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lundi 3 janvier 2022

1213-CANNES - LE QUARTIER DES ANGLAIS AU MILIEU DU XIX° SIÈCLE-2

 

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DERNIÈRE MODIFICATION DE CET ARTICLE : 25/07/2024




CANNES - LE QUARTIER DES ANGLAIS

Le quartier des Anglais est situé à l'ouest de Cannes et du Mont-Chevalier, dans la Vallée du Riou et le Vallon provençal. Il est bordé au sud par une plage de sable fin et dominé au nord par des côteaux dont les sommets sont couverts de pins et les pentes, d'oliviers et d'orangers. 

Le quartier se développe à partir de 1835 et notamment après la vente des terrains de cette zone par l'Etat, au printemps 1849. 

Ses bâtiments emblématiques sont connus par des estampes qui datent au plus tôt de la deuxième moitié des années 1850. Si moins d'une trentaine de constructions apparaissent sur le Plan de Cannes de 1859 (J.-B. Girard, Cannes et ses environs : guide historique et pittoresque, Paris, 1859), ces dernières se multiplient sur les plans suivants. De nombreuses photographies conservées témoignent également de l'évolution des lieux à partir de 1860.

Le quartier des Anglais est traversé d'ouest en est par la route impériale n°97 (route de Fréjus - actuelle avenue du Dr Picaud) qui dessert les principales propriétés (AD06, 10FI 4868/05). Dès 1860, c'est également la voie ferrée qui traverse le quartier, avec un tracé qui suit le rivage puis tourne vers le nord en direction du centre ville, avant de franchir un pont sur le Riou (AD06, 10FI 4868/01).


VOIR LA PREMIERE PARTIE DE CET ARTICLE


IMAGE 1


1 - Photographe anonyme, Cannes, Le quartier des Anglais, détail, fin 1862,
vues stéréoscopiques est-ouest, partie sud,
tirage albuminé de deux vues de 7,4x7,4 cm sur un carton de 17,5x8,6 cm, Collection personnelle.



Cette première photographie (Image 1) peut être datée de la fin de l'année 1862. 

Cette datation est notamment déduite de l'aspect de la Christ Church (Protestant Church, Eglise Anglicane ou Temple Anglais), érigée entre mai et décembre 1855 (rct.uk/collection). La chapelle montre en effet la quatrième travée de nef qui a été ajoutée au nord l'été 1862 mais pas encore les parties orientales qui seront entreprises au printemps 1866.

D'autres indices, comme la présence de la voie ferrée ou l'inscription "Frçs Ramoin Md De Bois" sur le mur attenant à la Scottish Church, confirment cette même période (comparer avec la photographie de Charles Nègre étudiée dans la première partie de cet article).

C'est cependant un tirage panoramique fait de l'assemblage de deux photographies (Collection privée) qui permet d'en préciser la date. Ce tirage montre sur la gauche, une vue identique en tous points à celle ci-dessus mais révèle sur la droite, la partie nord du quartier des Anglais. 

On y distingue notamment l'ancienne chapelle Saint-Roch, érigée en 1821 (à l'emplacement d'une chapelle de même vocable) mais menacée de démolition depuis fin 1859, afin de céder la place au tracé de la voie ferrée. Suite à l'accord du Conseil municipal du 4 mars 1860, cette chapelle située près de l'entrée du tunnel percé dans la partie nord du Mont-Chevalier, sera détruite mais seulement à la fin de l'année 1862. 

Sa reconstruction, entreprise un peu plus au sud, à côté de l'hospice ou hôpital Saint-Jacques, sera entamée en 1864 et la nouvelle chapelle Saint-Roch sera inaugurée le 8 mars 1865 (Revue de Cannes du 4 mars 1865 - chapelle de l'actuelle rue Saint-Dizier).

La photographie étudiée date donc probablement de la fin de l'été ou du début de l'automne 1862, après l'achèvement de la quatrième travée de nef de la Christ Church mais avant les travaux de démolition de la chapelle Saint-Roch.


