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dimanche 24 août 2025

1398-VICHY, CANNES, TOULON : LEROUX, PHOTOGRAPHE(S) (Enquête 3)

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- LEROUX, verso d'un carton-photo (Vichy, Cannes).


VICHY : LEROUX, PHOTOGRAPHE(S) 

(Enquête 3 - Journal de recherche)



INTRODUCTION


Le photographe "Leroux" de Vichy semble avoir été peu étudié jusque-là. Son prénom, comme ses dates et lieux de naissance et de décès, restent inconnus. Seuls ses cartons-photos conservés témoignent, dans le dernier tiers du XIX° siècle, d'ateliers qu'il a occupés à Vichy (Allier), Cannes (Alpes-Maritimes) et Toulon (Var). 

Jean-Marie Voignier (Note 1) cite plusieurs photographes français ayant porté ce nom : "M. et Mme Leroux" à Bordeaux ; "Alexandre Leroux" à Marseille ; "Félix Leroux" à Paris ; "Frédéric Alfred Leroux" à Nantes ; et enfin, "N. Leroux" à Vichy et Cannes dans les années 1870 puis à Toulon dans les années 1880 et le début des années 1890.

Très peu d'éléments ont pu être collectés sur le photographe étudié, en dehors de l'initiale de son prénom "N.", signalée par Jean-Marie Voignier et parfois présente au verso de ses cartes de visite, et de la mention de sa présence à Vichy, rue Sévigné, dans Le vrai guide de l'étranger à Vichy de 1878, relevée par Pascal Chambriard (Note 2).

Les premières recherches, menées tous azimuts, m'ont fait croiser les carrières des différents photographes cités mais également celles de "Leroux" à Vincennes, de "Robert Leroux" à Boulogne-sur-Seine ou encore "d'Alexandre Leroux" et de son fils, "Ernest Leroux" à Alger.

Alexandre Leroux (Béziers 1836-Alger 1912), peintre et photographe, célèbre par ses innovations techniques et ses nombreux albums sur l'Algérie, semble le plus étudié d'entre eux. Je signale cependant que, suite à son mariage en 1861 à la Nouvelle Orléans (Louisiane), les années de naissance et de décès de ses enfants permettent d'attester sa présence en 1865 à Marseille (Bouches-du-Rhône), en 1870 à Béziers (Hérault) et dès 1872, à Alger.


2- LEROUX, verso d'un carton-photo (Toulon).



LES PHOTOGRAPHIES DE LEROUX À VICHY, CANNES ET TOULON


Le revers des cartes de visites conservées, essentiellement des portraits de studio souvent embossés, affiche plusieurs types d'inscriptions :

- "Leroux - Photographe - Vichy - & - Cannes" (seconde moitié des années 1870 ?) (Image 1 en tête d'article).

- Carton-photo rare, daté de "juillet 1881", portant les mentions de Vichy et Cannes mais réutilisé à Toulon et modifié avec une étiquette imprimée collée en bas : "Leroux - Photographe - Vichy - & - Cannes" et "Maison Trésorier - 15, Place Puget, 15 - Toulon".

- "Leroux - Photographe - Toulon [Toulon sur Mer ; ou encore, "Toulon s/Mer (Var)]" (début des années 1880 ?) ; certaines cartes de visite ajoutent, "Elève de la Maison Frédérick de Paris" (Image 2 ci-dessus).

- Carton-photo rare, "N. Leroux - Photographe" (tampon manuel circulaire à l'encre bleue, sans indication de ville) (première moitié des années des années 1880 ?) ;

- "J. Trésorier - N. Leroux successeur [signature oblique] - Place Puget, 15 - Toulon - [cartonnier] D.Hutinet-Paris" (sous l'évocation de l'Exposition Internationale de la Ville de Marseille et de la récompense accordée à J. Trésorier ; une carte de visite datée de "septembre 1882") (première moitié des années 1880 ?) (Image 3 ci-dessous).

