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SCHMIDLY (?-?), DAGUERRÉOTYPEUR ITINÉRANT DES ANNÉES 1840
INTRODUCTION
De récentes recherches dans les archives en ligne de la Médiathèque de Bayonne m'ont permis de croiser trois publicités d'un daguerréotypeur suisse itinérant, portant le nom de "Schmidly".
Il semble que ce photographe, jusque-là non répertorié en Suisse et en France, a cependant été étudié en Espagne où deux de ses daguerréotypes des années 1840 sont conservés, une Vue générale de Tolède et une Vue de la Porte du Soleil de Tolède.
J'ai aussitôt contacté les chercheurs espagnols et leur ai envoyé les extraits de journaux concernés. J'ai ensuite prévenu le site qui répertorie les photographes suisses de l'existence de ce photographe.
Je ne pensais pas étudier le sieur Schmidly au travers du peu de documents recueillis mais n'ayant pas obtenu de réponse des chercheurs espagnols, je me suis décidé à mettre en ligne les éléments recueillis, au lieu de les empiler dans la masse de notes manuscrites comdamnées à l'oubli.
La rechercherche qui s'en est suivie a cependant permis de retrouver cinq nouveaux documents.
1846-1847 - FRANCE - BASSES-PYRÉNÉES (actuelles Pyrénées-Atlantiques)
ORTHEZ
La publicité la plus ancienne retrouvée est aussi la plus détaillée. En voici le texte intégral :
- Le Mercure d'Orthez et des Basses-Pyrénées du 12 février 1846 (Paris, BnF, Gallica)
"AVIS.
Le sieur SCHMIDLY, natif de Zurich, en Suisse, artiste-peintre, avantageusement connu par les heureux résultats qu'il a obtenus par le procédé de Daguerréotype, prévient MM. les amateurs qui tiendraient à obtenir, par ce procédé, une ressemblance parfaite et coloriée au feu, qu'il peut la leur garantir ; qu'il opère n'importe le temps, sombre ou clair ; que pour son opération il n'a besoin que d'une séance de dix secondes ; pour rendre le portrait fini et encadré, vingt minutes. Si la personne tient à rester les 20 minutes exigées pour la confection de son ouvrage, elle peut être témoin de la célérité avec laquelle il opère.
Il se charge de douner la solidité et de mettre en couleur les portraits qui ne le sont pas ; d'en faire d'autres propres à être mis dans des médaillons de toutes les grandeurs, ainsi que des cadres renfermant la groupe d'une famille, et toute espèce de points de vue.
Il offre encore de fournir les cadres et boîtes pour expedition des portraits.
Afin de satisfaire les personnes qui voudront l'honnorer de leur confiance, il se transportera dans les maisons particulières, soit pour faire les portraits, soit pour donner des leçons.
Le sieur SCHMIDLY confectionne le tout à des prix très-modérés. Il ne peut donner qu'un aperçu de ses prix, vu la variété de la dimension des plaques. Il fait le portrait d'un seul personnage depuis 5 fr. jusqu'à 12, et d'un groupe de famille, depuis 12 jusqu'a 25 fr. etc., etc.
NOTA. Le sieur Schmidly s'engage à ne mettre les portraits en exposition, qu'après l'assentiment des personnes.
Il restera encore 10 jours parmi nous.
Il est logé chez Mme BACQUÉ".
BAYONNE
Les trois autres publicités retrouvées sont respectivement parues à Bayonne, les 30 juin, 2 et 7 juillet de la même année, dans Ariel - Journal républicain de Vasconie. Elles reprennent en partie des éléments de l'annonce d'Orthez mais ajoutent les renseignements complémentaires suivants :
- Ariel - Journal républicain de Vasconie du 30 juin 1846 (Médiathèque de Bayonne, patrimoine) :
"AVIS (...).
Il offre encore de fournir les cadres et boites pour l'expédition des portraits (...).
IL EST LOGÉ RUE DE L'ÉVÉCHÉ, n° 5.