IMAGE 2 


2 - DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Vue Panoramique (est-ouest), 
Cannes, Le quartier des Anglais, parties sud et centrale, vers 1870,
tirage albuminé de 8,4x22 cm sur un carton de 13,1x28,5 cm, Collection personnelle.



Cette photographie (Image 2), qui révèle un panorama élargi vers le nord, peut être datée vers 1870. Sa datation est notamment déduite : 

- de la présence de la Christ Church qui a été agrandie vers le sud, entre avril et novembre 1866, avec un transept aux croisillons percés d'une rose et une croisée dominée par un clocher pourvu d'une flèche élancée (AD06, 02FI 03798) ;

- de la présence du long bâtiment oblique de l'Hôtel du Pavillon érigé en 1864 au bord de la voie ferrée (Collection privée) qui a été agrandi vers le sud vers 1867-68 (AD06, 47FI 1819) et est dirigé par Emile Gougoltz (Vevey 1834-Cannes 1873).

La photographie date donc au plus tôt de 1867-68 mais c'est l'étude détaillée du Square Brougham (visible sur la gauche de l'image), aménagé sur les terrains de l'ancien Abattoir, qui va permettre d'en repousser la date.


L'ABATTOIR ET LE SQUARE BROUGHAM (actuel Square Frédéric Mistral)

L'Abattoir a été érigé sur les terrains de la Voirie, près de l'embouchure du Riou, entre août 1849 et mai 1850, sous le mandat du maire Marius Barbe (Cannes 1831-Tunis 1895). Son bâtiment principal était situé au sud d'une grande cour cruciforme desservant des bâtiments secondaires à l'est et à l'ouest (Plan de Cannes de 1864, AMC, 1Fi21 ou 1Fi298).

Dès 1860 cependant, avec le développement résidentiel du quartier, le déplacement de l'Abattoir a été envisagé à cause de ses nuisances, une partie des terrains libérés devant permettre la réalisation d'un jardin public. Ce dernier s'inscrivait dans le cadre du grand projet municipal d'une longue promenade reliant les différentes parties de la ville, allant de la Croisette aux Allées, jusqu'au boulevard du Midi.

Un premier projet de réutilisation des terrains de l'Abattoir a été voté le 1er mars 1863. Il a été décidé, afin de financer la construction du nouvel abattoir, qu'une partie des terrains serait vendue et que le jardin serait entouré de lignes de maisons sur trois de ses côtés (sauf au sud). Il a été également décidé que le jardin porterait le nom de "Square Brougham", en témoignage de reconnaissance de la Ville de Cannes envers le premier étranger venu s'établir sur son rivage (Lord Henry Brougham Cowgate 1778-Cannes 1868). 

Un second projet a cependant vu le jour au début de l'année suivante et a été voté le 13 février 1864. La superficie du square a été doublée et les constructions envisagées ont été réduites à ses côtés ouest et nord (plusieurs maisons de luxe ou grand Etablissement de bains)

Le 15 mai 1864, le projet a été à nouveau modifié. Les constructions ont été réduites au seul côté ouest, suite à la demande de MM. Gaymard, André et Perrissol, propriétaires limitrophes cherchant à conserver une vue dégagée sur la mer et s'engageant à verser, en contrepartie, une forte indemnité à la municipalité ; cette dernière s'engageait de son côté à réaliser la démolition de l'Abattoir et la réalisation du jardin sous deux ans. 

La création du square restait donc soumise à la démolition de l'ancien abattoir et à la vente d'une partie de ses terrains mais, au début de l'année 1865, le Dr Henry André (Bourdeaux 1830-Cannes 1873), médecin homéopathe résidant traverse du Rédan (l'un des trois propriétaires limitrophes des terrains de l'abattoir), a défendu le projet d'un jardin à réaliser immédiatement sur la parcelle nue située à l'est de l'Abattoir. Le Dr André souhaitait également qu'après la démolition de l'abattoir tous les terrains soient consacrés à l'agrandissement de ce jardin et qu'aucune construction n'y soit érigée. 

