4

4

dimanche 15 septembre 2024

1358-NICE, LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL SUR LE PAILLON-3

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- Photographe anonyme, Nice, Casino, 1886,
vue sud-est/nord-ouest prise depuis la place Charles-Albert,
tirage albuminé,
Stockholm, Tekniska museet 
(Musée national suédois pour les sciences et la technologie).

La façade sud du Casino municipal est basée sur un rythme ternaire. Elle est précédée de 15 hautes arcades plein cintre (abritant les boutiques) dont les 3 du milieu (entrées) sont précédées d'une marquise. Au-dessus, une longue terrasse centrale de 9 travées est symétriquement accostée de 2 pavillons rectangulaires de 3 travées. Au niveau de la toiture, règne un grand dôme de 3 travées (salle de spectacle) qui affirme l'axe central et est accosté de 2 plus petits dômes qui coiffent les pavillons inférieurs. Le décor d'arcades du rez-de-chaussée se poursuit sur faces latérales du Casino puis sur les deux bâtiments bas qui encadrent le jardin d'hiver.
 



NICE - LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL




LA CHRONOLOGIE DU CHANTIER (SUITE)


1883


Début 1883, le chantier du Casino municipal reste au point mort, faute de moyens financiers. 

D'autres sujets monopolisent l'attention du public, parmi lesquels le décès puis les obsèques à Nice de Léon Gambetta, l'achèvement puis la destruction totale, provoquée par un incendie, de la Jetée-Promenade et de son Casino (concurrent du Casino Lazard) et l'organisation de l'Exposition Internationale de Nice. 

Le projet d'un nouvel Hôtel des Postes et des Télégraphes, validé par une convention entre l'Etat et la Ville de Nice en décembre 1882, est désormais prévu sur le Paillon, dans l'espace restant entre la plate-forme du Casino municipal et celle du square Masséna [cet hôtel sera construit en 1888 mais à un autre emplacement, près de la place de la Liberté, actuelle place Wilson].

La population s'interroge cependant sur l'avenir du Casino municipal. Un soutien financier va-t-il être trouvé par M. Lazard afin d'en achever les travaux pour une ouverture à la fin de l'année 1883 ? Dans le cas inverse, la date du 31 janvier 1884 entraînera-t-elle sa déchéance, la mise en adjudication du bâtiment puis la reprise du chantier par un nouveau concessionnaire, avec une ouverture sans cesse repoussée ?

Une visite du Casino a cependant lieu le 13 février 1883, guidée par M. Dieudé-Defly, chargé de la couverture du Paillon, dans le cadre du Congrès international des architectes et ingénieurs qui se tient à Nice.

La reprise des travaux du Casino semble avoir lieu dès avril 1883 (sans que leur détail ne soit précisé) mais ces derniers avancent au ralenti.

Fin juin et début juillet, une demande de MM. Prével et Lavit, hôteliers, intentée contre M. Lazard et la Ville de Nice, se règle, sans aboutir, devant le conseil de Préfecture.

A la même époque, un nouveau soutien financier du concessionnaire est trouvé auprès d'une société parisienne.

Lors de la Fête du 14 juillet, la façade du Casino municipal, recouverte de drapeaux multicolores puis illuminée de verres colorés, suscite l'admiration de tous et donne un avant-goût du rôle de ce bâtiment dans les futures fêtes publiques, une fois en exploitation.

En août, une nouvelle activité est donnée au chantier, pour finaliser, d'une part, l'esplanade située au devant du Casino jusqu'à l'alignement sud des arcades de la place Masséna et pour réaliser, d'autre part, les décors intérieurs du Casino, en vue d'une ouverture au 1er janvier 1884, coïncidant avec les débuts de l'Exposition Internationale de Nice.

En septembre, une troupe de comédiens est recrutée à Paris par M. Moreau-Sainti, directeur du Théâtre du Casino municipal dont le comique Darthenay (l'été au Cercle d'Aix-les-Bains).

En octobre, la décoration intérieure du Casino avance bien, notamment dans la partie réservée au Cercle Masséna, située au premier étage. Fin novembre, les travaux de l'esplanade sont en cours d'achèvement. En décembre, c'est la mise en peinture de la façade, marquée par la chute, sans conséquence, d'un ouvrier.


