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dimanche 7 décembre 2025

1429-BARTHÉLEMY THALAMAS, PHOTOGRAPHE À TOULOUSE PUIS PARIS


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- THALAMAS Barthélemy (1810-1873), Portrait de jeune fille, "âgée de 18 ans", 
recto, Toulouse, sans date, daguerréotype, 
Mairie de Toulouse, Archives municipales, 17Fi17.

 


BARTHÉLEMY THALAMAS, PHOTOGRAPHE (Note 1)

À TOULOUSE PUIS PARIS 


CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ EN COLLABORATION 

AVEC UN DESCENDANT DE SA FAMILLE



BIOGRAPHIE


Sainte-Colombe-sur-l'Hers


Barthélemy Thalamas (parfois orthographié par erreur, "Talamas" ou "Talamar") est né le 7 mars 1810, "rue du pont", à Sainte-Colombe-sur-l'Hers (Aude). 

Il est l'un des enfants de Joseph Thalamas (1776-1845), ouvrier en peignes (en corne ou en bois) et ajouteur d'esclapes et de Marie Rose Malicamp (1778-1848), épitoyeuse/époutieuse (ouvrière en textile), qui se sont mariés dans cette commune, le 24 juillet 1803 (5 Thermidor An XI).

Rien n'est connu de l'enfance et de l'adolescence de Barthélemy. Il s'engage ensuite dans l'armée.

Âgé de 26 ans, "caporal du 15ème Régiment d'Infanterie, retiré dans ses foyers en vertu d'un congé illimité", il épouse à Sainte-Colombe, le 9 août 1836, Marie Célestine Ribeiro/Ribeyro/Ribero, 23 ans (née le 7 juillet 1813 à Grenoble, Isère, de parents portugais), enceinte de 5 mois.

Le couple réside à Sainte-Colombe et leur fille, Marie Rose Joséphine Thalamas, naît le 13 décembre 1836, dans la maison familiale, "rue du pont".


2- THALAMAS Barthélemy (1810-1873), Portrait de jeune femme entourée d'enfants, recto, Toulouse, sans date, daguerréotype, 
Mairie de Toulouse, Archives municipales, 17Fi19.



Toulouse


En 1837 ou 1838, Barthélemy Thalamas déménage, avec femme et enfant, dans la ville de Toulouse (Haute-Garonne), située à 120 km au nord de son village.

Sa fille Marie Joséphine, âgée de 20 mois, décède cependant le 24 août 1838, à Sainte-Colombe, dans la maison de son grand-père, "Joseph Thalamas, 62 ans, rue du pont"

A cette date, Barthélemy Thalamas est dit, "commis de bureau". Son épouse Marie Célestine, "sans profession", est de nouveau enceinte. Elle accouche malheureusement d'un fils mort-né, le 4 février 1839, à leur domicile toulousain de la "rue des Régans, 18" (quartier des Carmes). Dans l'acte de décès, Barthélemy est dit, "employé".

Rien n'est connu des trois années suivantes de la vie du couple mais, en 1842, Barthélemy ne réside plus avec son épouse. Cette dernière est décédée (mais son acte de décès n'a été retrouvé ni à Toulouse ni à Sainte-Colombe) ou bien a quitté la ville (Note 2).

Âgé de 32 ans, Barthélemy vit désormais avec une nouvelle compagne, Roze/Rose/Rosalie Piffré/Piffre/Pifre, 33 ans, couturière (née le 24 janvier 1809, à Saint-Affrique, Aveyron).

Cette dernière donne naissance, le 12 juillet 1843, à Honorine Clotilde Piffre puis, le 29 mars 1847, à Françoise Antoinette Piffre, chacune étant déclarée, "de père inconnu".

L'acte de naissance de 1843, précise cependant l'adresse de la "rue Pont de Tounis, 6" (quartier des Carmes), avec comme témoin, Barthélemy Thalamas, désormais "horloger", cité à la même adresse. 

L'acte de naissance de 1847, donne l'adresse de la "place de la Trinité, 15" (toujours au quartier des Carmes) et si Barthélemy n'est cette fois pas cité, cette même adresse est cependant présente, dès cette époque, sur les étiquettes collées au revers de daguerréotypes à son nom.

Ceci permet de penser que Barthélemy s'est formé à la photographie entre 1843 et 1847, a ajouté cette nouvelle activité professionnelle à celle d'horloger, avant de déménager place de la Trinité pour un local plus adapté où il s'est exclusivement consacré à la réalisation de "Portraits au Daguerréotype". 

Une petite annonce à son nom paraît d'ailleurs à Pézenas (Hérault), dès 1845, proposant, dans "une des Cours du Collège", des portaits coloriés au Daguerréotype (Le Languedocien du 21 septembre 1845). 

Cette publicité atteste non seulement de son activité de photographe mais également de son itinérance de fin d'été, à plus de 200 km à l'est de Toulouse (Image 3).


3- Publicité de Barthélemy Thalamas parue dans
Le Languedocien du 21 septembre 1845 (Paris, BnF, Gallica).


Une annonce de novembre 1849, précise désormais qu'il est associé,à Toulouse, pour les semaines précédant les fêtes, au photographe de passage Lucien Barbou (Note 3), et qu'ensemble ils proposent des épreuves sur papier et sur plaque et exposent à la librairie Jougla (rue Saint-Rome, 46) et chez "M. Bedec (sic)" (M. Bedel, encadreur et marchand d'estampes), "rue des Arts, 4" (Journal de Toulouse des 21 et 25 novembre 1849) (Image 4).


4- Publicité de Barthélemy Thalamas parue dans le
 Journal de Toulouse des 21 et 25 novembre 1849 (Retronews).


L'adresse affichée (atelier et domicile) est désormais, "Rue de la Trinité, 15", autre dénomination de la même maison, située dans la rue longeant la place du même nom. Ces deux appellations sont d'ailleurs tour à tour employées dans les journaux pour désigner cette maison dans la fin des années 1840.

Cependant, dans les textes spécifiquement rédigés par Barthélémy Thalamas (publicités et étiquettes), l'emploi du mot "Place" s'avère le plus ancien. Il se voit remplacé par le mot "Rue" vers 1850, ce que vient confirmer l'évolution des prix de ses portraits, affichés sur les étiquettes consultées (voir plus bas). 

