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dimanche 8 septembre 2024

1357-NICE, LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL SUR LE PAILLON-2

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), La place Masséna, fin 1880 ou début 1881,
vue panoramique est-ouest, prise depuis la place Charles-Albert,
montrant le tout début des travaux de couverture du Paillon, 
avec les tas de moellons déposés près de l'entrée nord du Pont-Neuf,
tirage albuminé, Paris, BnF (Gallica).




NICE - LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL



LA CHRONOLOGIE DU CHANTIER


1881

Le 7 mars 1881, les ouvriers posent enfin des barrières pour empêcher la circulation sur une partie du boulevard du Pont-Neuf où l'on va placer les baraques des ouvriers et les matériaux destinés à la construction de la plate-forme du Paillon. 

Dans un autre quartier de la ville, la nuit du 24 mars 1881, un terrible incendie détruit le Théâtre Italien de la rue Saint-François-de-Paule lors d'une représentation et fait 63 victimes. C'est un choc et un deuil au retentissement international. Partout les règles de sécurité contre l'incendie vont être renforcées dans les salles de spectacle. À Nice, l'absence du Théâtre va rendre plus urgente encore l'ouverture de nouvelles salles de spectacles et de loisirs à destination des hivernants.

Début avril, les travaux préliminaires en vue de la couverture du Paillon commencent. 

En mai, une crue du Paillon balaye cependant une partie des fondations réalisées. Fin juin, c'est un orage de grêle qui oblige momentanément les ouvriers à stopper les travaux.


- Photographe anonyme, Nice, Travaux dans le lit du Paillon, printemps 1881, 
la vue nord-est/sud-ouest, prise depuis le boulevard du Pont-Vieux,
 montre également le Pont-Neuf et la place et le quai Masséna, 
tirage albuminé de 21x27 cm sur carton de 32x43,5 cm, 
distribué par J. Viale (19, avenue de la Gare), 
Nice, Archives Municipales, 3Fi 75-37.

Lors des travaux de la plate-forme du Casino, des traces de l'ancien gué sont retrouvées
 à 3 mètres de profondeur, avec de nombreuses monnaies dont quelques médailles romaines.



Début juillet 1881, les piliers en maçonnerie de la plate-forme du Casino sont commencés et deux d'entre eux sont déjà assez élevés. Chaque jour, un public nombreux observe, avec intérêt, la marche des travaux depuis le quai Saint-Jean-Baptiste et le Pont-Neuf (ce qui implique que le remplacement de ce dernier n'a pas commencé). 

Fin octobre, les travaux de la plate-forme se terminent. Le 19 novembre, la construction du Casino est entamée, avec le projet de son ouverture en décembre de l'année suivante.

Du fait des pluies de fin novembre, une violente crue du Paillon, gêne les travaux et détruit à nouveau certains travaux de terrassement qu'il faut refaire.

Début décembre, les travaux sont stoppés une demi-journée, du fait de la nouvelle du décès du père des entrepreneurs marseillais, les frères Rastoul.


1882

Au début de l'année 1882, les travaux du Casino sont poussés avec la plus grande activité et l'ouverture du lieu est toujours envisagée pour la fin d'année. 

On dit merveille de la future salle du théâtre du Casino qui contiendra environ un millier de places dont 34 loges. Les représentations seront consacrées, trois jours par semaine, à de l'opéra italien et, trois jours par semaine, à de la comédie.

L'administrateur général du futur Casino Lazard, est M. le comte d'Adhémar. Le directeur du Casino est M. Dupressoir, ancien directeur des Casinos de Bade et de Fontarabie.

En février 1882, une Société parisienne anonyme au capital de 2 millions de francs est formée, avec Pierre-Sénateur Milon comme administrateur délégué, pour l'exploitation pendant 18 ans, du restaurant, café, buffet-bar et Cercle qui seront situés dans les locaux du Casino.

Le vingt-un mars 1882, à 10 heures du matin, est organisée, a posteriori, une cérémonie célébrant le début des travaux du Casino. Dans la huitième assise en pierre de taille tendre, à l'angle du boulevard du Pont-Neuf, est déposé un tube en faïence de forme cylindrique, contenant une médaille en argent portant sur l'une des faces les armes de la ville de Nice, et sur l'autre côté, l'inscription, Casino municipal de la ville de Nice, et un parchemin dont la teneur est la suivante :

"Cette pierre, formant la première assise du Casino municipal, a été posée le dix-neuf novembre mille huit cent quatre-vingt-un, sous l'édilité de M. Alfred Borriglione, député, chevalier de la Légion d'honneur.