Le projet a fait polémique mais a été soutenu par quelques conseillers municipaux et par la rédaction de la Revue de Cannes. Après plusieurs votes contradictoires, le Conseil municipal a autorisé, le 16 février 1865, le Dr André à entreprendre, à ses risques et périls, la réalisation (nivellement et plantations) du Square Brougham, en s'appuyant sur une souscription publique (Revue de Cannes du 4 mars 1865).

En mars 1865, alors que les dons d'argent mais également d'aides logistiques et de dons de plantes commençaient à être effectués par des personnalités cannoises et des hivernants, les travaux du square ont été entamés. Les travaux de terrassement ont été exécutés en moins d'un mois sous la direction de l'entrepreneur Bastien Laugier. Le détail du plan des allées et des massifs du jardin a été redessiné début avril par Victor Petit (Troyes 1817-Aix-les-Bains 1871). La municipalité a ensuite voté le 20 avril, l'installation de prises d'eau pour l'arrosage et d'une borne fontaine (installées après mai 1865). 

Les dons se sont ensuite faits plus rares et seulement le tiers de la somme escomptée a été perçu. La somme a cependant été suffisante pour achever les travaux du square vers juin 1865 (Revue de Cannes du 4 février au 20 mai 1865 ; Journal de Nice du 17 juin 1865 ; E. Lee, The Health Resorts of The South of France, 2ème édition, 1865 p 57 ; Victor Petit, Cannes, Promenades des Etrangers dans la ville et ses environs, 1868 pp 275-276). 

Le jardin, entouré de haies doublées de barrières en bois et constitué d'allées desservant des massifs précédés de bancs, est rapidement devenu un lieu apprécié de promenade et de repos, une oasis de fraîcheur et d'ombre à proximité immédiate de la plage. A ce jour, aucune photographie connue ne montre cependant l'Abattoir et ce premier état du square.

Le délai de démolition de l'Abattoir a été prorogé, lors du Conseil municipal du 17 mai 1865, avec l'accord des trois propriétaires cités. L'achat du terrain destiné au nouvel abattoir, situé au quartier du Devens, au nord de la route de Fréjus (à La Bocca), n'a eu lieu qu'en décembre 1865 et l'adjudication des travaux qu'en janvier 1866. 

Notamment du fait du projet d'alignement de décembre 1865, destiné à redresser le lit du Riou en réduisant les terrains de l'Abattoir, le Conseil municipal du 17 juin 1866 a décidé que ces terrains ne seraient pas vendus comme il était initialement prévu mais qu'ils complèteraient ceux du Square Brougham. 

L'extension du square est restée soumise à l'inauguration du nouvel abattoir qui semble avoir eu lieu vers septembre 1866 puis à la démolition de l'ancien abattoir à l'extrême fin de l'année, la municipalité ayant décidé le 18 octobre 1866 de sa démolition en régie, afin d'en réutiliser les matériaux. 

Le projet d'endiguement du Riou au sud du square a été voté le 31 juillet 1867 et exécuté dans les mois suivants. Le 21 novembre 1867, il est décidé que le terrain en friche restant disponible sera nivelé et complanté afin d'achever le Square Brougham (plantations probablement réalisées début 1868).

Un projet de fontaine décorative à gerbe d'eau, "modeste, mais gracieuse, fine, charmante", destinée au square a également vu le jour l'été 1867, en parallèle de celui des fontaines des Allées (Revue de Cannes du 1er juillet et du 15 septembre 1867). Le projet a ensuite été validé et l'installation de la fontaine s'est faite sur un rond-point oriental du square dans les mois suivants (les fontaines des Allées étant pour leur part installées en mars 1868 puis mises en eau et inaugurées en juillet ; AMC, 3Fi685 ; Archivi Alinari, 209538)

La Société horticole et agricole de Cannes est chargée de l'entretien du Square Brougham début 1868 (comme des plantations des Allées - Conseil municipal du 19 février 1868).

