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lundi 8 février 2021

1178-NICE-INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES PHOTOGRAPHES DU XIX° s.

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- ALEO Miguel (1824-c.1900), Nice vue du Château, vers 1863-64.


DERNIERE MISE A JOUR DE CET ARTICLE : 26/11/2022




LA VILLE


La ville de Nice s’est développée tout au long du XVIII° siècle au-delà de son ancienne enceinte de remparts, à l’est avec le port marchand, et à l’ouest sur la rive droite du Paillon et le long de la route de France avec un quartier anglais. 

La villégiature d’hiver, liée au climat bienfaisant de la ville, notamment pour les malades souffrant d’affections pulmonaires, prend de l’essor pendant la période sarde (1815-1860). A la fin des années 1850, les séjours de l’Impératrice de Russie à Nice entraînent une forte fréquentation russe ainsi que des têtes couronnées européennes.

Avec l’Annexion française de 1860 puis l’arrivée du chemin de fer, l’attraction de la ville se renforce auprès de l’aristocratie et des élites artistiques. 

La ville fait plus que doubler de surface et de population dans la fin du XIX° siècle, avec le développement de la ville nouvelle et haussmannienne sur la rive droite du Paillon.



LES PHOTOGRAPHES


Une liste de plus de 400 noms qualifiés individuellement de "photographe" dans les sources locales a pu être établie. Les dénominations de "négociant", de "commerçant" ou d’"employé", trop larges et ambiguës n’ont pas été retenues, au risque de passer à côté de personnes travaillant dans le domaine de la photographie. Le terme de photographe recouvre, pour sa part, plusieurs fonctions : propriétaire/titulaire de l'atelier et/ou du magasin, assistant, opérateur, tireur, retoucheur, employé, apprenti, voire amateur. 

La liste concerne les photographes de toutes nationalités qui ont possédé un domicile à Nice et y ont été actifs pendant une ou de très nombreuses années du XIX° siècle. Les vies et carrières des photographes les plus tardifs sont cependant étudiées jusque dans la première moitié du XX° siècle. Entre 1840 et 1900, 170 d'entre eux ont été titulaires d’un atelier et 230 ont été leurs employés. 


1839-1859

Les premiers daguerréotypistes ou daguerréotypeurs sont signalés à Nice dès le début des années 1840 (Jean Louis Regaudiat en 1842) mais ils ne sont souvent que de passage pour quelques jours ou quelques semaines comme Achille Iller (en 1843), Alfred Boulland (en 1844), Régis Gleizal (en 1845) ou Lacarelle (en 1848). 

Une trentaine de noms sont connus entre 1840 et 1860, à raison d’un ou deux par an entre 1842 et 1853 puis de trois à sept par an entre 1854 et 1860 : 3 Sardes, 2 Italiens, 24 Français, 1 Anglais, 1 Suisse, 1 Allemand, 1 Polonais, 1 Russe. 

Ce sont essentiellement des Français, majoritairement parisiens ou formés à la photographie à Paris, qui voyagent. Quelques-uns d’entre eux exercent la profession de photographe portraitiste itinérant, annonçant leur arrivée, l’adresse de leur atelier et leur départ dans les journaux locaux, sans d’ailleurs toujours préciser leur nom. 

A l'origine, opticiens, peintres, lithographes, sculpteurs, musiciens, enseignants, coiffeurs, tailleurs, horlogers, manufacturiers, propriétaires ou rentiers, ils cumulent bien souvent leur métier et leur passion pour la photographie, avant de faire parfois de cette dernière leur activité principale.

Certains d'entre eux vont effectuer une saison à Nice, y réaliser des prises de vue des paysages urbains et naturels de la ville et de ses environs, voire y installer un studio de portraitiste. 

D’autres (un tiers de la trentaine répertoriée), vont s'y installer pour de plus longues saisons ou le reste de leur vie. Citons les photographes Pierre Ferret (Français, attesté dès 1849), Gilbert Malard (Français, attesté dès 1849), Jean Baptiste Anfossi (Sarde, attesté dès 1854), Louis Crette (Français, attesté dès 1854-55), Alexandre Clerissy (Sarde, attesté dès 1856), Michel Schemboche (Polonais, attesté dès 1858), Charles Cottalorda (Français, attesté dès 1859) ou Joseph Silli (Romain, attesté dès 1858). 

