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DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 23/12/2023
NICE - LE JARDIN DES PLANTES OU JARDIN PUBLIC
UN JARDIN DE PLAN TRIANGULAIRE (1854-1860)
Les années 1855 (suite) à 1860
Au printemps 1855, des plantations sont ajoutées dans le Jardin, le long du parapet de la rive du Paillon (grande allée latérale des voitures), dans la continuité de celles du quai Masséna (Image 13).
Alors qu’il est procédé à l’enlèvement de la palissade de bois qui servait de clôture provisoire au Jardin Public (depuis décembre 1851), L’Avenir de Nice du 22 octobre 1855 conseille l’installation d’un treillage près des jeunes arbres de la grande allée du bord de rive, afin de les protéger des voitures.
Sur le même site, voir également la lithographie contemporaine (vers 1855) réalisée d'après un dessin de Cassani, Souvenir de Nice, Vue du Jardin Public et du quai Masséna (ici).
L'Avenir de Nice du 31 octobre 1855 révèle que le batardeau de l'embouchure, entamé au printemps 1853 n'est toujours pas terminé. "Dans les dernières crues du Paillon, le courant a failli déborder et tourner le bâtardeau encore inachevé de l'embouchure, et envahir de nouveau la plage le long du chemin des Anglais.
Il y a déjà plus d'un an, le Conseil d'Ornement (...) a proposé une allocution (sic) urgente de mille francs pour un enrochement complémentaire de cent mètres cubes de blocs, nécessaires à l'achèvement du bâtardeau et à son nivellement avec le jardin public. Aussitôt cette réparation faite, l'Administration Municipale devrait s'empresser de commencer l'élargissement du chemin des Anglais".
Les aménagements de la place du Jardin Public sont moins bien connus dans les années 1856-1858, du fait des numéros non conservés de L'Avenir de Nice.
Auguste Burnel, dans son ouvrage, Nice, rédigé en 1856 (préfacé du 15 décembre 1856 et édité en janvier 1857), affirme que "le Jardin-des-Plantes créé récemment sur des terrains sans valeur a donné au quartier de ce nom une importance considérable" (p 34). Il qualifie ce quartier de "plus beau quartier de Nice" et en conseille les hôtels qui, exposés en plein midi, jouissent tout "à la fois de la vue sur la mer et de celle du Jardin-Public" (appendice publicitaire).
"Voici un autre point de vue tout intérieur, que je recommande au lecteur. Placez-vous au milieu du Jardin-Public, le dos appuyé au consulat de France et la figure tournée vers le levant. Un bassin ovale s'ouvre devant vous. C'est le Paillon, fermé sur ses deux rives par une ligne d'hôtels élégants ou par des allées plantées.
Quelques blancs clochers pareils aux minarets de l'Orient, se laissent apercevoir çà et là par dessus les maisons et les arbres. L'extrémité orientale du bassin est close par les deux mamelons du Mont-Boron et du Mont-Gros.
Ce coup d'œil est d'autant plus séduisant que vous êtes au milieu des fleurs, et qu'à votre droite. vous suivez de l'œil cette belle baie, dont la côte se dessine à l'ouest, jusqu'à la pointe d'Antibes, à l'est, jusqu'au phare de Villefranche" (p 86).
Auguste Burnel, qui a logé sur la place du Jardin des Plantes en juillet et août, livre de plus une longue et rare description du Jardin dont il s'est plu à admirer le "tableau charmant" des treillages, chaque matin, aux premières lueurs du soleil (pp 129-130) :
"Ce jardin lui-même qui ne date que de cinq ans à peine, voit croître de jour en jour les deux lignes de sycomores et de tilleuls qui bordent les allées du nord et de l'ouest. Au centre du jardin, douze ou treize poivriers déjà fort beaux, laissent tomber leur feuillage élégant comme celui du saule-pleureur autour du bassin dont le jet d'eau rafraîchit l'atmosphère.
Dans les allées qui rayonnent autour du bassin, des centaines de jeunes arbustes de tous les climats s'élèvent et promettent de fournir, dans quelques années, les ombrages les plus charmants.