- "N. Leroux [signature oblique] - ex-photographe - Vichy, Cannes & Toulon - [cartonnier] D.Hutinet-Paris" (sous l'évocation de l'Exposition Internationale de la Ville de Marseille et de la récompense accordée à J. Trésorier) (années 1880 ?) (Image 4 ci-dessous).

- Carton-photo rare, "A. Leroux - Photographe et Horloger - Toulon-Sur-Mer (Var) - Réparations de Pendules, Montres et Réveils (...) - M. Alexandre Leroux, élève de Ravaille, horloger - à Nîmes (Gard) (...) - Réparations & Achat de Bijoux Or & Argent" (longue étiquette publicitaire) (seconde moitié des années 1880 ?).

- "Photographie - Leroux - Maison d'Agrandissements - Pour Portraits - Toulon s/Mer - & Vichy - Nota : Mr Leroux Se Charge - de toutes les réparations d'horlogerie et rend - dans les 24 heures toutes réparations de Bijoux - [cartonnier] J.H.Nacivet-Paris)" (l'ensemble est parfois précédé du nom de l'atelier, "Aux Arts Réunis") (fin des années 1880 ou début des années 1890 ?) (Image 5 ci-dessous).

- Carton-photo rare, "Aux Arts Réunis - Grande Photographie - Toulonnaise - Leroux - Directeur - Agrandissements - depuis 25 fr - Mr Leroux - Horloger - Bijoutier - se charge des Réparations - De Montres, Pendules, Réveils - Tournebroches - Et - Bijouterie - [cartonnier] B. P. Grimaud-Paris" (fin des années 1890, voire début des années 1900 ?) (Image 6 ci-dessous).

Cette énumération donne de nombreuses indications mais suscite également de nombreuses interrogations :

- Le photographe est tour à tour, présenté sans prénom, avec un prénom dont l'initiale est la lettre "N." (Images 3 et 4) ou la lettre "A." (au recto) et plus rarement avec la précision du prénom "Alexandre" (photographe-horloger-bijoutier). Est-ce que ces prénoms sont ceux d'une seule et même personne ou de deux (père et fils, frères, parents) ?

- Certains cartons-photos toulonnais renseignent sur sa ville de formation, en précisant qu'il est, "Elève de la Maison Frédérick de Paris". Il semble que la Maison évoquée soit celle de la "Maison des Folies Dramatiques - Frédérick - Photographe 40, rue Bondy, 40 - Paris", uniquement citée dans l'ouvrage de Jacques Delanoë (Note 3) ; ce photographe peu étudié, et dont très peu de photographies sont conservées, pourrait bien être Frédérick Lemaître (Paris 1827-Versailles 1890), le fils du célèbre acteur du même nom.

- Parmi les nombreux cartons-photos conservés de la ville de Toulon, beaucoup semblent, , comme ceux de Vichy et de Cannes, afficher des caractéristiques nées dans les années 1870, avec des portraits souvent embossés et un dessin de putto accompagné des emblèmes de la Photographie et de la Peinture (motif récurrent des années 1870-1900). Cependant, il faut attendre les années 1880 et 1890 pour voir la mention de ces autres villes : "ex-photographe - Vichy, Cannes & Toulon" puis "Toulon s/Mer - & Vichy".

- M. Leroux succède à Joseph Trésorier, à Toulon, dans l'atelier situé place Puget, 15 et a racheté son fonds ; il continue d'ailleurs à éditer les vues et costumes régionaux bretons de ce dernier. 

- La mention "ex-photographe des villes de Vichy, Cannes et Toulon" est très ambiguë (Image 4). Elle peut impliquer que M. Leroux officie dans une nouvelle ville qui n'est pas citée, qu'il s'occupe désormais davantage de l'horlogerie-bijouterie, ou encore qu'il se contente de diriger la boutique, potentiellement confiée à un gérant (d'où le terme de "Directeur" sur d'autres cartons) (Image 6). 

- Il faut enfin noter que les cartons-photos les plus tardifs (semblant dater de la seconde moitié des années 1880 et des années 1890) ne font plus référence à Joseph Trésorier et à la médaille de ce dernier obtenue à Marseille (Images 5 et 6).