Suite au décès de Lord Brougham à Cannes le 7 mai 1868, un monument est envisagé à sa mémoire. Une souscription publique est ouverte (Revue de Cannes du 03 janvier 1969) mais, le projet faisant polémique, les sommes recueillies sont insuffisantes, ne couvrant que le socle, le piédestal et l'entourage du monument. Un magistrat français, qui a souhaité rester anonyme (il s'agit en fait de Toussaint Joseph Borély/Borrely [Sisteron 1788-Aix-en-Provence 1875], ancien procureur général à Aix-en-Provence), a cependant fait exécuter à ses frais un buste en marbre de Lord Brougham par le sculpteur Louis Veray (Barbentane 1820-Barbentane 1891). 

Le 8 janvier 1870, le Conseil municipal décide que le monument sera placé dans le Square Brougham. Le monument y est en effet installé lors des semaines suivantes, dans le rond-point occidental symétrique à celui de la fontaine (Plan de Cannes de 1871, AMC, 1Fi105)L'inauguration de ce mémorial, initialement prévue le dimanche 27 février, est cependant repoussée du fait du mauvais temps de ce jour-là et la nouvelle date retenue n'est pas connue (Revue de Cannes du 27 février et du 3 mars 1870).


- Mémorial élevé à Lord brougham dans le square éponyme,
estampe éditée au début de l'ouvrage de Ferdinand Jacob, 
Cannes en Poche - Saison 1876-1877 - Guide historique de Cannes et ses environs
Cannes, 1876 (GoogleBooks).




Une photographie antérieure à l'Image 2, datable de 1868, est conservée aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes (AD06, 47FI 1819 et détails 1816, 1817 et 1818). Elle montre notamment la présence d'échafaudages sur l'extension sud du Grand Hôtel du Pavillon entreprise fin 1867-début 1868, la fontaine décorative installée dans le Square Brougham à la même époque mais pas encore le Mémorial de Lord Brougham.

Dans la photographie étudiée (Image 2), c'est justement la présence visible du Mémorial de Lord Brougham installé dans le Square Brougham au début de l'année 1870 qui en repousse la datation. La prise de vue date probablement du cours de l'année 1870 car elle ne montre pas un bâtiment (voir plus bas) représenté sur le Plan de Cannes de 1871 (AMC, 1Fi105).

Des concerts de musique sont envisagés au Square Brougham dès la fin de l'année 1865 (Revue de Cannes du 15 décembre 1865) et attestés dès novembre 1868. L'installation d'un kiosque est dès lors demandée à la municipalité (Revue de Cannes du 5 novembre, 22 novembre et 13 décembre 1868). Les concerts ont lieu le mercredi après-midi, à quelques mètres au sud-ouest de la fontaine décorative, dans un rond-point qui devra par la suite être agrandi et, à défaut de kiosque, pourvu d'une estrade (Les Echos de Cannes du 17 octobre 1874).

La Cavalcade Cannoise (initiée en 1869) passe dès mars 1874 par le Square Brougham (Album De Bray, AMC 8Fi62, vue 5).

La végétation du square se développe rapidement et devient "presque une forêt" (Le Courrier de Cannes du 24 juin 1877), ce qui est confirmé par les photographies contemporaines.

Fin 1877, lors de la préparation des "Fêtes du Centenaire de Lord Brougham", la municipalité commande au statuaire parisien Paul Liéniard (Paris 1841-Cannes 1900) un sujet allégorique destiné aux Allées, réutilisant le buste du square (Conseil municipal du 21 novembre 1877). 

Le groupe doit être composé d'une figure en pied représentant la Ville de Cannes, avec un pied posé sur la base d'une colonne surmontée du Buste de Lord Brougham. Avec la nouvelle équipe municipale, le projet est cependant modifié en 1878, avec la commande d'une statue en pied de Lord Brougham, le buste restant au square (Conseil municipal du 13 mai 1878).

Le Square Brougham va hériter, en mars 1881, de l'ancien Kiosque à Musique des Allées (suite au projet municipal du 19 mai 1879) : "les travaux en exécution au kiosque du square Brougham sont poussés activement et pour le 15 avril, la musique pourra s'y faire entendre" (Le Petit Niçois du 21 mars 1881).

Le 21 avril 1881, le Conseil municipal décide que le Buste de Lord Brougham "qui tous les jours subit de sérieuses dégradations sera transporté prochainement dans le Musée de la ville" (à l'Hôtel-de-Ville). 

