SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS
- BIENMÜLLER Wilhelm (1819-1878), Portrait de famille, recto, vers 1868-1869, recto dépourvu de toute inscription ; le verso affiche, "PHOTOGRAPHIE - W. BIENMÜLLER - Mention Honorable - Rue Gioffredo, 7. - NICE - Portrait Email" ; tirage albuminé de 10x14 cm, sur carton de 10,5x15,2 cm, Collection personnelle. |
L'APPARITION DU FORMAT CABINET
LE CABINET EN FRANCE
La question du format Cabinet semble avoir a été peu traitée par les historiens français de la Photographie. Son apparition est parfois située "vers 1870" (peu avant cette date pour certains d'entre eux et peu après pour d'autres).
L'exemple niçois
Les plus anciennes Vues urbaines connues de la ville de Nice, de format Cabinet, datent de début 1868 et sont notamment celles du photographe Miguel Aleo (1824-c.1900), avec des images (épreuves, tirages) de 14,2 x 9,2 cm.
Quant aux premiers Portraits niçois connus de ce même format, ils peuvent être datés vers 1868-1869 et sont l'œuvre du photographe Wilhelm Bienmüller (1819-1878). Ses cartons-photos comportent alors un recto nu et un verso imprimé d'un tampon affichant son adresse du 7, rue Gioffredo, avec des épreuves de 14,1/14,7 x 9,9 cm, contrecollées sur des cartons de 16,4/16,5 x 10,8 cm (Image en tête d'article).
Ses Cabinets postérieurs (années 1870) sont munis au recto d'un liseré de couleur (notamment rouge, bleu ou mauve) et de ses nom et adresse imprimés de la même couleur, accompagnés des mots, "Portrait Album", séparés par son monogramme ("WB").
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- Recto d'un Cabinet de Wilhelm Bienmüller, détail de la partie basse, vers 1870-1876. |
Ils présentent tout d'abord un verso totalement nu (un carton-photo daté de "janvier 1870") et affichent ensuite le tampon du photographe, à l'adresse du 7, rue Gioffredo puis à l'adresse du 49, rue Gioffredo.
Les dimensions des tirages varient de 13,4 x 9,5 cm à 14,7 x 9,9 cm, et ceux des cartons, de 15,3 x 10,3 cm à 16,5 x 10,8 cm, ce qui est la preuve d'un format pas totalement standardisé.
Un faux problème ?
Le format Cabinet présente des dimensions variables qui ne sont pas si éloignées de celles de supports qui l'ont précédé, le daguerréotype demi-plaque et, plus récemment, le portrait monté sur Bristol de 15x12 cm.
Un tarif, daté du "24 novembre 1858", du photographe parisien Louis Crette (1824-1872), qui officie alors à Turin et à Nice, propose notamment des formats de portraits de 10 x 6 cm, 11 x 7 cm (deux formats de Cartes de visite), 15 x 12 cm, 21 x 17 cm et 27 x 21 cm. Le format de 15 x 12 cm est également proposé pour les reproductions de peintures, dessins, photographies et plaques daguerriennes (Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 06FS 0236 - voir le relevé de ce tarif, ici).
Il semble donc que ce type de format intermédiaire a pu progressivement se standardiser et se généraliser au cours des années 1860.
Les textes
Dans la presse française du début des années 1860, on trouve de nombreuses appellations qui restent très ambiguës, telles que "Carte d'Album" ou "Portrait-carte pour visites et pour Album", qui renvoient en fait à la Carte de visite (Le Courrier de Bourges du 12 février 1862 p. 4 ; Le Petit Journal du 18 décembre 1864 p 4).
Le premier texte sans ambiguïté est un article d'Ernest Lacan, paru dans Le Moniteur de la Photographie du 1er décembre 1866 :
"En fait de nouveauté, en voici une qui nous arrive d’Amérique en passant par l’Angleterre. Il s’agit du "cabinet portrait" qui se nomme ici plus proprement, le "portrait album". Il pourrait bien hériter de la vogue que perd de jour en jour, peut-être pour en avoir abusé, la carte de visite.