3- LEROUX N., verso d'un carton-photo (Toulon).



LES DOCUMENTS


Documents vichyssois et cannois

Le dépouillement systématique des documents vichyssois (presse ancienne et recensements) n'a rien révélé concernant M. Leroux. Il est l'un des photographes saisonniers qui, en dehors de ses photographies, n'a quasiment pas laissé de traces.

Il est donc nécessaire d'entreprendre une recherche dans les autres villes où il a exercé. A Cannes, l'accès à la presse numérisée n'est plus disponible depuis plusieurs années. Il apparaît cependant que photographe Leroux est absent des listes de photographes de cette ville, datant de la première moitié des années 1870.


Documents nationaux

Les documents nationaux ne citent que très rarement le photographe Leroux à Toulon :

- "M. Leroux, notre correspondant de Toulon", a réalisé une série de photographies, le 25 août 1885, du Retour de la dépouille de l'Amiral Courbet aux Salins d'Hyères, Var, in, L'Univers Illustré du 5 septembre 1885, et, Henri Macqueron, Iconographie du département de la Somme, 1886 p 797.

- "Leroux, photographe, place Puget, Toulon" (Léo Taxil, La France maçonnique, Paris, 1888 p 237) ; le nom de la boutique du photographe "Aux Arts Réunis", évoque également une expression maçonnique.

- "Cliché A. Leroux, Toulon", Portrait de Louise Chaliès, accompagnant la publicité des Pilules Pink, paru dans de nombreux journaux locaux, en juillet 1909.

- L'Aide-Mémoire de Photographie cite "Leroux", uniquement à Toulon, de 1888 à 1891 (années 1886, 1887, 1892, 1893 manquantes). Cependant, l'Annuaire général et international de la Photographie le signale dans cette même ville, de 1892 à 1899.


4- LEROUX N., verso d'un carton-photo (Vichy, Cannes, Toulon).



Documents varois

La recherche semble dans une impasse. Il est donc nécessaire de dépouiller les recensements de Toulon, à la seule adresse connue de la place Puget, 15. 

"Trésorier Joseph, photographe, célibataire, âgé de 44 ans" y est cité, seul, dans le recensement de 1876 mais ce sont ensuite, "Leroux Étienne, 41 ans, photographe, mari ; Suire Herminie, 44 ans [née vers 1836-37], sans profession, femme [aucun enfant n'est signalé] ; et Bonneau Firmin, 22 ans, photographe, ouvrier", qui sont cités dans le recensement de 1881.

Plusieurs problèmes cependant :

- Le photographe Leroux affiche dans le recensement de 1881 le prénom, "Étienne", et les recherches généalogiques sur ses nom et prénom, comme sur ceux de sa femme, ne donnent aucun résultat pouvant correspondre.

- Le couple n'est plus cité à cette adresse dès le recensement de 1886, remplacé par "Onésime Jean, 30 ans, photographe et son épouse Emilie, 23 ans" dans le recensement de 1886 ; par "Couadou Paul, 27 ans, photographe" dans celui de 1891 ;  puis par "Bar Marius, 32 ans, photographe, son épouse Victorine (sic), 32 ans et leur fille Marguerite, 2 ans" dans celui de 1896. 

Comme M. Leroux est attesté à Toulon, postérieurement à 1881, cela semble impliquer qu'il a changé d'adresse. Ses cartes de visite toulonnaises les plus tardives n'affichent d'ailleurs aucune adresse, et si le photographe se voit encore signalé "place Puget, 15" dans un ouvrage de 1888 (La France maçonnique), c'est probablement sur la base de renseignements plus anciens et obsolètes.