Ce monument a été conçu et exécuté par M. O. Lazard, architecte, chevalier de la Légion d'Honneur, par les soins de la Société anonyme du Casino municipal de la ville de Nice, étant administrateurs : MM. le comte de Tocqueville, président ; de Puymory, vice-président ; le baron de Clamecy, chevalier de la Légion d'honneur, secrétaire ; le comte d'Adhémar de Hausac, chevalier de la Légion d'honneur ; le marquis de la Bigne ; le baron de Castillon : le docteur de Montfamat ;  Henri de Lamonta, banquier de la Société ; Brun, architecte du contrôle ; Diendé-Defly, ingénieur, chargée de la couverture ; Rastoul frères, entrepreneurs do maçonnerie".


Plan de la ville de Nice, 1882,
détail des rives du Paillon, depuis le Pont-Vieux jusqu'à l'embouchure,
plan dressé par François Aune, édité à Nice par Visconti,
Paris, BnF (Gallica).

Ce plan a été édité en mars 1882 (Le Phare du Littoral du 13 mars 1882).
A cette date, le Casino municipal est en cours de construction et le Pont-Neuf (encore représenté) est en cours de remplacement mais la couverture du Paillon entre le Pont-Neuf 
et l'embouchure, à destination de jardins et promenades, n'en est encore qu'au stade de projet. 
Le Casino de la Jetée-Promenade en bord de mer est, lui aussi, en cours de construction.
 


En avril et mai 1882, on procède à la formation de l'orchestre du futur Casino (soixante musiciens pour la saison d'hiver et trente pour la saison d'été). Un premier examen des candidatures a lieu le 28 avril par le chef parisien Lamoureux, en présence de M. le comte d'Adhémar et de M. Dupressoir, dans l'un des salons du Grand-Hôtel. et une deuxième session de recrutement est organisée fin mai.

Dès fin mai, on circule sur le nouveau pont construit sur le Paillon par les entrepreneurs du Casino, entre les places Masséna et Charles-Albert. On a enlevé le parapet qui, du côté de la place Masséna, en défendait l'accès (ce qui implique une plus grande largeur du nouveau pont). Les trottoirs du pont en ciment Vicat sont en cours d'achèvement. La chaussée sera ensuite nivelée et on travaillera à établir le sol en bêton en aval de ce pont.

En mai et juin, le Tribunal de Commerce de Nice, consacre plusieurs audiences à l'examen d'une affaire importante entre la Métallurgique, Société anonyme belge qui a fourni les fers et fontes du Casino Municipal de la ville de Nice, et M. Lazard, auteur du projet qui porte son nom et entrepreneur général des travaux pour le compte de la Société qu'il a formée et dont il est le principal actionnaire.

Le Métallurgique réclame les 500,000 francs qui lui sont dus pour les ferronneries et explicite les retards des livraisons par les rectifications tardives des plans par M. Lazard et l'impossibilité de la pose par les retards apportés dans l'exécution des maçonneries. Pour appuyer ses affirmations, la Métallurgique produit des vues photographiques des travaux, prises successivement à des époques diverses. Proposition est faite de déposer la somme réclamée par la Métallurgique et d'ajourner le procès à la fin des travaux (la suite de l'affaire n'est pas connue).

La recherche de financements auprès de sociétés parisiennes par le concessionnaire du Casino et son équipe est constante.

En juillet 1882 les problèmes de chantier se multiplient. En début de mois, une fuite d'eau se déclare, de nuit, dans les tuyaux récemment posés sous le nouveau pont. L'eau apparaît au-dessus de la première culée près la place Masséna, du côté de la mer, et jaillit avec violence dans le Paillon, par un trou énorme. Les trottoirs cimentés du pont sont soulevés par la force de l'eau et seront à refaire. L'eau déborde ensuite sur la chaussée où la circulation est interdite, le temps nécessaire à l'intervention.

Le 31 juillet, lors du travail de démolition du Pont-Neuf, l'arche de pierre la plus proche de la place Masséna s'affaisse lourdement des deux côtés, suite à l'enlèvement de sa clé de voûte. La charpente de soutènement émet longuement des craquements puis s'écroule d'un coup avec une partie du pont. Heureusement, cette chute ne fait pas de victime et n'entraîne pas la machine à vapeur destinée à enlever les matériaux. Le déblaiement nécessaire va entraîner du retard et des frais.