En avril 1850, il fait paraître une nouvelle annonce proposant des portraits de grande dimension, réalisés avec un nouvel objectif achromatique (fournissant des images plus nettes permettant des agrandissements), et se revendique à cette occasion, comme "l'un des premiers" (dès 1843-1844 ?) à avoir réalisé des portraits photographiques à Toulouse (Gazette du Languedoc des 12, 16, 23 et 30 avril 1850 et des 7, 14 et 19 mai 1850, tout d'abord sous le nom de "Talamar (sic)puis sous celui de "Thalamas") (Image 5).


5- Publicité de Barthélemy Thalamas parue dans la
 Gazette du Languedoc des 12, 16, 23 et 30 avril 1850 et des 7, 14 et 19 mai 1850 (Retronews).



"Barthélémy Thalamas, daguerréotypeur à Toulouse, rue de la Trinité, 15", participe ensuite à l'Exposition des Produits des Beaux-Arts et de l'Industrie de Toulouse, lors de l'été 1850 (1er juillet-15 septembre). 

Il y présente "des portraits qui joignent au fini de l'exécution, une ressemblance parfaite" et lui valent "une mention honorable" (Exposition des Produits des Beaux-Arts et de l'Industrie à Toulouse dans les galeries du musée, à Toulouse, le 30 juin 1850, Impr. A. Chauvin et Comp., 1850, p. 77 et 1851, pp. 243-244 ; Distribution des récompenses le 16 février 1851, Journal de Toulouse du 17 février 1851).

Ses noms et adresse sont ensuite cités à Toulouse, "Rue de la Trinité, 15", dans le Guide toulousain ou Annuaire général de la Haute-Garonne pour 1852 (paru début 1852), d'une part à la rubrique professionnelle des "Portraits au Daguerréotype" et, d'autre part, dans un grand encart publicitaire (p. 38) comprenant le rapport du Jury de l'Exposition de 1850 (Image 6).


6- Publicité de Barthélemy Thalamas parue dans
le Guide toulousain ou Annuaire général de la Haute-Garonne pour l'année 1852, p. 38,
Paris, BnF.


En avril 1853, une annonce parue à Saintes (Charente-Maritime) révèle qu'il opère dans cette ville, quai des Frères, et expose sur le Cours, pendant trois semaines environ (L'Indépendant de la Charente-Inférieure des 17 mars et 3 avril 1853) (Image 7). 


7- Publicité de Barthélemy Thalamas parue à Saintes dans 
L'Indépendant de la Charente-Inférieure des 17 mars et 3 avril 1853 (Retronews).



Il continue donc son itinérance, cette fois au printemps et à plus de 350 km au nord-ouest de Toulouse.

Cette itinérance fait probablement partie de son activité professionnelle régulière, même si peu de traces en témoignent. Cependant, ce passage à Saintes interroge car c'est la dernière trace de Barthélemy Thalamas dans la moitié sud de la France. 

La date précise où il quitte définitivement Toulouse reste par ailleurs inconnue. Son nom n'est pas cité dans l'Annuaire de la Haute-Garonne et de l'Ariège de 1853, ce qui implique que rien ne prouve que c'est depuis la ville de Toulouse qu'il rayonne en Charente-Maritime en mars-avril 1853 (la recherche sur Bordeaux n'a rien donné).

Il précise d'ailleurs dans sa petite annonce de Saintes, qu'il "démontrera son procédé et vendra son Daguerréotype avec tous ses accessoires, pour cause de départ" (Image 7). 

C'est ensuite à Paris que de nouvelles preuves de l'activité de Barthélémy Thalamas vont être découvertes mais sans qu'il soit possible d'attester de sa présence dans la capitale avant 1860. 

Cela induit plus de questions que de réponses :

- A-t-il quitté Toulouse dès 1852 ou seulement vers 1853-54 ? 

- A-t-il seulement changé de Daguerréotype en 1853 ou stoppé, pour quelques années, son activité de photographe ? 

- Dans quelle(s) nouvelle(s) ville(s) a-t-il été domicilié entre 1852 et 1860 ? A quelle date s'est-il installé à Paris ?


Paris


Aucun extrait de journal (publicités, expositions) ou d'annuaire (adresses, publicités) ne documente la vie et la carrière de Barthélemy Thalamas à Paris.

Les preuves de sa présence dans la capitale sont essentiellement fournies par la présence du nom de la ville imprimé sur quelques étiquettes collées au dos de ses daguerréotypes (Image 13). 

Il fréquente, parallèlement, le département de la Haute-Marne :

- le nom d'un imprimeur de la ville de Chaumont est inscrit au bas de l'une de ses étiquettes parisiennes (vente Koller, ici).

- il opère, en 1861, dans la ville de Langres (nouvelle preuve d'itinérance), place Saint-Ferjeux, chez Bouguerey-Rebilly, comme l'a révélé Hubert Déchanet (Note 1c).

Barthélemy Thalamas semble avoir épousé sa compagne et, peut-être, reconnu ses deux filles à cette occasion mais l'acte de mariage n'a pas été retrouvé et reste notamment absent des registres d'état civil de Toulouse, de Sainte-Colombe et de Paris.

Les seuls actes parisiens retrouvés sont ceux du décès de Barthélemy et de Rose.

"Barthélemy Thalamas, âgé de 62 ans [63 ans], photographe, demeurant à Paris, avenue de Clichy 166" (changement de numérotation ou d'adresse ?), est décédé le 2 juin 1873, à l'asile d'aliénés de Ville-Evrard (ouvert le 1er janvier 1868, sur la commune de Neuilly-sur-Marne, Seine-Saint-Denis).

Rose Piffre, "veuve de Talamas (sic)", est pour sa part décédée le 10 juillet 1893, à l'âge de 84 ans, à Paris, "rue Boulay, 3" (à l'angle de l'avenue de Clichy, 17ème arrondissement) et a été inhumée dans une sépulture temporaire de 5 ans, au Cimetière voisin de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).



DAGUERRÉOTYPES 


Le corpus


24 daguerréotypes de Barthélémy Thalamas, noirs ou "coloriés" (cités dès sa publicité de 1845, Image 3), sont connus et offrent, tous, des Portraits individuels ou de groupes. 

Le photographe est longtemps resté fidèle aux épreuves sur plaque de cuivre argenté, comme en témoigne le daguerréotype de la BnF daté de "1862" (Images 13 et 14). 

Dès fin 1849, il a parallèlement proposé des épreuves "sur papier" mais il est vrai que c'est à l'époque où il s'est associé à Lucien Barbou (Image 4). 

