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dimanche 30 juin 2024

1348-DEBRAY, SOUVENIR DES PYRÉNÉES, VUES MOSAÏQUES DE LUCHON


  SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- DEBRAY (?-?), Vues de Luchon (Haute-Garonne), recto, sans date, 
tirage albuminé de 9,1x5,5 cm, sur carton de 10,5x6,2 cm, Collection personnelle.



INTRODUCTION


Jean Walburg de Bray ou Debray (Orléans 19 janvier 1839 - Nice 28 janvier 1901) est, dans la seconde moitié du XIX° siècle, l'un des photographes majeurs des Alpes-Maritimes et de la Principauté de Monaco. Pendant trois décennies (1863-1893), il se consacre aux paysages urbains et naturels du littoral méditerranéen. 

Dans son atelier et son magasin de Nice puis de Cannes, ainsi que chez plusieurs revendeurs de ces mêmes villes, il propose des tirages de tous formats, des séries conséquentes et des albums qui, le plus souvent, ne portent pas son nom mais celui du revendeur.

Jean Walburg de Bray cède son fonds niçois ("dix mille clichés") en 1881 puis cherche à céder son fonds cannois ("dix mille clichés") au début des années 1890 pour se consacrer à d'autres activités commerciales.



BIOGRAPHIE


Né en 1839 à Orléans (Loiret), d'un père pasteur, Jean Walburg de Bray a essentiellement passé sa jeunesse en Suisse, avec sa famille (dès 1846).

Il s'installe à Nice à 22 ans (en 1861), en tant que sculpteur et professeur de sculpture sur bois (objets d'art et mosaïques).

A la fin de sa première saison d'hiver, il annonce la fermeture estivale de son magasin, rue du Pont-Neuf, n° 6, au 5 mai 1862, prie les clients de récupérer les articles commandés, liquide les articles en bois de figuier et "les vues de Nice" (ses photographies ?) et fixe la réouverture au 1er octobre suivant (Journal de Nice du 30 avril 1862 p 3).

Part-il passer la saison estivale dans une autre région ? Rouvre-t-il son magasin à la date prévue ou renonce-t-il à cette activité pour se consacrer dès lors à la photographie (il est cité comme "photographe" dans les listes électorales dès 1864, dans les journaux dès 1865 et dans les annuaires dès 1869) ? Continue-t-il à alterner, dans les années suivantes, entre deux villes selon la saison ?

Malgré une recherche approfondie sur sa vie et sa carrière, plusieurs zones d'ombre subsistent donc (voir sa biographie détaillée, ici).


- DEBRAY (?-?), Vues de Luchon (Haute-Garonne), verso, sans date, 
carton de 10,5x6,2 cm, Collection personnelle.



VUES DE LUCHON


Debray photographe

Une très rare Carte de visite offre, au verso, les inscriptions suivantes, "Souvenir des Pyrénées. - DEBRAY, - Photographe, - LUCHON, - Vallée du Lys" et, au recto, huit très petites vues de Luchon (ou Bagnères-de-Luchon, Haute-Garonne), soulignées de leur titre : "Les Thermes", "Castel-vieil", "Allée de la Pique", "La Buvette", "Cascade d'Enfer", "Cascade du Cœur", "Villa Diana" et "Chalet Sapène" [ou Casino des Chasseurs].

S'agit-il du photographe Jean Walburg Debray, l'orthographe du nom comme l'absence de prénom se retrouvant de la même façon sur ses publicités niçoises de 1861 et 1862, ou bien d'un photographe homonyme ? 

Aucun photographe portant le nom de "Debray" n'est référencé à Bagnères-de-Luchon. 

Un photographe nommé "Pierre Edouard Brayy" a officié à Paris, vers 1860, rue Vieille-du-Temple, 97 (J-M. Voignier, Répertoire des Photographes de France au dix-neuvième siècle, Le Pont de Pierre, 1993 p 44). 

Un peintre nommé "Achille Hector Camille Debray" a pour sa part exposé au Salon de 1834 un tableau de la Cascade de la vallée du Lys et une Vue des Pyrénées mais il est né à Paris en 1799 et est décédé dans cette même ville en 1842 (Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture et gravure des artistes vivans (sic) exposés au Musée Royal, Paris, 1834 p 48).