En juillet, on travaille, également au toit incliné du Casino et à sa couverture d'ardoises noires. Certains habitants dénoncent dès lors la laideur du bâtiment, le jugent massif et difforme et le comparent à une "grange à fourrage" ou à une "gare". D'autres, affluent cependant pour l'admirer.

L'administration du futur Casino municipal de Nice signe en juillet un traité avec MM. Léonce Détroyat et Armand Silvestre pour faire représenter sur la scène du Casino un opéra inédit en trois actes, au mois de janvier 1883.

M. le comte d'Adhémar est officiellement nommé administrateur général du Casino municipal de Nice et M. Ch. Meuhot, ancien secrétaire du Cercle de la Méditerranée, est nommé secrétaire général. M. Moreau-Sainti, ancien directeur des Folies Dramatiques de Paris, est nommé directeur du Théâtre du Casino Municipal. M. Dupressoir ne fait plus partie de l'équipe car il occupe, depuis le début du mois de mai, le poste prestigieux de directeur général de la Société des Bains de Mer de Monaco.

Début août, un ouvrier du chantier, tombe malheureusement dans le lit du Paillon et se fait de graves blessures.

Les travaux, qui ont avancé très lentement ces mois d'été, sont ensuite stoppés, faute d'argent. 

Les propos des opposants au projet sont virulents et l'intégrité du maire Alfred Borriglione est même mise en cause. Ce dernier répond à ces accusations dans une lettre datée du 28 octobre 1882, adressée à la presse et publiée le lendemain :

"On a osé insinuer que j'étais personnellement intéressé dans l'affaire du Casino, et c'est par là qu'on a entendu expliquer le zèle que j'ai déployé pour la réalisation de cette œuvre (...). En moins d'une année, nous avons pour plus de deux millions six cent mille francs de travaux exécutés (...). 

Qu'on le sache bien, la Ville n'a pas dépensé un centime jusqu'à ce jour pour cette entreprise, et elle ne délivrera la subvention à laquelle elle s'est engagée, que le jour où les travaux, complètement terminés, lui auront été livrés aux conditions prévues par le cahier des charges (...), soit le 1er [non, le 31] janvier 1884 (...). Un délai supplémentaire d'une année a été prévu pour la livraison des travaux, mais à la condition que cette année nouvelle soit retranchée de la durée entière de la concession, alors réduite à 79 ans.

La Société a encore devant elle plus de deux années (...). La Ville n'a le droit d'exercer sur elle aucune action pendant ce laps de temps. Elle attend avec confiance la reprise et l'achèvement des travaux".

Les travaux reprennent en effet. Des tranchées sont creusées pour recevoir les conduites de gaz destinées à éclairer le nouveau pont. 

Dans les derniers jours du mois d'octobre, les pluies importantes entraînent une crue furieuse du Paillon, avec des vagues qui fouettent le bâtiment du Casino et menacent le nouveau pont où la circulation est interdite toute une nuit. Les constructions résistent bien  cependant.

Mi-novembre, le chef Vianesi (du Théâtre londonien du quartier de Covent Garden), engagé pour diriger l'orchestre du Casino, puis le comte d'Adhémar, administrateur délégué du Casino, arrivent à Nice. L'ouverture prévue du Casino au 15 décembre est intenable et les troupes engagées pour les premiers spectacles lyriques et ceux de comédie vont poser problème, d'autant que l'argent manque toujours. 

Le comte d'Adhémar, qui a engagé des négociations avec la maison parisienne A. Goudchaux et L. Sée et s'occupe très activement de la formation d'une nouvelle société financière, affirme cependant que les travaux vont être repris avec une telle activité que les travaux intérieurs seront menés à bien pour une ouverture courant janvier.

Le 18 novembre, le gros œuvre du Casino s'achève, précisément un an après sa date de mise en chantier, avec la fin de la toitureDes drapeaux couronnent alors la cime du monument et un feu d'artifice est tiré par les ouvriers. 

C'est toute la partie du Paillon qui se trouve au-devant du Casino qui doit maintenant être couverte.

Dans les derniers jours de novembre, les négociations du comte d'Adhémar avec la maison A. Goudchaux et L. Sée n'ayant malheureusement pas abouti, les travaux sont à nouveau stoppés. L'esplanade et les quais restent encombrés en pleine saison d'hiver.

Dès le mois de décembre, une pétition circule contre le Casino et réclame la déchéance de M. Lazard (impossible à cette date). 


À SUIVRE