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jeudi 6 mars 2014

202-L'OEUVRE DE JOAN FONTCUBERTA (né en 1955)






FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Miracle de la céphalopodisation, série Miracle and Co, 2002,
tirage gélatino-argentique.

"Artiste contemporain catalan, né en 1955 à Barcelone où il vit et travaille, Joan Fontcuberta a connu pendant sa jeunesse la dictature franquiste, et avec elle la censure et la falsification de l’information. 

Après des études en sciences de l’information à l’Université autonome de Barcelone, il travaille dans le domaine de la publicité et du journalisme puis développe une activité plurielle : enseignant, critique, historien, artiste, commissaire d’exposition ; il est aussi une figure majeure de la photographie plasticienne contemporaine.


Il questionne dans son travail toutes les formes de prétendue vérité. Son œuvre, s’appuyant sur les possibilités offertes par l’image photographique et ses capacités de manipulation, nous entraîne dans une réalité à la fois vraisemblable et insolite".

Textes issus partiellement de l'exposition "Camouflages", 2014, Paris, Maison Européenne de la Photographie.

L'artiste sème cependant dans ses œuvres (photos, livres, expositions, œuvres in situ) des indices qui dénoncent la supercherie, en utilisant sa propre image et des déformations de son nom dans les personnages qu'il incarne et en incluant des détails invraisemblables, comme une tête de poulet au coeur de la plante (Herbarium), des éléphants volants (Fauna) ou l'apparition du portrait de Che Guevara sur une tranche de jambon (Miracles and Co).

VOIR LA VIDÉO (2 MN 30) DES ÉCHOS DE PRÉSENTATION DE L'EXPOSITION CAMOUFLAGES A LA MEP EN 2014

VOIR UNE PRÉSENTATION DU LIVRE CAMOUFLAGES
RETRAÇANT LES DIFFÉRENTES SÉRIES DE L'ARTISTE
http://vimeo.com/91334169


VOIR LE SITE DE L'ARTISTE



Série, Herbarium, 1984.

FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Guillumetta polymorpha, 1982,
tirage gélatino-argentique.
FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Lavandula angustifolia, 1984
tirage gélatino-argentique.

Dans cette série, l'artiste expose des tirages documentaires noir et blanc soignés de plantes livrées ainsi à l'observation scientifique. La rigueur fait penser aux photographies de  Karl Blossfeldt (1865-1932) publiées en 1928.

En fait, ce sont des plantes imaginaires, réalisées par l'artiste avec des matériaux pauvres, des déchets, des fragments de plantes et d'animaux, avant d'être photographiées.
La présentation objective, la photographie en noir et blanc, l'identification de la plante par un nom botanique en latin comme les textes d'accompagnement donnent une vérité scientifique à l'ensemble.



SérieFauna, 1985-89.

FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Cercopithecus Icarocornu, forêt brésilienne d'Amazonie,
 photographie noir et blanc du singe unicorne volant, animal sacré des indigènes Nygala-Tebo,
tirage gélatino-argentique viré au sélénium.
FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Felix Penatus, 
squelette du félin ailé ; vestiges osseux découverts en 1932 dans une caverne du Grand Atlas, Maroc
tirage gélatino-argentique viré au sélénium.

Joan Fontcuberta et Pere Formiguera découvrent, par hasard, dans les années 1980, les archives du Professeur Peter Ameisenhaufen puis publient et exposent la documentation minutieuse de ses expéditions dans le monde entier, à la recherche d’exceptions à la théorie darwiniste : photos, manuscrits, relevés de terrain, enregistrements, radiographies, voire animaux disséqués, squelettes ... Jusque alors, le professeur et son bestiaire fantastique étaient totalement inconnus, tant du grand public que de la communauté scientifique elle-même. La divulgation des recherches a tout d’abord donné lieu à une importante controverse, mais "l’évidence irréfutable des témoignages photographiques apportés a fait taire tous les doutes et toutes les suspicions. Nous pouvons aujourd’hui apprécier ce matériel pour son indubitable intérêt scientifique, mais aussi en tant que miroir de la photographie moderne et de l’esthétique documentaire régnant au cours des années 1930 et 1940. »
Le professeur, les archives et les monstres ont été créés par l'artiste et ses assistants mais l'amas de preuves scientifiques et la présentation dans le cadre de musées scientifiques où la série est mêlée aux collections réelles du musée sèment le doute dans l'esprit du visiteur.