Les barrières en bois du square, signalées en mauvais état depuis 1870 (Revue de Cannes du 30 janvier 1870), seront remplacées par des murs de clôture, suite à la décision municipale du 27 septembre 1882.


IMAGE 3


3 - DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Vue panoramique (est-ouest), 
Cannes, Le quartier des Anglais, partie sud, détail, vers 1870,
 tirage albuminé d'environ 8,4x22 cm sur un carton de 13,1x28,5 cm, 
extrait de l'album, Souvenir de Voyage - Février 1876, fol.7r, Paris, BnF (Gallica).



Cette photographie (image 3) est l'œuvre du même photographe que l'image précédente, est contemporaine de cette dernière (1870) et n'en diffère que par quelques détails (volets et fenêtres ouverts ou fermés). Cependant son cadrage, davantage orienté vers le sud-est du quartier, permet de révéler le Square Brougham dans son intégralité. 

Le détail sélectionné de l'image permet de découvrir en effet le plan du jardin avec la fontaine située à l'est et le mémorial à l'ouest mais également de mieux distinguer les bâtiments qui entourent le jardin et notamment ceux de l'Hôtel du Square Brougham.


L'HÔTEL ET PENSION DU SQUARE BROUGHAM (actuel emplacement de l'Hôtel Belle Plage)

"L'Hôtel du Square Brougham" est cité à partir de juillet et août 1866 dans de petites annonces de mise en location passées par le Dr André propriétaire, dans le Journal de Nice


- Annonce parue dans le Journal de Nice du 19 juillet 1866,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes.



C'est ensuite, "l'Hôtel et Pension du Square Brougham" qui est cité dans la Revue de Cannes du 17 novembre 1866. Il occupe deux bâtiments accolés nord-sud plus anciens, antérieurs à 1864, érigés au nord-est du Square Brougham (Plan de Cannes de 1864, AMC, 1Fi21 ou 1Fi298). Le bâtiment le plus méridional est constitué de trois niveaux et aligne cinq baies sur sa façade sud et quatre à l'est.

L'Hôtel est situé à l'angle sud-ouest de la traverse du Rédan, précédé de son propre jardin. Son nom est inscrit sur ses façades est (AD06, 47FI 1817) et sud (AMC, 2Fi2049 ou AD06, 47FI 1809). Il est à noter que la "traverse du Rédan" est le nom attribué le 1er novembre 1857 à l'ancienne "traverse de l'Abattoir" dont l'alignement avait été décidé le 11 février 1855. L'hôtel a été en fait installé dans la demeure du Dr André. 

Jean Daniel Henry André, fils aîné d'un pasteur, est né le 19 décembre 1833, à Bourdeaux, près de Montélimar (Drôme). Il est parti vivre avec sa famille à Oran (Algérie) au milieu des années 1840. Il a ensuite fait des études de médecine, s'est marié en 1859, à l'âge de 25 ans puis s'est installé à Cannes où ses parents s'étaient retirés et où il est lui-même signalé dès 1863 (Annuaire-Almanach Firmin & Didot, 1864). 

Dans cette ville, il a installé sa demeure et son cabinet, traverse du Rédan. Il acheté la maison nord existante et semble avoir fait construire la maison sud. Il est probable qu'une partie des bâtiments aient été, dès lors, destinés à la location saisonnière, voire à un établissement de cure, avant de devenir l'Hôtel du Square Brougham en 1866. Le Dr a délégué la partie hôtellerie pour se concentrer sur l'Institut médical.

Le Dr André a choisi une ville de cure ensoleillée et un emplacement au bord de la mer, dans un quartier résidentiel en plein développement. Il a versé une indemnité à la municipalité afin d'empêcher la constructions de maisons face à sa propriété, a ouvert une souscription et fait aménager le Square Brougham.

Les publicités pour l'hôtel signalent sa pension pour familles, ses prix modérés, ses bains de mer et ses bains dans l'hôtel, sa proximité du Square Brougham et du boulevard du Midi, sa vue plein sud sur la mer, les Îles de Lérins et le Massif de l'Estérel.