Le renouvellement de cette même offre toulousaine n'apparaît que sur son encart publicitaire de l'Annuaire de Haute-Garonne pour 1852 (Image 6), avant de gagner l'ensemble de ses étiquettes parisiennes (Imagee 13).

Aucune épreuve de ses Portraits "sur papier ou sur glace(s)", mais également de ses "Vues", "Reproductions de Tableaux" et "Portraits après décès" sur plaque, sur papier ou sur glace, ne semble actuellement connue (Note 4).

Ses daguerréotypes sont essentiellement conservés :

- à Toulouse : 13 aux Archives municipales, ici; 1 au Musée du Vieux Toulouse ;

- à Paris : 1 à la B.n.F., ici ; 2 au Musée d'Orsay, ici et ici ; 1 à la Société Française de Photographie ; 

- en Espagne (2, dans la Kutxa Fundazioa à Donostia-San Sebastian, Pays Basque, ici et ici ; 

- aux États-Unis : 1 au George Eastman Museum de Rochester, État de New York, ici

- plusieurs sont référencés sur des sites de vente en ligne : 1, De Baecque et associés, France, 2011, lot n° 5, ici ; 1, Drouot, France, 2012, lot n° 4, ici ; 2, Koller Auktionen Zürich, 2021, ici ; 2, Sturgis Antiques, Baltimore, Maryland, Etats-Unis, 2025, ici ;

- d'autres, non référencés, sont probablement conservés dans des Collections privées.

Sur les 24 daguerréotypes consultés, 20 ont été réalisés à/depuis Toulouse et 4 seulement à/depuis Paris (1 à la BnF ; 1 vente Drouot ; 1 vente Koller : 1 vente Sturgis).


Les étiquettes toulousaines


L'étiquette, de dimensions variables, collée au verso des daguerréotypes, comporte un texte plus ou moins long. Ce dernier est soit réduit dans une nouvelle impression qui n'en conserve qu'une partie, soit carrément amputé de sa partie haute ou basse.

Ces étiquettes présentent le plus souvent l'adresse toulousaine du photographe, "Place de la Trinité, 15" ou "Rue de la Trinité, 15"

Ces deux adresses, qui renvoient à la même maison (comme explicité plus haut), ne correspondent pas obligatoirement au même appartement. 

En effet, alors qu'une étiquette de la "Rue de la Trinité, 15", datée de "1851", cite l'appartement "au 4éme" étage (Image 11), une publicité parue dans l'Annuaire de la Haute-Garonne pour 1852, précise pour sa part, "au Troisième" (Image 6).


8- THALAMAS Barthélemy (1810-1873), Portrait de jeune femme entourée d'enfants
Toulouse, sans date, étiquette du verso de l'Image 2, daguerréotype, 
Mairie de Toulouse, Archives municipales, 17Fi19.



Le texte, qui est retranscrit ci-dessous, est celui des étiquettes qui affichent l'adresse "Place de la Trinité, 15" mais ne portent pas le nom du photographe (Image 8). Les variantes indiquées entre crochets sont celles des étiquettes qui affichent l'adresse de la "Rue de la Trinité, 15", avec cette fois le nom du photographe (Image 9) :

"PORTRAITS AU DAGUERREOTYPE - N'importe le temps [beau, pluie, vent, etc., etc.]. Obtenus en quelques secondes et [&] au plus haut degré de perfection sans miroitage par un nouveau procédé [pouvant supporter le frottement sans altérer les traits. 

Par THALAMAS Bmy].

Les prix varient suivant la grandeur depuis 4 jusqu'à 20 frcs. [depuis 6 jusqu'à 20 frcs.], garantis fixés au chlorure d'or ce qui les rend inaltérables pleins de vigueur et [&] d'un beau colori (sic).

Vues, reproductions de Tableaux, gravures, objets d'art et portraits après décès. l'artiste se transporte à domicile à la demande des personnes. Tous les portraits ne seront livrés que lorsque les personnes seront [très] satisfaites. FONDS VARIÉS [AU CHOIX DE L'AMATEUR]".


9- THALAMAS Barthélemy (1810-1873), Portrait d'homme âgé
sans date, Toulouse, étiquette du verso, daguerréotype, 
Mairie de Toulouse, Archives municipales, 17Fi20.



François Bordes a, dès 2016 (Note 1e), reproduit trois autres types d'étiquettes affichant l'adresse de "Rue de la Trinté, 15"

- le preemier (Image 10) célèbre uniquement, dans un format horizontal, "l'Exposition de 1850", avec la "Mention Honorable" obtenue (sous forme de médaille) et le rapport du jury correspondant (d'une manière proche de la publicité parue dans l'Annuaire pour 1852 - Image 6).

- le deuxième (Image 11) reprend des passages du texte retranscrit ci-dessus, dans un cadre horizontal aux angles ornés, avec un médaillon ovale, contenant une figure masculine sur la gauche et féminine sur la droite (ce type apparait sur un daguerréotype daté de "1851" ) ;

- le troisième (Image 12) repend les mêmes extraits, dans un encadrement vertical fait de guirlandes de fleurs peuplées de figures allégoriques et réalistes, avec une en-tête annonçant des prix de "8. 12. 20.Fr.".


10- THALAMAS Barthélemy (1810-1873), Portrait de jeune femme,
sans date, Toulouse, étiquette du verso, daguerréotype, 
Mairie de Toulouse, Archives municipales, 17Fi11.

11- THALAMAS Barthélemy (1810-1873), Portrait d'homme, daté de "1851",
Toulouse, étiquette du verso, daguerréotype, 
Mairie de Toulouse, Archives municipales, 17Fi4.

12- THALAMAS Barthélemy (1810-1873), Portrait d'homme
sans date, Toulouse, étiquette du verso, daguerréotype, 
Mairie de Toulouse, Archives municipales, 17Fi33.



Les étiquettes parisiennes


Le texte retranscrit ci-dessous est celui des étiquettes affichant, "De Paris - Rue..." (sans autre précision) (Image 13 et vente Sturgis Antiques, ici), avec, entre crochets, les variantes du texte portant, "avenue de Clichy, 99, Batignolles, Paris" (vente Koller, n° 2, ici).

" NOUVEAU PERFECTIONNEMENT - pour la durée - DES PORTRAITS - PHOTOGRAPHIQUES - SUR ARGENT - Par le fixage au chaud du mercure avec le Sel d'or.

