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mardi 23 juin 2020

1120-MIGUEL ALEO (1824-c.1900) : BIOGRAPHIE ACTUALISÉE DU PHOTOGRAPHE




- ALEO Miguel (1824-c.1900), Vue générale de Nice, détail, vers 1863,
tirage albuminé de 10,4x6,3 cm sur carton de 11,5x6,8 cm, Collection personnelle.




UN ARTICLE ÉCRIT EN COLLABORATION AVEC DIDIER GAYRAUD
HISTORIEN DE LA PHOTOGRAPHIE



DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 27/03/2024



MIGUEL ALEO : BIOGRAPHIE ET EXPOSITIONS


LA HAVANE

Miguel Antonio Aleo (ou Aléo) est né à La Havane (Cuba, colonie espagnole), le 13 janvier 1824. Il est l’un des trois enfants de Domenico Aleo (décédé en 1844) et de Carolina Souverbi (née vers 1796 et décédée entre 1834 et 1841), avec Julian Ernesto (né vers 1815) et Maria Louisa Gabriella Rosa (née vers 1818).

C’est probablement la famille Aleo (sans le père) qu’il faut identifier dans un voyage à New York en 1834 sur le "Bork Novorino", Miguel Aleo étant âgé de 10 ans.

PARIS

Miguel Aleo est présent à Paris, avec sa famille, dès le début des années 1840 (sa mère est alors décédée). 

Sa sœur Maria Louisa Gabriella Rosa s’y marie le 4 septembre 1841 (2ème arrondissement) avec Edmond Xavier Le Bienvenue (Le Bienvenu ou Lebienvenu), docteur en médecine. Ils semblent avoir un enfant, Louis Dominique Adrien, qui naît le 22 mai 1842 (Paris, 1er arrondissement). Sa sœur est malheureusement signalée veuve dès 1849.

Son père, "Dominique Aleo", décède à Paris le 11 avril 1844 (1er arrondissement).

Son frère, Julien Ernest Aleo, avocat, se marie à Paris début juillet 1850 avec Melle Meara (Le Journal des Débats politiques et littéraires du 9 juillet 1850 p 4). 

A l'âge de 27 ans, Miguel Aleo se marie à Meudon, le 11 août 1851 (ses parents sont alors décédés), avec Marie Céline Amélie Gondoin, âgée de 16 ans (1834-1868). Il fréquente les milieux artistiques, grâce aux relations de son beau-père, l'architecte Charles Gondoin (1814-1893) et notamment la famille Arago, proche des photographes.

En 1853, Miguel Aleo part avec son épouse pour un long séjour à Cuba où il a hérité de plantations. Sa femme accouche, à Matanzas, de leur fille Ernestine Louise Marie, le 28 juillet 1854. 

C'est au retour en France que Miguel Aleo semble s'initier à la photographie. 

Il demande "l'admission à domicile" le 26 mai 1856 (droit d'établir son domicile en France et d'y jouir des droits civils - mais non les droits politiques propres à la naturalisation) et l'obtient par décret du 7 juillet 1856. 

MENTON ET NICE

Miguel Aleo alterne, dès 1857, des séjours entre Paris, la maison de ses beaux-parents de Meudon (Bellevue) et des voyages sur la Riviera. 

Il passe, avec sa famille, les hivers 1857-58, 1858-59 et probablement 1859-60 (liste absente) à Menton dans la maison Laurenti (Liste récapitulative des Étrangers des Echos de Nice du 1er janvier 1858, Américain ; Les Echos de Nice du 3 novembre 1858 ; Liste récapitulative des Étrangers des Echos de Nice du 1er janvier 1859, Français). 

Il est possible que l'une des raisons de ces séjours soit la santé fragile de son épouse.

A partir d'octobre 1860, Miguel Aleo passe désormais chaque hiver à Nice, dans la maison Cabasse, quartier de Longchamps dit Beaulieu (actuelle rue Pastorelli) (Listes des Étrangers des Echos de Nice, en 1860, Français [!] ; de 1861 à 1867, Espagnol).
 
Miguel Aleo connaît Alphonse Davanne, chimiste de formation et membre fondateur de la Société Française de Photographie (S.F.P., fondée en 1854), sans que l'année de leur rencontre ne soit connue (entre 1855 et 1859)Est-ce avec Alphonse Davanne que Miguel Aleo s'est initié à la photographie, d'autant que ce dernier est connu  pour "former en quelques jours des élèves qui lui faisaient honneur" (Le Siècle du 19 novembre 1858 p 3) ?

