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samedi 23 février 2013

140-LE SON (ET LA LUMIÈRE) DANS LA SCULPTURE CONTEMPORAINE



PREMIÈRE MOITIÉ DU XX° SIÈCLE


VOIR TOUTES LES OEUVRES CITÉES CI-DESSOUS  :


Dès les années 1920, la sculpture intégre les notions de mouvement et de lumière réels ainsi que celle du son.


SON

Ce son est le plus souvent inhérent à la sculpture en mouvement du fait de :

-l'existence d'un moteur et d'un mécanisme et de son bruit (Naum Gabo, Kinetic Construction n° 1 (Standing Wave), 1919-1920 - image 1 ; Marcel Duchamp, Rotative plaques verre, 1920 - image 2 ; Làszlo Moholy-Nagy, Modulateur Espace-Lumière, 1922-1929 - image 4 ; Alexander Calder, Sans titre, 1931 - image 6),
-de la vibration (Naum Gabo, Kinetic Construction n° 1, Standing Wave, 1919-1920 - image 1) ou de la rotation des matériaux en mouvement (Làszlo Moholy-Nagy, Modulateur Espace-Lumière, 1922-1929 - image 4 ; Marcel Duchamp, Rotative plaques verre, 1920 - image 2) et du contact des matériaux entre eux (mise en mouvement manuelle dans l'oeuvre d'Alexander Calder, Small Sphere and Heavy Sphere, 1932-33, image 7).



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Le son peut également être musical :

-avec la réalisation d'une machine expérimentale (Vladimir Baranoff-Rossiné, Piano optophonique, 1920-1923 - image 3) qui hésite entre instrument de musique et sculpture,
-l'adjonction d'un fond musical (Cirque de Alexander Calder, avec en plus effets de voix et de bruits - image 5) (comme dans la synchronisation images/musique dans le film expérimental de Fernand Léger, Ballet mécanique, 1924).


SON ET LUMIÈRE

Les effets sonores (bruit, musique) sont parfois couplés avec des effets lumineux et colorés (Vladimir Baranoff-Rossiné, Piano optophonique, 1920-1923- image 3 ; Làszlo Moholy-Nagy, Modulateur Espace-Lumière, 1922-1929 - image 4).



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DEUXIÈME MOITIÉ DU XX° SIÈCLE

Les expérimentations conduites dans la première moitié du XX° siècle se continuent dans les années 1950 et se multiplient dans les années 1960. Désormais, son et lumière font partie intégrante de la sculpture et y perdurent jusqu'à nos jours affirmant, comme le mouvement réel, les données temporelles et spatiales de l'oeuvre. 

Il faut insister sur le rôle et l'influence de Marcel Duchamp, de John Cage (compositeur de musique expérimentale intéressé par les sons du réel et le silence) et des membres internationaux (les musiciens John Cage, La Monte Young, Charlotte Moorman ; les plasticiens Nam June Paik, Joseph Beuys, Ben, Robert Filliou) du Groupe Fluxus (volonté de trangresser les catégories artistiques, de mélanger les langages de la musique, du théâtre, des arts plastiques, intérêt à la performance, au happening, au non-art, à la fonction ludique, humoristique et provocante de l'art).

SON

Le son reste lié :
-à l'existence d'un moteur ou d'un électro-aimant et d'un mécanisme en mouvement (visible ou imperceptible et aux effets programmés mais irréguliers) et de leur bruit (machines de Nicolas Schoeffer, Jean Tinguely),
-à la vibration ou à la rotation des matériaux et de leur contact,
-à la relation ambiguë sculpture/instrument de musique (oeuvre des Frères Baschet), avec l'intégration d'éléments musicaux comme les cordes (oeuvres de Vassilakis Takis, Pol Bury) et parfois même d'instruments de musique actifs (oeuvre de Jean Tinguely) ou muets (oeuvres de Joseph Beuys),
-à la diffusion de musique (instrument traditionnel ou électronique) jouée en direct (performance de Yves Klein, de Nam June Paik, oeuvre de Takis), enregistrée ou programmée (performance de Gilbert and George, oeuvre de La Monte Young et Marian Zazeela),
-à la diffusion de bruits (oeuvre de Robert Morris) et, plus souvent, de paroles (oeuvres de Gilbert and George, Robert Rauschenberg, Louise Lawler, Christian Boltanski) généralement enregistrées.


SON ET LUMIÈRE

Le son est couplé dans certaines oeuvres avec la lumière (et l'ombre) fixe ou changeante (lampes, néons, tubes cathodiques - couleurs, images) (oeuvre de Christian Boltanski) et il peut y avoir interaction entre eux, l'un créant ou transformant l'autre (oeuvres de Nam June Paik, Peter Keene) mais aussi interaction entre les sons et les lumières environnants et l'oeuvre (oeuvre de Nicolas Schoeffer).