Série, Constellations, 1993-94.


FONTCUBERTA Joan (né en 1955), MN 77 : CETUS (NGC 1068) AR 02h. 42,7 min./ D-00 01', 1994,
série Constellations, tirage cibachrome.

"Le télescope astronomique nous permet de scruter l’espace profond et de pénétrer dans des régions où la lumière et les nuages de gaz et de poussière d’étoiles dévoilent l’élégance extrême de la création (...). Malgré une apparence de documentation objective et aseptisée, la photographie astronomique ne peut éviter ni l’évocation poétique ni le mystère. Est-il possible que la recherche de la vérité puisse encore coïncider avec la recherche de la beauté ? Les astrologues n’ont considéré les étoiles que du point de vue des hommes, en lien étroit avec leur bonheur ou leur malheur. Observer le firmament ouvre une voie à la connaissance. Les étoiles nous orientent quand nous sommes égarés. Cette ancestrale sensation d’être éclairés et guidés a été conservée dans le langage actuel. De nombreux termes abstraits désignant des opérations hautement intellectuelles s’enracinent dans l’étude des astres. Par exemple, speculum (miroir) a engendré “spéculation” ; à l’origine, “spéculer” signifiait “observer le ciel et les mouvements des étoiles à l’aide d’un miroir”. Sidus (étoile), de son côté, a donné “considération”, ce qui voulait dire, étymologiquement, “regarder l’ensemble des étoiles”. Il apparaît donc que de l’examen du ciel naît un symbolisme d’une très grande richesse dans le domaine de l’expérience et de la connaissance. ".
Ici, pas d'images du cosmos capturées à l'aide de techniques scientifiques mais les photogrammes des insectes écrasés sur le pare-brise de la voiture de l'artiste lors de ses déplacements.


Série, L'Artiste et la photographie, 1995-2003 ?

FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Suite Potlligat, Narcisse sodomisé par une mâchoire repentante, 1959,
tirage gélatino-argentique, 1995.

Ici sont explorés les dialogues du pinceau et de la caméra, en se centrant sur les quatre grands peintres espagnols qui ont le plus marqué la scène internationale : Picasso, Miró, Dalí et Tàpies. Pour cette sélection, des pièces inconnues d’une grande plasticité ont été récupérées, souvent des ébauches préparatoires ou des essais non concluants, mais qui anticipent de nombreuses réussites esthétiques et aident à comprendre le processus du travail créatif. À l’aide de photographies directes comme de photogrammes, de photocollages et d’autres manipulations de l’image photographique, Joan Fontcuberta illustre pédagogiquement à quel point celle-ci vivifie la créativité du peintre et devient un support générateur de nouvelles expériences expressives".
L'artiste s’approprie l’univers iconographique de quelques peintres espagnols (Picasso, Miró, Dalí, Tàpies) pour problématiser l’idée d’oeuvre, d’auteur, de style, de signature, de génie, d’originalité, d’authenticité.


Série, Spoutnik, 1997.

FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Portrait officiel du colonel Ivan Istochnikov, série Spoutnik, 1967,
tirage gélatino-argentique.
FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Ivan Istochnikov saluant les techniciens du MIK, série Spoutnik, 1967,
tirage gélatino-argentique.


L'artiste montre ici des scènes de la vie d'un astronaute russe. Ce dernier aurait disparu en 1968, lors d'un vol de Soyouz 2 mais sa disparition et son existence même auraient été cachées par le régime soviétique.  Des transcriptions, des vidéos et des photos sont réunies, avec des effets personnels, pour prouver son existence et sa participation à ce vol. 
L'artiste, diplômé en Sciences de l'Information a été marqué par la manipulation de l'information sous le régime de Franco. 
En fait, c'est l'artiste lui-même qui interprète le rôle d'un astronaute imaginaire, dans des photos crédibles, interrogeant la vérité de la photographie et des médias.