La présence d'Alphonse Davanne est attestée les hivers à Menton puis à Nice au tournant des années 1850-60. Il édite un ouvrage de ses photographies de Menton dès 1860 puis en 1862 et présente 13 prises de vue de Menton à la Quatrième Exposition de la S.F.P. de 1861. Il réalise, d'autre part, des vues stéréoscopiques de Nice qui peuvent être datées vers 1860-1861.

Miguel Aleo et Alphonse Davanne sont-ils ensemble à Menton puis à Nice, alors que leurs épouses, toutes de deux de santé fragile, bénéficient du climat bienfaisant de la Riviera ? Lors de la saison 1862-63, Miguel Aleo et son épouse sont signalés à Nice dès le 5 novembre 1862 et Alphonse Davanne et son épouse dès le 25 janvier 1863 (Les Echos de Nice, 1862-63, Listes des Étrangers).


Les photographies de Miguel Aleo les plus anciennes conservées datent de la fin des années 1850 : Oliviers [Beaulieu ?], datée de 1858 (tirage de 19,1x23,2 cm, Detroit Institute of Arts - ici), un calotype de Menton du Pont Saint-Louis signé et daté "Miguel Aleo 1858" et deux  photos de Bellevue, datées de 1859 (conservées au Musée Départemental de Sceaux - ici). Miguel Aleo se spécialise dans les vues de paysage, avec un intérêt marqué pour la végétation et une attention particulière au rendu du feuillage (détails, valeurs).

PARIS

Dès 1859, Aleo est cité pour ses "belles épreuves" (Méthodes photographiques perfectionnées, Paris, septembre 1859 p 181)Sa Note sur la préparation du papier positif, présentée par Alphonse Davanne à la séance de la S.F.P. du 18 mai 1860 est très appréciée (Bulletin de la S.F.P. 1860 pp 142-146) et reprise par de nombreuses revues spécialisées, françaises et étrangères.
En quelques années, Miguel Aleo est passé de simple amateur à membre de la SFP avec laquelle il expose et publie. 

Miguel Aleo participe aux expositions suivantes :

- Troisième Exposition de la S.F.P., Paris, avril-juillet 1859 - Le nom de Miguel Aleo n'est pas cité dans le Catalogue mais dans un compte-rendu de l'exposition (Méthodes photographiques perfectionnées, Paris, septembre 1859 p 181) ;

- Quatrième Exposition de la S.F.P., Paris, mai-août 1861 - Six vues de Nice et de ses environs ; le nom de Miguel Aleo a été ajouté dans un supplément du Catalogue de la S.F.P., en page 51 ;

- Exposition des Beaux-Arts de Nice, décembre 1861-janvier 1862 - Cinq vues de Nice et de ses environs (Le Messager de Nice du 2 février 1862 ; Revue de Nice du 15 février 1862 p 153) ;

- Exposition Universelle de Londres, mai-novembre 1862 - Portraits, vues dont La Source), reproductions  - Mention honorable pour la délicatesse de ses paysages (Exposition Universelle de 1862 à Londres, Section française, Catalogue officiel, 1862 p 116 ; Bulletin de la Société Française de Photographie, vol. 4, p 197 ; Revue Photographique française, vol. 7, p. 286) ; 

- Cinquième Exposition de la S.F.P., Paris, mai-août 1863 - Quinze vues de Nice et de ses environs et trois vues de Meudon (Catalogue de la S.F.P.) ;

- Sixième Exposition de la S.F.P., Paris, mai-août 1864 - Vingt-cinq vues de Nice et de ses environs (Catalogue de la S.F.P.) ;

- Exposition Universelle de Paris, avril-octobre 1867 - Le nom de Miguel Aleo n'est pas cité dans le Catalogue mais dans un rapport (Michel Chevalier, Rapport du Jury International de l'Exposition Universelle de 1867, 1868 p 200) ;

- Huitième Exposition de la S.F.P., Paris, mai-octobre 1869 - Quatre vues de la Riviera (sans une seule de Nice) et quatre vues de Corse (réalisées en 1864-65) (Catalogue de la S.F.P.);

- Neuvième Exposition de la S.F.P., mai-août 1870 (Paris) - Cinq vues de la Riviera dont une seule de Nice et cinq du Château de Versailles (Catalogue de la S.F.P.) - Mention honorable (Bulletin de la S.F.P. 1871, vol. 17 p 11).