Très peu de photographes domiciliés à Nice sont Sardes et ces derniers vont souvent opter pour la nationalité française lors du rattachement à la France de 1860. Par la suite, quelques-uns, nés à Nice de parents ayant conservé leur nationalité sarde puis italienne, choisiront la nationalité française à l’approche de leur majorité. D’autres conserveront leur nationalité italienne le restant de leur vie. Enfin, des Italiens (photographes ou pères de futurs photographes) viendront s’installer à Nice dans les dernières décennies du XIX° siècle et demanderont par la suite la nationalité française. 

Il est donc parfois difficile de connaître la nationalité de certains photographes niçois nés de parents sardes ou italiens (dont le nom est à consonance italienne ou francisée), en l’absence de documents attestant qu’ils ont accompli leur service militaire en France ou qu’ils ont, plus âgés, déposé une demande de naturalisation.


1839-1900

Si l’on considère désormais l’ensemble des 400 photographes domiciliés à Nice entre 1839 et 1900, ce sont très majoritairement des Français (issus de toutes les régions et villes dont Paris, Lyon, Marseille et les villes de cure) et des Italiens (comté de Nice, Ligurie, Piémont et Lombardie notamment). Une soixantaine d’entre eux sont nés dans l’ancien comté de Nice ou les Alpes-Maritimes dont une quarantaine à Nice même.

Les autres nationalités sont peu représentées (une cinquantaine de photographes), avec près de vingt Allemands, près de dix Suisses et seulement quelques Autrichiens, Anglais, Espagnols, Belges, Hollandais, Roumains, Polonais, Américains... 

Une vingtaine de femmes photographes sont répertoriées. Elles ont le plus souvent travaillé dans l’ombre de leur époux, leur père ou leur frère mais ont parfois possédé leur propre atelier dès le dernier tiers du XIX° siècle. 

De nombreux photographes ayant travaillé à Nice n’ont exercé cette profession que quelques années et ont mené par la suite une toute autre activité (notamment les apprentis et employés après leur service militaire). 

Les fiches matricules militaires conservées attestent qu’ils savent quasiment tous lire, écrire et compter (niveau 3/5) mais aucun n’a de diplôme supérieur. Certains d’entre eux connaissent la musique comme Victor Canonier ou Emmanuel Castelli. Hugo Bannicke, Ernst et Hermann Kauffmann, Peter Moosbrugger, Walery et Louis Orsi sont des instrumentistes, Albert Pacelli et Michel Schemboche des chanteurs et tous ces photographes participent à des concerts.

Enfin, la présence répétitive de visages sur leurs propres vues ou celles de leurs amis a permis d’identifier près d'une vingtaine de photographes (avec par ordre alphabétique) : Miguel Aleo, Franz Bucher, Eugène Courret, Louis Crette, Alphonse Davanne, Jean Walburg de Bray/Debray, Eugène Degand, Pierre Ferret, Louis Ferret, Jean Gil(l)etta, Paulin Gilly, Giovanni Maniezzi, Joseph Messy, Anne Marie Messy, Pierre Petit, Joseph Silli et Victor Thiel.

La liste des photographes croise les recherches principalement effectuées dans des sources locales : 

- les passeports et visas de passeports délivrés par le Consulat de France à Nice entre 1840 et 1860 (32 photographes cités), 

- les annuaires, indicateurs et guides niçois entre 1858 et 1900 (152 photographes cités), 

- les registres d'état civil niçois (naissances, mariages, divorces, décès) entre 1861 et 1900 (223 photographes cités), 

- les recensements de la Ville de Nice entre 1861 et 1901 (215 photographes cités), 

- les tableaux de recensement de classe (sardes puis français) et les fiches matricules militaires entre 1839 et 1901 (64 photographes cités),

- les dossiers de naturalisation française entre 1860 et 1930 (17 photographes cités),

- les listes électorales de la Ville de Nice entre 1860-61 et 1901 (87 photographes cités), 

- les demandes d’autorisation municipale de placer une enseigne ou une inscription,

- les archives notariales et commerciales (faillites, successions),

- les journaux et revues de la seconde moitié du XIX° siècle, 

- l'Aide-Mémoire de la Société Photographique de Toulouse (1876-1905), 

- les sites de généalogie en ligne, 

- le site des cimetières niçois où de nombreux photographes reposent, 

- les cartons-photos des collections publiques et privées nationales et internationales et des sites de vente en ligne... 

Il est à noter que les photographes se fréquentent. Ils sont voisins, amis, témoins des mariages, naissances et décès des familles de leurs collègues. Certains se connaissent depuis leur jeunesse, leur service militaire ou leur formation à la photographie. D’autres travaillent ou ont travaillé ensemble.