- DEBRAY (?-?), Vues de Luchon (Haute-Garonne), recto, sans date, 
tirage albuminé de 9,1x5,5 cm, Collection personnelle.


Ces vues de Debray font écho aux images luchonnaises des années 1850 et de la première moitié des années 1860 :

- aux lithographies de Victor Petit (1850), de Pierre Gorse (1856 et 1858), de Charles Mercereau (entre 1853 et 1864) et d'Eugène Cicéri (1860) ; 

- aux photographies de Farnham Maxwell-Lyte (milieu des années 1850), du vicomte J. Vigier (vers 1855), d'Aimé Civiale (1857 et 1858), de Furne Fils et H. Tournier (1858), de Ferrier père, fils & Soulier (entre 1860 et 1864) et de Jean Andrieu (1862-63).


     

- DEBRAY (?-?), Vues de Luchon (Haute-Garonne), recto, détail de la "La Buvette", sans date, 
tirage albuminé de 9,1x5,5 cm, sur carton de 10,5x6,2 cm, Collection personnelle.



La vue de Debray intitulée "La Buvette" représente la buvette d'eau sulfureuse, également dénommée "La Buvette du Pré", qui est située légèrement en hauteur, à l'ouest de l'Etablissement thermal de Luchon. 

C'est un petit édifice en bois de plan circulaire, constitué d'un seul niveau et surmonté d'un haut toit couronné d'un lanternon, le tout couvert de chaume. Il sera plusieurs fois agrandi et surélevé par la suite.


- DEBRAY (?-?), Vues de Luchon (Haute-Garonne), recto, détail de la "Villa Diana", sans date, 
tirage albuminé de 9,1x5,5 cm, sur carton de 10,5x6,2 cm, Collection personnelle.




La vue de la "Villa Diana" (située à proximité de la Buvette du Pré) semble pour sa part impliquer le début des années 1860, cette villa ayant été bâtie par Edmond Chambert (l'architecte qui a érigé l'Etablissement thermal) entre 1859 (plans) et 1863, pour l'Italienne Giuseppina Botti (Alice de la Taille, "L’œuvre de l’architecte Edmond Chambert à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne)", Patrimoines du Sud [Online], 9 | 2019).

Une date vers 1862-1864 est tout à fait envisageable pour la Carte de visite étudiée et pourrait correspondre à un séjour luchonnais de Jean Walburg de Bray, sans qu'il soit toutefois possible de l'affirmer. 


Carte de visite Mosaïque

Le fait de regrouper plusieurs très petites photographies sur une seule Carte de visite (d'environ 6x10 cm) semble d'ailleurs caractéristique d'une mode parisienne née dans la première moitié des années 1860. 

La Carte Mosaïque évoque notamment les portraits regroupés par dizaines ou même centaines (avec ou sans séparation) sur les cartons d'Eugène Disdéri, de Pierre Petit ou de V. Maucomble (jusqu'à 300 portraits), les collections (35 Monnaies de la France) et plus encore les vues d'un même site réunies sur les cartons de De Torbechet, Allain & Cie (35 Monuments de Paris) ou sur ceux d'Henry Tournier (13 Vues de Rome ; 12 Vues de Bagnères-de-Luchon, prises en 1858 avec Charles Furne, mais diffusées en Carte mosaïque à partir de 1861).

Dans les Alpes-Maritimes, une seule Carte de visite mosaïque, anonyme, est à ce jour connue. Elle présente huit petites vues dépourvues de titre, affichant seulement le nom de la ville, "CANNES", au bas du tirage.

Ces vues sont identifiables, avec de haut en bas et de gauche à droite : Le quartier des Anglais, Le Cours et la Croisette, Le Port, Le Casino de la Croisette, Le Château de Vallombrosa, La Villa Alexandra (ou Tripet), Le Château de la Bocca, La Villa Victoria (ou Woolfield).

La plupart de ces édifices cannois datent des années 1850. 


- Photographe anonyme, Vues de Cannes, recto, détail de la vue du Casino, sans date,
tirage albuminé, Collection privée.