Le dépouillement de la presse varoise ne révèle que quelques petites annonces du photographe, toutes parues dans La Sentinelle du Midi, aux période des Fêtes de Noël et du Jour de l'An : 

- En décembre 1882 et janvier 1883, "Photographie Instantanée - au Gelatino-Bromure - Leroux - Successeur de Trésorier - 15, Place Puget, Toulon (...)" ; 

- En décembre 1883 et janvier 1884, "Ancienne Maison Trésorier - Fabrique de Plaques - Au Getalino-Bromure D'Argent - (...) - M. Leroux (...) a l'honneur de porter à la connaissance de MM. les amateurs et photographes qu'il n'a plus de dépositaire dans le ville de Toulon - S'adresser pour le gros et le détail (...), Place Puget, 15 - Grande diminution de Prix ! - (tarifs) - Dix leçons d'une heure suffisent pour être au courant pour faire du paysage - Leçons gratuites à tous ceux qui veulent apprendre" ;

- En décembre 1884 et janvier 1885, " (...) - La Maison de Photographie Leroux - Place Puget, 15 - A l'honneur d'informer sa nombreuse clientèle qu'elle a rouvert ses ateliers depuis quelques jours - (...) - MM. les amateurs et photographes trouveront à la 4° page le tarif des plaques au gelatino-bromure d'argent".

- Et enfin, en janvier 1886, avec une annonce semblable à la précédente, signalant la réouverture des ateliers.

Quoique peu nombreux, ces relevés sont riches en renseignements :

- Joseph Trésorier étant encore cité dans les journaux varois en mars 1881 et Étienne Leroux étant signalé dans le recensement de 1881 terminé en juillet, c'est donc entre ces deux mois que s'est faite la succession. 

C'est plus précisément fin mai ou juin qu'elle a eu lieu car l'offre de location de l'atelier est parue, sans le nom de Joseph Trésorier, dans Le Petit Marseillais des 8, 10 et 12 mai 1881 : "Avis Aux Photographes - Atelier de photographe et logement au 4e étage, au plus beau centre de la ville ; belle exposition. S'adresser à M. Audibert, rue de l'Hôtel-de-Ville, 4, à Toulon". 

Joseph Trésorier avait, en effet, installé tout à la fois son logement et son atelier au 4ème étage mais il avait créé, depuis la fin de l'année 1880, un deuxième atelier de pose à l'entresol de la même Maison, afin d'éviter la montée aux clients qui craignaient les étages.

- Dans ses publicités, Leroux se présente comme un professeur de Photographie, initiant notamment ses élèves à la prise de vue de paysages (ses vues personnelles ne sont pas connues). 

- Il se présente également comme fabricant de plaques (de verre) au gélatino-bromure d'argent. L'usage de ces plaques, qui permet des prises de vue quatre fois plus rapides que le collodion humide, semble s'être diffusé à partir de la fin des années 1870. Joseph Trésorier a d'ailleurs fait paraître à Toulon, dès octobre 1880, des publicités mentionnant ses "Portraits instantanés au gélatino-bromure".

- La réouverture des ateliers de Leroux se fait à plusieurs reprises en décembre ou janvier, ce qui laisse penser qu'il ne vient à Toulon que pour la saison hivernale, sans que la ou les villes avec lesquelles il alterne ne soient précisées.

- Les recensements et les publicités attestent la présence du photographe à Toulon, place Puget, 15, de 1881 à 1886. Aucun document antérieur ou postérieur à ces dates ne le cite cependant à une autre adresse.


5- LEROUX, verso d'un carton-photo (Toulon, Vichy).



La Famille Leroux

L'identité du photographe restant ignorée, une nouvelle recherche, est effectuée sur Gallica et permet enfin une avancée majeure. 

Le Journal du Midi du 30 octobre 1889 signale en effet la présence de deux photographes portant le nom de Leroux, à l'occasion d'une succession entraînant la vente d'une petite maison située sur la commune de Nîmes (Gard).

Il s'agit "d'Étienne Narcisse Pierre Henri Rochegude dit Leroux, photographe domicilié et demeurant à Collioures (sic) (Pyrénées-Orientales)" et "d'Antoine Alexandre François Rochegude dit Leroux, aussi photographe, domicilié et demeurant à Die (Drôme)".

Si aucun d'eux n'est domicilié à Toulon, le fait qu'ils portent, pour l'un, les prénoms, "Étienne" (comme dans le recensement de Toulon de 1881) et "Narcisse" (initiale "N" présente sur certaines cartes de visite de Toulon), et pour l'autre, le prénom "Alexandre" (présent sur certaines cartes de visite de Toulon), est révélateur. 