Il ne reste que quinze jours"
- Ariel - Journal républicain de Vasconie du 2 juillet 1846 (Médiathèque de Bayonne, Patrimoine) :
"Portraits au Daguerréotype.
Nos artistes ne vont point dans les Alpes, ceux des Alpes viennent aux Pyrénées en passant par Paris : témoin M. Schmidly, élève de M. Daguerre, qui a fait déjà des portraits par centaines dans les chefs-lieux de canton, comme St-Palais et St-Jean-Pied-de-Port, et par milliers dans les villes comme Pau. Il faut croire que Bayonne ne lui fournira pas une moisson moins abondante ; il se rend dans les maisons particulières, et opère mème avec bonheur dans l'obscurité d'un appartement ou d'une alcôve.
C'est M. Daguerre lui-même qui fait voyager son élève et qui lui a désigné les Basses-Pyrénées. M. Schmidly est l'heureux inventeur des portraits au daguerreotype coloriés, dont les teintes fixées au feu restent inaltérables. Logé rue de l'Evêché numéro 5, il ne consacrera que quinze jours à Bayonne, et les personnes qui voudraient profiter de son talent feront bien de se håter : l'occasion est bonne".
- Ariel - Journal républicain de Vasconie du 7 juillet 1846 (Médiathèque de Bayonne, Patrimoine) :
"M. Schmidly, l'habile daguerréotypeur quitte Bayonne dans huit jours. Nous rappelons qu'il se rend dans les maisons particulières..." (reprise des dernières lignes de la publicité précédente).
Un article évoque ensuite le sieur Schmidly mais sous le nom de "Schmild".
- Le Phare des Pyrénées du 20 août 1846 (Médiathèque de Bayonne, Patrimoine) :
"Un artiste qui habitait Bayonne depuis quelque temps, où il faisait des portraits au daguerreotype, vient de découvrir un ingénieux moyen pour payer ses dettes. Il avait souscrit un billet, qui n'ayant pas été payé à l'échéance fut protesté.
Le créancier rencontre le souscripteur, et se plaint de son inexactitude, celui-ci ignorait qu'on eût présenté son billet à son domicile ; il est à Biarritz, où il a plusieurs portraits à faire, et cela explique son ignorance. Mais, dit il, venez m'y trouver je vous rembourserai les frais de voyage et nous réglerons l'affaire.
Le créancier s'y rend en effet, exhibe le billet, et le protêt [acte attestant du non-paiement] ; le daguerreotipeur (sic) examine le tout, met protêt et billet en pièces et les pièces au feu ; pais il donne 2 fr. à son créancier pour les frais de voyage, en lui disant, "Nons sommes quittes".
L'autre, qui ne trouvait pas là son compte, s'est plaint au commissaire de police, qui, croyant que cela ne le regardait pas sans doute, l'a engagé à porter plainte à M. le procureur du roi.
Cela a été fait. Mais il y a eu perte de temps, et l'habile faiseur de... portraits en a profité. Son passeport était en dépôt pour une autre dette, il a été le demauder an négociant qui l'avait, disant que le commissaire de police de Biarrits (sic) exigeait qu'il le lui montrât pour l'y laisser séjourner. Puis il s'est mis en régle, et malgré la course forcée d'un gendarme, il a passé la frontière.
Les effets du sienr Schmild, qui garantissait fort bien la ressemblance et fort mal ses créanciers, ont été saisis à Saint-Jean-de-Luz".
Les effets du photographe sont restés en l'attente du retour de leur propriétaire et du paiement de ses dettes mais cette attente est restée vaine, comme nous l'apprend l'article suivant de Bayonne qui cite, cette fois, le sieur Schmidly sous le nom de "Schmildy" :
- Le Phare des Pyrénées du 29 mai 1847 (Médiathèque de Bayonne, Patrimoine) :
"VENTE AUX ENCHÈRES PUBLIQUES,
PAR AUTORITE DE JUSTICE.
