'il y aura danger pour la salubrité publique, l'inhumation pourra être autorisée avant l'expiration de ce délai, sur la production d'un certificat de médecin mentionnant les motifs d'urgence.

Art. 4. — Aussitôt qu'un cadavre aura été descendu dans la fosse (ce qui devra se faire immédiatement), les fossoyeurs seront tenus de combler cette fosse sans désemparer, en y foulant la terre qui en aura été extraite jusqu'au niveau du sol au moins.

Art. 5. — Il est expressément ordonné aux fossoyeurs de ne laisser à découvert aucune parcelle d'ossements qui pourraient provenir de l'ouverture des fosses ; ils sont tenus de les enfouir sur le champ. Ils devront veiller à ce qu'il n'existe aucune cavité au-dessus des fosses ; lorsqu'il s'en formera quelques-unes, ils devront les combler de suite et avec soin, avec de la terre bien foulée.

Art. 6. — Pour éviter le danger qu'entraine le renouvellement trop rapproché des fosses, leur ouverture pour de nouvelles sépultures ne pourra avoir lieu avant un intervalle de cinq ans au moins.

Art. 7. — Tout citoyen a le droit de faire placer sur la fosse de son parent ou de son ami, un signe indicatif de sépulture. Toutefois, aucune inscription ne pourra être placée sans avoir été soumise au visa du Maire. Ce signe devra être enlevé lorsque le renouvellement des fosses l'exigera.

Art. 8 — Il est défendu aux fossoyeurs et à tous individus, sous peine d'être considérés et traités comme coupables de vol et de violation de tombeaux, d'enlever les draps, linceuls et tous autres objets déposés dans les cercueils.

Art. 9. — Les Cimetières seront ouverts au public, depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, et les inhumations et exhumations ne pourront avoir lieu que dans cet intervalle.

Art. 10. — Il est expressément défendu d'entrer dans les Cimetières à cheval ou en voiture, d'y introduire des chiens ou autres animaux.

Art. 11. — Il est également défendu de pénétrer dans les Cimetières, en passant sur les murs de clôture, d'escalader les entourages des tombeaux, de monter sur les monuments, de tracer sur les pierres tumulaires des mots ou des emblèmes, de couper ou d'arracher les fleurs plantées, ou les arbustes, de déranger ou enlever les objets placés sur les tombes.

Art. 12. — Aucune plantation d'arbres dans l'intérieur des Cimetières ne sera faite sans l'agrément de l'autorité Municipale. Il est fait défense à toute personne de se comporter avec indécence ou inconvenance dans les Cimetières, comme aussi d'y commettre aucun désordre ou de s'y livrer à aucun acte contraire au respect dû à la mémoire des morts.



TITRE II. — EXHUMATIONS, TRANSPORT DES CORPS.


Art. 13. — Les exhumations, enlèvements ou déplacements des cadavres et d'ossements, ouvertures de tombeaux autres que ceux autorisés par la justice ou par l'Autorité Municipale, sont défendus sous les peines portées par la loi.

Art. 14. — Les exhumations et l'ouverture des tombeaux ne pourront être effectuées qu'en présence d'un Commissaire de police porteur de la permission émanée du Maire, et d'un médecin, si l'inhumation remonte à moins de 10 ans.

Art. 15. — Il sera dressé procès-verbal des exhumations ainsi autorisées, et les frais de vacation des assistants seront réglés comme suit : Pour le Cimetière du Château : Au Médecin, 10 fr. — Au Commissaire de Police, 6 fr. — Enregistrement et timbre du procès-verbal, 2 fr. 55 c. — Pour les Cimetières hors de la ville : Au Médecin, 15 fr. — Au Commissaire de Police, 12 fr. — Timbre et enregistrement du procès-verbal, 2 fr. 53 c.

Art. 16. — Les transports des cadavres d'un lieu à un autre seront autorisés, sur la présentation d'une demande sur papier timbré, savoir : Par le Maire, dans l'intérieur de la Commune ; — Par Monsieur le Préfet, dans toute l'étendue du département, hors du département et à l'étranger.

Art. 17. — La translation du corps d'un individu récemment décédé ne pourra être effectuée hors du Département où a eu lieu le décès, que dans un Cercueil en bois de chêne ou de noyer, dont les compartiments auront quatre centimètres d'épaisseur, seront fixés avec des clous à vis et maintenus par trois frettes en fer serrées à écrou.

