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1- Détail d'une publicité pour les ateliers de DE MAUNY Louis (1812-1878), parue dans, J. Brunet, Nouveau Guide dans Boulogne et ses environs, Boulogne-sur-Mer, 1865, Appendice publicitaire (Google Livres). |
INTRODUCTION
Pourquoi s'intéresser au photographe Louis Frédéric de Mauny (dont le nom est parfois retranscrit, Mauny, Demauny, De Manny, Demanny, Demany) ?
- Parce qu'au-delà des portraits qu'il a réalisés des deux côtés de la Manche, à Londres et à Boulogne-sur-Mer sous le nom de "Monsieur Louis", "Louis de Mauny" ou "Louis F. de Mauny". il a photographié pendant plus de 15 ans les rues, bâtiments et plages de cette station balnéaire française à forte population britannique.
- Parce que ses portraits et vues sont peu présents dans les Collections nationales et internationales et qu'il n'a été que peu étudié, en dehors du relevé de ses six adresses d'ateliers londoniennes (pic.nypl.org) et de ses deux adresses boulonnaises. Côté français, la seule et brève étude connue est celle de Jean-Marie Voignier, dans son Répertoire des Photographes de France au XIX° siècle (Le Pont de Pierre, 1993 p 178) : "Mauny Louis de. ph. Boulogne sur Mer (Pas de Calais), rue Napoléon 22, puis quai de la Douane 24 ; Londres, Euston Road ; des années 1860 aux environs de 1900. Vues de Boulogne" ;
- Parce qu'il a fondé une véritable dynastie, avec des enfants et petits-enfants photographes. La recherche va cependant se restreindre ici à la seule étude de sa vie et de sa carrière.
BIOGRAPHIE
Bayeux
Louis Frédéric de Mauny est né dans l'arrondissement de Bayeux (Calvados), en 1812 ou 1813 (le 4 mars ?) [acte non retrouvé].
Il est l'un des trois (?) enfants de Louis François Edouard de Mauny (Englesqueville-en-Auge, Calvados vers 1773-Bayeux, Calvados 14 décembre 1824) et de Rebecca Sudbury (Reading, Berkshire, en 1772 ?-Londres après 1824) qui se sont mariés vers 1803 (à Basildon, près de Reading, Berkshire ?). A la date du décès du père, en décembre 1824, la mère est domiciliée à Londres.
Louis de Mauny se forme probablement, à Paris, aux arts du dessin et de la peinture, au tournant des années 1830. Son nom reste cependant absent des expositions de cette période.
C'est dans cette ville qu'il se marie à l'âge de 27 ans, le 26 juin 1839, avec Julie Angélique Moreau, 19 ans (née le 11 avril 1820).
New York
Les époux de Mauny semble quitter Paris pour New York dans les mois qui suivent leur mariage. C'est dans cette ville que leurs trois fils vont naître : Jules Frédéric (vers 1840), Gustave (vers 1842) et Frédéric (vers 1848) (ce dernier étant rarement cité dans les généalogies de la famille).
La profession exercée par Louis de Mauny reste inconnue, même s'il est fort probable que ce soit à nouveau dans le domaine de la peinture ou du dessin. Son adresse new-yorkaise est 173 Bowery, au sud de Manhattan (Longworth's American Almanac, New York Register, 1841 p 487).
La date précise du retour de la famille de Mauny en Europe reste inconnue mais peut être située au tournant des années 1850.
Paris
La famille est en effet présente à Paris au début de l'année 1852 mais elle semble déménager à Londres dès 1853 ou 1854.
Londres
La présence de Louis de Mauny à Londres est attestée fin 1854 lorsqu'il est déclaré en faillite [preuve d'une activité déjà engagée] et se voit convoqué au Tribunal de Commerce à la date du 25 janvier 1855 (traduction française) :
"Louis Frederick de Mauny (poursuivi comme "Ls. de Mauny"), Eltham, Kent [banlieue sud-est de Londres, située environ à 20 km de sa deuxième adresse], et No. 112, Sloane-street, Chelsea, Middlesex [quartier huppé du centre de Londres, probablement l'adresse de sa boutique], professeur de dessin, professeur de langues et marchand de lithographies" (The London Gazette du 17 novembre 1854).
