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INTRODUCTION
Dans la seconde moitié du XVIII° siècle, la ville de Nice, au royaume de Piémont-Sardaigne, est une cité cosmopolite habitée par de nombreux étrangers et fréquentée l'hiver par les malades de tous pays qui viennent profiter de son climat bienfaisant.
Les journaux français de cette période ne citent cependant qu'une à deux fois seulement par décennie, le nom de personnalités se rendant à Nice "pour passer l'hiver".
Ces séjours se font souvent en complémentarité avec ceux effectués dans d'autres stations balnéaires ou thermales. Lord Erill passe ainsi l'hiver à Nice avant de se rendre aux eaux de Spa (Belgique) au printemps 1776 et l'un des fils du roi Georges III d'Angleterre passe de Nice à Hyères (Var) au début de l'année 1791 (La Gazette du 15 avril 1776 ; Mercure universel du 15 mai 1791).
"Les maisons de campagne des environs de Nice sont peuplées d'Anglais, de Français, d'Allemands. Chacune d'elles est une colonie. C'est là que de tous les pays du monde l'on fuit l'hiver ; Nice, pendant l'hiver, est une espèce de serre pour les santés délicates".
- Charles Dupaty, Lettres sur l'Italie en 1785, 1809, Lettre VI, vol. 1.
La Révolution française, l'occupation puis l'annexion de Nice par la France et les guerres napoléoniennes marquent pendant plus de deux décennies un fort ralentissement de la présence britannique.
En 1807, c'est la princesse Pauline Borghese (1780-1825), qui sur les conseils de son frère Napoléon Ier, gagne Nice en octobre (Villa Grandis), après avoir pris les eaux de Gréoux (Basses-Alpes), et revient à Nice, en 1814, avant de se rendre à Hyères (Journal de l'Empire du 21 octobre 1807 ; Lettres de Napoléon Ier).
Le retour des Britanniques dans la ville se fait surtout après 1814. Ainsi, le Journal général de France du 8 janvier 1817 relève qu'un "nombre assez considérable d'Anglais de distinction a débarqué à Toulon. Ils vont passer l'hiver à Nice".
"The genial and salubrious climate of Nice needs here no panegyric".
- Galignani's Messenger du 4 décembre 1823.
LES SÉJOURS PRINCIERS
Les années 1810 et 1820
Ferdinand de Wurtemberg (1763-1834) [frère du roi de Wurtemberg], gouverneur militaire de la Haute et Basse-Autriche est signalé à Nice au printemps 1817 puis à l'automne 1818 (Journal des débats politiques et littéraires du 7 juin 1817 ; Gazette de France du 6 novembre 1818).
À partir de la seconde moitié des années 1820, les séjours de personnalités semblent de plus en plus nombreux ou sont davantage signalés. Dans l'impossibilité de tous les citer, cette étude va se concentrer sur ceux de quelques grandes familles russes et germaniques qui sont les plus nombreuses à fréquenter Nice entre 1814 et 1860.
Ces familles enchaînent souvent une saison d'été à Bad Ems et une saison d'hiver à Nice, comme la comtesse Lydie de Bobrinsky (1807-1826) en 1826 ou la princesse Helena Radziwill (1805-1827) qui, elle, meurt à Nice le 26 décembre 1827 (Journal des débats politiques et littéraires du 23 juin 1826 ; La Quotidienne du 8 février 1828).
Les années 1830
La princesse de Leuchtenberg (1788-1851), fille du roi Maximilien Ier de Bavière, veuve de l'ex-vice roi d'Italie Eugène de Beauharnais (fils adoptif de Napoléon Ier) et belle-mère de la fille aînée de l'Empereur de Russie, vient dès septembre 1832 passer l'hiver à Nice, avec une suite de six voitures, et loge au Palais de Saissi. Elle doit y être rejointe par Joseph Bonaparte et Mme Laetitia (Journal du Commerce du 14 septembre 1832 ; La Quotidienne du 2 octobre 1832).
Le grand-duc Michel Pavlovitch de Russie (1798-1849) [frère de l'Empereur Nicolas Ier de Russie], séjourne pour sa part cinq semaines à Nice, à l'hôtel d'York, entre le 5 février et le 12 mars 1837. Il est très bien reçu et notamment invité aux manœuvres de la garnison sur la place d'Armes et à un bal de charité où il se montre très généreux (comme le seront tous les membres de sa famille dans les années suivantes) (Journal du Commerce du 15 février 1837 ; La Quotidienne du 19 mars 1837).
