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dimanche 14 janvier 2024

1329-SOUVERAINS ET PHOTOGRAPHES À NICE (1850-1860)-1

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- Photographe anonyme, Portrait anonyme et non daté,
 présumé être celui de 
la Grande-Duchesse-Stéphanie de Bade (1789-1860), 
réalisé à Nice au milieu des années 1850,
 épreuve de 16x19 cm, P_240-1.r-23.-1,
Magyar Országos Levéltár (Archives nationales de Hongrie).

Comparer avec le portrait identique de l'Album du Château de Compiègne, Photo RMN, ici.


DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 18/01/2024


UN ARTICLE ÉCRIT EN COLLABORATION AVEC DIDIER GAYRAUD



SOUVERAINS ET PHOTOGRAPHES À NICE (1850-1860)



INTRODUCTION


De nombreuses photographies du Comté de Nice, datant des années 1850, sont conservées, d'une part en France, dans le Domaine de Compiègne, et d'autre part en Hongrie, au sein des Archives nationales. Ce sont essentiellement des vues de paysages urbains et naturels de Nice et de ses environs mais également quelques portraits de membres de la Famille du Grand-Duché de Bade

Ce premier article va notamment étudier les liens tissés entre la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade (1789-1860) et le photographe Pierre Ferret (1815-1875), lors de saisons d'hiver à Nice.



LA GRANDE-DUCHESSE STEPHANIE DE BADE (1789-1860)


Stéphanie de Beauharnais, née à Versailles le 28 août 1789, a été adoptée à l'âge de 16 ans par l'Empereur Napoléon Ier, le 4 mars 1806, et mariée à Paris, le 8 avril suivant, au Prince Charles de Bade.

Son époux, avec lequel elle va avoir cinq enfants à Karlsruhe, devient Grand-Duc de Bade, sous le nom de Charles II en 1811 mais décède le 8 décembre 1818. Le trône revient à l'oncle de son époux et Stéphanie, Grande-Duchesse douairière de Bade, se retire avec ses enfants, à Mannheim. 

Suite à des problèmes de santé survenus à partir de l'été 1840, Stéphanie de Bade passe l'hiver à Nice de novembre 1841 à mai 1842, avec sa fille la Princesse Marie (née en 1817). 

Au tournant des années 1850, elle alterne les printemps et étés dans le Grand-Duché de Bade (Karlsruhe, Baden-Baden et Mannheim) et les automnes et hivers à Paris, dès lors que son neveu le Prince Louis-Napoléon Bonaparte devient Président de la République puis Empereur des Français. 

Lors de ses différents voyages, elle est souvent accompagnée de sa fille Marie (mariée en 1843) et de son gendre, William Marquis de Douglas et de Clydesdale (né en 1811).

En novembre 1855, la Grande-Duchesse Stéphanie quitte Paris pour passer un nouvel hiver à Nice et y arrive le 25 novembre (Note 1).

Le 23 mars 1856, elle célèbre à l'église Saint-François-de-Paule de Nice, une messe en l'honneur du Prince-Impérial né le 16 mars. 

Elle quitte la ville le 26 avril pour Bade puis gagne Paris le 8 juin et assiste au baptême du Prince-Impérial, le 14 juin 1856.



2- Photographe anonyme, Vue de la Promenade des Anglais, Nice 1856,
vue est-ouest montrant l'embouchure du Paillon (dépourvue de pont), l'extrémité orientale de la Promenade
 (où sera érigé par la suite l'Hôtel des Anglais) et l'Hôtel Victoria, récemment ouvert (1854-55), 
 épreuve de 19x26 cm, P_240-1.r-11.-10, 
Magyar Országos Levéltár (Archives nationales de Hongrie).

Comparer avec la même vue de l'Album du Château de Compiègne, Photo RMN, ici.




LE PHOTOGRAPHE PIERRE FERRET (1815-1875)


C'est lors de cette même saison 1855-56 que le photographe Pierre Ferret, paysagiste et portraitiste implanté à Nice depuis les années 1840, a l'honneur de photographier la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade dans son atelier du quai Masséna, 3, au premier étage (voir la biographie de ce photographeici).