De plus, le fait que leur nom officiel ne soit pas "Leroux" mais "Rochegude" ou "Rochegude Leroux", explicite la difficulté rencontrée jusque là pour les retrouver sur les sites de généalogie.

Une nouvelle recherche sur ces mêmes sites permet de cibler le mariage de l'un des membres de cette famille, le 26 mars 1874, à Ucel (Ardèche). Il s'agit en fait de l'union tardive des parents des deux photographes : 

"Louis Rochegude dit Louis Pierre Leroux, dentiste ambulant, né le 12 juillet 1806 à Aubenas (Ardèche), domicilié à Ucel, fils naturel, né de père inconnu et de Marianne Rochegude, décédée", épouse "Marie Euphrasine, dite Rose et Rosine Mineur, sans profession, née le 19 juin 1815 à Antibes (Var) [à cette date], domiciliée à Toulon".

A l'occasion de ce mariage, les époux reconnaissent leurs quatre fils et deux filles, nés le plus souvent dans divers départements du Sud de la France (Pyrénées-Orientales, Hérault), entre 1840 et 1853. L'acte précise que le père, ayant pendant des années porté le nom de "Lerous/Leroux", a donné ce nom à ses enfants.

Étienne Narcisse Pierre Henri Leroux, est présenté comme le fils aîné, né le 19 juin 1840, à l'auberge de Saint-Estève (Pyrénées-Orientales), lors des déplacements de ses parents. Antoine Alexandre François Leroux est né, pour sa part, le 28 avril 1847, dans une commune dont le nom est difficile à décrypter et à identifier (Villers-Lucerne, Villars-Lucarno ?).

La vente évoquée de la maison de Nîmes en 1889, a été déclenchée par la mort de leur père. A cette date, leur mère vit à Toulon, leur frère cadet Albert est bijoutier-chirurgien-dentiste dans cette même ville et leur sœur Rose vit à proximité, à La Farlède (Var).

Si l'identité des photographes Leroux et leurs liens avec la ville de Toulon sont désormais établis, leurs domiciles respectifs, à Collioures et Die en 1889 (communes respectivement situées à plus de 400 et 200 km de Toulon), posent question, à moins que ce ne soit leur destination estivale. 

Le recensement de 1881 de la ville de Toulon établit sans ambiguïté que c'est Étienne (Étienne Narcisse) Leroux qui officie place Puget. 

Le rôle d'Alexandre (Antoine Alexandre), photographe-horloger-bijoutier, dans l'atelier toulonnais semble, en fonction des cartons-photos étudiés, plus tardif. 

Aucun atelier de photographie ne semble signalé à leur nom, à Collioures ou à Die. Les deux frères se sont-ils associés pour l'atelier toulonnais ou s'y sont-ils succédés ?

Quel est le passé professionnel de ces deux frères, sachant qu'ils ne sont signalés en tant que photographes qu'après leurs 35 ans, Étienne Narcisse, dès la deuxième moitié des années 1870, et Antoine Alexandre, dès la deuxième moitié des années 1880 ? 

Les recherches généalogiques plus poussées n'ont rien donné, de même que la recherche d'une cession d'atelier à ce nom (Archives commerciales de la France).


6- LEROUX A., verso d'un carton-photo (Toulon ; l'initiale de son prénom est précisée au recto).




HYPOTHÈSES


À ce stade de la recherche, il est nécessaire de faire le point. Deux des frères Leroux, Étienne Narcisse (né en 1840) et Antoine Alexandre (né en 1847), ont été photographes.

Peu de choses de leur vie sont connues avant les années 1870. Étienne s'est formé à la Photographie à Paris, auprès de Frédérick, et Alexandre à l'Horlogerie à Nîmes, auprès de Ravaille. Peut-être Étienne a-t-il ensuite initié son frère à la Photographie ?

Les premiers ateliers de Photographie "Leroux" attestés sont ceux de Vichy (rue Sévigné) et de Cannes (adresse inconnue), vers 1877-1878 (aucune publicité connue ; une seule mention dans un guide de 1878). 