(autre variante due à la présence de deux tampons circulaires encadrant les mots, "DES PORTRAITS PHOTOGRAPHIQUES, avec à gauche "MENTION - Honorable" et à droite, "EXPOSITION", référence à celle de Toulouse, en 1850) 

Plus de crainte de voir effacer dans peu de temps - la personne qu'on aime ! un père ! une mère ! une épouse ! un en- - fant, etc., etc. Lorsque la mort les frappe, on a le regret de ne plus - les revoir ! et tout passe dans l'oubli. - Maintenant, grande satisfaction pour les portraits à venir en - suivant le conseil de l'artiste ci-dessous énoncé ; le public ne sera - pas trompé, et il se trouvera entièrement satisfait du présent avis.

AVIS [AU PUBLIC] - Les personnes qui veulent faire faire leur portrait [Pour personnes qui veulent se faire tirer leurs portraits] - PHOTOGRAPHIE SUR PAPIER, SUR GLACE [GLACES], ETC. ETC.

Depuis quelques années la photographie sur papier a fait des - progrès immenses. Les épreuves que l'on obtient sont remarqua- - bles à plus d'un titre ; mais elles ne peuvent se conserver long- - temps. Leur altération plus ou moins rapide est pour le photo- - graphe un sujet continuel de déception. - Il n'en est pas de même des PORTRAITS faits au mercure sur plaqué d'argent. Le portrait est chauffé, fixé au sel d'or ce qui le - rend inaltérable, plein de vigueur, d'un très beau coloris sans - miroitage et d'une durée à l'infini, pouvant supporter le frottement - sans altérer les traits. C'est encore le seul procédé qui assure - une grande durée aux portraits. - La ressemblance étant garantie, on ne livre le portrait qu'après - grande satisfaction. - L'on opère tous les jours, n'importe le temps, depuis 9 heures du matin jusqu'à 4 heures du soir. - L'artiste va faire les portraits à domicile à la demande - des personnes. 

Prix modéré - Chaumont, -- Imp. C CAVANIOL. [Prix modérés - Paris. Typ. Moquet, rue des Fossés-Saint-Jacques, 11]".


13- THALAMAS Barthélemy (1810-1873), Portrait de deux ouvriers attablés devant deux bouteilles, daté de "1862",
étiquette du verso de l'Image 14, daguerréotype,
Paris, BnF, cat. 147.



DATATION


Toulouse


La période d'activité de Barthélémy Thalamas à Toulouse peut être située entre 1843-45 et 1853 environ, ce qui peut modifier la datation supposée de certains des daguerréotypes conservés. 

Le premier indice de datation réside dans le changement de dénomination de l'adresse, de "Place" à "Rue de la Trinité, 15", à la fin des années 1840 (vers 1849 ?). 

Le deuxième est fourni par l'évocation de la "Mention - Honorable", obtenue à l'Exposition de Toulouse de 1850 (1851). Cependant, cette récompense n'est pas systématiquement présente sur les étiquettes postérieures à 1850, que ce soit sur les daguerréotypes toulousains (Image 11) ou parisiens (vente Koller, n°2, ici).

Les prix affichés à Toulouse vont de 4 à 20 fr., sur les étiquettes les plus anciennes affichant l'adresse de la "Place de la Trinité, 15" (vers 1845-1850 ?), puis de 6 à 20 fr. et enfin de 8 à 20 fr., sur celles affichant l'adresse de la "Rue de la Trinité, 15" (vers 1849-1853 ?) (Note 5).


Paris


À Paris, la période d'activité de Bartélemy Thlamas a pu débuter dès 1853-54 ou, peut-être, seulement après 1860 : 

- son passage à Langres est daté de "1861",

- l'un de ses daguerréotypes parisiens porte le nom de l'imprimeur Cavaniol et la date de "1862" (Paris, BnF ; Images 13 et 14),

- enfin, les étiquettes qui précisent l'adresse, "avenue de Clichy, 99, Batignolles", affichent également une adresse de l'imprimeur Moquet, que ce dernier n'a occupée qu'à partir de "1860" (vente Sturgis Antiques, ici). Ce sont, peut-être, les étiquettes les plus tardives, du fait qu'elles n'affichent plus la "Mention - Honorable" obtenue en "1850".

L'activité de Barthélemy Thalamas a pu se prolonger à l'adresse de l'avenue de Clichy (n° 99 puis 166), jusqu'à ses 60 ans (en 1870), s'il n'a pas été antérieurement affecté par la maladie qui l'a conduit, entre 1868 et 1873, à l'asile de Neuilly-sur-Marne où il est décédé.


14- THALAMAS Barthélemy (1810-1873), Portrait de deux ouvriers attablés devant deux bouteilles, recto, daté de "1862"
Paris, BnF, cat. 147.



NOTES


(1)- Bibliographie sommaire :

a- Janet E. Buerger, "Thalamas", in, French Daguerreotypes, The University of Chicago Press, 1986, pp. 228. 

b- Jean-Marie Voignier, "Thalamas B.", dans, Répertoire des Photographes de France au Dix-neuvième siècle, Le Pont de Pierre, 1993, p. 238.

c- Hubert Déchanet, "Thalamas", dans, "Un siècle de Photographie à Langres, 1847-1947", Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, 1999, T. 23, vol. 341, octobre 2000, p. 279.

d- Jacques Frexinos, "Thalamas", dans, "Quand les Toulousains découvraient la photographie", L'Auta du 1er mars 2011 (pp. 83-92), p. 86.

e- François Bordes, "Thalamas (Barthélemy)", dans, Encyclopédie historique de la Photographie à Toulouse, 1839-1914, Editions Privat, 2016, texte pp. 376-377 et reproduction de portraits et étiquettes, pp. 378-381.


(2)- Une séparation des époux reste difficile à imaginer, Marie Célestine Ribeiro ayant été abandonnée par ses parents (selon son acte de mariage), étant sans profession et venant de perdre deux enfants. Peut-être a-t-elle été hospitalisée (suites de l'accouchement de février 1839 ou dépression) et est-elle décédée en dehors de Toulouse ?


(3)- Voir la biographie de "Lucien Barbou" sur le site d'Hervé Lestang, Portrait Sépia (ici).


(4)- Un tableau peint à l'huile intitulé, Portrait d'homme aux décorations, signé de "Thalamas Barthélemy" est signalé sur Internet (Arcadja, ici), sans lieu ni date et sans possibilité de l'attribuer au photographe ou à un homonyme.