Après la saison, le photographe fait refaire son passeport, le 15 mai 1856, et quitte peu après Nice pour Paris et Bade (Note 2).

Ce voyage est en rapport avec celui de la Grande-Duchesse de Bade car, début janvier 1857, Pierre Ferret, "depuis quelques temps de retour de ses voyages à Bade et à Paris", diffuse une publicité où il se présente désormais avec le brevet de "photographe de Son Altesse Impériale la Grande Duchesse Stéphanie de Bade" (Les Echos de Nice du 7 janvier 1857, Nice, Bibliothèque Municipale Nucéra).

A-t-il rejoint Stéphanie de Bade à Paris ? A-t-il ensuite voyagé, de Paris à Bade puis de Bade à Paris avec elle ? A-t-il réalisé à Paris des portraits de la famille de Napoléon III ?

L'une des photographies connues de Pierre Ferret est le Portrait de l'Impératrice Eugénie tenant le Prince-Impérial sur ses genoux (Collection privée). Certes, le tirage albuminé est collé sur un support cartonné qui date manifestement du milieu des années 1860, du fait des armoiries et de l'adresse affichées au verso, mais la prise de vue qui montre le Prince-Impérial âgé entre six mois et un an peut dater du passage à Paris du photographe lors de son voyage de retour, à l'automne 1856.


Pierre Ferret est-il l'auteur de l'Album de Compiègne ?

Un Album du Domaine de Compiègne, anonyme et non daté, porte les armoiries de Napoléon III en couverture ("Vues du Sud de la France", IMP.418, Photo RMN - couverture, ici) (Note 3).

Il comporte 25 photographies de 17x27 cm dont 23 vues de Nice et de ses environs et 2 portraits féminins qui sont ceux de la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade (Photo RMN, ici) et de sa fille Marie de Bade ou deux portraits de cette dernière (Photo RMN, ici) (Note 4). 

L'Album est remarquable par la qualité de ses photographies et l'un des rares à révéler tout à la fois des vues du Comté de Nice et des portraits datant des années 1850. Il est tentant de l'attribuer à Pierre Ferret. 

Suite à l'Annexion française du Comté de Nice le 14 juin 1860, l'Empereur et l'Impératrice Eugénie se rendent à Nice les 12 et 13 septembre suivants et Pierre Ferret profite peut-être de cette occasion pour leur offrir un tel album. 

Avec de telles Vues, il aurait offert symboliquement l'ancien Comté de Nice à l'Empire, ainsi qu'un état des lieux de ce territoire lors de l'année de son rattachement. Avec les Portraits, il aurait transmis son hommage au Couple Impérial mais également à la Famille de Bade. 

En effet, le Portrait de Stéphanie de Bade, tante de Napoléon III, décédée à Nice le 29 janvier 1860, quelques mois avant la venue de l'Empereur mais également le Portrait de Marie de Bade, cousine préférée de L'Empereur, présents dans l'Album, seraient ainsi riches de sens.

Plusieurs indices abondent d'ailleurs dans ce sens. Pierre Ferret est tout d'abord connu pour avoir réalisé des portraits des membres de la Famille de Bade dont il est le photographe niçois officiel.

Pierre Ferret a également réalisé une série de Vues du Comté de Nice qu'il a commercialisées sous la forme d'un album à la fin des années 1850, comme le montre l'article suivant daté du 1er novembre 1859 : 

"L'album que nous recommandons au public est un véritable monument élevé à la gloire du pays qui a le privilège de réunir tous les hivers l'élite de la grande société européenne. 

En parcourant Nice et ses environs, M. Ferret a photographié les points de vue qui attirent le plus l'attention de l'étranger, le Château, St-André, St-Jean, St-Pons, le pont du Var, le pont du Loup, Eza, Monaco, La Turbie, Villefranche ont été saisis sous les aspects les plus pittoresques. 

M. Ferret ne s'est pas borné là ; il a reproduit quelques-unes des villas qu'une situation heureuse a mise en relief ou celles que des souvenirs princiers ont rendues fameuses ; il a été jusqu'à saisir avec un bonheur rare le vieil et populaire olivier de Beaulieu dont tout le monde parle et que très peu de gens connaissent.