Fin 1868, le Dr André édite un ouvrage consacré à son Institut médical d'homœpathie (sic) & d'électricité.


- Annonce parue dans la Revue de Cannes du 29 novembre 1866,
Archives Municipales de Cannes..



Le 8 janvier 1873, le Dr André décède malheureusement à cette adresse, à l'âge de 39 ans. Quelques jours avant son décès, un article du Courrier de Cannes célébrait son établissement, "cette ravissante construction, érigée en hôtel", "le confortable", "un service parfaitement organisé", "une vue magnifique" et sa "situation (...) exceptionnelle ; abrité de tous les côtés, n'ayant pas à souffrir du Mistral qui ne peut l'atteindre, recevant les rayons bienfaisants du soleil, tout en pouvant offrir de l'ombre à ses hôtes, il n'est pas de position plus agréable pour une personne qui vient à Cannes, dans un but de santé" (Le Courrier de Cannes du 1er janvier 1873 p 2).

Si le nom du premier maître d'hôtel n'est pas connu (M. Jaunin ?), le maître d'hôtel suivant est l'un des frères du docteur, Théophile André (Bourdeaux 1833-Alger après 1920). Ce dernier est revenu d'Oran (Algérie) où il exerçait une toute autre profession, pour s'installer à Cannes fin 1870 ou tout début 1871. 

Il est en effet encore cité à Oran lors de la naissance de son troisième enfant le 3 avril 1870 mais est ensuite présent dans la liste électorale de la Ville de Cannes du 29 avril 1871. Il restera à Cannes jusqu'en 1881 (listes électorales), l'année du décès de sa belle-sœur et veuve du Dr André, avant de vendre l'hôtel le 1er janvier puis de retourner définitivement en Algérie, avec sa famille.


- Annonce légale parue dans Le Phare du Littoral du 16 janvier 1881,
Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes.

L'initiale du prénom cité, "C.", ne semble pas correspondre au maître d'hôtel 
"Gabriel Louis Alexandre Théophile" André.



L'Hôtel n'est étrangement plus cité ensuite (Annuaires des Alpes-Maritimes de 1884 à 1886) mais est probablement loué comme hôtel ou jusqu'à la date de sa vente, le 25 mai 1886, à Jean Dollfus (Mulhouse 1800-Mulhouse 1887) (Archives de Médecine des Enfants, décembre 1904, pp 705 et ss.). 

Ce dernier y établit l'Asile Dollfus, un hôpital maritime genevois pour enfants scrofuleux (prédisposés à la tuberculose) qui ouvre en octobre de la même année (AMC, 2Fi1876). La "traverse du Rédan", devenue la "rue du Rédan", prend d'ailleurs, dès 1888, le nom de "rue Jean Dolfus" (sicqu'elle conserve actuellement (Annuaire des Alpes-Maritimes de 1889).


IMAGE 4



4 - DEGAND Eugène (1829-1911),
West Bay - Cannes 1875 (titre manuscrit), vers 1871-1875,
vue panoramique est-ouest, vue globale,
tirage albuminé datant de 22,2x9,5 cm, Collection personnelle.
Des tirages de cette même prise de vue se retrouvent sur des formats Carte de visite et Cabinet qui portent au verso les tampons du photographe identifiant soit les années 1874-1877, soit les années 1878-1883. La prise de vue est cependant antérieure à la date de "1875" mentionnée par l'acheteur sur le tirage ci-dessus.

 

Cette photographie (Image 4) est postérieure aux deux vues précédentes datées de 1870. Elle montre la présence du Mémorial de Lord Brougham (installé en février 1870) mais un état de la végétation plus avancé. La prise de vue est, en l'attente de repères plus précis, à envisager entre la date de 1871 et celle de "1875", inscrite par l'acheteur sous la photographie.

Avec un panorama élargi vers le nord, elle révèle notamment le Château de Sainte-Ursule (érigé entre 1852 et 1856), appelé également Château du Riou, Château Vallombrosa ou Château des Tours. 

