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mardi 30 juillet 2019

1044-UN ALBUM DE PHOTOGRAPHIES D'ARISTIDE MONTEL, VERS 1883









DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 29/03/2023




L'ALBUM

Cet album mesure 30x22x3,4 cm. Sous une couverture en cuir gaufré pourvue de deux fermoirs en laiton, dix pages cartonnées à tranche dorée reçoivent chacune quatre cartes de visite.

L'ensemble est actuellement en assez mauvais état. La couverture au décor brun, losangé et en relief est usée et frottée et les fermoirs sont cassés. A l'intérieur, les pages comportent de nombreuses rousseurs, salissures et déchirures et la reliure elle-même est déchirée, dissociant les deux premières pages.

Cet album n'en est pas moins assez exceptionnel car il présente quatre-vingts cartes de visites réunies par le photographe, afin de permettre au client d'attendre son tour tout en choisissant la pose, voire le traitement de la photographie à réaliser.






LE PHOTOGRAPHE

Aristide Montel est un photographe niçois qui est pour la première fois signalé en 1872 avec son atelier et sa résidence au n° 8 de la rue Cassini (Nice Est), son adresse étant, à partir de 1873, systématiquement citée dans les annuaires.

Il déménage en 1877 ou 1878, pour une maison peu éloignée dont il devient propriétaire, située à l'angle de la rue de l'Escarène et de la rue Scaliero (Nice Ouest).

Son atelier semble cesser toute activité vers 1907, après 35 ans de fonctionnement. 

Né à Nice le 28 juin 1847, de parents inconnus, Aristide Montel a été reconnu par sa mère le 29 août 1870 et a cohabité avec elle jusqu'à la mort de cette dernière ; devenu photographe, il s'est marié en 1874 à 29 ans et est devenu père de deux enfants, en 1876 et 1881 (dont le futur scientifique Paul Montel) ; veuf à 36 ans, il a attendu le départ de ses enfants et la fin de son activité professionnelle pour se remarier à 61 ans ; il est décédé à Nice, à l'âge de 82 ans, le 8 décembre 1929 au 22, rue Tondutti de l'Escarène.









LES CARTES DE VISITE

Malgré 35 ans d'activité, peu de photographies d'Aristide Montel sont connues. Avant la découverte de cet album, je n'avais connaissance que d'une douzaine de cartes de visites et de trois cabinets et je ne possédais que trois cartes de visite.

L'étude de cette album a pour but d'établir la chronologie des différents cartons-photos édités par Aristide Montel, voire de préciser la date d'ouverture de son premier atelier.

Première surprise de cet album, sous un quart des cartes de visite présentes, se cachent une, deux et parfois même trois autres cartes de visite, faisant passer le nombre global de photographies intégrées de 80 à 118 !

Sur les 118 CDV, 33 montrent des portraits de femmes, 35 des portraits d'hommes et 53 des portraits d'enfants (bébés, enfants, adolescents), sachant qu'une CDV réunit une femme et une enfant, 4 CDV deux enfants et 1 CDV trois enfants.

Il ne semble pas y avoir d'ordonnancement particulier des photographies. Les pages ne sont pas spécifiques, mélangeant portraits de femmes, d'hommes et d'enfants. Il n'y a pas non plus de classement chronologique, les différents types de cartons-photos se retrouvant sur les différentes pages. Cependant, les photos cachées semblent, en général, plus anciennes que les photos apparentes.

L'état de conservation des photographies est correct. Cependant de nombreuses cartes de visites ont les angles recoupés ou leur partie basse repliée ou découpée. Il est à noter que, malheureusement, aucun carton ne porte d'indications manuscrites (identification ou datation).





On peut distinguer huit types de cartons-photos différents dont sept affichant l'adresse de la rue Cassini et un seul l'adresse de la Maison Montel.

1-ce type de carton-photo n'est qu'une seule fois présent dans l'album (1/118) et est masqué (vers 1870 ?) :
- recto sans indication sur fond de carton fond blanc/beige, avec un tirage albuminé collé (portrait émaillé de femme de trois-quarts), dans un médaillon ovale légèrement embossé (camée),
-verso sur fond blanc/beige avec, au centre du médaillon en creux, une petite étiquette rectangulaire collée, encadrée de rouge et portant à l'encre rouge, "Aristide Montel - Artiste - Photographe - Atelier de pose - Rue Cassini N°. 8. - Nice".