Plus de 50 vues différentes ont été reproduites par M. Ferret, de telle sorte que l'amateur peut choisir à son gré entre les divers sujets photographiés par lui ceux qui conviennent le mieux à ses goûts. L'album de M. Ferret est du reste relié avec un soin qui en fait un véritable objet d'art. Il se compose de douze vues que chacun peut, à son gré, choisir dans ses cartons" (Revue de Nice du 1er novembre 1859 pp 55-56, Nice, Bibliothèque Municipale Nucéra).

L'Album de Compiègne contient un grand nombre de vues et montre un choix comparable à celui des lieux listés dans l'article ci-dessus : le Château (vues prises du Rocher du Château de Nice), St-André (Grotte), St-Jean (Baie), St-Pons (Chapelle et Couvent), le Pont du Var, le Loup, Monaco, Villefranche (Rade) et l'Olivier centenaire de Beaulieu.

Il présente également deux vues de résidences princières dont la Villa Sabatier (rue Longchamp), habitée par la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade (lors d'une saison non identifiée), comme le rappelle son titre, "(Nice) Villa Sabatier. L'habitation de S[on] A[ltesse] I[mpériale] et R[oyale] La Grande Duchesse de Bade." (Photo RMN, ici) (Note 5).

Quelques-unes des vues de l'Album de Compiègne peuvent d'ailleurs être datées vers 1859, année où Pierre Ferret a commercialisé son album, notamment celle qui montre la Baie des Anges avec le nouveau clocher de l'église Saint-François-de-Paule ou celle du Port avec le Château Smith presque achevé.

Enfin, nous avons la preuve que Pierre Ferret a offert un album à l'Empereur en septembre 1860 et, qu'en retour, il a reçu une lettre datée du 13 septembre le remerciant de son "charmant album représentant des vues de Nice et de ses environs" (Le Messager de Nice du 15 septembre 1860 pp 2-3).

Cette lettre était accompagnée d'un écrin contenant "une charmante épingle enrichie de brillants et de pierres précieuses" mais également " du cabinet de l'Empereur, une lettre très-flatteuse, et, du ministère d'Etat, le brevet de photographe de Sa Majesté l'Empereur" (Marie de Saint-Germain, Relation du voyage de LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice à Nice (12 et 13 septembre 1860), Nice, novembre 1860 p 114, Paris, BnF).

Le photographe précisera désormais, au verso de ses Cartes de visite (Collections publiques et privées), aux couvertures de ses prochains albums (Collection privée) et dans les publicités qu'il fera paraître (journaux locaux), son titre de "Photographe de S.M. L'Empereur Napoléon III" (jusqu'à la fin de l'Empire, le 4 septembre 1870).

Nous sommes donc en droit de penser que l'Album de Compiègne peut avoir pour auteur le photographe Pierre Ferret.

La couverture banale de l'Album de Compiègne, comme l'absence d'une dédicace de l'auteur à Napoléon III et l'absence de classement des vues, ne semblent cependant pas à la hauteur d'un présent destiné à l'Empereur dont la venue (mais pas la date) avait été annoncée dès avril 1860. 

Il n'en reste pas moins vrai que cet album  a été offert à l'Empereur, puisqu'il est conservé dans les Collections Impériales. Sa liste des sites photographiés est héritée des albums d'estampes et reste d'ailleurs semblable à celle des autres photographes des années 1850 (comme Louis Crette ou Joseph Silli).


3- Photographe identifié par le monogramme "HR.", Grotte de St. André, Nice 1856,
 épreuve de 19x26 cm, P_240-1.r-23.-1, 
Magyar Országos Levéltár (Archives nationales de Hongrie).

Comparer avec la même vue de l'Album du Château de Compiègne, Photo RMN, ici.



Les Albums des Archives nationales de Hongrie

Les Archives Nationales de Hongrie conservent, à leur tour, plusieurs albums du Comté de Nice dont une partie date des années 1850, avec 48 vues de Nice et de ses environs sur papier salé d'environ 19x25 cm ou 31x41 cm et 32 portraits de formats divers (Magyar Országos Levéltár, albums de vues, P_240-1.r-2., r-7., r-10., r-11. ; albums de portraits, P_240-1.r-23., r-24. et a.) (Note 6).