"We have never had a more brilliant winter than the present ; not only from the number, but from the wealth and rank of the families who have visited us. Nothing can be more attractive than the climate of Nice for a winter residence".
- Galignani's Messenger du 4 mars 1837.
Les années 1840
La grande-duchesse Stéphanie de Bade (1789-1860), née de Beauharnais [fille adoptive de Napoléon Ier et veuve du grand-duc Charles II], vient pour sa part se soigner à Nice de novembre 1841 à mai 1842, accompagnée de sa fille Marie.
"C'est en été que la foule se porte aux villes renommées par leurs eaux thermales, tandis que c'est en hiver qu'elle afflue à Nice (...). Il n'est pas impossible au voyageur d'aller dans la même année boire de l'eau et prendre des bains à Aix ou à Bade, et de revenir ensuite respirer l'air pur de Nice".
- Louis Roubaudi, Nice et ses environs, Turin, 1843 pp 7-8.
C'est ensuite l'épouse du tsar Nicolas Ier, l'Impératrice de Russie Alexandra Feodorovna, née Charlotte de Prusse (1798-1860) qui, sur le conseil de ses médecins, est annoncée à Nice en 1845 (Gazette de France du 11 février 1845). Cependant l'Impératrice séjourne à Gênes pendant l'été et ne se rend pas à Nice.
Sa belle-fille, épouse du grand-duc Michel Pavlovitch (signalé à Nice en 1837), la grande-duchesse Hélène/Elena Pavlovna de Russie, née Charlotte de Wurtemberg (1807-1873) qui l'accompagne, se fait à son tour annoncer à Nice mais n'y passe, en définitive, que la seule journée du 6 septembre 1845 (Journal des débats politiques et littéraires du 12 septembre 1845).
Début octobre 1846, c'est Anna Pavlovna (1795-1865), "reine de Hollande" (sœur cadette de l'Empereur de Russie et reine consort des Pays-Bas) qui est à Nice d'où elle se rend à Rome et en revient le 26 octobre (Journal des villes et des campagnes du 11 octobre 1846 ; Journal des débats politiques et littéraires du 9 novembre 1846).
En décembre 1846, la princesse Louise de Prusse (1808-1870), fille du roi Guillaume III et épouse du prince Frédéric des Pays-Bas, est à Gênes et doit, sur le conseil de ses médecins, se rendre à Nice pour passer l'hiver. Trop souffrante, elle doit cependant renoncer au voyage (Journal de débats politique et littéraires du 13 décembre 1846).
"Située à la frontière entre la France et l'Italie, Nice est baignée par une mer fréquentée et est célèbre pour la salubrité de son air ainsi que la douceur de son climat. Elle attire annuellement un grand nombre d'étrangers — pas moins de 1,5 million [entre 1.500 et 3.000 !]—, contribuant ainsi à sa richesse. Sa population stable est d'environ 27 000 personnes. En particulier, Nice est appréciée pour ses bienfaits sur la santé, attirant des patients, notamment ceux souffrant de maladies respiratoires, à la recherche d'un hiver doux, de l'agrément du soleil, d'une atmosphère parfumée, et d'une vie tranquille et confortable".
- Nice, dans, Encyclopédie moderne, Firmin-Didot, vol. 21-22, 1847 p 824.
Les années 1850
Les séjours les plus marquants pour la ville de Nice vont se dérouler, une dizaine d'années plus tard, dans le milieu et la seconde moitié des années 1850, avec les retours de la famille de la grande-duchesse de Bade et de celle de l'Impératrice douairière de Russie.
La princesse Marie de Bade (1817-1888) [cousine au troisième degré de l'Empereur Napoléon III], accompagnée de son mari le Britannique William duc de Hamilton (1811-1863), vient passer trois saisons d'hiver à Nice, en 1854-55, 1855-56 et 1857-58.
Sa mère, la grande-duchesse Stéphanie de Bade (1789-1860) [cousine au second degré de l'Empereur Napoléon III], séjourne également trois saisons dans la ville mais en 1855-56 et 1857-58 (avec sa fille) puis en 1859-60.