L'issue de cette situation n'est pas connue en détail mais il apparaît que c'est au cours de l'année 1855 que Louis de Mauny s'installe en tant que photographe, cette fois au nord de Londres, dans une zone récemment englobée dans la ville, au 16 Fitzroy Terrace, New Road, Saint Pancras, Camden.
En 1857, le dénomination de la voie est changée et l'adresse de Louis de Mauny devient 374 Euston Road (near Regent's Park, Saint Pancras, Camden), adresse qu'il va conserver pendant de nombreuses années (The Post Office London Directory, 1862 p 291) et où il va ouvrir une Ecole de Photographie.
Les intitulés de ses adresses suivantes ne varieront essentiellement que par le numéro de la rue, sans qu'il soit possible d'affirmer s'il s'agit toujours du même bâtiment ou de nouveaux locaux dans la même rue, avec le 333 puis le 313, Euston Road.
Dans la première moitié des années 1860, Louis de Mauny ouvre cependant une succursale au sud de Londres, au 4 Orange Row, Kennington Road, Lambeth, qu'il ne semble conserver que quelques années seulement.
Boulogne-sur-Mer
Après avoir rencontré un certain succès lors de sa participation à la Foire de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) d'août 1861, Louis de Mauny décide d'ajouter à son activité anglaise, une adresse d'atelier dans cette ville française.
Il s'installe dans l'une des rues commerçantes les plus fréquentées, à l'emplacement d'un précédent atelier et dépôt de photographies, au 22, rue de l'Ecu, voie dite ensuite rue Napoléon par un arrêté de mai 1862 (actuelle rue Victor-Hugo) (The Boulogne Gazette du 1er janvier 1862). Ses nom et adresse n'apparaîtront cependant dans les Annuaires-Almanachs Firmin-Didot qu'à partir de 1864.
Au-delà des portraits de studio, et notamment des pêcheurs et pêcheuses en habit traditionnel, Louis de Mauny va développer une activité de paysagiste dans Boulogne et ses environs (rues et bâtiments emblématiques, monuments, port et plage).
Il participe notamment, en 1866, à l'Exposition Internationale de Pisciculture de Boulogne-sur-Mer avec des portraits de pêcheurs et des scènes prises sur les quais et la plage.
Son fils aîné, Jules Frédéric de Mauny reste à Londres où il ouvre un atelier personnel, vers 1863-1864, au 67 Welbeck Street, Saint Marylebone, Westminster et se voit probablement confier ensuite l'atelier paternel d'Euston Road.
Jules de Mauny va demander sa naturalisation britannique et se marier à Londres, à l'âge de 31 ans, fin 1871, à Londres (Marylebone), avec, Louisa Harriett Chamberlaine (1851-1935), 21 ans (née à Londres le 17 mars 1851). Le couple, dans sa résidence de St Pancras, aura quatre enfants dont certains deviendront à leur tour photographes.
Les deux autres fils de Louis de Mauny, Frédéric et Gustave travaillent avec lui à Boulogne-sur-Mer (Registres de recensements).
Le cadet, "Gustave de Mauny, Photographe, demeurant à Boulogne, âgé de vingt-six ans, célibataire", décède malheureusement dans cette ville, le 25 décembre 1868.
Louis de Mauny est également assisté par un employé, comme le photographe Edouard Richard, âgé de 17 ans, signalé dans le recensement de 1866 puis l'ouvrier photographe, Henri Green, âgé de 22 ans, cité dans le recensement de 1872.
Louis de Mauny va décéder à son domicile de Boulogne-sur-Mer, au 24, quai de la Douane, le 25 août 1878, âgé de 66 ans.
Son épouse, Julie Angélique née Moreau, domiciliée à Paris, rue de Littré, 7 (6ème arrondissement), ancienne Institutrice, âgée de 70 ans, décèdera pour sa part, le 1er novembre 1890, rue de Sèvres, 42 (dans le 7ème arrondissement).
UNE DEUXIÈME COMPAGNE
Paris
Certains documents révèlent un aspect plus intime de la vie de Louis de Mauny et permettent de préciser certains faits.