- Photographe anonyme, Vues de Cannes, recto, détail de la vue du Cours et de la Croisette, sans date,
tirage albuminé, Collection privée.



Le Casino de la Croisette ou Casino Cresp a été cependant entrepris sur des terrains acquis en novembre 1861, a vu son gros œuvre achevé en juin 1862 et a été inauguré le 9 août 1863 (voir l'article de ce blog, ici).

La vue montrant le Cours et la Croisette implique pour sa part une date antérieure à 1864 car elle ne montre pas le Grand Hôtel dont la première pierre a été posée le 10 juin 1863 et dont l'inauguration a eu lieu le 1er octobre 1864.

Il est donc probable que cette Carte de visite de Cannes date au plus tôt du printemps 1862 et au plus tard de l'été 1863. Elle peut donc être contemporaine de celle de Luchon mais sans qu'il soit possible, à nouveau, de l'attribuer à Jean Walburg Debray.


Jean Walburg Debray à Luchon ?

Jean Walburg Debray a-t-il, au cours de sa vie, accompli des séjours ou travaillé dans les les Pyrénées, comme plusieurs photographes implantés à Nice ? 

Louis Ferret a possédé en effet une succursale à Bagnères-de-Luchon, vers 1877-1880, Numa Blanc Père a quitté Nice pour Pau et Bagnères-de-Luchon, de 1879 à 1887 et Joseph Messy a possédé une succursale à Cauterets, vers 1883-1908.

Jean Walburg de Bray a été membre de la Société Française des Archives photographiques, historiques et monumentales (Paris), depuis sa création en 1876. Il a notamment participé à la souscription internationale ouverte par cette société pour ériger, en 1883, un Monument à Louis Daguerre à Cormeilles-en-Parisis (Val-d'Oise), la ville natale de l'inventeur de la Photographie.

Son nom se voit logiquement cité dans la liste des souscripteurs (Revue photographique, n° 7, d'août 1883) mais apparaît, étrangement, à deux reprises : "De Bray, Nice, 5 fr." (p 97) et "De Bray, Luchon, 5 fr." (p 98).

L'orthographe même du nom du photographe et souscripteur, suivi du même montant, laisse peu de doute sur le fait qu'il s'agit de la même personne, ayant souscrit au titre de deux villes, voire de deux ateliers, et relance l'hypothèse.

Cependant, si l'on admet que Jean Walburg de Bray, implanté à Nice et Cannes, ait pu accomplir des saisons estivales à Bagnères-de-Luchon (cure ou villégiature) et y posséder un atelier pendant une ou plusieurs périodes de sa vie, cela interroge sur l'existence et la conservation de ses photographies, même laissées anonymes ou portant le nom de l'un de ses revendeurs (libraires notamment).

On ne retrouve pas en effet, dans les vues luchonnaises et pyrénéennes, les éléments caractéristiques de ses photographies, notamment ses vues panoramiques, ses étiquettes de titre collées sur les Cabinets ou ses grands formats signés "WB" (Walburg de Bray) dans le négatif.



ÉPILOGUE


Avec la découverte d'une nouvelle photographie, tout ce que l'on croit connaître de la carrière d'un photographe est remis en question.

Malgré quelques indices troublants, les preuves restent insuffisantes pour pouvoir affirmer que le photographe vivant dans les Alpes-Maritimes, Jean Walburg de Bray, a réalisé et signé des vues de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne) au début des années 1860 et a, par la suite, renouvelé des séjours et des prises de vue dans cette ville.

Cet exemple montre la difficulté à appréhender la formation et les débuts des photographes du XIX° siècle mais, également, à nommer leurs succursales (locales, nationales ou internationales) en l'absence de sources documentaires déterminantes.




samedi 22 juin 2024

1347-LE GROS OLIVIER DE BEAULIEU-Histoire et représentations au XIX° s.


 SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), L'Olivier centenaire de Beaulieu, détail,
tirage albuminé de 21,2x8,1 cm (panoramique), vers 1870-1875.
Le photographe pose au pied de l'arbre.




