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dimanche 15 septembre 2024

1358-NICE, LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL SUR LE PAILLON-3

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- Photographe anonyme, Nice, Casino, 1886,
vue sud-est/nord-ouest prise depuis la place Charles-Albert,
tirage albuminé,
Stockholm, Tekniska museet 
(Musée national suédois pour les sciences et la technologie).

La façade sud du Casino municipal est basée sur un rythme ternaire. Elle est précédée de 15 hautes arcades plein cintre (abritant les boutiques) dont les 3 du milieu (entrées) sont précédées d'une marquise. Au-dessus, une longue terrasse centrale de 9 travées est symétriquement accostée de 2 pavillons rectangulaires de 3 travées. Au niveau de la toiture, règne un grand dôme de 3 travées (salle de spectacle) qui affirme l'axe central et est accosté de 2 plus petits dômes qui coiffent les pavillons inférieurs. Le décor d'arcades du rez-de-chaussée se poursuit sur faces latérales du Casino puis sur les deux bâtiments bas qui encadrent le jardin d'hiver.
 



NICE - LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL




LA CHRONOLOGIE DU CHANTIER (SUITE)


1883


Début 1883, le chantier du Casino municipal reste au point mort, faute de moyens financiers. 

D'autres sujets monopolisent l'attention du public, parmi lesquels le décès puis les obsèques à Nice de Léon Gambetta, l'achèvement puis la destruction totale, provoquée par un incendie, de la Jetée-Promenade et de son Casino (concurrent du Casino Lazard) et l'organisation de l'Exposition Internationale de Nice. 

Le projet d'un nouvel Hôtel des Postes et des Télégraphes, validé par une convention entre l'Etat et la Ville de Nice en décembre 1882, est désormais prévu sur le Paillon, dans l'espace restant entre la plate-forme du Casino municipal et celle du square Masséna [cet hôtel sera construit en 1888 mais à un autre emplacement, près de la place de la Liberté, actuelle place Wilson].

La population s'interroge cependant sur l'avenir du Casino municipal. Un soutien financier va-t-il être trouvé par M. Lazard afin d'en achever les travaux pour une ouverture à la fin de l'année 1883 ? Dans le cas inverse, la date du 31 janvier 1884 entraînera-t-elle sa déchéance, la mise en adjudication du bâtiment puis la reprise du chantier par un nouveau concessionnaire, avec une ouverture sans cesse repoussée ?

Une visite du Casino a cependant lieu le 13 février 1883, guidée par M. Dieudé-Defly, chargé de la couverture du Paillon, dans le cadre du Congrès international des architectes et ingénieurs qui se tient à Nice.

La reprise des travaux du Casino semble avoir lieu dès avril 1883 (sans que leur détail ne soit précisé) mais ces derniers avancent au ralenti.

Fin juin et début juillet, une demande de MM. Prével et Lavit, hôteliers, intentée contre M. Lazard et la Ville de Nice, se règle, sans aboutir, devant le conseil de Préfecture.

A la même époque, un nouveau soutien financier du concessionnaire est trouvé auprès d'une société parisienne.

Lors de la Fête du 14 juillet, la façade du Casino municipal, recouverte de drapeaux multicolores puis illuminée de verres colorés, suscite l'admiration de tous et donne un avant-goût du rôle de ce bâtiment dans les futures fêtes publiques, une fois en exploitation.

En août, une nouvelle activité est donnée au chantier, pour finaliser, d'une part, l'esplanade située au devant du Casino jusqu'à l'alignement sud des arcades de la place Masséna et pour réaliser, d'autre part, les décors intérieurs du Casino, en vue d'une ouverture au 1er janvier 1884, coïncidant avec les débuts de l'Exposition Internationale de Nice.

En septembre, une troupe de comédiens est recrutée à Paris par M. Moreau-Sainti, directeur du Théâtre du Casino municipal dont le comique Darthenay (l'été au Cercle d'Aix-les-Bains).

En octobre, la décoration intérieure du Casino avance bien, notamment dans la partie réservée au Cercle Masséna, située au premier étage. Fin novembre, les travaux de l'esplanade sont en cours d'achèvement. En décembre, c'est la mise en peinture de la façade, marquée par la chute, sans conséquence, d'un ouvrier.


1884


Les travaux prenant du retard, l'inauguration du Casino est cependant repoussée à la première puis à la deuxième quinzaine de janvier. 

A cette occasion, le Comité des Fêtes du Carnaval de Nice prévoit, dans les locaux du Casino, une séries de spectacles dont le produit sera destiné aux pauvres, secourus par le Bureau de Bienfaisance de Nice.