La présence matérielle de la sculpture s'efface parfois, dans des lieux vides, au profit des seuls sons (oeuvres de Louise Lawler, Dominique Petitgand) et lumières colorées (oeuvre avec son et lumière de La Monte Young et Marian Zazeela ; oeuvre avec seule lumière de James Turrell) qui imprègnent l'espace dans lequel évolue le spectateur (expériences sensorielles, perte de repères, intégration à l'oeuvre).

D'autres fois, c'est paradoxalement l'absence de son et la recherche d'un silence profond (serein ou pesant) qui est affirmée dans l'oeuvre (oeuvres de Joseph Beuys, Yves Klein, Dan Flavin, Bruce Nauman, JamesTurrell).



NICOLAS SCHOEFFER

VOIR LA VIDÉO (1 MN 30) DE L'OEUVRE DE SCHOEFFER CYSPE, 1959
SCHOEFFER Nicolas (1912-1992), CYSP-1sculpture cybernétique et spatiodynamique interactive autonome, acier noir, 1956, aluminium polychrome peint, 200x300x170 cm (hors socle),
 équipée d’un cerveau électronique, de cellules photoélectriques et de microphones, cette sculpture réagit aux modifications de son environnement lumineux et sonore par des déplacements et par la mise en mouvement des plaques colorées qui la constituent.


JOSEPH BEUYS


BEUYS Joseph (1921-1986), Plight, 1958-1985, installation, 43 éléments en feutre gris de 5 rouleaux chacun, piano à queue, tableau noir, thermomètre médical, 310x890x1815 cm, Paris, MNAM.
C'est le silence qui se dégage de cet environnement où le piano est muet mais où le feutre, en plus de dégager son odeur et de jouer le rôle d'isolant thermique, joue le rôle d'isolant phonique.


     
BEUYS Joseph (1921-1986), Infiltration homogène pour piano à queue, 1966, piano à queue entièrement recouvert de feutre gris, croix rouge en tissu, 100x152x240 cm, Paris, MNAM.
La volonté de présenter l'instrument muet est renforcée par le recouvrement de feutre et renforce la sensation de silence.


YVES KLEIN

KLEIN Yves (1928-1962), Anthropométries, performance en public du 9 mars 1960,
 Paris, Galerie Maurice d'Arquian.
Sous la direction de l'artiste, deux femmes utilisées comme des pinceaux-vivants, s'enduisent le corps de peinture bleue puis s'appliquent sur des supports au sol et au mur, imprimant leur empreinte (sans les bras). Pendant ce temps, neuf musiciens jouent la "Symphonie monotone", formée d'un son continu suivi d'un énorme silence.


ROBERT MORRIS

MORRIS Robert (né en 1931), Box with the sound of its own making, 1961, cube en noyer brut, bande magnétique de 3 heures et demi et haut-parleur placé dans la boîte et relié à un magnétophone.
L'artiste laisse visible les éléments de la construction comme des évidences visuelles des processus auxquels la matière a été soumise. La bande enregistrée est l'évidence sonore du même processus. Le son mêle l'objet à l'espace ainsi qu'au spectateur.

ROBERT RAUSCHENBERG

RAUSCHENBERG Robert (1925-2008), Oracle, 1962-1965, 236x450x400 cm, Paris, MNAM.
Installation composée de 5 éléments fragmentaires montés sur roulette (baignoire, tuyau, escalier en tôle, portière métallique, montant de fenêtre en bois) ; chacun d'eux comporte une batterie, un poste émetteur et un haut-parleur composant un environnement sonore. Les radios allumées sont branchées sur différents pays et diverses stations créant un brouhaha aléatoire.


YOUNG LA MONTE ET MARIAN ZAZEELA

LA MONTE YOUNG  (né en 1935, compositeur) et ZAZEELA Marian (née en 1940, plasticienne), Dream House, 1962-1990, Lyon, MAC : interaction entre musique (création générée en temps réel par un synthétiseur) et lumière (deux installations lumineuses et deux sculptures dont une en néon)
 La musique fait réagir de manière infime les mobiles suspendus conçus par Marian Zazeela. Pour l’auditeur, il s’agit de s’immerger littéralement dans le son pour en percevoir les nuances, une expérience invitant à la méditation, à être autant à l’écoute de soi qu’à l’écoute des sons. À l’intérieur de cet espace de plus de 500 m2 baigné de lumière et de musique, le visiteur vit des sensations inédites et une expérience incroyable de la durée, chacun pouvant y trouver sa place en s’asseyant ou en déambulant à son rythme tout en appréciant les modulations sonores provoquées par ses propres mouvements, aussi infimes soient-ils.