Il semble que ces deux ateliers sont abandonnés en 1881 pour un nouvel atelier "Leroux" situé à Toulon, dans la ville où vivent leurs parents et certains de leurs frères et sœurs.

C'est Étienne Narcisse Leroux qui, en mai, y acquiert le fonds et l'atelier de Joseph Trésorier, situé au 15, place Puget (entresol et 4ème étage) et le conserve pendant cinq ans ("Étienne" cité dans le recensement de 1881 ; deux cartons-photos respectivement datés de juillet 1881 et de septembre 1882 ; publicités "Leroux" échelonnées entre 1882 et 1886). 

Certains cartons-photos de l'époque ("N. Leroux") indiquent qu'il est le successeur de Joseph Trésorier (nom et récompense) et précisent l'adresse de l'atelier. La réouverture de ce dernier se faisant vers décembre, il est probable qu'Étienne Narcisse Leroux alterne alors avec un ou plusieurs lieux (inconnus), pendant la saison estivale.

Il cède, au printemps 1886, cet atelier au photographe Jean Onésime (cité place Puget dès le recensement de 1886).

Les cartons-photos suivants d'Étienne Narcisse Leroux revendiquent toujours la succession de Joseph Trésorier (récompense) et précisent, sans citer d'adresse, "ex-photographe - Vichy, Cannes & Toulon". 

Cette mention peut apparaître comme un résumé de sa carrière (ateliers tenus par le passé) mais révèle peut-être la vie de photographe itinérant qu'il mène désormais. 

Cette absence de nom de ville se retrouve parfois, en effet, sur les cartons-photos d'autres photographes itinérants et il est difficile d'oublier, qu'enfant, Étienne Narcisse et ses frères et sœurs ont vécu une vie de déplacements incessants, due au métier de leur père, dentiste ambulant (Note 4).

Étienne Leroux est signalé, par la suite, domicilié à Collioures, Pyrénées-Orientales (acte de succession paternelle de 1889). 

Il semble qu'Antoine Alexandre Leroux ouvre pour sa part à Toulon, à l'époque où son frère cède l'adresse de la place Puget (y étaient-ils associés, Antoine Alexandre étant domicilié à une autre adresse ?), un atelier de photographie-horlogerie-bijouterie, bientôt dénommé, "Aux Arts Réunis" (publicités inconnues dans les journaux).

Ses cartons-photos affichent son nom précédé de son prénom ("A. Leroux" ou "Alexandre Leroux") mais le nom de la ville de Toulon, sans précision de rue. 

Il est possible qu'il confie rapidement son atelier à un gérant ou ne travaille à Toulon que pendant la saison estivale car son domicile officiel est situé à Die, dans la Drôme (adresse citée en 1889 lors de la succession paternelle).

Certains de ces cartons mentionnent cependant "Toulon & Vichy" (Image 5 ci-dessus), sans qu'il soit possible de savoir si la ville thermale est citée en évocation du passé ou comme une succursale où il se rend désormais pendant la saison d'hiver (publicités vichyssoises inconnues). La mention de cette succursale vichyssoise disparaît cependant de ses cartons-photos les plus tardifs (Image 6).

Alexandre Leroux semble conserver son atelier toulonnais jusque vers 1899. Il a alors 52 ans. Cesse-t-il toute activité professionnelle ? Réside-t-il toujours à Die ?

Que devient également son frère Étienne qui, à la même date, a 59 ans ? A-t-il stoppé toute activité professionnelle depuis plusieurs années ? Où vit-il désormais car il est absent du recensement de la ville de Collioure de 1896 (celui de 1891 est manquant).



ÈPILOGUE (HÉRAULT)


L'Univers Illustré du 13 janvier 1894, publie deux estampes réalisées d'après les photographies instantanées de "M. Leroux, photographe à Cournonterral (Hérault)". 