Les vues de cette Collection, anonymes pour la plupart, présentent non seulement les mêmes lieux que l'Album de Compiègne mais également quelques épreuves identiques en tous points, avec celles de :

- la Promenade des Anglais (Image 2 ci-dessus), datée de "Nice 1856" (et Photo RMN, ici), 

- l'entrée de la Grotte de Saint-André (Image 3 ci-dessus)signée du monogramme "HR" et datée également de "Nice 1856" (et Photo RMN, ici

- et de la rade de Villefranche (Image 6 ci-dessous)dépourvue, pour sa part, de toute inscription (et Photo RMN, ici).


4- Photographe anonyme, Portrait anonyme et non daté,
 présumé être celui de 
la Grande-Duchesse-Stéphanie de Bade (1789-1860), 
réalisé à Nice au milieu des années 1850,
 épreuve de 16x19 cm, P_240-1.r-23.-2,
Magyar Országos Levéltár (Archives nationales de Hongrie).



Les recueils de portraits comportent également :

- un Portrait de Marie de Bade, daté de "Nice 1856", où cette dernière pose dans le même atelier et vêtue de la même robe que dans le portrait de Compiègne (Photo RMN, ici) mais, cette fois, accompagnée de son époux, qui porte depuis 1852 le titre de Duc de Hamilton (voir en tête de la deuxième partie de cet article), 

- un Portrait (présumé) de la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade, dépourvu, comme celui de Compiègne (Photo RMN, ici), de toute inscription mais en partie colorisé (Image 1 en tête d'article),

- un deuxième Portrait (présumé) de la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade où cette dernière apparaît dans une tenue cette fois différente mais avec le même voile couvrant les cheveux ; la photographie est également dépourvue de toute inscription sur le montage (Image 4 ci-dessus).

Si nous prêtons foi aux mentions manuscrites portées à l'encre sur le montage, certaines de ces photographies relèvent de l'année 1856, ce qui ne remet pas en cause l'attribution de l'Album de Compiègne à Pierre Ferret, ce dernier ayant pu sélectionner des photographies datant de différentes années (dont 1856 et 1859).

La Collection hongroise conserve d'ailleurs un troisième Portrait (présumé) de la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade sur son lit de mort (Image 5 ci-dessous), lui aussi dépourvu de toute inscription, pris à Nice entre le 29 janvier (date de décès) et le 2 février 1860 (date de départ du corps pour Bade) et qui peut également être l'œuvre de Pierre Ferret, photographe officiel de la Grande-Duchesse (Note 7).


5- Photographe anonyme, Portrait mortuaire sans titre et non daté, 
présumé être celui de la Grande-Duchesse-Stéphanie de Bade sur son lit de mort (1789-1860), 
réalisé entre le 29 janvier et le 2 février 1860, 
 épreuve de 30,5x38 cm, P_240-1.a-150,
Magyar Országos Levéltár (Archives nationales de Hongrie)



Le doute est cependant créé par la Vue de la Promenade des Anglais de la Collection hongroise, qui est identique à celle de l'Album de Compiègne (Image 2, au début de cet article) mais porte le monogramme "HR" dans le montage, comme d'ailleurs 14 autres photographies du Comté de Nice de la même Collection. Or, une et une seule photographie de cette Collection porte une signature, celle du photographe Henri de Rostaing (1824/26-1885), "Mis [Marquis] de Rostaing", auquel le monogramme semble renvoyer.

Il est donc difficile d'affirmer l'identité de l'auteur des vues anonymes de l'Album de Compiègne. Même si l'on admet l'idée que deux albums du Comté de Nice aient pu être offerts à Napoléon III et qu'un seul ait été célébré par les textes et conservé, cela ne justifie en rien la présence de vues et de portraits totalement identiques chez les deux auteurs.

Quant à l'hypothèse d'une collaboration éventuelle entre Pierre Ferret et Henri de Rostaing, elle est également à écarter car, dans d'autres Collections nationales et internationales, des vues du Comté de Nice sont conjointement signées d'Henri de Rostaing et d'Edouard Baldus (1813-1889) (G. Eastman Museum de Rochester) (voir la deuxième partie de cet article).