(5)- Le Portrait d'une femme de la famille d'Ayguevives, qui affiche à son revers l'adresse, "Place de la Trinité", conjointement avec la date de "Septe[mbre] [1]855", pose notamment problème (Mairie de Toulouse, Archives municipales, 17Fi40).




samedi 29 novembre 2025

1428-VISITES DES PREMIERS ATELIERS DE PHOTOGRAPHIE (1839-1859)

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- Paul de Kock (1793-1871), La Grande Ville, 
Nouveau tableau de Paris, comique, critique et philosophiqueParis, 1842, 
illustration, groupe au bas de l'immeuble du photographe, p. 204 (Paris, BnF).



INTRODUCTION


Les ateliers de photographes sont rarement décrits et ceux des débuts de la photographie, moins encore. Tout juste possédons-nous l'adresse et l'étage, sans toujours pouvoir identifier la maison (numérotation changeante, bâtiment aujourd'hui disparu).

Bien sûr quelques dessins et caricatures, dont les représentations célèbres d'Honoré Daumier [(1808-1879), entre 1846 et 1856, ici et ici), montrent des séances de pose centrées sur le photographe et son client et quelques accessoires mais ils ne dévoilent guère plus que les portraits conservés. La surface globale de l'atelier et son décor, ainsi que la répartition des espaces de travail et d'habitation restent le plus souvent inconnus. 

Quant aux photographies de cette période dévoilant des ateliers ou des séances de pose, elles sont extrêmement rares, non seulement à Paris ou en France mais dans l'ensemble des pays occidentaux.

Certes, les journaux français évoquent de nombreuses visites d'ateliers par un journaliste, une personnalité ou même un souverain (notamment les trois visites de la famille Impériale a l'atelier de Disdéri et Cie en 1859) mais les articles se concentrent généralement sur les qualités de l'artiste, de son matériel, des épreuves exposées et des portraits exécutés alors, sans décrire les installations.

Au printemps 1855, la visite du roi de Portugal et de son frère le duc de Porto aux ateliers de MM. Mayer et Pierson (associés depuis peu, boulevard des Capucines, 3), salue tout de même, "leurs splendides salons d'attente, leurs ateliers et leur magnifique Galerie photographique" (La Lumière du 9 juin 1855).

Les petites annonces visant à faire la publicité d'un atelier ou cherchant à le louer ou le vendre, ne livrent pas non plus de descriptions détaillées. Au-delà de l'adresse, elles le disent parfois "vaste" ou "magnifique" ou précisent qu'il est pourvu d'un "bel atelier vitré", d'un "appartement" ou d'une "chambre indépendante", ou encore qu'il est situé "au rez-de-chaussée, avec jardin, logement"

Enfin, les articles évoquant des évènements tragiques, notamment des explosions et incendies destructeurs, insistent surtout sur les circonstances du drame et les dégâts humains et matériels, sans apporter de précisions sur l'agencement des lieux.

La recherche s'est donc révélée peu fructueuse. Quelques textes décrivant des ateliers sont cependant retranscrits ci-dessous, volontairement privés des passages relatifs aux techniques photographiques et aux anecdotes rappelant la naïveté et l'exigence des clients.

Chacun des auteurs apporte son regard très subjectif de journaliste, d'écrivain, de critique spécialisé ou de photographe mais l'ensemble permet de donner une vision globale de la pratique d'atelier. 

Il n'y a pas de grande révélation, en dehors peut-être de la tente de toile comme espace de pose, citée dans l'un des textes mais plutôt une accumulation de détails qui viennent confirmer voire préciser les connaissances généralement admises. Quelques précisions ou remarques sont ajoutées entre crochets.


N.B. : Une recherche parallèle sur les termes employés montrent l'ambiguïté de ces derniers : le "Daguerréotype" peut tout à la fois désigner l'appareil photographique, la plaque unique servant de support au portrait et parfois même le photographe.

Les termes de "daguerréotypeur", de "daguerréotypiste", "d'atelier de daguerréotype" ou "d'atelier de daguerréotypie" restent peu employés dans les ouvrages et journaux contemporains, les publicités et enseignes leur préfèrant ceux de "photographe", "d'atelier de photographie" et de "portraits au Daguerréotype".

Inversement le terme de "Photographe" sert d'alternative, dans les premiers temps de la photographie, pour désigner autrement l'appareil "Daguerréotype"

Enfin, le terme de "chambre" peut désigner, tour à tour, l'appareil photographique, le laboratoire du photographe, une pièce indistincte ou sa chambre à coucher.



LES ANNÉES 1840


TEXTE 1 (PARIS, 1842)

Paul de Kock (1793-1871), La Grande Ville, Nouveau tableau de Paris, comique, critique et philosophique, Paris, 1842, vol. 1, pp. 193-194 (Paris, BnF, Gallica).


- Présentation

Le texte de cet ouvrage a été également publié en feuilleton dans le Journal du Cher ; le passage ci-dessous, extrait du chapitre intitulé, "Le Daguerréotype", est paru le 8 octobre 1842 (Retronews).

Les noms "des chefs de l'établissement" photographique ne sont pas cités mais l'atelier est situé dans la grande maison Frascati, louée entièrement par M. Buisson au duc d'Osmont (2ème arrondissement). Cette maison a remplacé, vers 1838, le Café Frascati qui avait été fondé à la fin du XVIIIe siècle et était devenu une célèbre maison de jeux. 

La recherche sur l'existence réelle de cet atelier de photographie au début des années 1840 n'a rien donné en dehors de la présence de M. Flécheux et de ses projections d'images au Microscope à gaz et solaire (1838-1840). 


- Paul de Kock (1793-1871), La Grande Ville, 
Nouveau tableau de Paris, comique, critique et philosophique, Paris, 1842, 
illustration, séance de pose dans la tente de toile, p. 200 (Paris, BnF).
L'illustration ne s'avère qu'en partie conforme au texte, ne représentant pas l'appui(e)-tête.



- Extraits

"Au coin du boulevart Montmartre et de la rue Richelieu, dans la nouvelle maison bâtie sur l'emplacement de Frascati, un tableau vous annonce qu'il y a là un daguerréotype ; il indique en même temps les prix. 

Pour dix francs vous pouvez avoir votre portrait grand comme une miniature, et fait par le soleil... quand il y en a, et même quand il n'y en a pas. Dix francs ! ce n'est pas la peine de s'en priver, et véritablement le soleil n'est pas cher [s'il est vrai que le prix est inférieur à celui d'une peinture, il représente environ le quart du salaire mensuel de certains employés et peut tout de même apparaître comme un produit de luxe].