L'inauguration a lieu, en définitive, le lundi 4 février 1884, en matinée et en soirée, avec kermesse, deux concerts vocaux et instrumentaux donnés dans la salle du théâtre par le grand orchestre composé de 65 musiciens dirigés par le chef Olivieri, deux concerts de mandolinistes dans le jardin d'hiver (illuminé en soirée), un bal d'enfants dans l'un des grands salons, un spectacle des Pupazzi (marionnettes) avec Darthenay et un thé dansant en fin de soirée dans la salle du théâtre.

La saison théâtrale débute le lendemain avec une pièce de Georges Ohnet, Maître de Forges (créée tout récemment au Théâtre du Gymnase à Paris). 

Trois grandes redoutes (bals costumés) sont programmées en février et mars, pendant les fêtes du Carnaval et de la Mi-Carême. 

Quant au Cercle Masséna (jeux de Casino) dont l'ameublement a été confectionné par la maison Crieger de Paris, il va inaugurer ses nouveaux locaux le 25 février 1884, à l'occasion de son banquet annuel.

Les spectacles d'ouverture, comme les locaux du Casino sont très appréciés. La salle de spectacle (Opéra et Théâtre), de forme rectangulaire (25x18 m), est louée pour ses dispositions et est décrite comme "une véritable bonbonnière" aux couleurs harmonieuses.  Son plafond, peint à la fresque par le Niçois Costa (Père), représentant, Nice entourée des grâces, des plaisirs et des arts et chassant la calomnie (!), reçoit de nombreux éloges. La salle reste cependant glaciale, malgré le chauffage, et ses loges symétriques semblent poser problème aux spectateurs situés à l'arrière.

Le jardin d'hiver, accolé à la façade arrière du Casino, est lui aussi très apprécié. Il est enserré entre deux autres bâtiments symétriques d'un seul niveau (percés de baies semblables à celles du Casino) et couvert d'une halle métallique vitrée, divisée en trois nefs parallèles. Cette verrière allongée apparaît cependant trop basse, sa hauteur ayant été limitée par les servitudes imposées par les propriétaires du quai Saint-Jean-Baptiste.

Le jardin lui-même est constitué d'allées spacieuses serpentant autour de pelouses, plantées de fleurs et de palmiers et parsemées de statues. La base des poutres de fer qui soutiennent la toiture vitrée ont, à leur base, la forme et le décor de troncs d'arbres coupés d'où émergent des candélabres à cinq branches. Le cours d'un ruisseau, avec rochers, grotte et pont, complète le paysage. 



- Photographe anonyme, Nice, Casino, 1886,
vue plongeante nord-sud
tirage albuminé,
Stockholm, Tekniska museet 
(Musée national suédois pour les sciences et la technologie).




UN POINT SUR LES TRAVAUX


Remarques

Les journaux locaux ont peu suivi et peu décrit le chantier du couvrement du Paillon et de la construction du Casino. Les repères chronologiques précis restent peu nombreux, tant dans les périodes de pleine activité que dans les périodes de ralentissement et d'arrêt.

Suite à la chronique ci-dessus, il a donc semblé nécessaire de résumer, par emplacement (du nord au sud), la succession des réalisations effectuées sur près de trois ans.

Il s'avère que les travaux n'ont pas respecté l'ordre de marche stipulé dans le cahier des charges. Les chantiers ont bien été simultanés mais ils ont commencé par les travaux du Casino. Plus grave, certains projets n'ont pas été exécutés.


Résumé des travaux

- Les travaux préliminaires menés dans le lit du Paillon, à l'emplacement de la future plate-forme du Casino, ont débuté fin août 1880 mais semblent avoir été stoppés dès septembre et n'avoir repris qu'en mars 1881 (radier). 

- La construction de la plate-forme du Casino a été entamée, au plus tard, en mai ou juin 1881 et terminée en octobre ou novembre de la même année (entre 4 et 6 mois).

- Le bâtiment du Casino a ensuite été érigé sur cette plate-forme, entre novembre 1881 et novembre 1882 mais seul le gros œuvre a été réalisé dans cette période d'un an, alors qu'une durée de 13 mois avait été envisagée au départ pour son ouverture complète. Les façades n'ont été peintes qu'un an plus tard, entre novembre et décembre 1883.

Les décors intérieurs du Casino ne semblent avoir été entrepris qu'en avril ou mai 1883. Ils ont ensuite été ralentis ou stoppés pendant plusieurs semaines. Ils ont repris en juillet ou août 1883 et n'ont été terminés qu'en décembre 1883 ou janvier 1884 (avec l'ameublement) (environ 8 mois de travaux effectifs, ce qui semble très long).