INTRODUCTION


Au XIX° siècle, sur le littoral méditerranéen allant de Nice à Monaco et Menton, règnent les oliviers centenaires aux troncs noueux et au feuillage argenté. Ils fournissent une huile de qualité supérieure et abritent souvent de leur ombre les citronniers, orangers et champs de violettes.

Les plus beaux spécimen d'oliviers sont ceux de Beaulieu (commune de Villefranche, autrefois Olivula), vantés tant dans les ouvrages des naturalistes que dans les guides des voyageurs.



ANNÉES 1825-1860


Antoine Risso signale, dans son ouvrage de 1826, qu'il existe des oliviers "dont l'âge paraît remonter à plus de dix siècles. L'olivier pignole de Beaulieu, dont le pied fait environ 4 mètres de circonférence, et qui, d'après son propriétaire, rendait jadis 500 livres d'huile par année [env. 226 litres], en est un exemple" (Antoine Risso, Histoire naturelle des principales productions de l'Europe méridionale et particulièrement celles des environs de Nice et des Alpes-Maritimes, 1826, T II, pp 20 et 34).

Rosalinde Rancher dans son Guide des Etrangers à Nice, édité la même année, rappelle que "l'on trouve près du couvent des Capucins à Gairaut et à Rimiés [quartiers de Nice] des oliviers si gros, qu'il faut 2 et 3 hommes pour en embrasser la circonférence, mais les plus beaux sont à Beaulieu terroir de Villefranche, où il y en a de 22 pieds 1/2 de tour [env. 6,85 mètres]" (Rosalinde Rancher, Guide des Etrangers à Nice, Nice, septembre 1826, p 171).

Au printemps 1832, Sabin Berthelot mesure les oliviers de Villefranche dont ceux de Beaulieu et conteste les dimensions du plus gros d'entre eux, relevées par Antoine Risso : "il existe dans la propriété d'Alexandre Jaumet, un olivier dont le tronc a 12 mètres 42 centimètres de circonférence à la base, et 6 mètres 26 centimètres à un mètre et 30 centimètres au-dessus du sol. Les dimensions d'une de ses branches principales, sont de 2 mètres 15 centimètres de contour ; la hauteur du tronc est de 2 mètres 78 centimètres; l'époque de la plantation de cet arbre est inconnue (...).

C'est le plus grand de tous les oliviers des environs de Nice et probablement le plus ancien (...) ; ses dimensions surpassent de beaucoup celles de l'olivier de Pescio [état de Gênes, 7m 69 de circonférence], cité par Picconi et auquel Maschettini donne environ 7000 ans d'existence [ou plutôt 700 ans]. D'après des documens existans, le vieux Pignole étoit réputé, en 1516, l'arbre le plus ancien de la contrée. On peut donc hardiment avancer qu'il est aujourd'hui, en Europe, le vétéran de son espèce. 

Mr. Risso, qui a fait mention de cet arbre dans son ouvrage, m'a assuré qu'en 1828 il produisoit encore plus de 100 kil. d'huile, et que, suivant le rapport de son propriétaire, il en fournissoit jadis jusqu'à 150 kilogrammes dans les bonnes années ; ce savant observateur pense que l'âge de cet arbre remonte au delà de dix siècles, et qu'il est le seul de son espèce qui ait résisté au terrible ouragan de 1516, dont cette contrée éprouva les ravages" (Sabin Berthelot, "Observations sur l'accroissement et la longévité de plusieurs espèces d'arbres des environs de Nice", dans, Bibliothèque Universelle des Sciences, Belles-Lettres et Arts rédigée à Genève, Genève et Paris, 1832, T L, pp 280-282).

Les textes de Risso et de Berthelot seront sans cesse réutilisés dans les décennies suivantes, personne ne s'accordant sur la quantité d'huile récoltée, les dimensions et l'âge de cet arbre, désormais dénommé le "gros olivier/Gros-Olivier", "l'Olivier gigantesque" ou "le roi des oliviers de Beaulieu".

A Beaulieu, écrit Valery en 1840, "on ira voir les trois célèbres oliviers, de proportions si extraordinaires, et dont l'âge est ignoré" (Antoine Claude Pasquin dit Valery, L'Italie confortable - Manuel du Touriste, Bruxelles, 1840 pp 283-284).