Les photographes participent à la vie mondaine et politique de la ville, s’impliquent dans les associations culturelles et sportives, le Comité des Fêtes et les actions de solidarité et de bienfaisance.


Liste

La liste intègre quelques noms de photographes indirectement concernés par cette étude et ses champs historique et géographique, du fait de parenté ou d’association.

La liste établie ne répertorie pas :

- les nombreux photographes professionnels qui ont photographié Nice lors de séjours à l'hôtel ou chez des amis, alors qu'ils étaient domiciliés dans d'autres villes françaises ou étrangères, comme (par ordre chronologique) Ferrier Père et Fils & Soulier, Furne & Tournier, Hippolyte Jouvin, Jean Andrieu, Etienne Neurdein, J. Levy, Francis Frith, Carlo Brogi, George Washington Wilson, James Jackson... Ces photographes paysagistes et voyageurs, célèbres par leurs séries nationales et internationales, notamment niçoises, ont par ailleurs été très étudiés ; 

- les photographes qui ont réalisé des vues de Nice alors qu’ils étaient domiciliés dans d'autres villes de la Riviera, comme Cannes (notamment André Gasquet), Monaco, Menton (notamment Alfred/Hermann Noack) ou Gênes ;

- les photographes qui sont nés à Nice au XIX° siècle mais ont exercé en dehors de la ville ou bien à Nice mais après 1900 ;

- les photographes qui ont exercé dans une autre ville et sont venus prendre leur retraite à Nice ;

- et les photographes rentiers et propriétaires aisés qui ont pratiqué la photographie et exposé leurs vues des paysages urbains et naturels de Nice et de ses environs, sans jamais ouvrir d’atelier de portraits ou de boutique à leur nom ni mettre en vente leurs photographies dans des commerces (librairies, magasins d’optique, magasins de beaux-arts, bazars) ; tous ces photographes évoqués ne sont d’ailleurs peu ou pas cités dans les sources locales et sont essentiellement connus par leurs photographies.

Les notices biographiques réalisées sont plus ou moins développées en fonction des documents consultés et sont volontairement réduites ou même absentes pour les photographes déjà très étudiés et sur lesquels peu ou pas de nouveaux renseignements ont été découverts.

Une vingtaine de notices ont été rédigées en collaboration avec d’autres chercheurs afin de rendre compte de l’intégralité des carrières de certains photographes. Je tiens ainsi à remercier (par ordre alphabétique), Bernard Chéreau, Christian Cron, Yves Degoix, Fabien Duel, Didier Gayraud, Hervé Lestang, Massimo Meschieri, Giorgio Olivero, Nathalie Pasquier, Dominique Séraphin, Jean-Marc Simond et Isabelle Tauzin dont on retrouvera le nom dans les notices concernées.


Paysagistes et portraitistes

Les photographes ayant officié à Nice ont été, dans leur très grande majorité, des portraitistes. Certains ont cependant réalisé tout à la fois des vues de paysage et des portraits en studio. Les plus anciennes photographies niçoises conservées datent des années 1854-1859 et sont essentiellement des vues de paysage urbain et naturel.

Les photographes spécialisés dans l’art du paysage restent peu nombreux et ont pour la plupart travaillé à Nice dans les années 1850-1870, comme Pierre Ferret, Louis Crette, Miguel Aleo, Michel Schemboche, Charles Cottalorda, Charles Nègre, Jean Walburg de Bray, Eugène Degand, Albert Pacelli, Léonard de Saint-Germain, Gabriel Delahaye…

"Une pluie d’artistes s’est abattue sur notre cité, lit-on dans Les Echos de Nice du 24 décembre 1861, envahissant les jardins, les terrasses et surtout les devantures du quai Masséna, converti de la sorte en un immense musée de photographie". 

Les vues de paysage urbain et naturel sont vendues dans leur atelier ou leur magasin mais également chez de nombreux commerçants et notamment chez les opticiens et les libraires niçois mais également des commerçants d’autres villes, même au-delà des Alpes-Maritimes.

Il est à noter que les photographies de Nice sont surtout des vues panoramiques à vol d’oiseau (prises à Nice depuis la colline du Château, la colline de Mont-Boron, le balcon ou la terrasse d’immeubles). Les vues prises à hauteur d’homme se concentrent pour leur part sur quelques rues (quai Masséna, Promenade des Anglais, Jardin Public, Port, avenue de la Gare) et quelques monuments (églises, ponts, préfecture, gare, casinos, hôtels, châteaux et villas, sculptures commémoratives). Il faut attendre la fin des années 1880 et surtout le tournant du XX° siècle avec les cartes postales pour découvrir les ruelles de la vieille ville et les rues commerçantes de la ville nouvelle.