Art. 18. — Quand le trajet à parcourir excédera 200 kilomètres, le corps devra être placé dans un Cercueil de plomb renfermé lui-même dans une bière en chêne ou en noyer. Le Cercueil en plomb sera alors confectionné avec des feuilles de plomb laminé de deux millimètres au moins d'épaisseur et solidement soudées entre elles. Le Cercueil de plomb pourra être exigé, même par des distances moindres, toutes les fois que des circonstances exceptionnelles rendront cette mesure nécessaire.

Art. 19. — Dans tous les cas, le fond du Cercueil contenant le corps devra être rempli par une couche de six centimètres d'un mélange pulvérulent, composé d'une partie de poudre de tan et de deux parties de charbon de bois pulvérisé. Le corps devra être ensuite entièrement couvert de cette même poudre, avant la fermeture du Cercueil.

Art. 20. — M. le Commissaire de Police dressera procès-verbal de l'état du corps à l'instant où il sera enfermé dans la bière. Ce procès-verbal et l'acte de décès seront transmis, aux frais des familles, à M. le Maire du lieu où le corps devra être déposé, qui constatera l'inhumation.



TITRE III. — CONCESSIONS.


Art. 21. — Il sera fait des concessions de terrains dans les Cimetières de cette ville, actuellement affectés aux inhumations, pour y fonder des sépultures privées. Elles seront divisées en trois classes, savoir : 1° Concessions perpétuelles ; — 2° Concessions trentenaires ; — 3° Concession temporaires [jusque-là, seules les concessions perpétuelles étaient en usage à Nice]. Chaque concession sera nominative et ne pourra être cédée ni transportée à des tiers, ni servir à l'inhumation de personnes étrangères à la famille du concessionnaire.

Art. 22. — Les prix des concessions fixé par le tarif ci-après appartiendra, savoir : Deux tiers à la Commune, qui seront versés à la Caisse municipale, — Et un tiers aux pauvres, qui sera versé dans les caisses du bureau de Bienfaisance et des Hospices.

Art. 23. — Les concessions trentenaires seront renouvelables indéfiniment à l'expiration de chaque période de trente ans, moyennant une nouvelle redevance égale au taux de la première. À défaut de renouvellement, le terrain concédé fera retour à la Commune, mais il ne sera repris par elle que deux années révolues après l'expiration de la période pour laquelle il avait été concédé. Dans l'intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayant-cause pourront user de leur droit de renouvellement.

Art. 24. — Les matériaux provenant des tombes et monuments élevés sur les terrains dont la concession sera expirée appartenant aux familles, celles-ci seront mises en demeure, par un avis, d'enlever lesdits matériaux dans le délai de six mois. En cas de refus ou de négligence, cet avis sera réitéré, et à l'expiration d'une année à dater du premier avis, lesdits matériaux, s'ils n'ont été réclamés ou enlevés, appartiendront à la Commune et seront employés exclusivement à l'entretien et à l'amélioration des Cimetières.

Art. 25. — Les concessions temporaires seront faites pour quinze ans et ne pourront être renouvelées.

Art. 26. — Les terrains à concéder ne pourront être moindres de deux mètres superficiels pour les adultes, et d'un mètre superficiel pour les enfants au dessous de sept ans. Ils ne pourront dans aucun cas, s'étendre au delà de 10 mètres carrés.

Art. 27. — Les demandes en concession seront adressées au Maire sur papier timbré ; elles indiqueront l'étendue du terrain demandé. La concession sera faite par un Arrêté du Maire, qui prescrira en même temps le versement du prix de la concession dans les caisses de la Commune et du bureau de Bienfaisance et des Hospices, dans les proportions fixées par l'art. 23 ci-dessus. L'arrêté de concession sera soumis à l'enregistrement, et une ampliation de cet acte sera remise tant au concessionnaire qu'aux receveurs de la Commune et des Hospice et bureau de Bienfaisance. Les demandes en renouvellement des concessions trentenaires seront faites dans les formes indiquées pour les demandes primitives, et il y sera statué de la même manière.

Art. 28. — Le tracé et le mesurage des terrains demandés en concessions seront effectués par l'architecte de la Ville.

Art. 29. — Quelle que soit la forme des monuments, les corps ne pourront être placés au dessus du niveau du sol. Les monuments ou pierres funéraires porteront, indépendamment des inscriptions ou emblèmes que les familles voudront y faire placer, sauf l'approbation du Maire, le numéro et la durée de la concession.