Le jardin d'hiver semble (?) n'avoir été réalisé qu'à l'automne 1883 (verrière et plantations), n'étant cité pour la première fois qu'en décembre de cette année-là.

Le chantier global du Casino, comprenant le gros œuvre et les travaux intérieurs, a duré environ 20 mois, au lieu des 13 prévus.

- Le chantier du Pont-Neuf (démolition et remplacement) a commencé, pour sa part, fin juillet ou début août 1881 et a duré jusqu'à fin mai 1882 (9 mois environ). Cependant, les anciennes piles du Pont-Neuf, encore en place en décembre 1882, ont seulement été démolies dans une période qui peut être située entre septembre et novembre 1883.

- La couverture de la partie du Paillon située au sud du Pont-Neuf, a été commencée fin mai 1882 mais stoppée dès l'été. La reprise des travaux, envisagée fin novembre 1882, n'a pas eu lieu. 

Le chantier ne semble avoir repris qu'en août ou septembre 1883. Il a concerné la couverture de la grande partie du Paillon située entre le nouveau pont et la limite sud de la place Masséna mais également la petite partie située entre la plate-forme du Casino et le nouveau pont. L'aménagement de l'ensemble du revêtement a ensuite été entrepris, l'esplanade étant signalée en cours d'achèvement fin novembre 1883.

- Quant aux travaux de couverture du Paillon, du sud de l'esplanade jusqu'à l'embouchure (jardins, promenades et café), ils n'ont toujours pas été entamés au début de l'année 1884. Malgré cela, la municipalité a autorisé l'ouverture et l'exploitation du Casino.

Ces mêmes travaux n'ayant toujours pas été réalisés à l'approche de la date limite du 31 janvier 1885 (fixée par l'article 12 du traité), la déchéance de M. Lazard est votée par le Conseil municipal du 27 janvier 1885, alors que la Société du Casino Municipal de Nice est déclarée en faillite depuis le 10 du mois. Il s'ensuit une longue procédure judiciaire qui durera dix ans. Les travaux allant jusqu'à l'embouchure ne seront exécutés qu'entre 1892 et 1894.

- Le Casino, rénové puis transformé dans la première moitié du siècle suivant sera démoli en 1979, cédant la place à un jardin qui restituera la perspective des rives du Paillon.


- WILSON George Washington (1823-1893), Nice, Place Masséna, Casino Lazard, début 1889,
vue plongeante sud-ouest/nord-est, prise sur la place Masséna, 
depuis l'étage qui surmonte le Café de la Victoire,
Glass Magic Lantern Slide (diapositive colorisée de 10,5x8 cm) 15/111
 from "The Riviera series" or "The beauty spots of the Riviera series", 
York & Son, vers 1891, 
Collection personnelle.

L'esplanade du Casino, apparaît dans la continuité de la place Masséna, pourvue comme elle de deux lignes latérales de refuges (dont seule la ligne nord est visible dans l'image), portant en leur centre un grand réverbère. Le projet initial, de diviser l'esplanade en trois parties par deux lignes d'arbres et de fleurs, a donc été abandonné.




dimanche 8 septembre 2024

1357-NICE, LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL SUR LE PAILLON-2

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), La place Masséna, fin 1880 ou début 1881,
vue panoramique est-ouest, prise depuis la place Charles-Albert,
montrant le tout début des travaux de couverture du Paillon, 
avec les tas de moellons déposés près de l'entrée nord du Pont-Neuf,
tirage albuminé, Paris, BnF (Gallica).




NICE - LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL



LA CHRONOLOGIE DU CHANTIER


1881

Le 7 mars 1881, les ouvriers posent enfin des barrières pour empêcher la circulation sur une partie du boulevard du Pont-Neuf où l'on va placer les baraques des ouvriers et les matériaux destinés à la construction de la plate-forme du Paillon. 

Dans un autre quartier de la ville, la nuit du 24 mars 1881, un terrible incendie détruit le Théâtre Italien de la rue Saint-François-de-Paule lors d'une représentation et fait 63 victimes. C'est un choc et un deuil au retentissement international. Partout les règles de sécurité contre l'incendie vont être renforcées dans les salles de spectacle. À Nice, l'absence du Théâtre va rendre plus urgente encore l'ouverture de nouvelles salles de spectacles et de loisirs à destination des hivernants.

Début avril, les travaux préliminaires en vue de la couverture du Paillon commencent. 

En mai, une crue du Paillon balaye cependant une partie des fondations réalisées. Fin juin, c'est un orage de grêle qui oblige momentanément les ouvriers à stopper les travaux.