2-ce type de carton-photo est 23 fois présent dans l'album (23/118) et est les 23 fois apparent (vers 1870-1873 ?) :
- recto sans indication sur fond de carton blanc/beige parfois encadré d'un liseré rouge (recoupé), portant un tirage albuminé collé (portrait émaillé, dans un ovale légèrement embossé (camée), de femme, d'homme ou d'enfant de trois-quarts ou de profil),
- verso sur fond blanc/beige avec, au centre du médaillon en creux, les éléments suivants imprimés à l'encre rouge : les symboles dessinés de la Photographie (appareil) et de la Peinture (palette), accompagnés d'une branche de laurier d'un putto ailé et en -dessous le texte, "A. Montel - Photographe - 8. Rue Cassini 8. - Nice", avec tout en bas, la mention "Les clichés sont conservés".






3-ce type de carton-photo est 31 fois présent dans l'album (31/118) mais seulement 12 fois apparent (vers 1871-1873 ?) :
- recto sur fond blanc/beige portant les inscriptions à l'encre rouge, "A. Montel", en bas à gauche sous un tirage albuminé collé (portrait de femme, d'homme ou d'enfant), bordé d'un liseré rouge,
- verso sur fond blanc/beige avec les éléments suivants imprimés à l'encre rouge : les symboles dessinés de la Photographie (appareil) et de la Peinture (palette), accompagnés d'une branche de laurier d'un putto ailé et en -dessous le texte, "A. Montel - Photographe - 8. Rue Cassini 8. - Nice", avec tout en bas, la mention "Les clichés sont conservés".





4-ce type de carton-photo est 7 fois présent dans l'album (7/118) dont six fois masqué (vers 1873-1874 ?) :
recto sur fond blanc/beige portant les inscriptions à l'encre violette, "A. Montel", en bas à droite sous un tirage albuminé collé (portrait de femme, d'homme ou d'enfant), bordé d'un liseré violet,
- verso sur fond blanc/beige avec les inscriptions suivantes imprimées à l'encre violette et réparties sur les quatre côtés d'un losange formé de planches, "A. Montel - Photographe - 8, Rue Cassini - Nice" puis au centre du losange, "Rappeler - le N°. ---".






5-ce type de carton-photo est présent une seule fois dans l'album (1/118) et apparent (vers 1874 ?) :
- recto sans indication sur fond de carton blanc/beige portant un tirage albuminé collé (portrait émaillé légèrement embossé - camée - de jeune homme de trois-quarts),
- verso sur fond blanc/beige avec, imprimés à l'encre rouge, un ensemble de motifs réunissant des rinceaux et un phylactère déroulé portant, "A. Montel - Photographe - 8, Rue Cassini - Nice".






6-ce type de carton-photo est 31 fois présent dans l'album (31/118) et 23 fois apparent (vers 1874-1876 ?) :
- recto sur fond blanc/beige portant les inscriptions en italique à l'encre brun-rouge, "A. Montel. - Nice.", en bas à droite sous un tirage albuminé collé (portrait de femme, d'homme ou d'enfant),
- verso sur fond blanc/beige avec dans un cartouche central encadré de couleur (saumon ou vert), imprimés à l'encre brun-rouge, un ensemble de motifs sur fond de couleur (saumon ou vert) réunissant, sous une étoile, des rinceaux et un phylactère déroulé portant, "A. Montel - Photographe - 8, Rue Cassini - Nice".









7-ce type de carton-photo est 20 fois présent dans l'album (20/118) et les 20 fois apparent (vers 1876-1878 ?) :
- recto, sur fond jaune ou blanc/beige, portant les inscriptions en italique à l'encre brun-rouge, "A. Montel. - Nice.", en bas à droite sous un tirage albuminé collé (portrait de femme, d'homme ou d'enfant),
- verso, sur fond jaune (recto jaune) ou rose (recto blanc/beige), portant les éléments suivants imprimés à l'encre brun-rouge : inscriptions aux initiales ornées sur fond de fins rinceaux, "Photographie - De - A. Montel (dans un cartouche oblique) - 8 - Rue Cassini - Nice". 









8-ce type de carton-photo est seulement 2 fois présent dans l'album (2/118) et les 2 fois apparent (vers 1878-1884 ?) :
- recto sur fond blanc/beige portant les inscriptions en italique à l'encre brun-rouge, "A. Montel. - Nice.", en bas à droite sous un tirage albuminé collé (portrait de femme, d'homme ou d'enfant),
- verso sur fond rose portant les éléments suivants imprimés à l'encre brun-rouge : inscriptions aux initiales ornées sur fond de fins rinceaux, "Photographie - A. Montel (dans un cartouche oblique) - Angle - des Rues Escarène - Et Scaliero - Maison Montel - Nice". 