6- Photographe anonyme, Vue sans titre et non datée, 
Villefranche, vue prise du fond de la rade, 
épreuve de 20x28 cm, P_240-1.r-7.-49, 
Magyar Országos Levéltár (Archives nationales de Hongrie).

Comparer avec la même vue de l'Album du Château de Compiègne, Photo RMN, ici.



Marie de Bade et Pierre Ferret

Après le décès de sa mère, Marie, désormais Grande-Duchesse de Bade, son époux le Duc de Hamilton et leurs enfants vont continuer à venir à Nice et à fréquenter l'atelier du photographe Pierre Ferret. Suite à une chute, son époux décède cependant à Paris, le 8 juillet 1863 (à l'âge de 52 ans).

Le même mois, Pierre Ferret fait paraître la petite annonce suivante : "M. P. Ferret - Photographe de Sa Majesté l'Empereur Napoléon III - Est de retour à Nice - Il profite de cette occasion pour informer sa Clientèle qu'on trouve chez lui, rue Chauvain, 10, des portraits de feu Sa Grâce le Duc d'Hamilton" (petite annonce parue en page 4 du Journal de Nice, de juillet à septembre 1863, AD 06).

Plusieurs portraits photographiques de Pierre Ferret, cette fois authentifiés par son nom et l'adresse de son nouvel atelier, rue Chauvain, 10, sont d'ailleurs conservés dans les Collections des Archives Nationales de Hongrie (albums P_240-1.r-22., r-27., r-28., r-30. et a.). 

Ceux qui datent du début des années 1860 montrent de nombreuses fois William Archibald Alexander (11ème) Duc de Hamilton (1811-1863) et ses enfants, en costume de ville ou en tenue écossaise, et même le portrait isolé de l'un de ses chiens. D'autres portraits, postérieurs à 1863, montrent son fils, William Alexander Louis Stephen (1845-1895), nouveau (12ème) Duc de Hamilton, et ses proches (Note 8).


Les autres brevets de Pierre Ferret

Pierre Ferret, dans un document daté d'avril 1860 est dit, "au service de la Grande Duchesse Stéphanie de Bade" mais également au service "du roi du Wurtemberg" (AD 06, 03FS 0624). Guillaume Ier (1781-1864), roi de Wurtemberg, semble à cette date, malgré plusieurs projets, n'avoir séjourné à Nice que lors de la saison d'hiver 1858-59.

L'Album de Compiègne, précédemment évoqué, offre à côté de la vue de la Villa Sabatier qui évoque le souvenir de la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade, une vue de la "Villa De Orestis (Nice)" (absente de la Collection hongroise) qui renvoie pour sa part au souvenir de l'Impératrice de Russie, décédée le 1er novembre 1860 à Tsarskoïe Selo (Pouchkine, Russie) (Photo RMN, ici)

C'est en effet dans cette villa, située sur la Promenade des Anglais qu'a logé la veuve du Tsar Nicolas Ier (1825-1855), Alexandra Féodorovna, Impératrice Douairière de Russie (1798-1860), pendant une partie de la saison d'hiver 1856-57 et pendant toute la saison 1859-1860, et là qu'elle a reçu les visites du roi de Sardaigne, Victor Emmanuel II (1820-1878). 

Lors de l'Annexion française, les soldats piémontais qui gardent la villa de l'Impératrice de Russie vont, sur proposition de Napoléon III du 1er avril 1860, être remplacés par des soldats français, dès le 8 avril suivant.

Pierre Ferret peut, là encore, être l'auteur de cette photographie car il a réalisé les portraits des enfants et petits-enfants de l'Impératrice en 1858 et 1859 puis celui de l'Impératrice elle-même, en mai 1860.

"Avant son départ, S.M. L'Impératrice de Russie s'est fait photographier par M. Ferret. Cet artiste distingué avait déjà eu l'honneur de faire les photographies de S.A.I. le grand-duc Nicolas [1831-1891] et de la famille de la grande-duchesse Marie [1819-1876] (Revue de Nice du 2 juin 1860).

Pierre Ferret recevra d'ailleurs, deux mois plus tard, en récompense "de ce portrait si bien réussi (...), le titre de photographe de S.M. L'Impératrice" et "une bague en or ornée de diamants et d'un rubis" (Le Messager de Nice des 2 juin, 27 et 29 juillet 1860, AD 06).