Ces images illustrent le récit de la manifestation pacifique de 30.000 viticulteurs du Midi qui, le 12 décembre 1893, se sont réunis dans la commune entièrement viticole de Cournonterral et se sont ensuite rendus, à environ 16 km de là, devant la préfecture de Montpellier où ils ont déposé une pétition.

Le photographe évoqué est-il l'un des frères Leroux étudiés ? Il n'est cependant pas cité dans les recensements de Cournonterral de 1891 et 1896.

Un autre journal, L'Avenir agathois signale pour sa part à trois reprises, les 26 janvier, 20 avril et 3 août 1907, la présence de "M. Leroux,  photographe-horloger-bijoutier" à Agde (Hérault), installé sur la Promenade, près de la statue du corsaire Claude Terrisse (deux publicités et un don pour une tombola).

Ce photographe est-il Alexandre Leroux ? La réponse est positive. En effet, une recherche plus approfondie dans ce même journal révèle la publicité suivante qui paraît du 25 septembre 1904 au 11 octobre 1908 :

"Photographie Leroux - À 1 Franc La Carte - On Pose Tous Les Jours de 9 Heures Du Matin À 4 Heures Du Soir - M. Leroux, Horloger-Mécanicien, élève de M. Ravaille de Nîmes - Réparations d'Horlogerie - (...) - Travail très soigné et garanti - On répare et remet à neuf tous les bijoux - L'Atelier est situé Promenade Terrisse, à Agde".

La recherche dans le registre de recensement d'Agde de 1906 permet de retrouver, rue de la Promenade, la présence de "Leroux Alexandre, né en 1847, à Villar [?], Français, chef, photographe, patron, et, Meiffren Marie, née en 1865, au Castellet (Var), Française, épouse, sans profession" (aucun enfant n'est signalé).

L'acte de naissance de son épouse est ensuite recherché dans les actes d'état civil du Castellet : "Marie Louise Meyfren (sic)", est née dans cette commune le 1er février 1865 ; elle est l'une des enfants de Léon François Meyfren (1841-1878) et de Marie Antoinette Blain (1845-apr.1903), qui se sont mariés au Castellet le 11 juin 1862.

L'acte de mariage d'Alexandre Leroux et de Marie Meyfren, absent des registres de la ville du Castellet, est cependant présent dans ceux de la ville de Toulon.

Le 19 janvier 1889, "Antoine Alexandre Leroux, 41 ans, né le 25 avril 1847, à Villar-Luserna, Italie du Nord [Piémont, au sud-ouest de Turin], d'origine française, horloger, domicilié à Toulon, quartier Claret" (dans la maison de sa mère ; son père est décédé à Toulon, au 15, place Puget, le 8 octobre 1884, et sa mère est présente à la cérémonie) (Note 5), épouse dans cette ville, "Marie Louise Meyfren, 23 ans, née au Castellet (Var) le 1er février 1865, couturière, domiciliée à Ollioules (Var) et demeurant à Toulon".

Les dates et lieux de décès d'Alexandre Leroux et de son épouse restent inconnus à ce jour (leurs noms sont absents des registres de décès de la ville d'Agde, de 1907 à 1945), comme ceux d'Étienne Leroux et de son épouse.



NOTES


1- VOIGNIER Jean-Marie, Répertoire des Photographes de France au dix-neuvième siècle, Le Pont de Pierre, 1993, p 161.

2- CHAMBRIARD Pascal, "L'apparition de la photographie touristique de Vichy (1863-1885)", dans, Bulletin de la Société d'Emulation du Bourbonnais, T 75, septembre 2011, pp. 458-495.

(3)- DELANOË Jacques, Les Pionniers de la Photographie, Terre de Brume Editions, 1996, p 130.

(4)- Un passage de, "M. L. Pierre Leroux, dentiste et seul possesseur du véritable Baume Minéral et Végétal", est notamment signalé à Bagnols (Gard) pour une durée de 15 jours en 1844 (L'Hirondelle du Gard du 22 septembre 1844).

(5)- Marie Euphrasine dite Rose et Rosine Mineur, décèdera à l'hospice civil de Toulon, le 15 février 1896, à l'âge de 80 ans (domiciliée à cette date au quartier Missiessy).