Art. 30. — Les frais du timbre, d'enregistrement et d'expédition des arrêtés des concessions, de renouvellement et de construction de caveau ou de tombeau seront à la charge des concessionnaires.

Art. 31. — Le tarif des droits de concession est fixé ainsi qu'il suit :

[N.B. : les tarifs de Paris ne sont pas présents dans le texte original de l'arrêté niçois ; ils sont affichés ici afin de permettre un point de comparaison et sont suivis de quelques remarques, églement entre crochets].

- Pour les Concessions perpétuelles-Prix au m2 à Nice en 1861-[Prix à Paris en 1860]

De 1 mètre et au dessous (Tombe enfant)           250 fr.                                           [250 fr.]

De 1 à 2 mètres (Tombe standard adulte 2x1 m)   500 fr.                                           [500 fr.]

De 2 à 3 mètres  .....................                           900 fr.                                        [1,000 fr.]

De 3 à 4 mètres  .....................                               1,800 fr.                                        [1,500 fr.]                     

De 4 à 5 mètres  .....................                               3,600 fr.                                        [2,250 fr.]

De 5 à 6 mètres  .....................                               7,200 fr.                                        [3,000 fr.]

De 6 à 7 mètres  ....................                              14,400 fr.                                        [4,000 fr.]

De 7 à 8 mètres  ....................                              28,800 fr.                                        [5,000 fr.]

De 8 à 9 mètres  ....................                              57,600 fr.                                        [6,000 fr.]

De 9 à 10 mètres  .................                             115,200 fr.                                        [7,000 fr.]

[Exemple du prix d'une concession de 5,70 m2 : 

- à Nice en 1861 (33 concessions accordées cette année-là, tous cimetières confondus) : 6,840 fr. dont 4,560 fr. à la Commune et 2280 fr. - le tiers, selon l'article 3 de l'ordonnance du 6 décembre 1843 - aux Hospices. "Dans presque aucune autre ville de province, le tarif des concessions n'atteint un chiffre aussi élevé qu'à Nice" (Revue de Nice 1862-63 pp 286-88).

- à Paris fin 1860 : 2850 fr. dont 2137,50 fr. à la Commune et 712,50 fr. - le quart - aux Hospices. 

Le prix au m2 des concessions françaises de la seconde moitié du XIXe siècle varie selon les différentes communes, selon les différents cimetières au sein d'une même commune et même au sein des différents emplacements d'un même cimetière. Le prix varie, de plus, selon les années. Malgré ces deux-cent mille tarifs potentiels, très peu sont, de nos jours, consultables en ligne].

L'Administration se chargera, comme par le passé, des frais d'établissement des caveaux en maçonnerie pour les concessions perpétuelles de 2 mètres et au-dessous.

- Pour les Concessions temporaires [pour quinze ans],

Les trois quarts des prix ci-dessus [en moins ?].

- Pour les Concessions trentenaires,

La moitié des prix des concessions perpétuelles.

Art. 32. — Chaque inhumation nouvelle dans un terrain concédé, donnera lieu au paiement d'un droit de cinquante francs. Les ouvertures de tombeaux auront lieu aux mêmes conditions que celles fixées à l'art. 18 du chapitre des exhumations.



TITRE IV. — DISPOSITIONS GÉNÉRALES.


Art. 33. — MM. les Présidents et Délégués des Fabriques sont invités à s'assurer, par de fréquentes visites, de l'observation des dispositions du présent Règlement, et en cas d'infraction, à en informer le Maire. L'Architecte et l'Inspecteur-Voyér sont tenus de faire de semblables visites et de fréquents rapports au Maire.

Art. 34. — L'Aumônier de la Chapelle du Cimetière et le concierge, seront tenus d'informer immédiatement le Maire des infractions au présent Règlement dont ils auraient connaissance.

Art. 35. — MM. les Commissaires de police sont chargés de tenir la main à la stricte observation des dispositions de notre Arrêté. Ils devront constater les contraventions ou infractions de toute espèce et en poursuivre la répression.


Fait en l'Hôtel-de-Ville de Nice, le 24 Avril 1861.

Le Maire,

MALAUSSÉNA.

Le présent Arrêté a été approuvé par lettres de M. le Préfet des 14 et 27 juin 1861.