- ALEO Miguel (1824-c.1900), Nice, La Réserve, vers 1867,
tirage albuminé de 14,2x9,2 cm, Collection personnelle.




NICE, PARIS ET MEUDON

Dès le début des années 1860, Miguel Aleo commercialise ses photographies de la Riviera sous le nom de "Vues de Nice et de ses Environs" mais avec des cartons souvent anonymes et dépourvus de titre. Dès 1863 cependant, des étiquettes à son nom sont parfois collées au revers des cartons-photos avec la précision du distributeur puis l'ensemble des indications est imprimé avec son monogramme "AM". Il signe certains de ses grands formats de son prénom et de son nom, à l'encre rouge.


- Annonce parue dans Le Messager de Nice du 11 mars 1863 p 4,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes.


- Timbres sec et humide d'Aleo.

- Signature à l'encre rouge d'Aleo.





Plusieurs articles signalent l’activité du photographe, et notamment ses photographies de l'exposition horticole de Nice et de la villa Saint-Aignan (Le Messager de Nice du 19 avril 1863 p 2), son Panorama du bassin de Nice pris du haut du col de Villefranche, montrant en trois clichés assemblés une vue de la Colline de Montboron jusqu’au golfe de Cannes (Journal de Nice du 28 août 1864) ou ses Panoramas de la résidence impériale et du quai des Palmiers (Journal de Nice du 23 décembre 1864). 

"M. Miguel Aléo a été appelé à réunir les vues les plus pittoresques ce la Corse et ses monuments historiques les plus intéressants pour en composer un album qui sera soumis à d’éminents suffrages tors de l'inauguration du monument Bonaparte" (Journal de la Corse du 24 février 1865, Gallica). 

Son retour de Corse où il a réalisé "un grand album de vues, sites et monuments" est précisé dans le Journal de Nice du 11 mars 1865. Il participe ensuite à l'Exposition d'Ajaccio de mai 1865 et y remporte une médaille de bronze pour ses photographies (Compte-rendu de l'Exposition générale des produits agricoles, industriels et artistiques de la Corse du 10 au 16 mai 1865 à Ajaccio, p 137, Gallica).

N'ayant ni atelier ni magasin personnel ouvert au public et n'ayant pas d'activité de portraitiste, ses photographies sont mises en vente dans des boutiques, notamment des librairies, qui diffusent ses vues des Alpes-Maritimes et ses vues de Corse, avec :
- à Nice, la librairie de Charles Jougla, la "Librairie Étrangère" de Charles Giraud puis des Frères Barberis/Barbery et enfin la boutique de Raphaël Lucchesi, 
- à Cannes, la librairie Robaudy, 
- à Menton, "Mentone Bazaar" ou "Au Bazar de Menton" de Pascal Amarante,
- à Ajaccio, la Libraire Rocca Tartarini.

"Aleo (Miquel) (sic), propriétaire, rue Pastorelli, m. Cabasse" est cité le 1er janvier 1865 parmi les membres de la Société d'Agriculture, d'Horticulture et d'Acclimatation de Nice et des Alpes-Maritimes (Annuaire des Alpes-Maritimes 1865 p 321).

En septembre 1867, Miguel Aleo, sa femme et sa fille sont à nouveau présents à Nice (Les Echos de Nice du 15 septembre 1867 p 1) mais la famille est signalée à Pau dès le 4 novembre (L'Indépendant des Basses-Pyrénées du 4 novembre 1867 p 4). Ce déplacement est-il dû à l’aggravation de la santé de sa femme ? Cette dernière décède le 13 mai 1868, à l'âge de 33 ans, dans sa maison natale de Bellevue à Meudon. 

Vers 1867 (?), Miguel Aleo s'associe avec Alphonse Davanne, pour une commercialisation conjointe de leurs photographies, y compris plus anciennes, sous le monogramme "A/D" (Aleo/Davanne). 


- Timbres sec et humide d'Aleo & Davanne.




Avec d'autres photographes, Aleo et Davanne donnent des épreuves à la S.F.P. en 1869 puis à la Société de Philadelphie en 1873 (Bulletin de la S.F.P. de 1869 p 30 et de 1873 p 88).