- Photographe anonyme, Nice, Travaux dans le lit du Paillon, printemps 1881, 
la vue nord-est/sud-ouest, prise depuis le boulevard du Pont-Vieux,
 montre également le Pont-Neuf et la place et le quai Masséna, 
tirage albuminé de 21x27 cm sur carton de 32x43,5 cm, 
distribué par J. Viale (19, avenue de la Gare), 
Nice, Archives Municipales, 3Fi 75-37.

Lors des travaux de la plate-forme du Casino, des traces de l'ancien gué sont retrouvées
 à 3 mètres de profondeur, avec de nombreuses monnaies dont quelques médailles romaines.



Début juillet 1881, les piliers en maçonnerie de la plate-forme du Casino sont commencés et deux d'entre eux sont déjà assez élevés. Chaque jour, un public nombreux observe, avec intérêt, la marche des travaux depuis le quai Saint-Jean-Baptiste et le Pont-Neuf (ce qui implique que le remplacement de ce dernier n'a pas commencé). 

Fin octobre, les travaux de la plate-forme se terminent. Le 19 novembre, la construction du Casino est entamée, avec le projet de son ouverture en décembre de l'année suivante.

Du fait des pluies de fin novembre, une violente crue du Paillon, gêne les travaux et détruit à nouveau certains travaux de terrassement qu'il faut refaire.

Début décembre, les travaux sont stoppés une demi-journée, du fait de la nouvelle du décès du père des entrepreneurs marseillais, les frères Rastoul.


1882

Au début de l'année 1882, les travaux du Casino sont poussés avec la plus grande activité et l'ouverture du lieu est toujours envisagée pour la fin d'année. 

On dit merveille de la future salle du théâtre du Casino qui contiendra environ un millier de places dont 34 loges. Les représentations seront consacrées, trois jours par semaine, à de l'opéra italien et, trois jours par semaine, à de la comédie.

L'administrateur général du futur Casino Lazard, est M. le comte d'Adhémar. Le directeur du Casino est M. Dupressoir, ancien directeur des Casinos de Bade et de Fontarabie.

En février 1882, une Société parisienne anonyme au capital de 2 millions de francs est formée, avec Pierre-Sénateur Milon comme administrateur délégué, pour l'exploitation pendant 18 ans, du restaurant, café, buffet-bar et Cercle qui seront situés dans les locaux du Casino.

Le vingt-un mars 1882, à 10 heures du matin, est organisée, a posteriori, une cérémonie célébrant le début des travaux du Casino. Dans la huitième assise en pierre de taille tendre, à l'angle du boulevard du Pont-Neuf, est déposé un tube en faïence de forme cylindrique, contenant une médaille en argent portant sur l'une des faces les armes de la ville de Nice, et sur l'autre côté, l'inscription, Casino municipal de la ville de Nice, et un parchemin dont la teneur est la suivante :

"Cette pierre, formant la première assise du Casino municipal, a été posée le dix-neuf novembre mille huit cent quatre-vingt-un, sous l'édilité de M. Alfred Borriglione, député, chevalier de la Légion d'honneur.

Ce monument a été conçu et exécuté par M. O. Lazard, architecte, chevalier de la Légion d'Honneur, par les soins de la Société anonyme du Casino municipal de la ville de Nice, étant administrateurs : MM. le comte de Tocqueville, président ; de Puymory, vice-président ; le baron de Clamecy, chevalier de la Légion d'honneur, secrétaire ; le comte d'Adhémar de Hausac, chevalier de la Légion d'honneur ; le marquis de la Bigne ; le baron de Castillon : le docteur de Montfamat ;  Henri de Lamonta, banquier de la Société ; Brun, architecte du contrôle ; Diendé-Defly, ingénieur, chargée de la couverture ; Rastoul frères, entrepreneurs do maçonnerie".


Plan de la ville de Nice, 1882,
détail des rives du Paillon, depuis le Pont-Vieux jusqu'à l'embouchure,
plan dressé par François Aune, édité à Nice par Visconti,
Paris, BnF (Gallica).

Ce plan a été édité en mars 1882 (Le Phare du Littoral du 13 mars 1882).
A cette date, le Casino municipal est en cours de construction et le Pont-Neuf (encore représenté) est en cours de remplacement mais la couverture du Paillon entre le Pont-Neuf 
et l'embouchure, à destination de jardins et promenades, n'en est encore qu'au stade de projet. 
Le Casino de la Jetée-Promenade en bord de mer est, lui aussi, en cours de construction.
 


En avril et mai 1882, on procède à la formation de l'orchestre du futur Casino (soixante musiciens pour la saison d'hiver et trente pour la saison d'été). Un premier examen des candidatures a lieu le 28 avril par le chef parisien Lamoureux, en présence de M. le comte d'Adhémar et de M. Dupressoir, dans l'un des salons du Grand-Hôtel. et une deuxième session de recrutement est organisée fin mai.