En 1843, la propriété qui comprend le gros olivier est désormais celle du baron de Quincenet (Louis Roubaudi, Nice et ses environs, 1843 p 89). 

Cet olivier n'est pas facile à trouver comme le raconte le baron de Bazancourt en 1853. Parti "à la recherche de ce phénomène du règne végétal", il croise "des oliviers noirs et tordus, comme s'ils fussent sortis convulsivement du sein de la terre mais ni assez tordus, ni assez noirs pour être cet olivier séculaire" et ne trouve l'arbre tant désiré qu'après une longue marche et les renseignements contradictoires de trois habitants. 

"C'est bien lui !... je reconnais le monstre, le géant, le vieillard autour duquel se groupent ses enfants [rejets ou drageons] (...). Cet olivier pourrait, au besoin, devenir une caverne de brigands [cavités parfois nommées "chambres baroques"]" (César Lecat baron de Bazancourt, Nice et ses souvenirs, 1853, pp 299-301).

Les guides de voyageurs recommandent de se rendre en barque, de la rade de Villefranche au petit port de Saint-Jean, situé plus à l'est, près de l'anse de Beaulieu (dénommée la Petite-Afrique du fait de son climat chaud) et de faire le chemin du retour à pied, en visitant notamment le gros olivier et la chapelle du hameau de Beaulieu (Sancta Maria de Olivo).


2- PORTIER (?-?), Paysage forestier, 1858,
tirage de 26,5x34,5 cm, 
Amsterdam, Rijksmuseum, RP-F-F00102.



ANNÉES 1860-1880


Avec le rattachement de Nice à la France (1860), les étrangers vont davantage affluer à Nice et visiter ses environs. Au-delà de Villefranche ne se trouvent cependant que des chemins muletiers et des sentiers à peine tracés, Beaulieu faisant encore partie des contrées à découvrir.

"Il se trouve dans cette localité [Villefranche], plusieurs oliviers colossaux, ayant la puissance végétative des bahoba (sic) d'Afrique : l'un d'eux a donné jusqu'à 600 livres d'huile par saison [environ 272 litres]" (Journal de Monaco du 1er juillet 1860).

"Le plus remarquable et le plus ancien de ces oliviers, s'élève dans la propriété de M. De Quincenet, et présente encore, malgré son état de décrépitude, un aspect des plus imposants" (Joseph Roux, Statistiques des Alpes-Maritimes, 1862, vol. 2 pp 35-36).

"Les oliviers de Monaco sont de véritables géants, comparés à ceux de Nice ; j'excepte, toutefois, l'olivier monstrueux de Beaulieu, qui m'assure-t-on, a plus de dix siècles d'existence. C'est une énorme souche tortueuse, ayant de 12 à 15 m de circonférence" (Journal de Monaco du 1er janvier 1863).

Dès 1863, le voyage à Nice est facilité par l'arrivée du chemin de fer dans cette ville. 

"La célébrité de Beaulieu est surtout due à l'existence d'un olivier dont l'histoire doit être fort connue sur les deux hémisphères, et dont le diamètre grossit en fonction du carré des distances. M. E. Négrin dit ne lui avoir trouvé que 7 m. 30 c. de tour, à 1 m. 15 c. au-dessus du sol ; près du sol, j'ai trouvé près de 10 mètres. 

N'importe. Dans un cas comme dans l'autre, pour un olivier, la circonférence est assez belle ; quant à l'arbre lui-même, il n'est pas beau ; j'en connais, dans la campagne de Nice, qui le surpassent de beaucoup, comme port et aspect" (Dr Lubanski, Guide aux stations d'hiver du littoral méditerranéen, 1865 p 400).

L'Illustration du 6 octobre 1866 consacre un article national à l'olivier en général et l'accompagne d'une gravure du gros olivier de Beaulieu : "Les cartes géographiques locales indiquent sa position, qui se trouve à deux kilomètres environ à l'est de Villefranche. Il vit là depuis des siècles, en société d'autres oliviers vétérans d'un aspect très-respectable. 