Le lundi trente-un du présent mois de mai, à dix heures du matin, et jours suivants s'il est nécessaire, dans la Maison n° 23 rue Pont-Mayou, en cette ville, il sera vendu au plus offrant et dernier enchérisseur :
Quatre appareils de Daguerréotype dont un de demi-plaque et trois de quart de plaque :
Divers objets de fourniture pour encadrement et cadres d'enseigne et autres ;
Plus, deux malles, un porte-manteau, une boîte à chapeau en cuir carrée, un nécessaire, linge, hardes, et autres objets ;
Le tout saisi au préjudice du sieur Schmildy, peintre.
Les adjudicataires devront payer comptant.
Fait à Bayonne le 25 mai 1847".
1848-1849 - ESPAGNE
La publication des chercheurs espagnols la plus récente est celle de María de los Santos García Felguera et de David Blasco Planesas, "Un nuevo daguerreotipo de Toledo, La Puerta del Sol", in, VIII Encuentro en Castilla-la-mancha de Historia de la Fotografia, Cuenca, 2021, pp. 217-225 (PDF, ici).
Les auteurs rapprochent "Schmidli" de "Schmidt" (?).
PAMPELUNE
Ils citent le photographe, "Shmich suisse", signalé à Pamplona/Pampelune (Navarra ; près de la frontière française, Pays basque), en février 1848, où il aurait exécuté près de 2.300 portraits, donné des leçons et présenté le daguerréotype à ses élèves comme un moyen de gagner leur vie.
TOLÈDE
Ils présentent également l'article de journal suivant (traduit ici en français), concernant le photographe présenté sous le nom de "Schmidli", à Toledo/Tolède (Castilla-la-Mancha ; au centre du pays).
- Boletín Oficial de la Provincia de Toledo, 10 de mayo de 1849
"Portraits au daguerréotype coloriés au feu.
Le Sieur Schmidli, Suisse, extrêmement reconnaissant envers le public respectable de Tolède pour l'accueil favorable que ses travaux ont reçu depuis son arrivée dans cette ville, a l'honneur de faire savoir qu'il va partir d'ici six jours, et que si une personne n'était pas satisfaite de son portrait parce qu'il n'atteint pas la perfection, elle peut tout de suite le raapporter pour qu'il lui en fasse un autre.
Ceux qui souhaitent se faire tirer le portrait peuvent se rendre à son domicile, rue du Correo numéro 10, et les prix seront très raisonnables. Il promet d'enseigner son métier et de donner un précieux appareil pour trois onces d'or, qu'il ne fera payer qu'une fois que l'intéressé sera satisfait de ce qu'il a appris".
1849 - PORTUGAL
Les derniers documents retrouvés (publicités), concernant le sieur "Schmidli" à Lisboa/Lisbonne, sont également les plus récents et sont traduits ci-dessous.
LISBONNE
- Revista Popular, Semanario de litteratura, sciencia, e industria, Lisboa, 1849-50, vol. 2, n° 26, 1 de setembro de 1849, pp. 209-210 (Google Livres).
"Nous avons reçu d'Elvas l'avis intéressant suivant, que nous transcrivons fidèlement. L'auteur arrivera prochainement à Lisbonne.
PORTRAITS AU NATUREL
COLORIÉS AU FEU.
Est sur le point d'arriver dans cette ville, le Sieur Schmidli, de nationalité suisse, Professeur de photographie, inventeur et auteur d'une technique de couleurs au naturel, non communiquée jusqu'à aujourd'hui, qui a fait à l'étranger des milliers de portraits lors de son passage, à la demande de ses clients.
Le dit professeur offre à ce respectable public la plus grande perfection dans ses travaux, réalisés en quelques secondes à l'ombre.
Le prix des portraits de petite dimension est de 1=400 réis pour une seule personne ; et pour deux ou trois personnes de 1=800 réis ; et de grande dimension est de 1=700 réis pour une personne ; de 2=000 réis pour des groupes familiaux de deux personnes ; de 2=600 réis pour de trois à six personnes.
