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UN ARTICLE EN COLLABORATION AVEC LE SITE DU STÉRÉOPÔLE
AVEC DES VUES DE LA STÉRÉOTHÈQUE
INTRODUCTION
Édouard Soulé (1836-1907) est un photographe qui est né, a vécu et est décédé dans la commune de Bagnères-de-Luchon ou Luchon (Haute-Garonne, 3.500 habitants environ), station thermale estivale réputée, dite au XIX° siècle, "la Reine des Pyrénées".
Édouard Soulé a notamment produit une série conséquente et numérotée de vues de la ville et de ses environs dont la datation reste complexe en raison de nombreux retirages aux formats multiples et aux présentations variées.
ÉDOUARD SOULÉ (1836-1907)
Jacques Dominique Édouard Soulé est né à Bagnères-de-Luchon, le 27 septembre 1836. Il est le fils de Jean Pierre Soulé, négociant en tourneries (objets en bois tourné) et d’Anne Marie Surre qui se sont mariés dans cette ville le 28 octobre 1835.
En 1856, à ses vingt ans, Édouard Soulé est "marchand épicier" dans sa ville natale (fiche matricule militaire, Archives Départementales de la Haute-Garonne).
Au printemps 1865, âgé de 28 ans, il ouvre un atelier de photographie à son domicile, dans le chalet qu’il a fait construire allée ou boulevard de la Pique :
"Notre perle des cités thermales vient de faire l'acquisition d'un photographe émérite. M. Ed. Soulé, élève de Nadar [mention qu'il va afficher au verso de ses portraits], s'est installé récemment sur le boulevard de la Pique ; un goût exquis a présidé à l'organisation de ses ateliers et de ses salons" (Gazette des Eaux du 15 juin 1865).
Vers 1867/68, L’Indicateur Luchonnais signale (p 17), "MM. Soulé, élève de Nadar, et Lafosse, allée de la Pique", sans que l’on puisse savoir si cette association date de l’ouverture de l’atelier ou bien lui est postérieure. Cette association ne semble pas durer et aucun carton-photo présentant les deux noms n’est conservé, contrairement à ceux portant individuellement leur nom, à cette même adresse.
En 1872, Édouard Soulé semble déménager son atelier dans un nouveau bâtiment qu’il a fait ériger allée des Bains (n° 6), face aux Thermes (L’Avenir de Luchon du 25 avril 1872).
Il obtient son brevet de libraire la même année et mène désormais les deux activités de front.
Âgé de 37 ans, il épouse à Luchon, le 29 octobre 1873, Adélaïde Bordes, 28 ans (née le 16 décembre 1844 à Saint-Gaudens, Haute-Garonne). Le couple aura trois enfants dont deux vont malheureusement décéder en bas-âge : Marie (1874-1874), Pierre (1878-1879) et Louis (1880-1946).
Édouard Soulé officie à l’adresse de l’allée des Bains (n° 30) jusqu’au début du XX° siècle (publicités parues dans L’Avenir de Luchon des 6 juillet 1904 et 1er août 1905).
Il décède à Luchon, à son domicile du 5, avenue Carnot, le 4 février 1907, à l’âge de 70 ans.
UNE SÉRIE DE VUES NUMEROTÉES
Sa production de quarante années révèle quelques portraits mais surtout de nombreuses vues de Luchon et de ses environs, notamment distribuées par la Librairie Lafont. Ce sont des vues urbaines de Luchon et de Saint-Bertrand-de-Comminges (vues générales, rues, bâtiments, monuments) et de plus nombreuses vues de sites naturels (sommets, gouffres, vallées, rivières, lacs et cascades).
Édouard Soulé décline ses vues des Pyrénées sous forme de stéréoscopies, cartes de visites et cabinets numérotés mais aussi de moyens et grands formats, légendés mais dépourvus de numéro et parfois assemblés en album.
Cette numérotation ne reflète pas un classement chronologique mais le choix de mettre en tête de série les attraits de la ville de Luchon (Image 2), avant ceux des "courses des Luchon" ou lieux de promenades à effectuer dans ses environs.
Édouard Soulé complète et actualise ensuite cette série. Il prolonge la numérotation de ses photographies jusqu’au numéro 110 environ (72 des numéros ont pu être consultés), notamment grâce à l’ajout de nouvelle vues pour un lieu déjà représenté. Quelques exemples :
56 - Rue d’Enfer (Près Luchon) ; 84 - Vue générale de la Rue d’Enfer (Près Luchon)
57 - Cascade du Cœur (Près Luchon) ; 85 – Partie Supérieure De La Cascade Du Cœur (Près Luchon)
vues 75-80 de Saint-Bertrand-de-Comminges auxquelles se voient ajoutées les numéros 100 à 108.