Le photographe Pierre Ferret (1815-1875), dont l'atelier est situé quai Masséna, 3 (au 1er étage), devient le portraitiste officiel de la famille (voir les articles de ce blog, ici et ici).
Après le décès de grande-duchesse Stéphanie de Bade, à Nice, le 29 janvier 1860, la famille de sa fille continuera à fréquenter la ville (voir l'article de ce blog, ici).
L'Impératrice de Russie fait connaître, dès le mois d'août 1856 [la guerre de Crimée a pris fin le 30 mars précédent], son projet de passer l'hiver à Nice. L'annonce de ce séjour va entraîner non seulement la venue de plusieurs membres de la famille impériale de Russie mais également d'un grand nombre d'étrangers.
En septembre, le roi Victor-Emmanuel II de Sardaigne (1820-1878) veille à la préparation de la Villa Avigdor et à l'accueil de l'Impératrice (La Presse du 27 août 1856 ; Journal des débats politiques et littéraires du 28 septembre 1856).
Accompagnée par Umberto prince de Savoie-Carignan (1844-1900) [fils du roi Emmanuel II], l'Impératrice arrive à Nice, le 26 octobre 1856, à la Villa Avigdor, avec une suite de 200 personnes qui logent dans des villas voisines.
Le roi Victor-Emmanuel, qui souhaitait la précéder dans la ville, ne viendra en définitive que le 22 janvier 1857 pour une semaine et reviendra le 1er avril pour quelques jours seulement (Le Sémaphore de Marseille du 25 janvier 1857 ; Le Constitutionnel du 2 février 1857 ; Le Sémaphore de Marseille du 4 avril 1857 ; Gazette du Midi du 10 avril 1857).
L'Impératrice est rejointe par sa belle-sœur, la grande-duchesse Hélène de Russie, le 16 ou 17 novembre suivant ; cette dernière, accompagnée d'une suite de 80 personnes, loge pour sa part à la Villa Bermond (Journal des villes et des campagnes du 21 novembre 1856).
Le bon climat de Nice semble rapidement agir sur l'état de santé de l'Impératrice qui fait des excursions en France et visite les grandes villas de Nice.
L'Impératrice est ensuite rejointe par ses enfants : Marie duchesse de Leuchtenberg (1819-1876) [veuve de Maximilien] et le grand-duc Michel Nicolaïevitch (1832-1909) en décembre 1856 (Villa de Orestis), Olga princesse de Wurtemberg (1822-1892) [épouse du prince Charles], le grand-duc Nicolas (1831-1891) et le grand-duc Constantin (1827-1892) fin février 1857 (Maison Lavit).
En janvier 1857, l'Impératrice déménage dans la Villa de Orestis. Le 10 mars 1857, au Lazaret, elle inaugure et donne son nom au nouveau boulevard de bord de mer. Elle prolonge son séjour niçois jusqu'au 21 avril 1857, date à laquelle elle part à Rome.
La grande-duchesse reste pour sa part à Nice et ne quitte la ville que le 1er juillet (La Gazette de France du 2 juillet 1857).
"Nice est devenue le centre du mouvement le plus actif et le plus brillant depuis que S.M. l'Impératrice douairière de Russie y a fixé son séjour. C'est là que tout ce que la France et les pays voisins renferment de personnages appartenant aux grandes maisons russes sont venus tour à tour lui présenter leurs hommages".
- Le Monde Illustré du 18 octobre 1857 pp 12-13.
"L'hiver est la belle saison de Nice ; sa population italienne se double alors d'une population cosmopolite ; les princes ennuyés du pouvoir, les diplomates éreintés par la politique, les grandes dames pâlies par leur succès de cour, les vaporeuses moitiés des puissants capitalistes, les Danaés de la noblesse et de la finance, les auteurs à bout d'inspiration, les artistes en quête de l'imprévu, les désœuvrés opulents, les hypocondriaques titrés, les pseudo-poitrinaires de la "lionnerie" européenne...".
- La Patrie du 27 novembre 1857.
La grande-duchesse Hélène va revenir passer quelques semaines à Nice en décembre 1857 avant de partir passer l'hiver à Rome puis, au retour, y séjourner du 20 mai au 30 juin 1858 (Le Courrier de Bourges du 7 juillet 1858).
"On peut maintenant comprendre la résidence et les visites réitérées de la grande-duchesse Hélène" : la Russie qui, suite à la Guerre de Crimée ne pouvait pas disposer d'un port de la Méditerranée, a passé un bail de 22 ans pour la location de la ville et du port de Villefranche (Le Messager de Paris du 13 septembre 1858).