Cf. VIDÉO DE DREAM HOUSE, 13 MN



DAN FLAVIN

FLAVIN Dan (1933-1996), Alternating Pink and Gold, 1967.
Les sculptures lumineuses de l'artiste jouent du nombre, de la taille, de la couleur et de la disposition de néons. L'oeuvre fusionne avec l'espace du lieu qu'elle transforme et multiplie les expériences perceptives du spectateur qui s'y déplace.



LES FRÈRES BASCHET

BASCHET Bernard (né en 1917) et François (né en 1920), Cristal (54 tiges de verre accordées), 1963.
C'est un instrument de création musicale.
"Nous avons essayé de faire une synthèse entre la sculpture et les sons car il existe des rapports entre les sons et les formes. Le principe est d'éviter l'emploi d’électricité ou d'électronique".

VOIR UNE VIDÉO DE 4 MN DE DÉMONSTRATION DE CRISTAL DES FRÈRES BASCHET



VASSILAKIS TAKIS

VOIR UNE VIDÉO DE 30 SECONDES D'UN BALLET MAGNÉTIQUE DE TAKIS, 1963


                                                      
TAKIS Vassilakis (né en 1925), Télélumière II, 1963,
(tubes cathodiques détournés et produisant une lumière bleue).

                                                                      
TAKIS Vassilakis (né en 1925), Musicale, 1977, haut-parleur, corde de violon, archet, panneau blanc avec électro-aimant fixé au revers.
Une grosse aiguille suspendue à un fil nylon se balance et, au gré des impulsions électriques touche et fait trembler la corde tendue. L'effet sonore, comme l'effet visuel, est faible, la sculpture ayant pour but de "matérialiser la présence de l'énergie invisible par l'objet visible" et d'installer le spectateur dans l'attente d'un mini-évènement imprévisible.

TAKIS Vassilakis (né en 1925), 3 totems, espace musical, 1981, Paris, installation monumentale du forum du Centre Pompidou regroupant les travaux de l'artiste sur le magnétisme, la lumière et la musique. 
Le spectateur pénètre dans un environnement formé de Télélumières et de Ballets magnétiques, se retrouvant confronté à un ensemble déconcertant de sons et d'effets lumineux non répétitifs, à la composition aléatoire. Les quinze pièces présentées créent leur propre son dans un ensemble musical.

                                                                               
TAKIS Vassilakis (né en 1925), Sculpture sonore et lumineuse, 1992, installation sur un château d'eau de la ZUP Argentine à Beauvais.
L'artiste a transformé le château d'eau en une sorte de harpe éolienne, à l'aide de longs et épais câbles tendus dans l'axe et de grandes vis d'Archimède. Les sons produits par le vent, sons graves des câbles et aigus des vis, peuvent être amplifiés et redistribués par des capteurs. La sculpture fonctionne à intervalles réguliers selon un temps programmé mais les sons se révèlent variables selon l'amplitude des vents.



BRUCE NAUMAN

VOIR UNE VIDÉO DE 1 MN DE L'OEUVRE DE BRUCE NAUMAN
GET OUT OF MY MIND, GET OUT OF THIS ROOM, 1968 
La phrase, déformée et agressive pour le spectateur est diffusée et répétée dans une salle vide.


NAUMAN Bruce (né en 1941), Dream Passage with Four Corridors, 1984, panneaux, tubes fluorescents, acier, 283x1241x1241 cm.
Installation formée de deux étroits couloirs se croisant perpendiculairement. A leur intersection, une salle centrale de 2,40 m de côté, contient 4 jeux de tables avec chaises se faisant face, deux au plafond et deux au sol. Ces couloirs sont éclairés par des tubes fluorescents jaunes, rouges ou blancs fixés également au sol ou au plafond. Dans sa série des "Corridors", l'artiste impose ici au spectateur un environnement symétrique, contrôlé et mortifère où la lumière vive et le silence profond jouent un rôle important.


GILBERT AND GEORGE

VOIR LA VIDÉO DE 4 MN DE, THE SINGING SCULPTURE, 1969, DE GILBERT ET GEORGE
GILBERT (né en 1943) et GEORGE (né en 1942), The Singing Sculpture, Bruxelles, 1969
 (performance conservée par la trace photo et vidéo).
(Les deux artistes, en costume, sont montés sur une table, le visage recouvert de peinture métallique dorée. Ils imitent, parfois pendant plusieurs heures, les mouvements syncopés des automates en mimant une chanson des années 1930, Underneath the Arches, diffusée par un magnétophone et son haut-parleur, placés sous la table).