Dès fin mai, on circule sur le nouveau pont construit sur le Paillon par les entrepreneurs du Casino, entre les places Masséna et Charles-Albert. On a enlevé le parapet qui, du côté de la place Masséna, en défendait l'accès (ce qui implique une plus grande largeur du nouveau pont). Les trottoirs du pont en ciment Vicat sont en cours d'achèvement. La chaussée sera ensuite nivelée et on travaillera à établir le sol en bêton en aval de ce pont.

En mai et juin, le Tribunal de Commerce de Nice, consacre plusieurs audiences à l'examen d'une affaire importante entre la Métallurgique, Société anonyme belge qui a fourni les fers et fontes du Casino Municipal de la ville de Nice, et M. Lazard, auteur du projet qui porte son nom et entrepreneur général des travaux pour le compte de la Société qu'il a formée et dont il est le principal actionnaire.

Le Métallurgique réclame les 500,000 francs qui lui sont dus pour les ferronneries et explicite les retards des livraisons par les rectifications tardives des plans par M. Lazard et l'impossibilité de la pose par les retards apportés dans l'exécution des maçonneries. Pour appuyer ses affirmations, la Métallurgique produit des vues photographiques des travaux, prises successivement à des époques diverses. Proposition est faite de déposer la somme réclamée par la Métallurgique et d'ajourner le procès à la fin des travaux (la suite de l'affaire n'est pas connue).

La recherche de financements auprès de sociétés parisiennes par le concessionnaire du Casino et son équipe est constante.

En juillet 1882 les problèmes de chantier se multiplient. En début de mois, une fuite d'eau se déclare, de nuit, dans les tuyaux récemment posés sous le nouveau pont. L'eau apparaît au-dessus de la première culée près la place Masséna, du côté de la mer, et jaillit avec violence dans le Paillon, par un trou énorme. Les trottoirs cimentés du pont sont soulevés par la force de l'eau et seront à refaire. L'eau déborde ensuite sur la chaussée où la circulation est interdite, le temps nécessaire à l'intervention.

Le 31 juillet, lors du travail de démolition du Pont-Neuf, l'arche de pierre la plus proche de la place Masséna s'affaisse lourdement des deux côtés, suite à l'enlèvement de sa clé de voûte. La charpente de soutènement émet longuement des craquements puis s'écroule d'un coup avec une partie du pont. Heureusement, cette chute ne fait pas de victime et n'entraîne pas la machine à vapeur destinée à enlever les matériaux. Le déblaiement nécessaire va entraîner du retard et des frais.

En juillet, on travaille, également au toit incliné du Casino et à sa couverture d'ardoises noires. Certains habitants dénoncent dès lors la laideur du bâtiment, le jugent massif et difforme et le comparent à une "grange à fourrage" ou à une "gare". D'autres, affluent cependant pour l'admirer.

L'administration du futur Casino municipal de Nice signe en juillet un traité avec MM. Léonce Détroyat et Armand Silvestre pour faire représenter sur la scène du Casino un opéra inédit en trois actes, au mois de janvier 1883.

M. le comte d'Adhémar est officiellement nommé administrateur général du Casino municipal de Nice et M. Ch. Meuhot, ancien secrétaire du Cercle de la Méditerranée, est nommé secrétaire général. M. Moreau-Sainti, ancien directeur des Folies Dramatiques de Paris, est nommé directeur du Théâtre du Casino Municipal. M. Dupressoir ne fait plus partie de l'équipe car il occupe, depuis le début du mois de mai, le poste prestigieux de directeur général de la Société des Bains de Mer de Monaco.

Début août, un ouvrier du chantier, tombe malheureusement dans le lit du Paillon et se fait de graves blessures.

Les travaux, qui ont avancé très lentement ces mois d'été, sont ensuite stoppés, faute d'argent. 

Les propos des opposants au projet sont virulents et l'intégrité du maire Alfred Borriglione est même mise en cause. Ce dernier répond à ces accusations dans une lettre datée du 28 octobre 1882, adressée à la presse et publiée le lendemain :

"On a osé insinuer que j'étais personnellement intéressé dans l'affaire du Casino, et c'est par là qu'on a entendu expliquer le zèle que j'ai déployé pour la réalisation de cette œuvre (...). En moins d'une année, nous avons pour plus de deux millions six cent mille francs de travaux exécutés (...). 

