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dimanche 1 septembre 2024

1356-NICE, LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL SUR LE PAILLON-1


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- Plan pittoresque de la Ville de Nice dressé le 1er janvier 1878,
 détail des rives du Paillon, depuis le Pont-Vieux jusqu'à l'embouchure,
Nice, Bibliothèque municipale du Chevalier de Cessole.
Ce plan a été dessiné et gravé fin 1877 et édité fin janvier 1878 
(Le Phare du Littoral du 10 janvier 1878 et Journal de Nice du 30 janvier 1878),




NICE - LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL


LES PROJETS (1878-1879)


1878


Dès 1878, sous le premier mandat du maire Alfred Borriglione, la municipalité relance le double projet de couverture du Paillon et d'installation d'un Casino avec jardin d'hiver. 

Trois propositions sont soumises à l'administration de la part de M. Fetodoff, de M. Lazard, architecte-constructeur et de M. Delbouille, concessionnaire du Casino d'Ostende. M. Fetodoff ne donnant pas suite, il reste à départager les deux projets restants. 


1879


Les projets sont étudiés à partir du Conseil municipal du 18 juillet 1879.

- Le projet Delbouille (4 millions de francs), comprend la construction d'un Casino essentiellement situé sur la place des Phocéens (parallèlement aux maisons Donaudy et Laurenti), et la couverture du Paillon à partir de l'alignement de la promenade des Anglais jusqu'au delà de la rue Paradis, avec la faculté d'en étendre la couverture jusqu'à l'alignement sud de la place Masséna, en réservant comme jardin privé la surface gagnée sur le Paillon.

En compensation, la concession du Casino est demandée pour une durée de 60 ans, avec le versement d'une redevance municipale annuelle de 160,000 francs.

- Le projet Lazard (5, 6 millions de francs) comprend l'élargissement du Pont-Neuf, la réunion des places Masséna et Charles-Albert, la construction du Casino et ses dépendances sur la partie à couvrir entre le Pont-Neuf et le square Masséna, et la création d'un grand jardin réunissant le Jardin-Public et le square des Phocéens jusqu'à la place Masséna, sur la partie à couvrir du Paillon entre l'embouchure et le Casino.

Un grand orchestre, constitué de 60 musiciens l'hiver et de 30 musiciens l'été, sera entretenu par le Casino et se produira également cinq fois par semaine au Jardin-Public (économie pour la municipalité de la Musique municipale et son coût de 60,000 francs par an). 

Les locaux du Casino, son jardin d'hiver et l'orchestre seront mis à disposition de la municipalité quatre fois par an. L'orchestre sera également mis à disposition six autres fois au maximum, lors du Carnaval, des Régates et d'autres fêtes publiques

Dans les deux mois suivant l'approbation définitive du traité, le concessionnaire ajoutera aux 30,000 francs déjà déposés, la somme de 70,000 francs. La concession du Casino sera accordée pour une durée de 80 ans, avec une redevance municipale annuelle de 85,000 francs. 

Les commissions municipales préférant nettement la proposition de M. Lazard, jugée plus avantageuse pour la ville, le projet Delbouille est écarté lors de la séance du Conseil Municipal du 17 septembre 1879 et le projet Lazard est retenu.

Une convention est signée le 16 octobre 1879, par le maire Alfred Borriglione avec Omer Lazard, architecte et concessionnaire parisien, agissant en son nom propre et celui d'une Société qu'il se réserve de constituer. 

À la fin du mois d'octobre 1879, le Préfet prescrit l'ouverture de deux enquêtes simultanées à la mairie de Nice destinées à recueillir, du 1er au 20 novembre, l'avis des habitants sur le projet d'envoûtement du Paillon et de construction d'un Casino.

Suite au résultat de ces enquêtes, le projet Lazard subit quelques modifications et est à nouveau validé par le Conseil Municipal du 1er décembre 1879. Une convention complémentaire est signée dès le 2 décembre, avec la Société anonyme qui s'est substituée aux droits et obligations de M. Lazard. 


La programmation des travaux

Selon le cahier des charges de la municipalité, priorité sera donnée au couvrement du Paillon sur toute la longueur de la place Masséna (englobant le Pont-Neuf), afin d'y créer une grande esplanade recoupée de trois voies séparées par des rangées d'arbres et de fleurs.

Cette esplanade réunira les places Masséna et Charles-Albert, facilitant la communication entre les deux rives et le développement de l'activité commerciale de la vieille ville. Le Pont-Neuf sera démoli et reconstruit, comme l'ensemble du couvrement, avec cinq arches et cinq tunnels correspondants, voûtés en plein cintre.

La construction reposera sur un radier en béton, établi sur toute la largeur du lit du Paillon (70 mètres), afin de faciliter l'écoulement des eaux. Les niveaux trop élevés de la place Masséna, du Pont-Neuf et du boulevard du Pont-Neuf devront être abaissés de 80 cm pour être à la hauteur du quai Saint-Jean-Baptiste. 

Le couvrement se continuera en remontant vers le nord (sur une longueur de 156 m au total), jusqu'à une distance de 50 m du square Masséna (érigé sur le Paillon entre 1867 et 1869), afin d'établir une large prise d'air pour l'aération et l'éclairage des tunnels. 

Sur cette partie une fois couverte, le bâtiment du Casino et du Théâtre (comprenant également un Cercle, un local d'exposition des Beaux-Arts et onze boutiques) puis le jardin d'hiver au nord, seront ensuite érigés. La façade du Casino (70 mètres), perpendiculaire au lit du Paillon, viendra dans le prolongement des arcades nord de la place Masséna.