Si l'on a quelque embarras à le trouver, mainte jeune paysanne à la tête ombragée d'un charmant chapeau conique vous conduiront à travers les orangers, les citronniers, les jasmins, les violettes, en face du tronc colossal, auquel vous trouverez sept mètres de circonférence en le mesurant".


3- Le gros olivier de Beaulieu (Environs de Nice),
estampe parue dans L'Illustration du 6 octobre 1866, p 222.



À la fin des années 1860, les étrangers se rendent à Beaulieu, non seulement grâce aux bateaux à vapeur reliant Nice à Monaco mais également grâce à l'ouverture de la ligne de chemin de fer Nice-Monaco (octobre 1868) avec une station à Beaulieu, et à la réalisation progressive (de la fin des années 1860 au début des années 1880) de la nouvelle route du littoral, de Villefranche à Beaulieu (en deux tronçons), Eze puis Monaco. 


4- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Les Oliviers de Beaulieu, vers 1868,
tirage albuminé de 10,3x6,1 cm, Collection personnelle.



À Beaulieu, "on commence ordinairement l'exploration par une visite au doyen des oliviers. Ce géant ligneux qui a reçu tant d'hommages est dans la propriété de M De Quincenet. 

Arrivé au premier gros olivier qui est à droite de l'ancien chemin, près du bureau de tabac, on suit à gauche la portion de grande route jusqu'au ponceau du chemin de fer ; on dépasse celui-ci ; on voit l'arbre à droite. Quand on vient par la grand route, on le voit à gauche, à 50 pas de la gare.

Comme les auteurs assignent 12 mèt. 50 c. de circonférence à ce patriarche de la paix, comme cette taille me paraissait être plutôt l'apanage du baobab, j'ai voulu aller le mesurer moi-même. "Veni, vidi et" voici : il offre en réalité 7 m. 30 c. de pourtour à 1 m. 15 c. du sol. C'est déjà bien assez joli. 

Les mesureurs qui m'ont précédé, ont considéré comme faisant partie du tronc plusieurs racines romantiques qui s'étendent sur les guérets, et ont fait passer leur circonférence géométrique par chaque point extrême de ces racines. C'est ce que les botanistes appellent collet ou talon de l'olivier ; mais est-ce bien ce qu'on appelle tronc ?" (Emile Négrin, Les Promenades de Nice, édition de 1869 pp 195-197).


5- Gros olivier de Beaulieu
estampe publiée dans l'ouvrage d'Emile Négrin, 
Les Promenades de Nice, 1869, p 196.


6- DEGAND Eugène (1829-1911), Environs de Nice, Oliviers à Beaulieu, vers 1869,
tirage albuminé de 6,1x10,4 cm, sur carton de 7x11,4 cm, Collection personnelle.



M. le comte Jaubert adresse, de Beaulieu, la lettre suivante, datée du 19 janvier 1870 : "Beaulieu possède plusieurs arbres remarquables par leurs dimensions colossales : un Olivier, qui est plutôt un faisceau de tiges (...), mesure 13,50 de circonférence au niveau du sol ; on le voit à deux pas de la gare dans la propriété de M. de Quincenet. 

Un autre Olivier, auprès du village, a un tronc de 7 mètres de circonférence à la base, et s'élève régulièrement à une hauteur de 3 mètres, où commence la ramification. Je ne m'étonne plus de l'antiquité attribuée à certains pieds du Jardin-des-oliviers si cher aux âmes chrétiennes" (Bulletin de la Société Botanique de France, T 16, 1869-1870, p 44).


7- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Olea Europæa, À Beaulieu (Alpes-Maritimes),
tirage albuminé présent en fin de l'ouvrage de Frédéric Hamilton, La Botanique de la Bible, 1871, 
(voir et télécharger l'ouvrage sur archive.org).




En 1874, une Compagnie, composée de capitalistes mentonnais, niçois et parisiens, se forme dans le but de créer un station hivernale à Beaulieu. Elle réalise notamment deux grands boulevards et acquiert des terrains pour la création d'un troisième, face à la gare. 

"L'Olivier légendaire, le Gros-Olivier, le Roi des Oliviers, que toute la colonie étrangère a visité, se trouve dans les terrains acquis par la Société en question, qui doit même faire les honneurs d'un petit square à la majesté séculaire de ce colosse végétal" (Le Phare du Littoral du 6 septembre 1874).