Du côté sud, la photographie montre la ligne de palmiers bordant la plage, le long du récent prolongement du boulevard du Midi, réalisé depuis le Square Brougham jusqu'à la voie ferrée entre 1870 et 1873 (Courrier de Cannes du 23 octobre 1873). C'est là que Joseph Brun installe ses cabines de bains à la belle saison (Courrier de Cannes du 2 juillet 1874). C'est cependant l'apparition d'un tout nouveau bâtiment, élevé à proximité, la Parfumerie Jeoffroy, qui focalise l'attention. 


LA PARFUMERIE JEOFFROY (actuelle Villa Saint-Henri, avenue Laugier)

La Parfumerie impose sa présence sur un terrain situé à l'ouest du Square Brougham, entre la voie ferrée, le rivage et l'embouchure du Riou. Le bâtiment est constitué de trois niveaux percés de 6 baies sur son côté nord et de 4 baies sur son côté est. Il est précédé au sud-est par un petit bâtiment bas pourvu d'une terrasse. 

L'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1865 ne signale aucune parfumerie dans le quartier ouest de Cannes. Dans un article de la Revue de Cannes du 15 septembre 1867, Victor Petit cite la construction d'une fabrique de parfumerie qu'il voit d'un mauvais œil s'implanter dans le quartier mais n'en donne pas le nom. Le Tableau synoptique de la Ville de Cannes, publié dans Le Courrier de Cannes du 31 décembre 1871, liste seulement deux parfumeries, situées le long de la route de Fréjus, la Parfumerie Mounier Fils au Riou et la Parfumerie Lubin à La Bocca (tenue par Félix Prot). 

La Parfumerie Jeoffroy reste globalement absente des documents des années 1870. Elle apparaît sur des photographies mais sans qu'aucune d'entre elles ne la montre en construction. Elle est cependant représentée et nommée ainsi sur le Plan de Cannes de 1871 (AMC, 1Fi105). 

Sa date de construction est donc à situer entre février 1870, date de l'installation du Mémorial de Lord Brougham visible sur les photographies ci-dessus, et 1871 (date du plan).

Les plans des années suivantes la désignent sous le nom de Parfumerie Jouffroy" (sic) (vers 1873, AMC, 1Fi34), "Maison Jeoffroy" (vers 1878, BnF), "Villa Geoffroy" (sic) (vers 1880, AMC 1Fi327 ; 1884, AMC, 1Fi128) et "Geoffroy" (1888, BnF).

Avant 1884 (entre 1880 et 1884 ?), un champ (de fleurs à parfum ?) entouré de murs et bordé de constructions basses, s'ajoute sur le côté nord de la villa, alors qu'un grand jardin, desservi par des allées et des ronds-points, est aménagé jusqu'au rivage, avec rochers, rivière et plans d'eau artificiels (Plan de Cannes de 1884, AMC,1Fi128).

La parfumerie n'a peut-être fonctionné qu'une partie des années 1870, avant de devenir la Villa Geoffroy. Dans les années 1880, la villa semble un lieu de location et de résidence pour les étrangers (Listes des Etrangers logés en Villas, Les Echos de Cannes du 7 novembre 1880, du 5 décembre 1882, des 31 octobre, 13 novembre et 18 décembre 1887). 

Ce nom de famille (Jeoffroy/Geoffroy) est peu répandu sur Cannes. Si les quelques hommes contemporains qui le portent ne semblent correspondre ni par leur profession ni par leur adresse, ils sont cependant parfois également propriétaires. La seule mention certaine se trouve dans un article de 1886 où "Mme Geoffroy" est citée dans la liste des propriétaires qui financent la construction du mur de soutènement du chemin desservant le vallon du Riou et venant aboutir au boulevard du Midi (Le Littoral du 1er novembre 1886).

En 1894, la Villa Geoffroy devient la Villa St. Henri (sic) (Annuaire des Alpes-Maritimes de 1895 ; Plan de Cannes de 1899, BnF). Elle est transformée en un immeuble résidentiel en copropriété et pourvue, sur sa façade nord, vers 1898, d'une grande tour desservant les étages (AMC 10Fi575 et 10Fi574).



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