En même temps, le couvrement du Paillon s'effectuera plus au sud (sur une longueur de 185 m), jusqu'à son embouchure, avec démolition et remplacement du Pont des Anges (ou Pont des Phocéens - ancien Pont Napoléon III construit en 1863), de telle sorte que toutes les parties d'ouvrages soient terminées simultanément.

Cet espace sud, une fois couvert, recevra la création d'un jardin planté, nivelé et aménagé de promenades, qui réunira les deux jardins du square des Phocéens et du Jardin Public. Enfin, un café (de 20x15 m), doté d'un seul niveau, sera érigé sur la place des Phocéens et bénéficiera d'un jardin privé de 1,400 m2, entouré de grilles.

Au-delà de la réunion des deux rives et de l'espace gagné, le couvrement réduira, en centre ville, l'accès au Paillon et la vue de ses eaux stagnantes aux émanations nauséabondes et de ses lavandières au travail.



LE PROJET LAZARD EN ATTENTE (1880-1881)


1880


Les opposants

Certains habitants de Nice s'opposent cependant au projet de Casino (journaux dont Le Progrès de Nice et Il Pensiero di Nizza, docteurs, conseillers municipaux et hôteliers de la rive gauche, ainsi que les Frères Tiranty). M. Lazard intente d'ailleurs un procès au Dr Prompt pour ses propos insultants et non fondés.

Les opposants conçoivent mal un Casino sans roulette, proche de celui de Monte-Carlo, jugent ridicule la création d'un Jardin d'hiver qui, de plus, sera vitré et reflètera les rayons du soleil (éblouissement et chaleur) et plaident pour une réduction de la durée de la concession à 50 annuités, afin d'éviter une opération trop ruineuse pour un établissement privé où le public ne sera admis qu'en payant.

L'emplacement choisi leur pose également problème. Le Casino va séparer la ville haute de la ville basse, modifier la circulation de l'air qui chassait les mauvaises odeurs du Paillon vers la mer, masquer la perspective du Paillon et le panorama des montagnes, porter préjudice aux hôtels du quai Saint-Jean-Baptiste en empêchant leur vue sur la mer et occuper une position centrale qui manquera à la ville dans l'avenir. Ce projet risque enfin de faciliter les inondations.


La validation du projet

Pendant quelques mois, M. Lazard hésite sur les suites à donner au projet (au risque de perdre les 30,000 francs de caution), du fait des opposants mais surtout du fait du désistement de la Société de crédit (basée à Paris et à Nice) qui devait soutenir financièrement les travaux, et de l'émergence du projet niçois concurrent du Casino de la Jetée-Promenade. 

Le dossier municipal suit cependant son cours. En février 1880, le projet Lazard est successivement validé par le Conseil d'Hygiène, par les ingénieurs des ponts et chaussées, par la Commission départementale des bâtiments civils et par la Société des architectes de Nice. 

La concession municipale pouvant apparaître comme une sorte d'emprunt, le dossier doit être ensuite adressé au ministre de l'Intérieur. Après réception, le ministre soumet la question aux commissions compétentes puis au Conseil d'Etat qui donne un avis favorable. 

Un projet de loi est ensuite présenté aux deux Chambres. Suite à leur vote favorable du 15 juin 1880, le traité est autorisé par une loi promulguée au Journal Officiel le 18 juillet 1880. La concession est définitivement validée par la signature du préfet des Alpes-Maritimes, le 31 juillet 1880. 

Tous les travaux prévus devront être terminés sous 3 ans et demi, soit au 31 janvier 1884 ; en cas de retard, une année supplémentaire pourra être accordée jusqu'au 31 janvier 1885 mais sera déduite de la durée de la concession (79 ans au lieu de 80 ans).

M. Lazard convoque alors, début août 1880, les différents entrepreneurs de la ville pour obtenir leurs tarifs. Dès la troisième semaine d'août, une machine est installée au milieu du lit du Paillon, afin de réaliser les travaux préparatoires à la couverture du torrent et à la construction du Casino.

Le projet reste cependant au point mort jusqu'en fin d'année où M. Lazard parvient à compléter son cautionnement de 70,000 francs (probablement plusieurs semaines après la date limite fixée par la municipalité), grâce à la formation de la nouvelle Société anonyme du Casino municipal de la Ville de Nice, avec à sa tête le comte de Tocqueville. 

Pour l'émission d'obligations, M. Lazard se heurte au refus des sociétés niçoises mais finit par trouver un banquier parisien. Le 1er avril 1881, la Société anonyme du Casino municipal de la Ville de Nice émet en France et en Angleterre, par l'intermédiaire du banquier Henri de Lamonta, un emprunt de 7,5 millions de francs, composé de 15,500 obligations, remboursables sur la durée de la concession (placement à près de 5%). 

La Société anonyme, constituée au capital-actions de 4 millions de francs, reconnait cependant 3,2 millions à M. Lazard et ne fait entrer en caisse que 800,000 francs pour la mise en œuvre des travaux, ce qui n'attire pas les capitalistes. L'émission ne rencontre pas, en définitive, le succès escompté et est loin d'être couverte.

Les premières rentrées d'argent permettent cependant d'engager les travaux. Des baux sont parallèlement signés avec les futurs locataires dont le Cercle Masséna qui s'engage au paiement d'un loyer annuel de 75,000 francs. Un cafetier-restaurateur parisien retient également l'établissement envisagé.


1881


Fin janvier 1881, M. Borriglione, lors du discours introductif de son second mandat de maire, rappelle que l'administration doit soutenir et encourager cette entreprise, tant pour le  Casino qui assurera la prospérité de la ville, que pour la couverture du Paillon et la création de son grand et magnifique jardin.

Fin février 1881, les travaux n'ont toujours pas commencés.


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