Qu'on le sache bien, la Ville n'a pas dépensé un centime jusqu'à ce jour pour cette entreprise, et elle ne délivrera la subvention à laquelle elle s'est engagée, que le jour où les travaux, complètement terminés, lui auront été livrés aux conditions prévues par le cahier des charges (...), soit le 1er [non, le 31] janvier 1884 (...). Un délai supplémentaire d'une année a été prévu pour la livraison des travaux, mais à la condition que cette année nouvelle soit retranchée de la durée entière de la concession, alors réduite à 79 ans.

La Société a encore devant elle plus de deux années (...). La Ville n'a le droit d'exercer sur elle aucune action pendant ce laps de temps. Elle attend avec confiance la reprise et l'achèvement des travaux".

Les travaux reprennent en effet. Des tranchées sont creusées pour recevoir les conduites de gaz destinées à éclairer le nouveau pont. 

Dans les derniers jours du mois d'octobre, les pluies importantes entraînent une crue furieuse du Paillon, avec des vagues qui fouettent le bâtiment du Casino et menacent le nouveau pont où la circulation est interdite toute une nuit. Les constructions résistent bien  cependant.

Mi-novembre, le chef Vianesi (du Théâtre londonien du quartier de Covent Garden), engagé pour diriger l'orchestre du Casino, puis le comte d'Adhémar, administrateur délégué du Casino, arrivent à Nice. L'ouverture prévue du Casino au 15 décembre est intenable et les troupes engagées pour les premiers spectacles lyriques et ceux de comédie vont poser problème, d'autant que l'argent manque toujours. 

Le comte d'Adhémar, qui a engagé des négociations avec la maison parisienne A. Goudchaux et L. Sée et s'occupe très activement de la formation d'une nouvelle société financière, affirme cependant que les travaux vont être repris avec une telle activité que les travaux intérieurs seront menés à bien pour une ouverture courant janvier.

Le 18 novembre, le gros œuvre du Casino s'achève, précisément un an après sa date de mise en chantier, avec la fin de la toitureDes drapeaux couronnent alors la cime du monument et un feu d'artifice est tiré par les ouvriers. 

C'est toute la partie du Paillon qui se trouve au-devant du Casino qui doit maintenant être couverte.

Dans les derniers jours de novembre, les négociations du comte d'Adhémar avec la maison A. Goudchaux et L. Sée n'ayant malheureusement pas abouti, les travaux sont à nouveau stoppés. L'esplanade et les quais restent encombrés en pleine saison d'hiver.

Dès le mois de décembre, une pétition circule contre le Casino et réclame la déchéance de M. Lazard (impossible à cette date). 


À SUIVRE





dimanche 1 septembre 2024

1356-NICE, LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL SUR LE PAILLON-1


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- Plan pittoresque de la Ville de Nice dressé le 1er janvier 1878,
 détail des rives du Paillon, depuis le Pont-Vieux jusqu'à l'embouchure,
Nice, Bibliothèque municipale du Chevalier de Cessole.
Ce plan a été dessiné et gravé fin 1877 et édité fin janvier 1878 
(Le Phare du Littoral du 10 janvier 1878 et Journal de Nice du 30 janvier 1878),




NICE - LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL


LES PROJETS (1878-1879)


1878


Dès 1878, sous le premier mandat du maire Alfred Borriglione, la municipalité relance le double projet de couverture du Paillon et d'installation d'un Casino avec jardin d'hiver. 

Trois propositions sont soumises à l'administration de la part de M. Fetodoff, de M. Lazard, architecte-constructeur et de M. Delbouille, concessionnaire du Casino d'Ostende. M. Fetodoff ne donnant pas suite, il reste à départager les deux projets restants. 


1879


Les projets sont étudiés à partir du Conseil municipal du 18 juillet 1879.

- Le projet Delbouille (4 millions de francs), comprend la construction d'un Casino essentiellement situé sur la place des Phocéens (parallèlement aux maisons Donaudy et Laurenti), et la couverture du Paillon à partir de l'alignement de la promenade des Anglais jusqu'au delà de la rue Paradis, avec la faculté d'en étendre la couverture jusqu'à l'alignement sud de la place Masséna, en réservant comme jardin privé la surface gagnée sur le Paillon.

En compensation, la concession du Casino est demandée pour une durée de 60 ans, avec le versement d'une redevance municipale annuelle de 160,000 francs.

- Le projet Lazard (5, 6 millions de francs) comprend l'élargissement du Pont-Neuf, la réunion des places Masséna et Charles-Albert, la construction du Casino et ses dépendances sur la partie à couvrir entre le Pont-Neuf et le square Masséna, et la création d'un grand jardin réunissant le Jardin-Public et le square des Phocéens jusqu'à la place Masséna, sur la partie à couvrir du Paillon entre l'embouchure et le Casino.