Ateliers

Certains photographes ayant déjà un ou plusieurs ateliers dans leur ville ou leur pays d'origine, sont venus ouvrir une succursale à Nice, d'autres y ont seulement été apprentis, élèves-photographes (dès leurs 13-15 ans) ou employés (absence de cartons-photos à leur nom) ou n'ont ouvert un commerce à leur nom que plusieurs années plus tard (notamment à la date de leur mariage), à Nice et/ou ailleurs (Côte d'Azur, Italie, France, Algérie, Tunisie, Angleterre...), parfois avec un associé.

Les photographes possédant un atelier à Nice ont souvent ouvert une succursale dans les Alpes-Maritimes (Cannes, Grasse, Antibes, Menton, Monaco) et parfois le Var mais également dans les stations thermales d'autres régions, notamment à Aix-les-Bains (Savoie), Vichy (Allier) et Cauterets (Hautes-Pyrénées).

Plusieurs photographes ont ouvert leur atelier avant même leur majorité, vers 18-20 ans. La plupart n’ont cependant tenu leur atelier niçois saisonnier ou pérenne qu’entre 1 et 5 ans (recentrement sur la peinture, faillite, changement professionnel, départ, décès). 

Quelques-uns l’ont cependant conservé pendant plusieurs décennies (souvent entre XIX° et XX° siècles), comme (par ordre chronologique), Pierre Ferret, Joseph Silli, Eugène Degand, Aristide Montel, Gustave Echtler, Jean Giletta, Joseph Messy, Victor Thiel, Gustave Féraud, Jean Maniezzi, Paul Gellé, Paul Carles ou Auguste & Henry et l’ont même souvent transmis à leur descendance. Ceux qui ont bénéficié d’une longue vie ont le plus souvent stoppé leur carrière vers leurs 60 ans mais quelques-uns d’entre eux ont continué au-delà même de leurs 70 ans.

Le nombre d'ateliers signalés dans les annuaires niçois a systématiquement doublé dans les décennies étudiées : 4 à la fin des années 1850 (Ferret, Clerissi, Crette et Schemboche), 9 à la fin des années 1860, 19 à la fin des années 1870, 41 à la fin des années 1880 mais le nombre n'est plus que de 27 à la fin des années 1890 (40 à la fin de la première décennie du XX° siècle et 53 à la fin des années 1910). Certains ateliers sont cependant absents des annuaires mais révélés par des cartons-photos.

Les ateliers étaient très majoritairement situés dans la partie neuve de la ville (rive ouest du Paillon) et les photographes se sont essentiellement succédés (ordre décroissant), rue Chauvain, avenue de la Gare (actuelle avenue Jean Médecin), rue Masséna, rue Gioffredo et rue du Temple (devenue rue Garnier, actuelle rue de la Liberté), Jardin Public et quai Masséna (actuelle avenue de Verdun), Promenade des Anglais, boulevard Dubouchage, rue et ruelle Saint-Etienne, rue de la Paix, boulevard du Pont-Neuf (rive est, actuel boulevard Mac Mahon), rue Cassini (rive est), quai Saint-Jean-Baptiste (actuelle avenue Félix Faure), place Grimaldi, rue de Rome, rue de France, rue Paradis, rues Longchamp et Pastorelli, rue Victor (rive est, actuelle rue de la République)...

De nombreux photographes ont occupé plusieurs adresses niçoises du fait qu’ils ont déménagé leur atelier (souvent en étage) ou ouvert une boutique de vente à une adresse complémentaire (vues, accessoires, papeterie, édition de cartes postales) mais également du fait du renouvellement de la numérotation et du nom de leur rue.

Ce dictionnaire, conséquent mais non exhaustif, ne doit pas être considéré comme une fin mais au contraire comme un corpus destiné à être complété et à servir de base à d’autres recherches, comme la datation des vues de Nice et de ses architectures, l’étude des poses et des décors adoptés pour les portraits, l’évolution des types de cartons-photos, les périodes d’activité des cartonniers… 

Certaines études parallèles ou complémentaires ont déjà pu être réalisées comme la photographie à Nice dans les années 1840-1860, la place des femmes photographes au XIX° siècle, l’étude par la photographie de certains quartiers emblématiques de Nice ou l’étude détaillée de la production photographique d’Eugène Degand (1839-1911).



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