1884


Les travaux prenant du retard, l'inauguration du Casino est cependant repoussée à la première puis à la deuxième quinzaine de janvier. 

A cette occasion, le Comité des Fêtes du Carnaval de Nice prévoit, dans les locaux du Casino, une séries de spectacles dont le produit sera destiné aux pauvres, secourus par le Bureau de Bienfaisance de Nice.

L'inauguration a lieu, en définitive, le lundi 4 février 1884, en matinée et en soirée, avec kermesse, deux concerts vocaux et instrumentaux donnés dans la salle du théâtre par le grand orchestre composé de 65 musiciens dirigés par le chef Olivieri, deux concerts de mandolinistes dans le jardin d'hiver (illuminé en soirée), un bal d'enfants dans l'un des grands salons, un spectacle des Pupazzi (marionnettes) avec Darthenay et un thé dansant en fin de soirée dans la salle du théâtre.

La saison théâtrale débute le lendemain avec une pièce de Georges Ohnet, Maître de Forges (créée tout récemment au Théâtre du Gymnase à Paris). 

Trois grandes redoutes (bals costumés) sont programmées en février et mars, pendant les fêtes du Carnaval et de la Mi-Carême. 

Quant au Cercle Masséna (jeux de Casino) dont l'ameublement a été confectionné par la maison Crieger de Paris, il va inaugurer ses nouveaux locaux le 25 février 1884, à l'occasion de son banquet annuel.

Les spectacles d'ouverture, comme les locaux du Casino sont très appréciés. La salle de spectacle (Opéra et Théâtre), de forme rectangulaire (25x18 m), est louée pour ses dispositions et est décrite comme "une véritable bonbonnière" aux couleurs harmonieuses.  Son plafond, peint à la fresque par le Niçois Costa (Père), représentant, Nice entourée des grâces, des plaisirs et des arts et chassant la calomnie (!), reçoit de nombreux éloges. La salle reste cependant glaciale, malgré le chauffage, et ses loges symétriques semblent poser problème aux spectateurs situés à l'arrière.

Le jardin d'hiver, accolé à la façade arrière du Casino, est lui aussi très apprécié. Il est enserré entre deux autres bâtiments symétriques d'un seul niveau (percés de baies semblables à celles du Casino) et couvert d'une halle métallique vitrée, divisée en trois nefs parallèles. Cette verrière allongée apparaît cependant trop basse, sa hauteur ayant été limitée par les servitudes imposées par les propriétaires du quai Saint-Jean-Baptiste.

Le jardin lui-même est constitué d'allées spacieuses serpentant autour de pelouses, plantées de fleurs et de palmiers et parsemées de statues. La base des poutres de fer qui soutiennent la toiture vitrée ont, à leur base, la forme et le décor de troncs d'arbres coupés d'où émergent des candélabres à cinq branches. Le cours d'un ruisseau, avec rochers, grotte et pont, complète le paysage. 



- Photographe anonyme, Nice, Casino, 1886,
vue plongeante nord-sud
tirage albuminé,
Stockholm, Tekniska museet 
(Musée national suédois pour les sciences et la technologie).




UN POINT SUR LES TRAVAUX


Remarques

Les journaux locaux ont peu suivi et peu décrit le chantier du couvrement du Paillon et de la construction du Casino. Les repères chronologiques précis restent peu nombreux, tant dans les périodes de pleine activité que dans les périodes de ralentissement et d'arrêt.

Suite à la chronique ci-dessus, il a donc semblé nécessaire de résumer, par emplacement (du nord au sud), la succession des réalisations effectuées sur près de trois ans.

Il s'avère que les travaux n'ont pas respecté l'ordre de marche stipulé dans le cahier des charges. Les chantiers ont bien été simultanés mais ils ont commencé par les travaux du Casino. Plus grave, certains projets n'ont pas été exécutés.


Résumé des travaux

- Les travaux préliminaires menés dans le lit du Paillon, à l'emplacement de la future plate-forme du Casino, ont débuté fin août 1880 mais semblent avoir été stoppés dès septembre et n'avoir repris qu'en mars 1881 (radier). 

