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INTRODUCTION
Au début des années 1870, le boulevard du Midi (actuel quai des États-Unis), situé en bord de mer, sur la rive gauche du Paillon, reste encore constitué de deux parties distinctes (Image 1).
Du côté ouest, entre la place ou square des Phocéens et le jardin du Café-Américain, s'étend le quai du Midi. Il est essentiellement longé de hauts bâtiments et communique, par plusieurs rues perpendiculaires, avec la rue Saint-François-de-Paule.
Le quai est bordé d'un mur de soutènement et de digue du côté sud. Il offre une ligne de bancs et deux points-de-vue en demi-lune comprenant chacun une urne-fontaine et communique avec la plage par un escalier à double volée.
Cette zone de plage de galets sert à la baignade, avec la présence de nombreuses cabines de bains face au Théâtre-Municipal. Des lavandières lavent leur linge à l'embouchure du Paillon, et parfois encore dans le ruisseau de l'Abattoir proche du jardin du Café-Américain, et l'étendent en contrebas du quai du Midi.
Du côté est, s'étend la zone des Ponchettes, qui va du jardin du Café-Américain jusqu'au virage de Rauba-Capeu. Bordée de maisons basses surmontées de terrasses formant promenade, elle communique par plusieurs passages avec la Cité du Parc et le Cours, la place de la Poissonnerie et la rue des Ponchettes.
Au sud, aucune délimitation franche n'existe entre la voie irrégulière et la plage, plus particulièrement dévolue aux barques et filets des pêcheurs.
Ces deux parties du boulevard sont totalement dépourvues de végétation, en dehors de celle des jardinets des maisons des Ponchettes.
Si la dénomination de "boulevard du Midi" renvoie toujours à l'ensemble de la voie, celle de "quai du Midi" supposée n'en désigner que la partie occidentale, est souvent employée, elle-aussi, pour en désigner l'ensemble (textes, plans).
Quant-à la dénomination de "quai des Ponchettes", elle peut désigner toute la partie orientale du boulevard située au-devant des terrasses ou bien être restreinte à la zone comprise entre la Poissonnerie et la Colline du Château.
LE PROJET
A partir de 1873, la municipalité réfléchit à un projet visant à transformer le boulevard du Midi en une promenade prestigieuse calquée sur celle de la Promenade des Anglais et venant dans sa continuité, avec un large trottoir sud comprenant deux lignes parallèles d'arbres et de haies s'étendant de l'embouchure du Paillon à la batterie des Ponchettes (Délibérations du Conseil municipal du 12 mai 1873).
Le projet se précise dans les années suivantes mais reste en attente. Les plantations sont uniquement prévues, dans un premier temps, sur le quai du Midi et la remise en eau des urnes-fontaines du quai est envisagée, alors qu'elles en sont dépourvues depuis le début des années 1870 (Journal de Nice [JDN] des 28 mai et 12 août 1875).
Fin décembre 1876, le Conseil municipal vote enfin la rectification et l'élargissement de l'ensemble du boulevard du Midi (Image 2), et demande au Gouvernement la concession du terrain domanial situé sur le littoral correspondant (Nice, Archives municipales, Registre des comptes-rendus des Conseils municipaux, séance du 22 décembre 1876, 1D1-11 p 194).
LA PREMIÈRE PHASE DE TRAVAUX
Elargissement et soutènement de la voie (1877-1878)
Après l'accord ministériel obtenu au début de l'année 1877 (les décrets ne seront publiés que bien plus tard), les travaux visant à élargir le boulevard sont adjugés à l'entrepreneur Giordano.
Les travaux débutent à la fin du mois d'avril 1877 (Le Phare du Littoral [LPDL] du 24 avril 1877).
Contrairement à ce qui avait été imaginé au départ, les fontaines ne sont cependant pas remises en eau mais supprimées : "Par suite des travaux d'élargissement du quai du Midi, on a enlevé les deux urnes-fontaines qui se trouvaient dans l'axe des rues Sulzer et du Théâtre" (LPDL et JDN du 26 avril 1877).
Les travaux se poursuivent en mai et juin 1877 mais les terres déblayées du chantier dégagent de fortes odeurs nauséabondes qui infectent tout le quartier et déclenchent une plainte des habitants (JDN des 28 mai et 10 juin 1877 ; LPDL des 6 et 8 juin 1877).
Les détails fournis par les journaux permettent de comprendre que les tranchées de construction et de nivellement de la promenade concernent notamment une zone où les immondices se sont accumulées depuis des années. Des désinfectants sont répandus sur les terres mais n'arrivent pas à en supprimer les odeurs. Une tentative de grève des ouvriers du chantier a lieu à la mi-juin (JDN du 15 juin 1877).
La zone qui pose problème semble située à proximité du jardin du Café-Américain mais ces premiers travaux ne se limitent pas au seul quai du Midi et se poursuivent jusqu'à la Poissonnerie.
Dès le début des travaux, une pétition des habitants de ce quartier a été adressée à la municipalité, au sujet de la communication des Terrasses avec le quai du Midi (Conseil municipal du 9 mai 1877).
Les deux seuls portiques étroits qui débouchent sur la place de la Poissonnerie restent un obstacle à la circulation et au commerce. La demande concerne la démolition des terrasses comprises entre ces deux portiques et leur remplacement par la création de vastes passages (LPDL des 11 et 15 juin 1877).
Mi-juillet 1877, un nouveau traité est conclu par la municipalité avec l'entrepreneur Giordano, afin de substituer, au revêtement en pierres sèches prévu du talus, un perré en maçonnerie (LPDL et JDN du 19 juillet 1877).