Le portrait album est un peu plus grand que ce qu’on appelait autrefois la demi-plaque. Sa dimension permet de représenter le modèle en pied, et dans des proportions agréables, et de plus de lui donner une attitude, de l’entourer d’accessoires qui font de ces épreuves de véritables petits tableaux de genre. Nous avons sous les yeux quelques-unes de ces compositions dues à des photographes anglais, et qui sont vraiment charmantes.
Certes il faut plus de goût pour exécuter ces épreuves, elles exigent même un véritable talent d’artiste pour être complètement réussies ; mais où est le mal ? Le public ne s’en plaindra pas, les portraitistes français ne cèdent en rien à leurs confrères d’outre-Manche ou d’outre-Océan sous le rapport du sentiment artistique, et ne reculeront certainement pas devant de nouvelles difficultés. La photographie sortira d’un ordre de productions trop souvent inférieur à ce qu’elle peut produire. Tout est donc pour le mieux, et vive le portrait album !
Plusieurs de nos meilleurs portraitistes de Paris et de la province ont déjà adopté ce genre : nous citerons entre autres M. Vauvray dont nous avons vu d’exquises compositions. D’autres suivront bientôt son exemple. Seulement comme ces portraits sont naturellement destinés à être placés dans des albums (une de nos premières maisons parisiennes en fabrique déjà), il est important qu’on adopte un format type. Les dimensions arrêtées jusqu’ici sont les suivantes :
Carton monture, 165 millim. x 108 1/2.
Epreuve collée, 139 --------- x 101.
Calibre en verre, 138 --------- x 99.
Ajoutons que déjà en Angleterre MM. Dallmeyer et Ross fabriquent des objectifs spéciaux pour les portraits album, et qu'en France leur exemple est déjà suivi par MM. Gasc et Charconnet" (voir aussi, Le Moniteur de la Photographie du 15 décembre 1866).
Le fournisseur (cartonnier) parisien Charles Dauvois propose dès décembre 1866 ce format de portrait, "imaginé d'abord par les Photographes anglais" et fait de la publicité pour ces "Nouvelles Cartes dites Portrait Album (déposées)" [Brevet non retrouvé] (Bulletin de la Société Française de Photographie, T XII, Séance du 7 décembre 1866 pp. 310-311 ; Le Moniteur de la Photographie du 1er janvier 1867).
Parmi les premiers utilisateurs de ce "portrait-album", deux noms seulement sont précisés fin 1866, ceux de Charles Reutlinger (1816-1888) et d'Hippolyte Vauvray (1823-1887) (Le Moniteur de la Photographie du 1er janvier 1867).
L'engouement pour ce nouveau format semble cependant immédiat. Dès mars 1867, une publicité du photographe Adolphe Faure, de Lille, vante "Son portrait-album, genre-nouveau, d'un goût charmant, antique et dont le succès grandit tous les jours" (Le Progrès du Nord du 9 mars 1867). Au printemps, plusieurs autres photographes de Paris (Ferdinand Mulnier, Alphonse Liébert, Alfred Chardon) et de province font paraître des publicités semblables.
La vogue de ce format est renforcée par l'Exposition Universelle de Paris de 1867 (1er avril-30 novembre) : Charles Reutlinger et Hippolyte Vauvray mais également Franck de Villecholle, Paul Emile Pesme ou Ernest Ladrey y exposent notamment des portraits de ce format, et la plupart de ces photographes se voient récompensés.
Les tarifs pratiqués par Charles Reutlinger sont alors de 40 francs pour une douzaine de Cabinets et de 15 francs pour une douzaine de Cartes de visite (The British Journal of Photography du 6 septembre 1867, pp. 225-226).
Antoine Trinquart propose un souvenir de l'Exposition sous forme du "Portrait-Album qu'il édite avec tant de luxe" (La Comédie du 14 avril 1867). Pierre Petit adopte le format de "grande carte album" dans la diffusion de ses 300 vues différentes de l'Exposition Universelle (Le Figaro du 29 juin 1867 p. 4).