Au retour de New York, Louis de Mauny, âgé de 40 ans, entretient, au début de l'année 1852, une liaison extra-conjugale avec Isabelle Larousse, 30 ans (née le 22 avril 1822, à Provins, Seine-et-Marne). De cette union, une enfant, Marie de Mauny, va naître à Paris le 2 novembre 1852 et être reconnue par son père.
Cependant, Louis de Mauny semble mettre fin à sa liaison, en quittant Paris pour Londres, vers 1853, avec son épouse et ses trois fils.
Londres
C'est probablement à Londres que Louis de Mauny apprend le décès de sa fille Marie, à la fin de l'année 1860.
Dans l'acte de décès, deux témoins, voisins de la fillette, déclarent qu'hier, 29 octobre 1860, est décédée à Condé (Condé-sur-L'Escaut, Nord), "en une maison sise place d'armes, Marie de Mauny, âgée de huit ans, née et domiciliée à Paris, fille légitime de Louis Frédéric de Mauny, âgé de quarante-sept ans, peintre et d'Isabelle Larousse, âgée de trente-cinq ans, sans profession, domiciliés audit Paris" (Archives Départementales du Nord, registre des Naissances, Mariages et Décès 1853-1863, vue 926).
Cette déclaration, certes faite par des témoins qui ne font que répéter ce qu'on leur a transmis, interroge cependant, au-delà même du décès et du lieu. Louis de Mauny y est dit parisien. A-t-il conservé une adresse à Paris ? Assure-t-il la subsistance de sa deuxième famille ?
Boulogne-sur-Mer
Est-ce le décès de Marie qui a rapproché les deux anciens amants ? Il semble que Louis de Mauny et son épouse Julie Angélique née Moreau, domiciliés à Boulogne-sur-Mer, se séparent au début des années 1860 mais sans divorcer, et que Julie Angélique quitte définitivement la ville.
Isabelle Larousse vient alors s'installer au domicile de Louis de Mauny et partager sa vie et celle de ses enfants. Elle est notamment citée dans les recensements boulonnais de 1866, 1872 et 1876 où elle est dite "sa femme".
Lors de la déclaration de décès de Gustave de Mauny en décembre 1868, par son frère Frédéric, Gustave est dit le fils de Louis de Mauny et "de feu [!] Angélique Moreau (les autres renseignements n'ont pu nous être transmis", sans qu'il soit possible de savoir si cette affirmation est un mensonge volontaire ou non.
Isabelle Larousse travaille peut-être au magasin de photographie familial ; elle reste en tout cas présente auprès de son conjoint jusqu'à la mort de ce dernier, fin août 1878.
La déclaration de décès de "Louis Frédéric de Mauny, photographe" est faite par ses deux enfants, "Frédéric de Mauny, âgé de trente ans et Jules de Mauny, âgé de trente-huit ans [sa présence laisse présumer d'une mort annoncée], tous deux photographes", lesquels déclarent que leur père, "âgé de soixante-six ans, veuf [!] en premières noces d'Angélique Moreau, époux en secondes noces [!] d'Isabelle Larousse, âgée de cinquante-six ans, est décédé ce jour".
Lors de la succession de ce dernier, un inventaire est fait le 16 septembre 1878, un jugement du Tribunal civil de première instance est rendu le 2 janvier 1879 et la déclaration de succession est réglée le 14 février suivant (Archives Départementales du Pas-de-Calais, Boulogne-sur-Mer, Tables des successions, 3Q14/164, vue 55).
Le détail des biens n'est pas connu mais il semble que Louis de Mauny ait pris des dispositions de son vivant pour sa compagne et son fils Frédéric car seul son fils Jules (l'aîné) est désigné comme héritier.
L'atelier de photographie du 24, quai de la Douane de Boulogne-sur-Mer semble revenir à Frédéric de Mauny (1848-?) [actif jusque vers l900 ; acte de décès non retrouvé], celui du 326 Euston Road de Londres à Jules de Mauny (1840-1921), en restant sous le nom de son père.