Série, Miracles and Co, 2002.


FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Miracle de l'électrogénèse, série Miracle and Co, 2002,
photographie noir et blanc et couleur.
FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Miracle de l'ubiquité, série Miracle and Co, 2002,
photographie noir et blanc et couleur.

L'on assiste à une série de 35 miracles réalisés par un moine étudiant ce type de phénomènes, dans le monastère orthodoxe de Valhamönde, situé au milieu d’un labyrinthe de lacs et d’îlots (Carélie, Finlande).
C'est à nouveau l'artiste qui prête son corps à ce pope d'un monastère inventé.
« Cet essai photographique fait une référence critique à la foi religieuse, au fanatisme, à la superstition, au paranormal, et à la crédulité. »


Série, Mazzeri, 2002.


FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Mazzeri,
épreuve chromogénique extraite de la série de 30 photos, 2002.
FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Mazzeri,
épreuve chromogénique extraite de la série de 30 photos, 2002.


Les mazzeri sont des personnages légendaires corses, messagers de la mort ou bergers des morts, et sont l'indice de la survivance de mythes ancestraux.
"J’ai tendance à considérer mes projets comme un texte, un récit. Ma proposition pour les mazzeri, consiste en un enchaînement d’images qui tracent un parcours à travers leur univers physique et spirituel. Il n’y a pas de véritable argument. Certaines de ces images sont des clichés spontanés, des réactions à une lumière, à un lieu ou à une situation, des réponses à la puissance du paysage, à sa force tellurique, au poids de l’histoire, à la fierté de ses gens... D’autres sont plus élaborées et construites, et elles nous renvoient, comme des flash backs, aux aspects magiques des mazzeri".


Série, Orogenesis, 2002-2004.


FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Orogenesis Pollock, 2002,
épreuve chromogénique, 75x100 cm.
FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Orogenesis Turner, 2003,
épreuve chromogénique, 75x100 cm.

Avec “Orogenesis” (terme désignant la branche de la géographie physique qui traite de la formation des montagnes), Joan Fontcuberta est, d’une part, fidèle à la méthodologie descriptive des géographes et topographes, qui prétendent qu’il faut regarder le paysage comme une chose lointaine et étrange, perdue et sans amour, qui peut se suffire entièrement à elle-même ; d’autre part, il revient aux modèles des paysages romantiques, et nous propose un hommage respectueux à une nature fantastique et sauvage dont la dimension sublime persiste dans le dramatisme des montagnes. »
Dans cette série, l'artiste utilise plusieurs logiciels (dont  "Terragen", créé pour des applications militaires et scientifiques), permettant de construire des paysages en 3D à partir de cartes géographiques en 2D. Il détourne l'usage du logiciel en partant de diverses textures, photographies de son anatomie et de peintures célèbres. Sa série, Orogenesis, comme la série Googlegrammes, pose la question des limites de la représentation à l'ère du numérique.



Série, Sirènes (hydropithèques), 2003-2013.


VOIR LA VIDÉO (1 MN 30) DU MUSÉE GASSENDI DE DIGNE-LES-BAINS


FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Sirène de Tormes, près de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence),
tirage chromogénique, 2006.
FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Hydropithèques (ou singes d'eau) de la grotte du Pas de Lindron, près de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence),
épreuve chromogénique, 2006.

Les Hydropithèques, qui se seraient éteints au Miocène, il y a dix-huit millions d’années, présentent une morphologie incroyablement semblable à celle des ancêtres aquatiques des hominidés. Leurs caractéristiques anatomiques les rapprochent de l’ordre des siréniens ou mammifères aquatiques, parmi lesquels se détachent le dugong et la rhytine de Steller. Mais, au-delà de la zoologie connue, ces squelettes pétrifiés font rêver à la figure légendaire des sirènes, et confirment poétiquement que l’être humain est peut-être issu de l’eau.
Prétendu journaliste scientifique du National Géologic, Joan Fontcuberta propose une excursion à la recherche de fossiles d’hydropithèques découverts à partir de 1947 par l’abbé Fontana (dont il interprète également le rôle). Dans l’entourage narratif de cette série, on retrouve les cabinets de curiosités, l’affaire de l’homme de Piltdown et de la fraude scientifique.
Comme dans la série Fauna, on retrouve le thème de l'hybride mais cette fois-ci, les hydropithèques sont des sculptures réparties dans la Réserve géologique de Haute-Provence, aux côtés de vrais fossiles.