Dans les commentaires de l'Exposition qui paraissent dans Le Moniteur de la Photographie du 1er octobre 1867, Ernest Lacan revient sur les productions d'Hippolyte Vauvray et son utilisation du "portrait-album - un genre nouveau que nous voudrions voir adopter par le public" et "qui tend à remplacer avantageusement la carte de visite".
M. Cazot, de Marseille, constate pour sa part "le peu de faveur dont jouit l'agrandissement des portraits photographiques, et il croit au succès du portrait album récemment inauguré et dont quelques photographes de Paris, et en première ligne M. Reutlinger, tirent un si beau parti" (Le Moniteur de la Photographie du 1er octobre 1867).
Certains Cabinets de Charles Reutlinger et d'Hippolyte Vauvray sont conservés de nos jours. Ils présentent au bas du recto les inscriptions, "Portrait Album", séparées par leur monogramme et, au verso, la mention de leur récompense obtenue à l'Exposition Universelle de 1867. Ceux d'Hippolyte Vauvray y précisent en plus, "H. Vauvray est le premier importateur - en France du Portrait Album".
A la fin de l'année 1867, les publicités pour ce format se multiplient : celles des photographes (Mainberger père et fils, Baudelaire, Paul Meurisse), celles des fabricants de cartons Bristol (Ch. Dauvois ; E. Legendre), mais également celles du photographe et revendeur Paul Emile Pesme, qui est le seul dépositaire en France des objectifs spécifiques à ce format, fabriqués par le londonien Thomas Ross.
Observations
Il faut tour d'abord relever la multitude de termes de la langue française qui désignent ce nouveau format et en complexifient l'étude : "Cabinet", "Portrait(-)Album", "Photographies-album", "Cartes-album", "Nouvelles cartes".
Si l'on en croit Ernest Lacan, ce Cabinet aurait été mis au point par les photographes américains [à New York ?] et repris par les photographes britanniques [à Londres], avant d'arriver en France [à Paris].
Le cartonnier français Charles Dauvois semble avoir fortement contribué à la diffusion de ce format sur le territoire français car c'est lui qui a présenté les épreuves d'Hippolyte Vauvray à la séance de la Société Française de Photographie du 7 décembre 1866, et lui encore qui, dès le même mois, a produit massivement les cartons correspondants.
Ernest Lacan précise également que des albums destinés au Portrait Album existent déjà à Paris et que l'exemple des fabricants londoniens d'objectifs spécifiques à ce format, Dallmeyer et Ross, est déjà suivi par les fabricants français, Gasc et Charconnet, ce qui implique un intérêt français datant de plusieurs mois.
Des publicités pour les objectifs de J.H. Dallmeyer et Thomas Ross [deux sociétés londoniennes issues de la même famille] paraissent en France dans Le Moniteur de la Photographie dès le 1er janvier 1866 mais leur offre spécifique aux "Cartes Albums" n'y apparaît qu'à partir du 1er juillet 1867, suite à leur participation à l'Exposition Universelle où ils sont récompensés.
Les associés parisiens, Albert Gasc & Alphonse Charconnet y ont été également récompensés mais aucun document (brevet, publicité), en dehors des propos d'Ernest Lacan, ne vient confirmer leur fabrication d'objectifs spécifiques au format étudié.
LE CABINET EN ANGLETERRE
Il est probable qu'en Angleterre, comme en France, des formats intermédiaires ont précédé l'adoption du "Cabinet Card", "Cabinet Portrait", "Cabinet size" ou "Cabinet picture".
Le mot "Cabinet" vient du nom du meuble de salon sur lequel une peinture ou une photographie est destinée à être exposée, d'où une certaine ambiguïté dans les textes.
Dès le début des années 1860, des Vues photographiques de format Cabinet sont cependant signalées (The Photographic News du 29 novembre 1861).