8- TAYLOR Thomas (1844-?), dessinateur, d'après une photographie de
 DAVANNE Alphonse (1824-1912), Oliviers
estampe publiée dans, Adolphe Joanne, "Menton and Bordighera",
 in, Le Tour du Monde, vol 28, second semester 1874, pp 241-272, p 249.
La photographie d'Alphonse Davanne est antérieure à 1865.




Un espace assez large est d'ailleurs signalé dégagé, en juillet 1875, pour la construction d'un petit square (Journal de Monaco du 6 juillet 1875).

"L'olivier est l'arbre fruitier qui a le plus d'importance dans le département [des Alpes-Maritimes], parce qu'il fait la richesse du pays (...). Les oliviers séculaires qu'on admire entre Nice et Menton sont remarquables par leur âge et leur grand développement. Sur divers points, et surtout à Villefranche, leurs rameaux sont parfois si rapprochés et si nombreux que le soleil arrive difficilement sur le sol (...).

L'olivier pignole a des branches divergentes et des feuilles d'un vert gai. Ses fleurs sont en bouquets ; ses fruits sont petits, ovales et disposés en gros bouquets ; ils passent du rouge laque au noir d'ébène ; ils sont abondants. L'huile qu'ils donnent est douce" (Gustave Heuzé, Les primes d'honneur et les médailles de spécialité décernées dans les Concours Régionaux en 1865, Paris, 1876 pp 389-391).

Le deuxième tronçon de route Nice-Monaco, allant de la péninsule de Saint-Jean à la Petite-Afrique, se termine à la fin des années 1870. Il traverse la forêt d'oliviers de Beaulieu et mène au gros olivier qui est situé près du hameau et de la voie ferrée et est entouré de plantations de violettes de Parme.


9- DEGAND Eugène (1829-1911), Beaulieu, les gros oliviers, vers 1877,
tirage albuminé de 6,1x10,4 cm, sur carton de 7x11,4 cm, Collection personnelle.




LE ROI EST MORT


Dans la nuit du samedi 24 au dimanche 25 avril 1880, un homme met malheureusement le feu à ce gros olivier de Beaulieu qui avait résisté, pendant plusieurs siècles, aux ouragans et aux périodes de gel.


10- L'olivier de Beaulieu incendié,
article paru dans Le Phare du Littoral du 25 avril 1880.

11- L'olivier de Beaulieu incendié,
article paru dans Le Phare du Littoral du 26 avril 1880.


12L'olivier de Beaulieu incendié,
article paru dans le Journal de Nice du 26 avril 1880.

13- L'olivier de Beaulieu incendié,
article paru dans le Journal de Monaco du 4 mai 1880.



L'état de l'arbre reste difficile à évaluer après l'incendie mais l'article du 4 mai 1880 précise "qu'il n'en reste plus que le tronc, qui est tout calciné à l'intérieur" (Image 13).

Cet incendie a clos la longue histoire de ce bel arbre, de ce spécimen de concours, représentatif de la région, de son climat méditerranéen, de ses paysages, de son commerce. 

Ce gros olivier concrétisait la croissance, le passage du temps, la puissance de vie, la grandeur et la force de la nature. Il était tout à la fois un lien avec le passé lointain hérité des grecs et des romains et l'évocation religieuse du Jardin des Oliviers de Jérusalem. Il avait, dit-on, été vu et admiré par Bonaparte lors de son débarquement à Beaulieu pour la première campagne d'Italie. Il avait abrité de ses branches "tant de générations" (Image 12). Il était un lieu de fête pour les habitants (pique-niques, bals champêtres), un lieu de promenade pour les Niçois et un attrait touristique pour les étrangers.

La mémoire de ce gros olivier va cependant perdurer dans les listes d'arbres remarquables par leurs dimensions et leur longévité : "Avant le terrible hiver de 1709, il y avait aux environs de Marseille des arbres de plusieurs siècles et d'une grosseur phénoménale ; un vieil historien provençal, Bouche, qui écrivait, il y a de cela deux cents ans, cite un olivier du territoire de Ceyreste, auquel on donnait neuf à dix siècles d'existence. 