Le type 1 (vers 1870 ?), carton unique timbré d'une petite étiquette au verso, semble le plus ancien sans qu'il soit possible de lui attribuer une date précise. Si le recensement de 1872 révèle en effet l'existence de l'atelier au n° 8 de la rue Cassini, son ouverture est probablement antérieure. Aristide Montel et sa mère n'habitent cependant pas à cette adresse dans le recensement de 1866, ce qui resserre la datation de son ouverture entre 1866 et 1872. Si Pierre Aristide n'a porté le nom de "Montel" qu'à partir de la reconnaissance officielle de sa mère le 29 août 1870, ce type 1 n'est pas antérieur à fin 1870 et donne peut être la date d'ouverture de l'atelier.

Le motif de putto (inspiration artistique), accompagnant au verso les symboles de la Photographie et de la Peinture sur les types 2 et 3 (vers 1870-1873 ?), existe dans toute la France et semble avoir été utilisé tout au long des années 1870 que ce soit chez Joseph Franceschi à Marseille, Jules Jean Rebreget à Autun, Eugène Joachim Asselin à Mantes ou encore Vivot à Amiens avec ses cartons imprimés de la date de "1877".
Leroux a utilisé ce motif de 1870 au début des années 1880 à Cannes, Toulon et Vichy, L. Blanc dès 1872 à Paris (cartons datés : octobre 1875, 1878, août 1879, février 1880, avril 1881...) et Fillioud-Oudot dès 1884 à Langres.... 
Un motif proche est, par exemple, utilisé à Langres (avec putto) par Jules Fontaine (dès 1873) et à Nice par Joseph Blanc (mais sans putto), vers 1873-1877. 

Le type 4 avec motif de planches en losange reste le plus original et le plus difficile à dater (vers 1873-1874 ?). Un motif semblable formant losange mais constitué cette fois de sangles est utilisé au verso des cartons-photos d'Eugène Carpot, à Saint-Pierre-les-Calais, le recto affichant la date de "1870".

Les textes inscrits au verso dans des motifs ornementaux encadrés de couleur du type 6 (vers 1874-1876 ?) se retrouvent pour leur part semblables, à Nice, chez Félix Trajan (vers 1872-1875) et chez Charles Delahaye (vers 1875-1876).

L'usage d'initiales ornées au verso avec une signature oblique et un fond de fins rinceaux des types 7 et 8 (vers 1876-1884 ?) semble se retrouver, du milieu des années 1870 au milieu des années 1880, chez de nombreux photographes dont les niçois Honoré Bonnet et Ferdinand Chardonnet.


ESSAI DE DATATION DE L'ALBUM

Un tampon à l'encre violette identifie le fournisseur de l'album sur la page de garde, "Encres à Tampon - Sans H... (?) - Timbres en caoutchouc - L. Giorda - 21, Ch. Saint-Barnabé - Marseille".





Ce nom de famille est uniquement cité à deux reprises dans l'Indicateur Marseillais :
- en 1883 p 446 et 1460, "Giorda L., repr. de commerce au 21, chemin vicinal de St. Julien, St. Barnabé",
- en 1887 p 950, "Fournitures pour Bureau - The Mylostyle - J. F. L. Giorda, représentant exclusif, avenue Gare projetée, Maison Gilli, Nice (Timbre pour réponse).

Ces mentions confirment l'existence d'une maison à Marseille au début des années 1880 (1882-1883) avec son abandon au plus tard en 1887 pour une maison à Nice. 

Dans les annuaires niçois (annuaires de 1880-1883 absents), la mention de L. Giorda apparaît en fait dès 1884, "Giorda L., fab. de timbres, av. de la Gare prolongée, maison Gilli", l'adresse devenant en 1887, "Giorda J.-F.-L., fabricant de timbres, à Barthélémy, m. Gilly".

Le fait d'énumérer les prénoms dans les mentions marseillaises et niçoises de 1886-1887 rend les mentions de 1882-1884 plus proches du tampon étudié. L'abandon, au plus tard vers 1886-1887, de l'adresse marseillaise présente sur le tampon étudié et l'absence de l'adresse niçoise créée vers 1883 induisent également le début des années 1880. 

L'album a vraisemblablement été acheté à Nice par Aristide Montel, vers 1882-1884. Un élément vient d'ailleurs confirmer cette datation : l'absence, dans l'album, du type de CDV au verso à fond rouge et inscriptions à l'encre dorée, adopté par Aristide Montel vers 1885.

Ce dernier a composé majoritairement cet album avec sa production passée des années 1868/70-1878 (116/118 CDV), d'anciennes CDV préalablement intégrées dans d'autres albums et déjà recoupées mais a intégré 2 CDV plus récentes de son nouvel atelier, réalisées entre 1878 et 1882/84.