VOIR LA SUITE DE CET ARTICLE



NOTES 


1- Quatre séjours de Stéphanie de Bade à Nice, sont attestés dans les années 1840 et 1850 : entre novembre 1841 et mai 1842, dans une maison éloignée du bord de mer ; entre novembre 1855 et avril 1856, dans une maison non précisée ; entre novembre 1857 et avril 1858, dans l'une des Villas Lyons/Lions, Promenade des Anglais à partir de novembre puis, dès janvier 1858, à la Villa de Cesoles/Cessole, à Saint-Barthélemy ; entre octobre 1859 et février 1860, Maison Bonfort, rue de France.

2- "Le sieur Ferret (Pierre), Ouv[rier] Photographe, né à Veuvet [Veuvey-sur-Ouche], Côte d'Or, demeurant à Nice, quai Masséna, allant à Paris et Bade - passeport neuf délivré à sa demande et le dépôt d'un passeport du Préfet de Police du 30 août 1851 - âgé de 41 ans et demi" (Archives départementales des Alpes-Maritimes, 01Z 0232, n° 127).

3- Cet album a été mis en lumière par Didier Gayraud dans son ouvrage, La photographie à Nice, Monaco et dans les Alpes-Maritimes au XIX° siècle, édité par l'Académia Nissarda fin 2016 et augmenté et réédité fin 2022. 

4- Les photographies de Stéphanie de Bade sont extrêmement rares et ne permettent pas la mise en comparaison. Il est donc difficile d'affirmer que ces portraits sont bien les siens, d'autant que Stéphanie et sa fille Marie se ressemblent.

5- Les dates auxquelles Stéphanie de Bade a occupé cette villa de l'architecte Victor Sabatier, située rue Longchamp (et conservée de nos jours), restent inconnues mais il est vrai que la Grande-Duchesse a multiplié les séjours et parfois changé de résidence au cours d'une même saison. 

6- Les Archives nationales de Hongrie (Magyar Országos Levéltár) semblent conserver des éléments des Archives du Grand-Duché de Bade et notamment un grand nombre de photographies échelonnées sur toute la seconde moitié du XIX° siècle et au-delà, probablement parce que la fille du Duc de Hamilton, Mary Victoria (1850-1933) s'est mariée en secondes noces, à Budapest, avec le Comte hongrois Tasziló Festetics de Tolna (1850-1933) et y a fini ses jours. La partie qui date des années 1850 offre : 

- d'une part, des vues du Comté de Nice, parfois datées de "1856" (épreuves sur papier salé de deux formats, environ 19x25 cm et environ 31x41 cm), avec 48 vues dont 4 sont en double (soit 44 vues différentes) et 2 sont, malgré leur titre, celles de lieux extérieurs au Comté de Nice (soit 42 vues du Comté de Nice dont 26 de la ville de Nice) (Archives nationales de Hongrie, Magyar Országos Levéltár, P_240-1, albums de vues, P_240-1.r-2., r-7., r-10., r-11) (voir la Note 18) 

- et d'autre part des portraits réalisés à Nice, souvent datés de "1855" (l'un de "May 1855") ou de "1856" (formats divers d'environ 8x11 cm, 15x19 cm, 21x27 cm, 25x32 cm, 30,5x38 cm) (Archives nationales de Hongrie, Magyar Országos Levéltár, albums de portraits, P_240-1.r-23., r-24. et a.).

7- Stéphanie de Bade est décédée à Nice, à l'âge de 70 ans, le 29 janvier 1860 à 1h 30 de l'après-midi dans un lieu controversé : Maison Bonfort rue de France, Villa Lions Promenade des Anglais ou encore Maison Bouvier, non située

8- À la fin des années 1850 et au début des années 1860, le Duc et la Duchesse de Hamilton et leurs trois enfants ont souvent été photographiés. Les portraits de leur fille Mary Victoria enfant (1850-1922) restent particulièrement rares. Plusieurs portraits de la famille, réalisés à Paris par le photographe Eugène Disdéri (1819-1889), sont conservés dans les Collections du Musée d'Orsay.