Les travaux se poursuivent à l'automne mais leur lenteur et l'encombrement de la voie leur sont reprochés (JDN du 6 octobre 1877) (Image 3).
En février 1878, les travaux de nivellement et de soutènement de la voie sont en cours d'achèvement et sont totalement terminés en mars. Les charrettes et charretons, qui encombraient jusqu'ici l'espace situé près du Théâtre-Municipal, sont alors enlevés (JDN du 6 février et du 22 mars 1878 ; LPDL du 23 mars 1878).
Réalisation des plantations (1878)
En avril 1878, les plantations du boulevard du Midi s'avérant imminentes, Le Phare du Littoral demande à la municipalité de préférer, aux arbres exotiques, des arbres à feuillages persistants, afin de dispenser leur ombre généreuse aux étrangers et aux habitants du quartier (LPDL du 16 avril 1878).
Ces plantations restent cependant en attente. Le même journal réclame alors la pose de bancs mais également celle d'une couche de sable ou de gravier sur les zones détrempées par les pluies récentes, comme sur celles recouvertes d'un cailloutis tranchant (LPDL du 25 avril 1868).
Devant une attente qui perdure en mai, Le Phare du Littoral conseille cette fois à la municipalité de choisir des arbres qui offrent le plus de chance de réussite en bord de mer et détaille les nombreuses propositions d'un expert concernant les plantes de haies, les arbustes de plates bandes, les grands arbustes et les arbres (LPDL du 6 mai 1878).
La municipalité envisage la création d'une pépinière sur la Colline du Château, afin de fournir les plantes nécessaires aux jardins et rues de la ville, qui font alors défaut à "la nouvelle promenade de l'ancien quai du Midi" (Compte-rendu du Conseil municipal du 29 avril publié dans LPDL du 9 mai 1878 ; JDN du 10 mai 1878).
Fin mai 1878, les journaux rappellent les plaintes des promeneurs dues à la chaussée impraticable et demandent de prolonger cette dernière jusqu'aux Ponchettes (LPDL et JDN du 26 mai 1878).
En réponse à la pétition des habitants de mai 1877, la municipalité prévoit, en juillet 1878, la démolition de la maison du comte de Pierlas qu'elle a acquise, et son remplacement par "un passage entre la Cité du Parc et le quai du Midi, en face la porte de la Poissonnerie". Il faut comprendre en face de la porte de la place de la Poissonnerie ou porte Charles-Félix (Image 1) (Compte-rendu du Conseil municipal du 2 juillet 1878 publié dans LPDL du 9 juillet 1878).
Le Phare du Littoral se félicite du début des travaux de l'arceau évoqué, le 19 juillet 1878, ainsi que des plantations du quai du Midi, entreprises depuis quelques jours, mais regrette que "malgré les observations qui lui ont été faites par la presse, la municipalité a cru devoir choisir le palmier" (LPDL du 21 juillet 1878).
La date estivale de ces plantations est tardive mais ne concerne que des palmiers. Les autres plantations, arbustes intermédiaires et haies de bord de mer, sont reportées à l'automne.
Fin août 1878, la municipalité vote désormais, "le déplacement des lanternes du quai du Midi et la pose de nouveaux candélabres sur la partie élargie" (Compte-rendu du Conseil municipal du 28 août 1878, publié dans LPDL du 31 août 1878).
Les pluies d'octobre transforment à nouveau la chaussée du quai du Midi en véritable bourbier (LPDL du 20 octobre 1878).
Les plantations reprennent début décembre mais remettent la voie en chantier avec les déblais de tranchées qui ne sont pas immédiatement évacués et s'amassent sur "le mur de soutènement régulier et agréable" du quai (LPDL du 7 décembre 1878).
Des travaux en attente (1879)
Plusieurs fois annoncé, le prolongement du mur de soutènement de la Poissonnerie jusqu'à la batterie des Ponchettes, reste en attente pendant toute l'année 1879 (JDN du 26 mars et du 17 avril 1879).
Des bancs sont réclamés en septembre 1879 pour la partie qui a été prolongée au-devant des Ponchettes (JDN du 29 septembre 1879).
LA DEUXIÈME PHASE DE TRAVAUX (1880)
Les travaux concernant cette deuxième partie sont adjugés, début février 1880, à l'entrepreneur Marius Dubois (JDN du 5 février 1880).
La suite de la maçonnerie qui doit soutenir le quai est mise en chantier au cours du même mois (JDN du 27 février 1880).
Ces travaux semblent se poursuivre jusqu'à l'été et s'achever avec de nouvelles plantations.
Au début du mois d'août 1880, un article du Journal de Nice demande que la haie vive établie par la municipalité "sur toute la longueur du quai du Midi", soit taillée pour ne pas masquer aux promeneurs certains des points de vue sur la mer.
De nouveaux travaux sont ensuite entamés pour abaisser et élargir la portion de rue des Ponchettes, située le long du rocher de la Colline du Château.
Fin novembre 1880, les derniers travaux s'achèvent : "Grâce à cette modification de l'ancien bayou qui conduisait de l'hôtel des Princes jusqu'au tournant de la pension Suisse, la promenade du quai du Midi, faisant suite à celle des Anglais, offre maintenant un aspect magnifique" et fait de Nice la seule ville au monde à offrir "un aussi long développement de promenade sur la mer" (JDN du 26 novembre 1880) (Image 4).
Le quai et les plantations s'étendent désormais sur l'ensemble des trottoirs du boulevard. Cependant, entre la Poissonnerie et la batterie des Ponchettes, seule la haie a été plantée (voir la photographie d'Eugène Degand prise en 1881, ici ; les palmiers attendront l'année 1882 pour l'être à leur tour, Image 5).