Un grand orchestre, constitué de 60 musiciens l'hiver et de 30 musiciens l'été, sera entretenu par le Casino et se produira également cinq fois par semaine au Jardin-Public (économie pour la municipalité de la Musique municipale et son coût de 60,000 francs par an). 

Les locaux du Casino, son jardin d'hiver et l'orchestre seront mis à disposition de la municipalité quatre fois par an. L'orchestre sera également mis à disposition six autres fois au maximum, lors du Carnaval, des Régates et d'autres fêtes publiques

Dans les deux mois suivant l'approbation définitive du traité, le concessionnaire ajoutera aux 30,000 francs déjà déposés, la somme de 70,000 francs. La concession du Casino sera accordée pour une durée de 80 ans, avec une redevance municipale annuelle de 85,000 francs. 

Les commissions municipales préférant nettement la proposition de M. Lazard, jugée plus avantageuse pour la ville, le projet Delbouille est écarté lors de la séance du Conseil Municipal du 17 septembre 1879 et le projet Lazard est retenu.

Une convention est signée le 16 octobre 1879, par le maire Alfred Borriglione avec Omer Lazard, architecte et concessionnaire parisien, agissant en son nom propre et celui d'une Société qu'il se réserve de constituer. 

À la fin du mois d'octobre 1879, le Préfet prescrit l'ouverture de deux enquêtes simultanées à la mairie de Nice destinées à recueillir, du 1er au 20 novembre, l'avis des habitants sur le projet d'envoûtement du Paillon et de construction d'un Casino.

Suite au résultat de ces enquêtes, le projet Lazard subit quelques modifications et est à nouveau validé par le Conseil Municipal du 1er décembre 1879. Une convention complémentaire est signée dès le 2 décembre, avec la Société anonyme qui s'est substituée aux droits et obligations de M. Lazard. 


La programmation des travaux

Selon le cahier des charges de la municipalité, priorité sera donnée au couvrement du Paillon sur toute la longueur de la place Masséna (englobant le Pont-Neuf), afin d'y créer une grande esplanade recoupée de trois voies séparées par des rangées d'arbres et de fleurs.

Cette esplanade réunira les places Masséna et Charles-Albert, facilitant la communication entre les deux rives et le développement de l'activité commerciale de la vieille ville. Le Pont-Neuf sera démoli et reconstruit, comme l'ensemble du couvrement, avec cinq arches et cinq tunnels correspondants, voûtés en plein cintre.

La construction reposera sur un radier en béton, établi sur toute la largeur du lit du Paillon (70 mètres), afin de faciliter l'écoulement des eaux. Les niveaux trop élevés de la place Masséna, du Pont-Neuf et du boulevard du Pont-Neuf devront être abaissés de 80 cm pour être à la hauteur du quai Saint-Jean-Baptiste. 

Le couvrement se continuera en remontant vers le nord (sur une longueur de 156 m au total), jusqu'à une distance de 50 m du square Masséna (érigé sur le Paillon entre 1867 et 1869), afin d'établir une large prise d'air pour l'aération et l'éclairage des tunnels. 

Sur cette partie une fois couverte, le bâtiment du Casino et du Théâtre (comprenant également un Cercle, un local d'exposition des Beaux-Arts et onze boutiques) puis le jardin d'hiver au nord, seront ensuite érigés. La façade du Casino (70 mètres), perpendiculaire au lit du Paillon, viendra dans le prolongement des arcades nord de la place Masséna.

En même temps, le couvrement du Paillon s'effectuera plus au sud (sur une longueur de 185 m), jusqu'à son embouchure, avec démolition et remplacement du Pont des Anges (ou Pont des Phocéens - ancien Pont Napoléon III construit en 1863), de telle sorte que toutes les parties d'ouvrages soient terminées simultanément.

Cet espace sud, une fois couvert, recevra la création d'un jardin planté, nivelé et aménagé de promenades, qui réunira les deux jardins du square des Phocéens et du Jardin Public. Enfin, un café (de 20x15 m), doté d'un seul niveau, sera érigé sur la place des Phocéens et bénéficiera d'un jardin privé de 1,400 m2, entouré de grilles.

Au-delà de la réunion des deux rives et de l'espace gagné, le couvrement réduira, en centre ville, l'accès au Paillon et la vue de ses eaux stagnantes aux émanations nauséabondes et de ses lavandières au travail.