Il renouvelle également les vues des bâtiments et ouvrages d’art qui ont été modifiés, tout en leur conservant le même numéro ou cumule parfois remplacement et ajout. Quelques exemples :
9 - Buvette Du Pré (Luchon), deux états du bâtiment
74 - Pont du Roi, Frontière d’Espagne (Près Luchon), deux états de l’ouvrage d’art retrouvés sous forme de cartes de visite, l‘une de format horizontal montrant le premier état du pont vu de près, l’autre de format vertical, montrant le nouveau pont, vu de haut
et
91 - Pont du Roi, Frontière d’Espagne (Près Luchon), nouvelle carte de visite de format horizontal montrant le nouveau pont vu de près.
Ce n'est que très exceptionnellement qu'il substitue à des numéros déjà existants des vues de sujets différents, afin de positionner ces dernières en début de série. Deux des vues de l’Établissement thermal, numérotées 3 et 4, sont ainsi remplacées par des vues du Casino de Luchon, érigé entre 1878 et 1880 (Image 5) :
3- Grand Casino (A) (Luchon) ; 4 - Grand Casino (B) (Luchon).
LES VUES STÉRÉOSCOPIQUES
Les vues stéréoscopiques d'Édouard Soulé sont constituées de deux tirages albuminés de format presque carré, collés sur des cartons de couleur d'environ 9x17,5 cm qui affichent le titre en bas à droite du recto et présentent un verso nu.
On peut relever quatre types de présentation de ces vues stéréoscopiques :
- Type 1 : carton rouge-orangé (imprimé à l’encre rouge) ou bleu (imprimé à l’encre bleue) affichant en bas à droite, le titre de la vue précédé d’un numéro, et en bas à gauche, les inscriptions à peine lisibles, E. Soulé, ph. Luchon.
-Type 2 : carton rouge-orangé, beige ou brun, comportant les indications suivantes sur ses côtés (imprimées à l’encre noire), Luchon - by E. Soulé (à gauche), Luchon - par E. Soulé (à droite) et, en bas à droite, un titre précédé d’un numéro (ces mentions alternativement en anglais et français font écho à celles des cartons d’Ernest Lamy pour sa série de vues de Luchon de 1868).
- Type 3 : carton rouge-orangé, beige, brun ou plus rarement moutarde, comportant les indications suivantes sur ses côtés (imprimées à l’encre noire), E. Soulé , Photographie (initiales enluminées) (à gauche), Luchon Et Ses Environs (initiales enluminées) (à droite), et, en bas, un titre précédé d’un numéro.
- Type 4 : carton rouge-orangé ou beige, avec sur les côtés les indications suivantes (imprimées à l’encre noire), E. Soulé . Allée des Bains (initiales enluminées) (à gauche) et, Luchon Et Ses Environs (initiales enluminées) (à droite) et, en bas à droite, le titre précédé d’un numéro.
Il est nécessaire de préciser que les couleurs des encres d’imprimerie (noire, bleue, rouge) apparaissent parfois mélangées de nos jours : un titre peut apparaître avec deux couleurs superposées ou bien avec deux couleurs juxtaposées, du fait de l’effacement d’une partie de la couleur supérieure. L'encre noire utilisée sur les cartons à fond brun, apparaît généralement grise.
LES CARTES DE VISITE
L’étude des vues stéréoscopiques conservées montre des images toujours été accompagnées d’un titre et d’un numéro.
Les cartes de visites (cabinets peu nombreux) offrent une vision légèrement différente de la série mais présentent les mêmes images.
Certaines cartes de visite affichant l'allée de la Pique sont, au recto, dépourvues de titre imprimé et semblent induire trois phases successives : sans titre puis avec titre et enfin avec titre précédé d’un numéro.
Cette logique est cependant démentie par l’existence de plus rares cartes de visite portant l’adresse de l’allée des Bains mais dépourvues de titre.
Il reste difficile d’expliciter le fait que la numérotation déjà présente dans les vues portant l’adresse de la Pique est parfois absente dans celle de l’allée des Bains, alors que les vues stéréoscopiques contemporaines sont toujours numérotées.