Vous montez au second étage, vous entrez dans un appartement qui a l'air d'un magasin privé de marchandise ; mais ne vous arrêtez pas à tout cela ; ce n'est pas ici une boutique où il est nécessaire d'étaler une foule d'objets pour vous séduire: tout ce qu'il faut ici, c'est une espèce de petite chambre en toile que l'on établit devant une fenêtre, et dans laquelle on place la personne qui vient poser.

Cette petite chambre de toile n'est pas toujours vacante ; on est souvent à la queue pour se faire daguerréotyper, et il faut attendre son tour.

Alors on a la liberté de se promener de long en large, de s'asseoir, et même de causer avec les personnes qui tiennent cet établissement ; on choisit la grandeur de la plaque que l'on désire ; si l'on veut un portrait au dessus de dix francs, on choisit le cadre que l'on y adapte sur-le-champ. 

Enfin on apprend quelles nombreuses préparations sont nécessaires avant d'arriver à se faire peindre par le soleil ; on comprend alors qu'il y a encore du mérite dans l'exercice de ce procédé, et qu'il faut surtout une grande attention pour que votre portrait vienne bien ; car l'oubli d'une seule préparation ferait manquer toute l'opération.

Ce qu'il y a aussi de curieux là, ce sont souvent les personnes qui viennent pour avoir leur portrait (...)".

Voici un résumé des séances de pose évoquées ensuite. On fait entrer la personne dans "le cabinet de toile. On la fait asseoir, on lui fait poser sa tête contre un point d'appui qui se fixe à volonté derrière elle. On prépare l'optique, on lui montre un petit point en évidence, et on lui dit, regardez là, nous allons commencer..." et on lui demande de ne pas bouger. 

Le daguerréotypeur regarde sa montre pendant les "cinquante secondes" de pose puis la séance se termine. On annonce ensuite à la personne, que son "portrait est bien venu" et si ce n'est pas le cas, on recommence.

Le portrait, "noir et triste", est livré en trente minutes environ. "Il ne peut pas y avoir de couleur comme avec un peintre [on est en 1842] (...). Le daguerréotype ne flatte pas, et on a bien de la peine à se contenter de la vérité".



TEXTE 2 (BORDEAUX, 1848)

Chronique du Mémorial Bordelais du 28 décembre 1848 (Retronews).


- Extrait

"M. Perraud [1814-1862], artiste peintre de Paris, vient d'établir [à Bordeaux], dans l'hôtel Schikler, cours du Jardin-Public, un important atelier de portraits au daguerréotype, que nous avons visité avec beaucoup d'intérêt.

Il était impossible de trouver un local mieux disposé et d'une plus belle apparence. L'artiste a fait construire, sur la terrasse, de plain-pied avec le premier étage, un grand cabinet vitré, entièrement à jour, qui lui facilitera le moyen d'inonder de lumière ses modèles, comme aussi de modifier à volonté, à l'aide de rideaux, les rayons trop brillants qui nuiraient à l'effet de certains portraits.

Indépendamment d'un beau salon d'attente, ies dames trouveront là des pièces particulières, dans lesquelles elles pourront faire leur toilette, et des domestiques pour les coiffer et les servir; enfin, rien ne manque à l'établissement de M. Perraud".



LES ANNÉES 1850


TEXTE 3 (PARIS, 1853)

Ernest Lacan (1828-1879), journaliste et critique d'art, "Le Photographe - Esquisse Physiologique. - II, Du Photographe proprement dit" et "III, Du Photographe Artiste.", in, La Lumière du 8 janvier 1853 pp. 7-8 et du 15 janvier 1853, pp. 10-11 (Gallica).


- Extrait 1

"Du Photographe proprement dit", in, La Lumière du 8 janvier 1853 pp. 7-8 :

"Revenons à l'examen physiologique de ce type que nous avons nommé le photographe proprement dit, et que le vulgaire nomme encore daguerréotypeur.

Quel est celui d'entre vous, ô lecteurs, qui (...) ne s'est arrêté devant un de ces cadres qui miroitent à droite et à gauche d'une porte bâtarde, et dans lesquels sont réunies les images fidèles d'un gendarme, d'une première communiante, d'un monsieur de qualité douteuse et de deux ou trois familles groupées tendrement, le sourire aux lèvres, dans des attitudes plus ou moins gracieuses et engageantes, et n'a lu, au milieu des susdits cadres, cette inscription écrite en lettres gothiques :

PORTRAITS AU DAGUERREOTYPE DEPUIS 2 FR.

RESSEMBLANCE GARANTIE

DANS CETTE MAISON.

Qui de vous encore ne s'est pris à regarder du coin de l'œil l'allée au bout de laquelle s'avancent les premières marches d'un escalier plein d'ombre et de mystère, et à désirer de pénétrer jusque dans le sanctuaire du photographe ?

Ce sanctuaire est toujours situé au dernier étage de la maison. Il est tout naturel que le collaborateur du soleil se loge le plus près possible du ciel.

Une odeur assez pénétrante de produits chimiques annonce le terme de l'ascension. La chambre dans laquelle on entre communique avec une terrasse qui sert de théâtre à l'une des phases les plus essentielles de l'opération, la pose. 

Cette pièce, qu'on appelle salon, est meublée plus ou moins élégamment. Sur la table sont entassés pêle-mêle des portraits de toute grandeur, de tout prix. Les murs en sont tapissés. Des cadres vides, des passe-partout, des médaillons remplissent les intervalles. Quant au cabinet noir, c'est le sacro-sanctum, personne que les initiés n'y pénètre.

On comprendra que la propreté de l'escalier, l'élégance du salon, la richesse de l'ameublement du photographe, varient selon le quartier qu'il habite et la valeur de ses œuvres. Ainsi, on pourrait établir cette proportion mathématique Un photographe de telle rue est à un photographe de tel boulevard comme 2 francs sont à 55 francs. 

Mettez des tapis dans l'escalier, un bouton de cristal à la porte, des meubles garnis de velours dans le salon, du papier satiné sur les murs, et vous aurez une idée de ce que l'on voit rue Vivienne [Emile Defonds ; Eugène Disdéri], ou boulevard des Italiens [Galerie du Cosmos ; Warren Thompson] ; mais c'est toujours la même disposition, le même plan, le même nombre d'étages".