NAM JUNE PAIK

PAIK Nam June (1932-2006), TV Bra for living sculpture, 1969, 
performance de la violoncelliste Charlotte Moorman. 
Cette dernière joue de son instrument, affublée d'un soutien-gorge équipé de deux mini-téléviseurs diffusant des images en direct, comme sur les téléviseurs disposés autour d'elle. Au-delà de la relation hybride corps intime et technologie, il y a une interaction entre le son du violoncelle filtré par un processeur et les images diffusées qui changent en fonction de lui, modulées, désorganisées ou régénérées par le son.


LOUISE LAWLER

VOIR LA VIDÉO DE L'OEUVRE DE LOUISE LAWLER, BIRDCALLS
LAWLER Louise (née en 1947), Birdcalls, 1972-2008.
Une bande son de plusieurs minutes diffuse les noms d'artistes masculins contemporains reconnus ; les noms sont prononcés railleusement et de manière différente comme s'ils l'étaient de la part d'oiseaux exotiques. La bande son est publiée sur cassette en supplément d'un magazine audio, diffusée dans le cadre d'une exposition photographique de l'artiste, auprès de socles vides (Paris, 1997) ou encore dans le contexte spécifique d'un jardin (vidéo).



POL BURY

BURY Pol (1992-2005), Douze et treize cordes verticales et leurs cylindres, 1973, collection privée.
Sur une plaque de bois, des cordes métalliques tendues sont pincées à intervalles irréguliers grâce à de petits mécanismes et moteurs, émettant un ou plusieurs sons.



JEAN TINGUELY

TINGUELY Jean (1925-1991), Méta-Harmonie II, 1979, 380x690x160 cm, Bâle, musée Tinguely.
La plus musicale des sculptures acoustiques de l'artiste, composée de roues parfois peintes, d'engrenages, d'instruments de musique (piano, batterie) et de moteurs et qui, mise en mouvement, produit bruits, sifflements, respirations, sons musicaux et percussions.


VOIR UNE VIDÉO DE 2 MN SUR L'OEUVRE DE TINGUELY, MÉTA-HARMONIE II, 1979



PETER KEENE

KEENE Peter (né en 1953), Raoul Hausmann revisité, 1999-2004, collection de l'artiste.
Installation avec source sonore, synthétiseurs analogiques, appareils de projections, capteurs photomultiplicateurs, hauts-parleurs).
Cette oeuvre reprend les recherches du langage optophonique de Raoul Hausmann, entamé dans les années 1920, avec une mise au point d'une machine recréant une interaction lumière-son, les lumières se transformant en sons qui à leur tour génèrent des lumières.
EN SAVOIR PLUS SUR CETTE OEUVRE ET VOIR UNE VIDÉO


CHRISTIAN BOLTANSKI

BOLTANSKI Christian (né en 1944), Prendre la parole, 2005, poteaux de  bois recouverts de manteaux noirs et surmontés d'une lampe formant des mannequins fantomatiques chuchotant des phrases de la vie quotidienne (affirmations et questions) et, ainsi individualisés, s'adressant au spectateur.


DOMINIQUE PETITGAND

PETITGAND Dominique (né en 1965), Les Ballons, 2006-2009, exposition "Quelqu'un est tombé", Saint-Ouen-l'Aumône, site d'art contemporain de l'abbaye de Maubuisson, installation pour quatre hauts-parleurs diffusant de brefs bruits de chute résonants, dans trois espaces différents.



JAMES TURRELL

VOIR UNE VIDÉO DE 6 MN SUR LES OEUVRES DE JAMES TURRELL
TURRELL James (né en 1943), The Wolfsburg Project, Germany, 2009 and The Roden Crater, Arizona, depuis 1983.
James Turrell réalise des installations in situ, des sculptures de lumière dans des pièces où il vide totalement l’espace, obstrue les ouvertures et procède à de fines découpes dans les murs, afin de contrôler l’entrée de la lumière. Ces espaces dénués d’objets sont ainsi essentiellement habités par l'obscurité et la lumière naturelle et changeante (Skyspaces) ou artificielle et colorée (monochromes) et créent des ambiguïtés perceptives entre 2D et 3D (sortes d'anamorphoses) pour un spectateur qui évolue et expérimente la dimension immatérielle de la lumière qui "affecte le corps mais aussi le cerveau et l'âme", lui permettant d'accéder à un état de contemplation méditative.


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