La grande-duchesse Hélène est à nouveau présente à Nice en novembre 1858, précédée par sa fille Catherine de Russie (1827-1894) et l'époux de cette dernière, le duc Georges-Auguste de Mecklembour-Strelitz (1824-1876) qui séjournent à la Villa de Orestis (Le Sémaphore de Marseille du 20 octobre 1858 ; Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire du 12 novembre 1858).
Plusieurs retrouvailles se font à Nice fin novembre 1858 : celle de la grande-duchesse Hélène avec son père, Guillaume Ier (1781-1864), roi de Wurtemberg (qui séjourne à la Villa Avigdor du 25 novembre 1858 au 30 mars 1859) mais également celle du roi de Wurtemberg avec son neveu, le prince Napoléon-Jérôme Bonaparte (1822-1895) [cousin germain de l'Empereur Napoléon III], avant que ce dernier ne parte mi-janvier 1859 pour Turin, épouser Clotilde de Savoie [fille de Victor-Emmanuel II].
Le 6 décembre 1858, ce sont le grand-duc Constantin et son épouse la grande-duchesse Alexandra (1830-1911) [fille du duc de Saxe-Altenbourg], accompagnés du prince de Savoie-Carignan, qui arrivent à Nice pour trois semaines, le grand-duc devant faire des évolutions dans la Méditerranée avec la division navale russe rassemblée à Villefranche.
Le grand-duc Constantin et son épouse font exécuter, lors de ce séjour, leur portrait par le peintre Franz Xaver Winterhalter (1805-1873) [le portrait du grand-duc est conservé au Musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg et celui de son épouse fait partie de The Royal Collection du Royaume-Uni] (Le Moniteur des Arts du 1er janvier 1859).
Le 14 décembre 1858, le grand-duc Constantin pose à Nice, boulevard Longchamp, la première pierre du temple orthodoxe gréco-russe Saint-Nicolas et Sainte-Alexandra (projeté par l'Impératrice dès 1856, avec un terrain acquis le 27 avril 1857 ; Gazette nationale du 12 janvier 1860) puis, après un aller-retour à Paris, quitte Nice le 31 décembre, avec la grande-duchesse Hélène.
Ces séjours de la grande-duchesse Hélène se déroulent en l'absence de l'Impératrice de Russie, pourtant plusieurs fois annoncée (Le Spectateur du 23 octobre 1857 ; La Patrie du 1er mai 1858).
Le 17 octobre 1859, c'est cette fois l'Impératrice de Russie, mais sans la grande-duchesse Hélène, qui arrive à Nice et va séjourner dans la Villa de Orestis jusqu'au printemps.
Sa fille, la grande-duchesse Marie de Leuchtenberg, loge dans la Villa Bermond voisine (La Gazette de France du 15 octobre 1859 ; Le Charivari du 31 décembre 1859).
La reine consort de Hollande arrive à Nice le 27 octobre 1859 (Hôtel Victoria), comme la grande-duchesse Stéphanie de Bade (Hôtel Beaufort). Le prince Pierre d'Oldenbourg (1812-1881) et son épouse Thérèse (1815-1871), fille du duc de Nassau-Weilbourg mais également le roi Victor-Emmanuel II sont attendus dans les jours suivants (Gazette nationale du 5 novembre 1859 ; La Patrie du 24 novembre 1859).
L'Impératrice douairière quitte Nice le 1er juin 1860. "Avant son départ, S.M. L'Impératrice de Russie s'est fait photographier par M. Ferret. Cet artiste distingué avait déjà eu l'honneur de faire les photographies de S.A.I. le grand-duc Nicolas et de la famille de la grande-duchesse Marie" (Revue de Nice du 2 juin 1860) (une photographie niçoise de l'Impératrice est notamment conservée dans The Royal Collection Trust).
L'Impératrice ne reviendra plus à Nice car elle va décéder en Russie (à Tsarskoïe Selo), le 1er novembre 1860.
La grande-duchesse Hélène, arrivée à Nice juste après le départ de l'Impératrice (!), le 4 juin 1860, y reviendra pour sa part le 10 octobre 1861.
VOIR LA DEUXIÈME PARTIE DE CET ARTICLE