- Extrait 2

"Du Photographe Artiste.", in, La Lumière du 15 janvier 1853, pp. 10-11 :

"Le photographe artiste est celui qui, ayant consacré sa vie à l'étude d'un art, comme la peinture, l'architecture, la gravure, etc., a vu dans la photographie un moyen nouveau de traduire ses impressions, d'imiter la nature dans sa poésie, sa richesse et sa beauté, et de reproduire les chefs-d'œuvre que le génie humain a semés sur la terre. C'est ordinairement un peintre : c'est toujours un homme d'intelligence et de talent.

La seule qualité d'artiste suffit pour donner un caractère particulier à sa personne, à ses œuvres, à ses habitudes.

Si vous entrez dans son atelier, vous y remarquerez de suite cet aimable désordre, inévitable conséquence de la mobilité d'esprit de celui qui l'habite. Les papiers préparés ou non, les objectifs, les bassines, les flacons, les cartons à dessin, les pinceaux, les palettes, les poupées d'atelier, les chevalets, tout cela concourt à cet aspect étrange, qui fait éprouver aux yeux ce que l'oreille ressent lorsqu'elle écoute une symphonie, où les instruments de toute nature, de toute puissance, mêlent leurs voix si dissemblables dans un ensemble où tout se fond et s'harmonise.

Aux murs élevés sont suspendus des tableaux, des ébauches, des croquis, et puis des épreuves sur plaques, sur papier, des portraits, des vues, des académies, des fragments (...). 

La fantaisie règne et gouverne seule dans ces demeures privilégiées qu'habitent deux arts, vivant en bonne intelligence, et se faisant de mutuelles concessions.

Tantôt l'atelier du peintre est tout à fait séparé de l'atelier du photographe ; tantôt, au contraire, ils n'en font qu'un. 

Quelquefois le cabinet noir est réduit à des proportions étroites, qui le font ressembler à un placard caché dans le repli de la muraille. D'autres fois, c'est un vaste laboratoire, dont les fenêtres sont soigneusement recouvertes d'écrans jaunes, où l'on peut se prélasser, recevoir des visites, et suivre fort à l'aise les phases différentes des opérations photographiques.

Quand vous entrez chez tel photographe artiste, vous le trouvez entouré d'une troupe assez nombreuse, qui obéit à ses ordres, qui l'aide dans ses manipulations, qui règle ses pas et ses démarches sur les siens. Ce sont ses élèves (...)". 



TEXTE 4 (PARIS, 1853)

MM. Varin, Saint-Yves (É. Déaddé) et Bureau, L'Amour au Daguerréotype, vaudeville en un acte, représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 16 août 1853, 1853 (Gallica).


- Présentation

Il existe deux versions de ce texte, l'une courte et l'autre longue, relatant des rencontres amoureuses dans l'atelier d'un peintre-photographe, situé au dernier étage d'un immeuble.

L'appartement, dont "l'intérieur annonce de l'aisance", est partagé en trois espaces : salon avec scène de pose, chambre noire et chambre à coucher. 

L'artiste vêtu d'une vareuse et coiffé d'une calotte, alterne entre la scène de pose ("Fixe et ne bougeons plus") où il réalise des daguerréotypes en trente-six secondes, et sa chambre noire pour la préparation et le développement des plaques ("C'est venu... C'est gravé sur la plaque !"


- "L'Amour au Daguerréotype", in, Théâtre Contemporain Illustré,
Livraison 104, Paris (BnF, Gallica). 
L'illustration ne s'avère qu'en partie conforme au décor défini par les auteurs.


- Extrait

"La scène se passe chez Symphorien,

Un atelier d'artiste, plein d'objets rangés un peu au hasard, et au milieu desquels on distingue un appareil de daguerreotype tout prêt à fonctionner. 

A droite, une grande draperie fixée sur la muraille, et, devant, un fauteuil surmonté d'un appuie-tête. 

Au-delà, dans l'angle de la porte d'entrée, à gauche, premier plan, une espèce de cahutte servant de chambre obscure. 

Plus loin, la porte de la chambre de Symphorien. 

Le fond est occupé par un large vitrage donnant sur un balcon, au-delà duquel on n'aperçoit que des toits et des cheminées".



ANALYSE


Présentation

Cette partie va synthétiser les informations présentes dans les textes ci-dessus mais les compléter également avec celles de mentions de textes brefs et non retranscrits, concernant des ateliers de Paris et de province.


Situation

Les ateliers sont généralement installés dans la partie supérieure des immeubles, pour une recherche de lumière dégagée, égale et stable, modulée de plus par la toile de rideaux ou de tente.

Cette lumière est fournie par des baies ou verrières placées au nord et disposant d'un balcon ou d'une terrasse sur lesquels la pose peut avoir également lieu. 

Parallèlement à ces ateliers dominant les toits, il existe des ateliers installés au rez-de-chaussée ou au premier étage, bénéficiant d'une cour ou d'un jardin (comme l'atelier de Félix Nadar à Paris, rue Saint-Lazare, dès 1855).

Il existe également des constructions indépendantes, des pavillons (comme celui de Noël Paymal-Lerebours à Paris, entièrement vitré de bleu, dès 1841, ou ceux de Bertrand & Colomb, place des Terreaux à Lyon, signalés dès 1845) ou des chalets en bois (comme celui érigé par Cyrus Macaire sur le quai du port du Havre, dès 1857).

Il faut enfin rappeler qu'en ces premiers temps de la photographie, et parfois même dès la fin de l'année 1839, des photographes parisiens itinérants sillonnent le territoire français et au-delà, afin de faire des expositions, démonstrations, leçons, vente d'appareils et séances de pose au Daguerréotype, y compris en plein air, après avoir installé leur atelier temporaire dans un magasin, un logement ou un hôtel.


Espaces intérieurs ; le Salon et l'espace de pose

L'atelier pérenne peut être ou non séparé du logement. En avril 1852, Charles Reutlinger déménage son atelier parisien rue Richelieu, dans la Maison Frascati (maison déjà évoquée dans leTexte 1 de 1842), et installe son logement au 4ème étage et son atelier au-dessus, sous les combles.

L'atelier peut comporter une entrée ou un salon d'attente (Texte 2 de 1848) mais peut se contenter d'une seule et vaste pièce qui réunit ces différentes fonctions et accueille, de plus, l'espace de pose (Texte 1 de 1842 ; Texte 3 de 1853), voire le laboratoire ("cahutte" du Texte 4 de 1853). 

Les verrière et terrasse peuvent avoir préxisté du fait d'un atelier de peintre ou bien avoir été construites à la demande du photographe, comme certains articles de journaux le révèlent parfois, par exemple à Bordeaux (atelier de M. Perraud en 1848, Texte 2 ; atelier de Mme Foncueba en 1859, La Gironde du 20 mai 1859).