Un lot de trois terrains boisés situés au Parc du Vésinet, sur la commune de Chatou (près de Paris) est cependant mis en vente en juin 1879 :
- à la requête de "mademoiselle Isabelle Larousse, propriétaire, demeurant à Boulogne-sur-Mer",
- face à, "M Jules-Frédéric de Mauny, en sa qualité de seul et unique héritier, mais sous bénéfice d'inventaire seulement" [seul héritier légal ou testamentaire ayant accepté la succession avec ses dettes potentielles mais de manière conditionnelle jusqu'à concurrence des biens reçus],
- et à la défenderesse et défaillante, "Madame Angélique Moreau, veuve de M. Louis Frédéric de Mauny, ayant demeuré ci-devant à Boulogne-sur-Mer et actuellement sans domicile ni résidence connus : ladite dame ayant été commune en biens avec ledit feu sieur de Mauny" [Frédéric n'est pas cité] (L'Industriel de Saint-Germain-en-Laye du 31 mai 1879).
Isabelle Larousse, "sans profession, née à Provins (Seine-et-Marne) le 22 avril 1821 [1822] (...), veuve de de Mauny Louis [!]", demeurant à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), rue du Dr Danvin, décédera à son domicile, le 5 août 1909, âgée de 87 ans.
LES ATELIERS DE LOUIS DE MAUNY
Les résultats de la recherche préalable à cet article sont proches de ceux des études britanniques mais en différent cependant par quelques dates et mettent en parallèle les adresses londoniennes et boulonnaises relevées dans les documents britanniques et français (ouvrages, journaux photographies).
Quelques éléments restent encore à confirmer du fait que certaines des adresses complémentaires ont pu perdurer au-delà des années où elles sont citées.
Louis de Mauny a occupé les adresses suivantes entre 1855 et 1878 :
-16 FITZROY TERRACE, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON : vers 1855-1857.
- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON : vers 1857-1861 (Image 2).
- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 22, RUE DE L'ECU, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1861-1862 (Images 3 et 4).
- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN - 22, RUE NAPOLEON, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1863-1865 (Images 5 et 6).
- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN & 4 ORANGE ROW KENNINGTON ROAD, LAMBETH, LONDON - 22, RUE NAPOLEON, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1863-1865 (Images 7, 8 et 1).
- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 22, RUE NAPOLEON & 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1865-1866 (Image 9).
- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1866 (Image 10).
- 333 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER: vers 1866-1875 (Image 11).
- 313 & 333 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON [cette adresse est encore citée dans, Adressbuch für Photographie und verwandte Fächer, 1879 p 82 mais dans des listes qui datent de 1876] - 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER: vers 1875-1876.
- 326 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER: dès 1877 (Images 12 et 13).
REMARQUES
Sur les ateliers
Il est parfois difficile de distinguer les ateliers appartenant à Louis de Mauny de ceux de son fils aîné Jules en Angleterre. Jules de Mauny est-il devenu propriétaire de l'atelier de la rue Euston avant ou après le décès de son père en 1878 ?
Il semble d'ailleurs que ce soit Jules de Mauny qui a fait construire le nouvel atelier situé au n° 326 Euston Road en 1876 (Minutes of Proceedings of the Metropolitan Board of Works, London, 1876 p 366). Mais l'a-t-il fait en son nom ou celui de son père ? Cette ambiguïté est renforcée par le fait que l'atelier londonien conservera le nom de "Monsieur Louis", après le décès de ce dernier (Images 2, 5, 9, 10 ; 13 et 14).
Les prénoms eux-mêmes peuvent parfois créer une certaine ambiguïté, avec d'une part le père, "Louis de Mauny", "Louis Frédéric de Mauny", "Frédéric de Mauny", "Frédéric Demauny" (Recensement de 1866), "Louis F. de Mauny" (Image 8), et d'autre part les fils, "Jules Frédéric de Mauny" et surtout "Frédéric de Mauny", "Frédéric Demauny" (Recensement de 1866), "F. de Mauny" (Image 12).
Enfin, il faut signaler l'existence de l'adresse londonienne du 27 Coventry Street, dirigée par "Monsieur Louis", à la fin des années 1860 ou au début des années 1870, sans qu'il soit possible d'affirmer qu'il s'agit d'un autre atelier de Louis de Mauny.
Sur les cartons-photos