Les historiens britanniques s'accordent sur une date d'adoption du Cabinet photographique au Portrait, vers 1866. Ils en attribuent l'initiative, dès 1863, au studio des associés Frederick William Window (1824-1875) et Bridge (?-?), et citent les Frères William (1829-1915) et Daniel Downey (1831-1881), portraitistes officiels de la famille royale britannique, comme faisant partie des premiers photographes londoniens à adopter ce format (W. B. Becker, "Cabinet Cards", in, Encyclopedia of Nineteenth-Century Photography, John Hannavy Editor, 2008, vol. 1 pp. 233-234).
Il semble cependant que la vie et la carrière des photographes Window & Bridge ont été peu étudiées. Il ne s'agit pas de remettre ici en question leur rôle dans la mise au point du nouveau format mais de s'interroger sur la date de diffusion de ce dernier.
Au printemps 1865, les photographes Mares de Dublin et England de Londres présentent des Vues de format Cabinet ("cabinet landscapes") à l'Exposition Internationale de Dublin (Irlande). W.W. Rouch, de Londres, y présente des paysages mais également des reproductions de statues ("cabinet size") (Official Catalogue - Dublin International Exhibition, Royal Italian Commission, 1865, pp. 1-2 ; The Photographic Journal du 15 août 1865).
Les premières publicités retrouvées concernant ce format adapté au Portrait sont, paradoxalement, celles de l'atelier londonien du Français, Antoine Claudet (1797-1867), 68 ans, "Photographe de la Reine", présentes dès la fin de l'année 1865 dans The Athenaeum puis The Art-Journal :
"M. Claudet - Photographe (...). Les portraits photographiques format cabinet, grâce à de nouvelles améliorations, sont le style le plus en vogue actuellement. Ils offrent la meilleure occasion d'obtenir des ressemblances saisissantes et agréables. Des spécimens, sobres et magnifiquement peints, sont exposés à l'atelier" (Extrait traduit de, The Athenaeum du 16 décembre 1865, p. 825).
Frederick William Window, publie, pour sa part, à partir du printemps 1866, plusieurs articles consacrés aux avantages du "Cabinet Portrait". Il présente ce dernier comme une nouveauté, tout en précisant qu'il y a longtemps travaillé, que d'autres photographes l'utilisent déjà et que des albums adaptés à ce format sont prévus.
- Mai 1866 : "Nous avons commencé à distribuer à nos clients des portraits cabinet de 5 pouces sur 4 pouces (12, 7 x 10, 2 cm), et nous constatons qu'ils leur donnent entière satisfaction et sont largement préférés aux cartes de visite (...) ; plusieurs des principales entreprises de Londres avec lesquelles nous avons communiqué ont exprimé leur intention de faire de même (...).
Messieurs A. Marion and Co. se sont engagés à fournir des albums adaptés à ces portraits. Si les photographes adoptent un style, une taille et un titre uniformes, il ne devrait donc y avoir aucune difficulté à populariser une nouvelle catégorie de photographies, qui ne manquera pas d'être une source de profits.
Aucun appareil spécial n'est nécessaire pour les portraits de cabinet. Ils sont pris sur une demi-plaque, avec un objectif 4 B, 3 B ou une plaque entière - et chaque studio en possède au moins un - tandis que d'autres dispositifs pour les cartes de visite peuvent être utilisés.
En ce qui concerne les prix, comme le cabinet est un peu plus du double de la taille d'une carte de visite, nous facturons le double du prix.
Taille de l'image : 5 x 4 pouces (12,7 cm x 10,2 cm), carte de montage 6 x 4 pouces (15,2 cm x 10,2 cm)" (Extraits traduits de, The Photographic News du 18 mai 1866, p. 239).
Si tous les photographes influents et réputés du pays se mettaient à produire des spécimens au nouveau format, en respectant rigoureusement les proportions exactes (...), nous sommes convaincus que cela (...) créerait rapidement une demande qui, une fois lancée, serait nécessairement croissante. Messieurs Marion et Cie ont déjà confectionné des albums pour le nouveau format (...).