L'arbre de Judée, le cèdre du Liban, le néflier du Japon, le laurier-rose, le laurier-cerise, le pin du Nord, le myrte, le chêne vert, le datura arborea, le tamarin de l'Inde, le phytolacca, l'acacia-parasol, le magnolia, etc., etc., et une foule d'autres espèces destinées les uns à devenir de hautes futaies, les autres à conserver une hauteur de quelques pieds seulement, ont été plantés dans le Jardin-Public.
C'est par milliers qu'il faut compter les individus qui doivent un jour décorer cette promenade charmante" (pp 134-135). L'auteur ajoute enfin, en appendice, un long inventaire de tous les arbres, arbustes et plantes qui ornent le Jardin (pp 219-224).
S'il vante le boulevard du Midi et "le gazon si frais de la Place des Phocéens", "le Jardin-Public avec ses "garnitures de roses" et la Promenade des Anglais (récemment prolongée à l'ouest jusqu'au pont de Magnan, entre janvier 1855 et janvier 1856), il regrette cependant que cette dernière, plantée de petits pieds d'aloès et semée de gazon en bord de mer, reste dépourvue d'arbres et d'ombre (Image 14).
plan dressé par Ch. Montolivo, gravé par Ch. Dyonnet, B. Visconti éditeur, Nice, 1856,
BnF, Paris (voir sur Gallica).
Depuis peu, les concerts de la Garnison ont lieu deux fois par semaine au Jardin Public, le samedi et le dimanche, en début d'après-midi (l'été sur le Cours). Une estrade va être installée (entre novembre 1857 et juin 1859) mais dans le rond-point déjà dévolu à la musique, au sud du Jardin.
Le Constitutionnel du 8 avril 1858 (pp 2-3) présente le jardin en quelques mots : "La promenade des Anglais conduit au jardin public, dessiné en triangle et planté d’arbres de toutes les essences : oliviers, vernis du Japon, magnolias, bruyères arborescentes, althéas, palmiers, rosiers en fleurs, géraniums, etc., qui tous y réussissent à merveille. La musique de la garnison y joue deux fois la semaine".
La liste des habitants ci-dessous, publiée en octobre 1858 dans le Guide des Etrangers à Nice, peut être aisément comparée avec celle du Guide du Commerce de 1855.
On peut relever les changements suivants :
Coté nord - n° 1 et 3 : la veuve Trabaud est propriétaire de la Maison située au n° 1 (construite par Louis Trabaud en 1847, où la famille Mignon vit et travaille) mais également de la Maison située au n° 3 (ancienne Maison Visquis, érigée à la fin des années 1830) (Nice, AM, O4/11-017) ;
n° 5 et 7 : ces Maisons ont pour propriétaire M. Boutau, avec l'Hôtel de Grande-Bretagne et la Librairie Giraud.
L'Hôtel Victoria de Jean Zichitelli (anciennement cité au n° 5), qui a partagé des bâtiments avec l'Hôtel de Grande Bretagne (en 1854 et 1855), est parti s'installer (en 1855) sur la Promenade des Anglais.
Seul subsiste l'Hôtel de Grande Bretagne, tenu par Henri Brezzi (anciennement cité au n° 3 et désormais au n° 5 ?).
La "Librairie Etrangère" de Charles Giraud, préalablement située au n° 3, quai Masséna, est venue s'installer, en 1856 ou 1857, sur la place du Jardin-Public, au bas de l'Hôtel de Grande Bretagne (à l'est du bâtiment central) ;
n° 9 : "l'Hôtel de La Pension Anglaise" a cédé la place, en 1856, à "l'Hôtel d'Angleterre" tenu par Vincent Palmieri ;
Côté ouest - n°2 : la Maison d'Auguste Laurencin a pris le nom de Félix Donaudi/Donaudy qui l'a acquise le 29 octobre 1853 ;
n°4- le magasin de modes de Mme Gonin semble être passé du n° 2 au n° 4, Maison Robioni ;
n°6- la Maison Gilli est désormais nommée à ce numéro, avec "l'Institut homœopathique" (sic) dont la pharmacie (fondée dès 1850 à un autre emplacement) par M. Arnulphi/Arnulphy est côté Jardin, et dont le dispensaire pour les pauvres (ouvert en novembre 1857) est situé à l'arrière du bâtiment, rue du Canal, 12 (l'homéopathie, notamment appréciée par les Anglais et les Allemands, s'est développée à Nice dès la seconde moitié des années 1830, notamment avec le Dr Flores) ;
Urbain Garin, comte de Cocconato est également cité comme propriétaire au n° 6 ;
n° 8- cette Maison, dont la veuve Trabaud est également propriétaire, affiche par erreur le Bureau de La Terre Promise, alors qu'il s'agit du bureau de la revue Les Guêpes, à l'adresse du magasin d'Alphonse Karr.