Je précise que les cadres et les verres sont payés à part, selon la finesse que l'artisan leur attribue. Les personnes qui souhaitent être photographiées chez elles et disposent d'un endroit bien éclairé doivent prévenir un jour à l'avance ; elles devront payer, pour chaque portraait, 400 réis supplémentaires, pour le déplacement à leur domicile avec les appreils.
Je réalise aussi des portraits pour médaillons et pour broches de la taille d'une pièce de six vinténs pour un prix de 1=500 réis à 1=800 réis selon la taille de chacun.
J'avertis que les cadres et les verres sont payés séparément selon la finesse que l'intéressé choisira, ce qui en sera le prix. Les personnes qui souhaiteraient être portraiturées chez elles, disposant d'un bon endroit bien éclairé, avertiront un jour à l'avance ; et elles paieront 400 réis supplémentaires pour chaque portrait, pour le dérangement de se rendre chez elles avec les machines.
Il donne également des leçons aux Seigneurs curieux de cet art, facturées 4 pièces d'or pour les enseignements.
Enfin
Il prévient qu'il est en route vers Lisbonne. Il restera [nombre non précisé] jours".
- Revista Popular, Semanario de litteratura, sciencia, e industria, Lisboa, 1849-50, vol. 2, n° 30, 6 de outubro de 1849, p. 242 (Google Livres).
"Portraits photographiques coloriés au feu.
On nous demande la publication de ce qui suit :
Est sur le point d'arriver à Lisbonne M. Schmidli, originaire de Suisse, professeur de photographie, qui réalise des portraits à l'ombre, en quelques secondes, en leur donnant toutes les couleurs naturelles.
Il tire des portraits de toutes dimensions à des prix très avantageux,
Il donne des leçons de photographie - il ne fait pas secret de sa nouvelle méthode - et vend des appareils complets pour daguerréotyper".
ÉPILOGUE
L'identité du daguerréotypeur n'a pu être percée à jour. Son patronyme, assez répandu en Suisse et en Allemagne, a reçu différentes graphies dont les principales sont "Schmidly" en France et "Schmidli" en Espagne et au Portugal.
Son prénom et son âge ne sont jamais cités mais il est né à Zurich, au début du XIXe siècle.
Il a suivi une formation de peintre puis a quitté la Suisse pour la France, au plus tard au début des années 1840. Selon ses dires, il s'est formé au Daguerréotype à Paris, auprès de M. Daguerre lui-même et a ensuite mis au point un procédé de colorisation des épreuves.
En 1845, au plus tard, il a quitté Paris pour le département des Basses-Pyrénées où il a mené une activité itinérante de portraitiste au Daguerréotype. Il a séjourné tout au plus une quinzaine de jours dans les petites localités mais s'est parfois attardé plus longuement dans les grandes villes. Entre février et août 1846, il est notamment signalé à Pau, Orthez, Saint-Palais, Saint-Jean-Pied-de-Port, Bayonne, Biarritz et Saint-Jean-de-Luz.
Poursuivi pour des dettes multiples, il a quitté la France pour l'Espagne en toute précipitation, abandonnant notamment tout son matériel photographique. Cependant, il était peut-être originellement prévu qu'il s'y rende.
Aucune trace de son passage n'a été découverte en Espagne dans la suite de l'année 1846, ainsi qu'en 1847. Il est cependant signalé dans le nord de ce pays, à Pampelune, en février 1848, puis dans le centre, à Tolède, en mai 1849.
Il s'est ensuite rendu au Portugal, où sa seule et dernière destination connue est Lisbonne, en octobre 1849. Il n'est d'ailleurs pas répertorié comme daguerréotypeur ayant opéré dans ce pays.
Aucun document ne témoigne plus de son activité après Lisbonne et ses lieu et date de décès restent inconnus à ce jour.