Le portrait cabinet, déjà présenté avec beaucoup de succès par MM. Window et Bridge, s'apparente à une carte de visite agrandie, mais avec de meilleures proportions picturales (...) ; le portrait sur cabinet est cependant un peu plus large en proportion que celui sur carte, ce qui lui confère un grand avantage (...).
Le nouveau format est symétrique en soi, tout en offrant des possibilités pour des portraits audacieux et gracieux, permettant l'introduction et la disposition d'accessoires et contribuant de manière significative à l'effet pictural. La taille que j'ai choisie n'a pas été choisie au hasard, mais après mûre réflexion. Je voulais faire une image et un portrait.
M. Notman, du Canada (...), nous a récemment envoyé quelques exemples d'images similaires qu'il envisageait de commercialiser. Elles étaient légèrement plus petites que les portraits cabinet et respectaient davantage les proportions des cartes de visite (...). Nous pensons que ce format est une erreur (...).
Le portrait cabinet a déjà été commercialisé avec succès par certains établissements, tant à Londres qu'à la campagne. Le nouveau format devrait être introduit simultanément dans tout le pays et, si possible, en Amérique et sur le continent" (Extraits traduits de, Fred. Window, , "Cabinet Portrait. A new Impulse for Portraiture", in, The Photographic News - August 17, 1866, pp. 385-386).
- Début 1867 : "Les nouveaux portraits Cabinet, récemment introduits (...),sont déjà produits avec succès, et en nombre non négligeable, non seulement dans ce pays, mais aussi dans les principales villes d'Europe, ainsi qu'au Canada et aux États-Unis, il semble raisonnable de penser qu'ils finiront par s'imposer dans l'estime du public et acquerront une popularité universelle, ce qui ne pourra être que bénéfique tant pour les photographes que pour le public (...).
Les dimensions retenues [désormais plus grandes que celles prescrites en 1866], et aujourd'hui généralement adoptées, sont de 6,5 pouces sur 4,5 pouces pour la carte de montage [16,50 x 11,40 cm], 5,5 pouces sur 4 pouces pour les épreuves [14 x 10,15 cm], et celles des fenêtres d'album sont de 5,25 pouces sur 3,5 pouces [13,30 x 8,90 cm].
Ainsi, pour un portrait en pied, où le sujet est représenté sur une hauteur de 4 pouces [10,15 cm], il restera environ 1 pouce [2,50 cm], soit un peu moins d'un quart de la photo entière, au-dessus de la tête. La largeur de la photo étant égale à la hauteur totale de la silhouette debout, cela offre un espace généreux, sans encombrement.
La hauteur de la figure est de 3 à 4 pouces [de 7,60 à 10,15 cm], ce qui rend la tête du personnage suffisamment grande pour être vue dans tous ses détails" (Extraits traduits de The Year Book of Photography and Photographic Almanac for 1867, London, finalisé fin 1866, édité en 1867, pp. 75-77).
Dans son ouvrage, paru en 1866, Jabez Hugues ajoute quelques précisions importantes concernant le Cabinet :
"Un objectif différent sera nécessaire, car ceux utilisés pour les cartes [de visite] ont une focale trop courte. Un objectif demi-plaque ou pleine plaque, ou un objectif spécialement conçu à cet effet, conviendra le mieux (...).
Ce nouveau format, parmi ses nombreux avantages, est bien adapté aux portraits de groupe, aux intérieurs, aux paysages et à de nombreux autres sujets pour lesquels les dimensions et les proportions de la carte [de visite] sont tout à fait inadaptées" (Extraits traduits de, Cornelius Jabez Hugues, "Cabinet Portraits", in, The Principles and Practice of Photography familiarly explained, 7ème édit., 1866, pp. 126-127).
Les propos de F. W. Window, notamment, seront régulièrement repris dans les ouvrages de la fin des années 1860 ("Annals of Photography for 1866", in, The Year Book of Photography... for 1867, p. 19 ; "Annals of Photography for 1867", in, The Year Book of Photography... for 1868, p. 20...).