LE PROJET LAZARD EN ATTENTE (1880-1881)


1880


Les opposants

Certains habitants de Nice s'opposent cependant au projet de Casino (journaux dont Le Progrès de Nice et Il Pensiero di Nizza, docteurs, conseillers municipaux et hôteliers de la rive gauche, ainsi que les Frères Tiranty). M. Lazard intente d'ailleurs un procès au Dr Prompt pour ses propos insultants et non fondés.

Les opposants conçoivent mal un Casino sans roulette, proche de celui de Monte-Carlo, jugent ridicule la création d'un Jardin d'hiver qui, de plus, sera vitré et reflètera les rayons du soleil (éblouissement et chaleur) et plaident pour une réduction de la durée de la concession à 50 annuités, afin d'éviter une opération trop ruineuse pour un établissement privé où le public ne sera admis qu'en payant.

L'emplacement choisi leur pose également problème. Le Casino va séparer la ville haute de la ville basse, modifier la circulation de l'air qui chassait les mauvaises odeurs du Paillon vers la mer, masquer la perspective du Paillon et le panorama des montagnes, porter préjudice aux hôtels du quai Saint-Jean-Baptiste en empêchant leur vue sur la mer et occuper une position centrale qui manquera à la ville dans l'avenir. Ce projet risque enfin de faciliter les inondations.


La validation du projet

Pendant quelques mois, M. Lazard hésite sur les suites à donner au projet (au risque de perdre les 30,000 francs de caution), du fait des opposants mais surtout du fait du désistement de la Société de crédit (basée à Paris et à Nice) qui devait soutenir financièrement les travaux, et de l'émergence du projet niçois concurrent du Casino de la Jetée-Promenade. 

Le dossier municipal suit cependant son cours. En février 1880, le projet Lazard est successivement validé par le Conseil d'Hygiène, par les ingénieurs des ponts et chaussées, par la Commission départementale des bâtiments civils et par la Société des architectes de Nice. 

La concession municipale pouvant apparaître comme une sorte d'emprunt, le dossier doit être ensuite adressé au ministre de l'Intérieur. Après réception, le ministre soumet la question aux commissions compétentes puis au Conseil d'Etat qui donne un avis favorable. 

Un projet de loi est ensuite présenté aux deux Chambres. Suite à leur vote favorable du 15 juin 1880, le traité est autorisé par une loi promulguée au Journal Officiel le 18 juillet 1880. La concession est définitivement validée par la signature du préfet des Alpes-Maritimes, le 31 juillet 1880. 

Tous les travaux prévus devront être terminés sous 3 ans et demi, soit au 31 janvier 1884 ; en cas de retard, une année supplémentaire pourra être accordée jusqu'au 31 janvier 1885 mais sera déduite de la durée de la concession (79 ans au lieu de 80 ans).

M. Lazard convoque alors, début août 1880, les différents entrepreneurs de la ville pour obtenir leurs tarifs. Dès la troisième semaine d'août, une machine est installée au milieu du lit du Paillon, afin de réaliser les travaux préparatoires à la couverture du torrent et à la construction du Casino.

Le projet reste cependant au point mort jusqu'en fin d'année où M. Lazard parvient à compléter son cautionnement de 70,000 francs (probablement plusieurs semaines après la date limite fixée par la municipalité), grâce à la formation de la nouvelle Société anonyme du Casino municipal de la Ville de Nice, avec à sa tête le comte de Tocqueville. 

Pour l'émission d'obligations, M. Lazard se heurte au refus des sociétés niçoises mais finit par trouver un banquier parisien. Le 1er avril 1881, la Société anonyme du Casino municipal de la Ville de Nice émet en France et en Angleterre, par l'intermédiaire du banquier Henri de Lamonta, un emprunt de 7,5 millions de francs, composé de 15,500 obligations, remboursables sur la durée de la concession (placement à près de 5%). 

La Société anonyme, constituée au capital-actions de 4 millions de francs, reconnait cependant 3,2 millions à M. Lazard et ne fait entrer en caisse que 800,000 francs pour la mise en œuvre des travaux, ce qui n'attire pas les capitalistes. L'émission ne rencontre pas, en définitive, le succès escompté et est loin d'être couverte.

Les premières rentrées d'argent permettent cependant d'engager les travaux. Des baux sont parallèlement signés avec les futurs locataires dont le Cercle Masséna qui s'engage au paiement d'un loyer annuel de 75,000 francs. Un cafetier-restaurateur parisien retient également l'établissement envisagé.


1881


Fin janvier 1881, M. Borriglione, lors du discours introductif de son second mandat de maire, rappelle que l'administration doit soutenir et encourager cette entreprise, tant pour le  Casino qui assurera la prospérité de la ville, que pour la couverture du Paillon et la création de son grand et magnifique jardin.

Fin février 1881, les travaux n'ont toujours pas commencés.


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