- La construction de la plate-forme du Casino a été entamée, au plus tard, en mai ou juin 1881 et terminée en octobre ou novembre de la même année (entre 4 et 6 mois).

- Le bâtiment du Casino a ensuite été érigé sur cette plate-forme, entre novembre 1881 et novembre 1882 mais seul le gros œuvre a été réalisé dans cette période d'un an, alors qu'une durée de 13 mois avait été envisagée au départ pour son ouverture complète. Les façades n'ont été peintes qu'un an plus tard, entre novembre et décembre 1883.

Les décors intérieurs du Casino ne semblent avoir été entrepris qu'en avril ou mai 1883. Ils ont ensuite été ralentis ou stoppés pendant plusieurs semaines. Ils ont repris en juillet ou août 1883 et n'ont été terminés qu'en décembre 1883 ou janvier 1884 (avec l'ameublement) (environ 8 mois de travaux effectifs, ce qui semble très long).

Le jardin d'hiver semble (?) n'avoir été réalisé qu'à l'automne 1883 (verrière et plantations), n'étant cité pour la première fois qu'en décembre de cette année-là.

Le chantier global du Casino, comprenant le gros œuvre et les travaux intérieurs, a duré environ 20 mois, au lieu des 13 prévus.

- Le chantier du Pont-Neuf (démolition et remplacement) a commencé, pour sa part, fin juillet ou début août 1881 et a duré jusqu'à fin mai 1882 (9 mois environ). Cependant, les anciennes piles du Pont-Neuf, encore en place en décembre 1882, ont seulement été démolies dans une période qui peut être située entre septembre et novembre 1883.

- La couverture de la partie du Paillon située au sud du Pont-Neuf, a été commencée fin mai 1882 mais stoppée dès l'été. La reprise des travaux, envisagée fin novembre 1882, n'a pas eu lieu. 

Le chantier ne semble avoir repris qu'en août ou septembre 1883. Il a concerné la couverture de la grande partie du Paillon située entre le nouveau pont et la limite sud de la place Masséna mais également la petite partie située entre la plate-forme du Casino et le nouveau pont. L'aménagement de l'ensemble du revêtement a ensuite été entrepris, l'esplanade étant signalée en cours d'achèvement fin novembre 1883.

- Quant aux travaux de couverture du Paillon, du sud de l'esplanade jusqu'à l'embouchure (jardins, promenades et café), ils n'ont toujours pas été entamés au début de l'année 1884. Malgré cela, la municipalité a autorisé l'ouverture et l'exploitation du Casino.

Ces mêmes travaux n'ayant toujours pas été réalisés à l'approche de la date limite du 31 janvier 1885 (fixée par l'article 12 du traité), la déchéance de M. Lazard est votée par le Conseil municipal du 27 janvier 1885, alors que la Société du Casino Municipal de Nice est déclarée en faillite depuis le 10 du mois. Il s'ensuit une longue procédure judiciaire qui durera dix ans. Les travaux allant jusqu'à l'embouchure ne seront exécutés qu'entre 1892 et 1894.

- Le Casino, rénové puis transformé dans la première moitié du siècle suivant sera démoli en 1979, cédant la place à un jardin qui restituera la perspective des rives du Paillon.


- WILSON George Washington (1823-1893), Nice, Place Masséna, Casino Lazard, début 1889,
vue plongeante sud-ouest/nord-est, prise sur la place Masséna, 
depuis l'étage qui surmonte le Café de la Victoire,
Glass Magic Lantern Slide (diapositive colorisée de 10,5x8 cm) 15/111
 from "The Riviera series" or "The beauty spots of the Riviera series", 
York & Son, vers 1891, 
Collection personnelle.

L'esplanade du Casino, apparaît dans la continuité de la place Masséna, pourvue comme elle de deux lignes latérales de refuges (dont seule la ligne nord est visible dans l'image), portant en leur centre un grand réverbère. Le projet initial, de diviser l'esplanade en trois parties par deux lignes d'arbres et de fleurs, a donc été abandonné.