Série, Googlegrammes, 2003-2007.


FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Abu Ghraib, 2004,
montage photo avec des photos en rapport aux noms des personnes dénonçant la torture pratiquée par l'armée américaine en Irak,
épreuve chromogénique, 75x100 cm.
FONTCUBERTA Joan (né en 1955), OVNI, 2005,
recherche des photos par les mots clés des endroits où il y a eu des apparitions de la Vierge, non autorisées ou non reconnues par l'Eglise au XXe siècle,
épreuve chromogénique, 75x100 cm.


Dans cette série, Joan Fontcuberta détourne des images qui sont devenues des icônes de notre temp et les réinterprète en utilisant un logiciel libre de mosaïques d'images (Photomosaic). Les milliers d'images constitutives de la mosaïque (de 8000 à 10 000) ont été recherchées sur Internet par l'artiste en utilisant Google. A chaque image sont associés des mots clés de recherche différents. L'intention de l'artiste est de faire une critique ironique de la croyance que les gens partagent sur Internet une conscience universelle, exhaustive et démocratique.
Googlegrammes peut être lu sur deux niveaux différents : micro et macro, ou individuel et collectif. L'artiste note que l'Internet lui-même est "l'expression suprême d'une culture qui prend pour acquis que l'enregistrement, la classification, l'interprétation, l'archivage et la narration en images est quelque chose d'inhérent à toute une série d'actions humaines, de la plus privée et personnelle à la plus manifeste et publique (...) Aujourd'hui, l'auteur de l'image n'est pas qui fabrique, mais le porteur. Qui attribue sens et fonctionnalité à l'image a plus de paternité que celui qui l'a produite".


Série, Déconstruire Oussama, 2007.


FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Le Dr. Fasqiyta-Ul Junat menant une incursion de la guérilla des talibans d’Al-Qaïda dans la zone de combat au nord de Mazar-e-Sharif, 2003,
épreuve chromogénique, série Déconstruire Oussama, 2007.
FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Le Dr. Fasqiyta-Ul Junat  en compagnie d'Oussama ben Laden et sur le théâtre d'opérations,
épreuve chromogénique, série Déconstruire Oussama, 2007.

"Les photojournalistes du Quatar, Mohammed Ben Kalish Ezab et Omar Ben Salaad,sont les auteurs d’un des reportages les plus incroyables jamais produits dans l’histoire du journalisme d’investigation. Ben Kalish et Ben Salaad suivent les déplacements réalisés ces dernières années par le Dr Fasquiyta-Ul Junat, l’un des dirigeants de de la branche militaire d’Al-Qaïda. Les deux reporters couvrent les activités troubles de ce personnage insaisissable qui tient sur le qui-vive les services secrets de nombreux pays. La bombe médiatique explose quand ils découvrent qu’il se nomme en réalité Manbaa Mokfhi, et qu’il s’agit d’un ex-acteur et chanteur ayant joué dans des feuilletons télévisés du monde arabe".
L'artiste se met ici en scène en lien avec l'actualité internationale et prête son visage au terroriste/chanteur (mise en abyme de ses identités) dans un véritable livre d'art, écrit en arabe. Il dénonce ainsi les manipulations politiques de l'opinion, exercées par les services secrets et les médias. 


Série, Camouflages, 2013 ?


 FONTCUBERTA Joan (né en 1955),  D'après EL GRECO (c.1541-1614), Chevalier avec la main sur la poitrine, vers 1580.

Une série de portraits, inspirés des chefs-d’œuvre de la peinture, intégrent des éléments de la physionomie de Joan Fontcuberta.