LE CABINET AUX ÉTATS-UNIS
Là encore, des formats intermédiaires ont précédé l'adoption du Cabinet que les historiens américains s'accordent à dater, vers 1866.
E. & H.T. Anthony & Co., l'un des principaux cartonniers newyorkais, aurait joué un rôle central dans la diffusion de ce format. Son catalogue semble proposer, dès 1866, des cartons à son nom pour ce format ("Cabinet mounts") et deux Cabinets portant son nom sont d'ailleurs conservés de nos jours, respectivement datés de "1866" et "1867".
Une recherche effectuée sur l'ensemble des Etats-Unis a cependant permis de mettre en évidence des publicités du peintre et photographe Josiah Johnson Hawes (1808-1901) de Boston (Massachussetts), qui proposent, dès 1865, le "Cabinet" :
"Carte de visite, Cabinet and Life-size Portraits [Portraits grandeur nature de la tête], either plain [tels quels ou colorisés], in Ink, Crayon, Water, ou Oil Colors. Daguerreotypes, Ambrotypes, Cards, and Tintypes copied and enlarged to card, cabinet and Life-size" (Extrait traduit de, The Boston Directory, 1865 p 54 ; 1866 p 689... - l'ouvrage est édité chaque année pour juillet).
Trois questions s'imposent dès lors : ce "Cabinet" proposé par J.J. Hawes désigne-t-il le format recherché ou l'un de ceux qui l'ont précédé ? De quand date son usage ? J.J. Hawes est-il l'inventeur du format ou déjà l'un de ses multiples utilisateurs en 1865 ?
Les deux premières questions ont été résolues par les publicités antérieures de J.J. Hawes, qui ne citent pas encore le format "Cabinet" (The Boston Directory, 1863 p 66 et 1864 p 107). Il s'agit donc bien, en 1865, du nouveau format, ce qui recule d'un an la date communément admise de son adoption aux Etats-Unis.
La réponse à la troisième question ne peut être tranchée car elle est forcément biaisée par les seules ressources consultées (accessibles en ligne).
ÉPILOGUE
Il semble donc que le format Cabinet soit apparu au milieu des années 1860, en Grande-Bretagne (1865), aux Etats-Unis (1865), en France (1866).
Face au déclin constaté de la Carte de visite, ce format est le signe d'un renouvellement souhaité, concerté, planifié et mis en œuvre tout à la fois par les photographes, les Sociétés de Photographie, les cartonniers et les fabricants d'objectifs. Rapidement adopté par certains photographes, il va cependant mettre plusieurs années avant de se généraliser et de susciter l'engouement du public.
Un document rédigé fin 1867 fait le point sur l'état de sa diffusion à cette date :
"Les photographes Anglais notamment ont réuni tous leurs efforts pour faire réussir le genre, qui certes présente sur le format carte [de visite] de notables avantages ; ils ont déterminé avec le plus grand soin les dimensions de ce format, et leurs journaux photographiques ont formulé et répandu ces données, avec une certaine solennité, comme un texte d'arrêté souverain, pris dans un intérêt public !
Malgré toute cette réclame, le cabinet-portrait a-t-il réussi ? L'ancienne vogue des cartes de visite est-elle acquise à ce genre nouveau ? Nous n'oserions l'affirmer, et en ceci, nous n'exprimons pas seulement notre opinion personnelle, nous donnons une opinion partagée par le plus grand nombre" (M.S. Devylder, Exposition Universelle de Paris - Rapport sur les produits de la Classe IX, Epreuves et Appareils de Photographie, Bruxelles, 1868, p. 5).
S'il paraît établi que Paris a adopté le Cabinet, au second semestre 1866, sous l'influence de Londres, il est cependant difficile de savoir si le pays d'origine de ce format, plus ou moins standardisé d'ailleurs, est la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis.
Certes, les trois pays cités conservent dans leurs Collections un grand nombre de Cabinets mais ces derniers sont très majoritairement postérieurs à 1870. Un très petit nombre date de la seconde moitié des années 1860, et deux ou trois seulement, par pays, sont datés avec certitude de 1866 et 1867.