Les cartes de visite affichent l’adresse au verso (précédée le plus souvent de, Photographie Luchonnaise) :
- celle de l’allée de la Pique accompagnée du monogramme "ES" (à l'encre rouge), sans précision des nom et prénom du photographe puis de la grande signature oblique "E. Soulé" (à l'encre rouge ou grise),
- celle de l’allée des Bains, ensuite, accompagnée de cette même signature.
ESSAI DE DATATION
Cette numérotation, quoique largement manipulée, peut cependant s’avérer porteuse de quelques repères chronologiques.
Les deux images de l’Etablissement thermal numérotées 3 et 4, qui se verront remplacées par celles du Casino du Luchon vers 1880, font probablement partie des premières images du milieu des années 1860, du fait de l’importance du bâtiment dans la ville.
La vue stéréoscopique 90 - Casino du Pont Du Roi (B) (Luchon) (Image 6) ne peut pas être antérieure à l’été 1873, date à laquelle ce Casino a été ouvert dans un chalet nouvellement érigé. Ceci permet non seulement de considérer qu’il existe une autre vue (non retrouvée) intitulée, 89 - Casino du Pont Du Roi (A), mais que toutes les vues portant un numéro supérieur sont postérieures à 1873.
Cette hypothèse se voit cependant contredite par la vue 97 - Salle des Pas Perdus des Thermes (Luchon), sur carte de visite, affichant au verso l’adresse de l’allée de la Pique et annotée par l’acheteur de la mention manuscrite, "Août 1872". S'il est logique que l'atelier, depuis peu installé allée des Bains, écoule encore des vues portant l'ancienne adresse, c'est le n° de la vue qui est troublant.
Il faut donc se résoudre à considérer que la plupart des vues de la série numérotée datent des années 1865-1875 environ, en dehors de quelques vues postérieures qui se sont substituées à des numéros anciens.
Les publicités d’Édouard Soulé affichent d’ailleurs :
- dès la fin des années 1860 (atelier de l'allée de la Pique), sa "Vente des principales vues des Pyrénées centrales (courses de Luchon)" (J. Daunic, Indicateur Luchonnais, p 17, édition non datée mais citant à deux reprises la seule date de 1867)
- puis, à partir de 1872 (atelier de l'allée des Bains), sa "Collection complète des vues de Luchon" (L’Avenir de Luchon du 15 juin 1872)
- ou même "la seule collection complète des Vues de Luchon et de ses courses, en vues stéréoscopiques, cartes et plaques" (J. Daunic, Luchon-Guide, 1873 p 37).
La vision d’ensemble de sa série reste troublée par les retirages multiples d’une même vue jusqu’aux années 1880, avec des présentations renouvelées.
Plusieurs exemplaires conservés de la vue 14 - Allée D’Etigny (Luchon) témoignent de ce fait, avec tout à la fois :
- des vues stéréoscopiques des types 1 (sans adresse), 3 (sans adresse) et 4 (portant au recto l’adresse de l’allée des Bains)
- mais également des cartes de visite affichant au verso l’adresse de l’allée de la Pique puis celle de l’allée des Bains.
ÉPILOGUE
Dans la fin du XIX° siècle et les premières années du XX° siècle, Édouard Soulé réalise des portraits de groupes (cabinets et grands formats) intitulés, Souvenir de la Buvette du Pré (Luchon), mais également de nouvelles vues de Luchon et de ses environs (non numérotées).
Quelques-unes d’entre elles, dont celle de la Statue d’Etigny (inaugurée le 8 septembre 1889), sont d’ailleurs publiées dans l’ouvrage du Docteur Doit-Lembron, Luchon médical et pittoresque (Paris, 1903).
Cet article, axé sur l'étude des vues d'Édouard Soulé, a volontairement délaissé l'étude de ses portraits qui ne sont conservés qu'en un petit nombre et donnent peut-être une vision faussée de la réalité.
Ce sont quelques portraits individuels qui datent des années 1865-1872 et affichent l'allée de la Pique (6 cartes de visite consultées) puis des portraits de groupes qui n'affichent aucun nom ni adresse ou bien celle de l'allée des Bains, réalisés entre 1875 et 1890 (5 cabinets ou grands formats consultés) puis entre 1890 et 1905 (6 cabinets ou grands formats consultés).
Ses vues, conservées pour leur part en grande quantité (plus de 200 épreuves consultées, tous formats confondus), semblent avoir majoritairement été prises dans les années 1860-1875, en dehors des quelques ajouts et remplacements postérieurs.
Édouard Soulé s'est-il contenté, pendant plusieurs décennies, de rééditer et de vendre ses vues anciennes, se consacrant davantage à son activité de libraire qu'à celle de photographe ?