Leurs vues conjointes de Nice et de la Riviera les plus tardives peuvent être datées vers 1873-1874, grâce aux bâtiments représentés. 
Sont-elles de Miguel Aleo ? Est-il revenu passer des saisons à Nice après le décès de sa femme en mai 1868 ? Il semble que oui car certaines de ses photographies de Cannes datent au plus tôt de 1868 et certaines vues de Nice témoignent du nouveau Square Masséna avec le Monument au Maréchal Masséna érigé en 1869. Il est de plus cité dans l'ouvrage édité en 1869 par Léon Affairous, l'Indicateur des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco, "Aléo, rue Pastorelli (Maison Cabasse)". 

La présence d'Alphonse Davanne est pour sa part attestée à Nice en octobre et novembre 1873 (Les Echos de Nice, Listes des Étrangers des 30 octobre, 6 et 20 novembre 1873). Lors d'une séance de la S.F.P. de 1874, Alphonse Davanne montre d'ailleurs ses épreuves réalisées l'hiver précédent à Monaco, Villefranche, Menton, San Remo et Nice (Bulletin de la S.F.P., 1874, vol. 20 pp 157-160).

Miguel Aleo participe aux Expositions de la SFP de 1869 et 1870, en affichant désormais l'adresse de Bellevue (Seine-et-Oise, actuels Hauts-de-Seine).
Il n'expose plus après 1870 et son adresse niçoise disparaît des annuaires des Alpes-Maritimes après 1871. 
Au début des années 1870, alors qu'Alphonse Davanne est le président de la S.F.P. (depuis 1867), Miguel Aleo est le secrétaire de la rédaction, le secrétaire du comité de renseignements et d'essais et est membre de différentes commissions (Bulletin de la S.F.P., volume 18, 1872 p 59 ; Les Mondes, tome 28, 1872 pp 690-691).

Le 2 octobre 1875, Miguel Aleo est présent au mariage de sa fille Ernestine Louise Marie (1854-1914), 21 ans, à Meudon, avec le peintre Jules Louis Machard (1839-1900) ; Alphonse Davanne en est l'un des témoins.
Miguel Aleo est cependant absent lors de la naissance de ses petits-enfants, les jumeaux Pierre Henri Miguel et Marguerite Yvonne Charlotte, le 19 septembre 1877, ainsi que lors du décès de cette dernière le 27 décembre suivant. 
L'absence de signalements et de photographies postérieurs à 1875 a longtemps justifié la thèse du décès de Miguel Aleo entre 1875 et 1877.

CUBA 

Il apparaît qu'en fait ce dernier a quitté la France pour Cuba fin 1875 ou début 1876.
En juillet 1876, il quitte Cuba de La Havane pour rejoindre les Etats-Unis sur le "City of New York". "Miguel Aleo - 52 ans - Planter" arrive à New York le 27 juillet 1876 (Liste des passagers - n° 9012201265666)

NEW YORK

A New York, Miguel Aleo devient grossiste en verre en l'important depuis la France (Saint-Gobain) et la Belgique, French & Belgian Plate Glass. Il est associé à Auguste Saurel, Marneffe & Charles O'Keenan (Trow's New York City Directory, 1878, vol. 92 p 11). Ce changement d'activité peut sembler étonnant mais sa connaissance des glaces pour photographie l'a peut-être amené à investir dans ce domaine. Son adresse à New York est située aux 22-26, Howard Street

Miguel Aleo se remarie à New York à la fin des années 1870 et vit au 9 East 50th Street. 
Le couple se sépare cependant au début des années 1880, son ex-épouse se remariant en juillet 1882 (alors qu'elle n'est pas légalement divorcée - New York Supplement, 1899, vol. 58 pp 821-22)

Dans les années 1880, Miguel Aleo, désormais sans associé, se concentre sur l’importation de verre français. Sa trace se perd après 1890, date vers laquelle il cesse toute activité professionnelle. Il a alors 66 ans. 

Sa date de décès affichée dans les collections américaines est "1900" (à 76 ans), sans qu'il soit possible de savoir si cette date est fondée, malgré des échanges avec le J.-P. Getty Museum de Los Angeles.

Lors du décès, à Courbevoie (Hauts-de-Seine), de sa fille Ernestine Louise Marie, veuve Machard (depuis 1900), surveillante d’orphelinat, le 2 septembre 1914, à l’âge de 60 ans, cette dernière est dite "fille de Miguel Aléo et de Marie Gondoin, époux décédés".