Le Consulat de France qui s'était installé au n° 4 du Jardin, vers 1851, a déménagé au n° 8 en 1856 ou 1857.
Le bassin situé au nord du Jardin voit l'installation d'un nouveau jet d’eau en mars 1859 (L'Avenir de Nice du 16 mars 1859).
En juin 1859, la Famille Tiranty offre à la Ville un grand et magnifique palmier qui devient le plus bel ornement du Jardin, côté sud, à l'est de l'estrade de la musique (L'Avenir de Nice des 17 et 19 juin 1859).
Sa transplantation ayant eu lieu peu après la victoire franco-sarde de Magenta du 4 juin 1859 sur les troupes autrichiennes, il est proposé de donner ce nom au palmier (L'Avenir de Nice du 20 juin 1859). C'est cependant l'appellation de "Palmier de l'Annexion" qui sera retenue dès le début des années 1860.
Une figure de naïade sculptée vient orner le bassin du Jardin en novembre 1859 (Les Echos de Nice du 14 novembre 1859).
C'est essentiellement du côté sud que les cochers déposent leurs clients et se rangent le long de l’entrée du Jardin (L’ Avenir de Nice du 21 novembre 1859).
Un nouvel hôtel, "l'Hôtel des Anglais", ouvre à l'automne 1859 sur la place du Jardin-Public, à l'angle de la Promenade des Anglais, dans les Maisons Donaudi (L'Avenir de Nice du 8 novembre 1859).
Dans son ouvrage de 1860 (p 23), Baigneuses et Buveurs d'eau (préfacé le 1er mai 1860), Charles Brainne, rappelle que la Garnison joue deux fois par semaine au Jardin Public mais précise que "les autres jours, l'orchestre est composé de virtuoses allemands".
A quoi ressemble le Jardin Public lors de l'Annexion française du Comté de Nice en juin 1860 ?
Le tracé du Jardin s'est progressivement éloigné d'une géométrie rigoureuse organisée autour d'un bassin central. Le plan circulaire, envisagé depuis les années 1820, a bien été réalisé (1851-1854) mais la répartition cruciforme des allées a été abandonnée au profit d'une répartition en étoile non systématique.
L'agrandissement du Jardin en 1854 a entraîné l'adaptation à la configuration d'un terrain sud plus étroit et l'adoption d'un plan triangulaire où le bassin s'est trouvé excentré. En 1855, le bord de rive a ensuite été planté.
Les arbres, disposés aux limites nord et ouest du Jardin, ainsi qu'à la périphérie du bassin, se sont fortement développés dans la seconde moitié des années 1850. Peu de grands arbres ornent cependant les parterres, davantage réservés aux fleurs et aux arbustes. Les plantations des débuts ont été enrichies dans les années suivantes par des achats mais également par des dons d'horticulteurs et de propriétaires de jardins privés.
A la fin des années 1850, le tracé rayonnant des allées a été réduit au seul pourtour du bassin nord, de nouveaux parterres venant interrompre et faire disparaître les allées rectilignes. Le Jardin est progressivement passé du style italien au style anglais. A la zone nord du bassin, répond désormais la zone sud de l'estrade de la musique, accostée du Palmier de l'Annexion.
Le Jardin affiche toujours un plan triangulaire aux angles arrondis, avec cinq entrées (trois dans les angles et deux latérales). Le plan interne en étoile des allées s'est estompé et seul le bassin entouré d'arbres et de bancs semble conserver le souvenir du plan circulaire, les autres parterres longeant principalement les limites du triangle, entourées de haies. Le rond-point de la musique est désormais repérable, près de l'entrée sud, accosté du parterre comprenant le Palmier de l'Annexion.
Dans l'axe de la rue Saint-François-de-Paule, le bassin de la place ou rond-point des Phocéens, "orné d'arbres et de belles pelouses" (Guide des Etrangers à Nice 1858-59, 1858 p 55) et le pont de l'Embouchure en sont toujours au stade de projets.