L'usage de vitres teintées pour tamiser la lumière va progressivement s'imposer, d'une part pour l'espace de pose (bleu clair) mais également pour le laboratoire (jaune foncé ; Texte 3 de 1853 ; voir aussi, la "Lettre de Disdéri" suite à la construction de ses ateliers parisiens de la rue Vivienne, publiée dans La Lumière du 19 août 1854 et l'avant-propos de l'ouvrage de M. de La Blanchère, publié dans La Lumière du 26 septembre 1857). 

L'usage de la lumière électrique, apparaît dès 1848 mais semble n'avoir été l'apanage que de quelques photographes seulement, à Paris puis en province (Alfred Désiré Boulland (1814-1887) ; Franck de Villecholle (1816-1906) ; François Perraud (1814-1862), Texte 2 de 1848). 

L'espace de pose, installé face aux baies, peut être entouré de cloisons de toile ("tente" ou "chambre de toile" du Texte 1 de 1842) ou placé dans espace du salon, avec seulement un ou deux sièges et un appuie-tête. 

L'usage de "l'appui-tête" (sic) évoqué dès 1842 (Texte 1), commenté par Marc Antoine Gaudin dans son Traité de Photographie de 1844 (p. 226) et représenté en 1847 par Honoré Daumier, semble être resté absent des toutes premières années de la photographie, avant de s'imposer [deux photographies anglaises, un calotype, vers 1841 (ici) et un daguerréotype, vers 1843 (ici), révèlent son absence].

L'espace de pose peut également reconstituer, plus ou moins artificiellement, une portion d'intérieur bourgeois, avec un tapis recouvrant le plancher, des meubles plus ou moins ornés et luxueux, des plantes et objets de décoration, d'une balustrade, d'une colonne, voire d'un rideau ou d'une toile peinte en trompe-l'oeil suspendue au mur. 

Ce type de décor abouti, qui semble présent dès 1839-1840 [notamment dans le daguerréotype anglais de 1843] reste cependant absent de nombreux portraits des années 1840.

Les temps d'exposition précisés dans deux des textes ci-dessus sont de 50 secondes en 1842 et de 36 secondes en 1853. Ce sont cependant des temps spécifiques et relatifs. 

D'autres textes évoquent des temps qui sont passés de plusieurs minutes à moins de 15 ou même de 3 secondes dès le tout début des années 1840, et ces temps vont se réduire encore avec l'usage des plaques verre au collodion, dès le début de la décennie suivante.

Le salon peut être aussi un espace d'exposition des épreuves photographiques de l'atelier (notamment de personnalités), en partie colorisées (dès 1842, avec une livraison décalée), et se rapprochant des miniatures séduisantes.

L'exposition peut également concerner les cadres et médaillons proposés à la vente et accompagnés de leurs tarifs, voire des dessins, peintures et objets d'art et de curiosités, le portraitiste étant tout à la fois peintre et photographe ou voulant apporter un contexte culturel et luxueux à cet environnement. 

Le standing plus ou moins élevé du salon, comme de tout l'atelier, semble lié à celui de l'immeuble, du quartier et du boulevard (avec des loyers en rapport), ainsi qu'au tarif des portraits (Texte 3 de 1853).

Le transfert d'atelier, d'une adresse à une autre, se voit d'ailleurs parfois justifié par la recherche d'un local disposant d'une terrasse vitrée mais aussi d'une surface plus vaste et plus confortable.


La chambre noire

Le salon communique avec un ou deux espaces techniques de rangement et laboratoire ou chambre noire ("cabinet noir" ou "chambre obscure" des Textes 3 et 4 de 1853), qui permettent de stocker les matériels (plaques, produits chimiques et ustensibles) mais également de préparer et sensibiliser les plaques (de cuivre argenté puis de verre) et, après la pose, de les développer et de les fixer.

Une odeur de produits chimiques flotte dès la cage d'escalier et se renforce dans l'atelier (Texte 3 de 1853). 

Ces produits et leurs vapeurs sont toxiques : iode et chlorure d'argent de préparation des plaques de cuivre argenté, chlorure d'or pour leur fixation et surtout mercure pour leur développement. 

Certains sont de plus inflammables, notamment l'alcool et l'éther, employés comme agents de nettoyage des plaques de cuivre mais également comme solvants du collodion pour les plaques de verre. 

Les flacons doivent être bien refermés et stockés séparément, parfois même à l'abri de la lumière (iode) et manipulés dans un local ventilé, loin de toute flamme. 

La dégradation de la santé de certains photographes est due à l'usage répété de ces produits chimiques. 

Ces produits sont également la cause de nombreuses explosions, l'éther notamment provoquant ou alimentant des incendies qui ravagent les ateliers et entraînent parfois la mort de l'artiste.


Les membres de l'atelier

Il y aurait, selon Ernest Lacan, trois types de photographes au début des années 1850  : celui où la personne fait ce métier pour gagner sa vie, celui où un artiste confirmé s'exprime par ce nouvel art et celui où un savant cherche et invente pour améliorer la technique photographique (Texte 3 de 1853) [étrangement, la description la plus détaillée d'un atelier spécifique, par Ernest Lacan, est celle de l'atelier londonien du photographe Nicolaas Henneman (1813-1898) dans, La Lumière du 24 décembre 1853).

Le photographe titulaire est rarement seul à tout gérer dans l'atelier : il peut être aidé par un membre de sa famille, avoir un associé (physique et/ou financier), un ou plusieurs employés, élèves, apprentis ou domestiques, qui sont notamment chargés de l'accueil du public, du polissage des plaques daguerriennes, de l'encaissement des clients mais également des commissions et livraisons, du nettoyage des locaux et des matériels, voire de la cuisine ("domestiques", cités dans le Texte 2, de 1848 ; "groom" évoqué dans le Texte 3, de 1853).


L'expérience du client

Le client peut vivre une expérience plus ou moins ludique ou pénible. Il doit grimper le plus souvent plusieurs étages, attendre plus ou moins longtemps son tour, poser enfin avec un appuie-tête et des directives qu'il supporte plus ou moins bien, se sentir braqué par l'objectif, rester totalement immobile et ne pas changer d'expression du visage pendant tout le temps d'exposition. 

Ensuite, il doit attendre à nouveau, cette fois pour le résultat, et en cas d'échec technique ou d'un fort rejet esthétique de sa part, recommencer à poser et parfois repartir déçu, avec ou sans portrait.