Cet arbre, dit Bouche, avait le tronc creux et il était si gros qu'une vingtaine de personnes pouvaient s'y mettre à l'abri des intempéries de l'air; son propriétaire y établissait son ménage chaque année, pendant la saison d'été, et y couchait avec sa famille; son cheval même y trouvait sa place.

Sans avoir acquis d'aussi grandes proportions, l'olivier de Beaulieu, appelé "Pignole", incendié dernièrement par un pauvre fou qui a manqué y trouver une mort volontaire, a toujours été cité comme le plus gros de nos contrées.

L'Algérie a envoyé à l'exposition de Paris en 1867, un tronc d'olivier ayant dix siècles. L'olivier de San Remo appelé "il vecchio" aurait cet âge. Enfin, si l'on en croit Delille, il aurait cueilli à Athènes un rameau du fameux arbre de Minerve qui devait avoir alors quarante siècles. Les arbres les plus élevés, les plus majestueux que je connaisse, sont ceux du cap Martin, à Menton" (A. Peragallo, "L'Olivier, son histoire, sa culture", dans, Insectes nuisibles du département des Alpes-Maritimes, 1881, fascicule 1, p 13).

En 1888, Charles Joly publie un article intitulé, Sur trois arbres gigantesques [un pin parasol et deux oliviers], qu'il accompagne de photographies dont celle de "l'olivier de Beaulieu qui donne une idée de l'aspect des oliviers gigantesques de la forêt [l'auteur ne semble pas avoir connaissance de la destruction de l'olivier colossal] ; plusieurs d'entre eux mesurent 2 m de diamètre, à 1 mètre du sol. 

Il existe encore, près de Menton, au cap Martin une forêt peuplée d'oliviers remarquables, mais abandonnés à eux-mêmes ; on les suppose contemporains des invasions barbaresques, c'est-à-dire existant depuis des siècles (...).

Enfin, la figure 48 donne une idée d'un olivier colossal situé à cinq kilomètres de la ville d'Hyères (Var), sur le domaine de Sainte-Eulalie. appartenant à M. le comte de David-Beauregard, dans la vallée de Gapeau. 

Le tronc de cet olivier a 2 m. 50 de hauteur ; sa circonférence, au niveau du sol, est de 11 mètres et de 7 m. 50 au dessous des branches. Le chapeau n'est pas en rapport avec le tronc, l'arbre ayant été gelé pendant l'hiver de 1820 ; il a été couronné. M. de Beauregard dit que la chronique ferait remonter la plantation de cet olivier gigantesque jusqu'à la fondation de Marseille" (Charles Joly, "Sur trois arbres gigantesques", dans, Journal de l'Agriculture, 2ème semestre 1888, pp 738-740).


14- Vue des oliviers de Beaulieu, près Villefranche-sur-Mer
photographie de l'article de Charles Joly, "Sur trois arbres gigantesques", 
dans, Journal de l'Agriculture, 2ème semestre 1888, pp 739. 
La photographie semble être l'une des vues d'Eugène Degand 
(très proche de l'Image 9) et dater de la fin des années 1870.




En 1894, Charles Gaudault publie pour sa part un article sur Menton : "C'est dans cette futaie du cap Martin que l'olivier, croissant en la plénitude de sa force et de sa liberté, achève de prendre la souveraineté sur tous les arbres de la Méditerranée (...).

Il n'est pas rare, au pays où nous sommes, de voir des oliviers mesurant quatorze mètres de circonférence à la base. Le plus gros du littoral, il y a une vingtaine d'années, c'était, parait-il, le "pignole" de Beaulieu ; il a depuis lors été incendié (...). 

Et la longévité de l'olivier ! Elle est tout simplement fabuleuse. Plus d'un tronc sur le cap Martin remonte à l'époque des Romains" (Charles Gaudault, "La Côte d'Azur - Esquisses de terre et de mer", dans, Le Magasin Pittoresque, 1894, vol. 62 pp 378-382).

En 1903, Philippe Casimir dans son ouvrage, Guides des Pays d'Azur (p 334), évoque le souvenir du roi des oliviers et précise son devenir après l'incendie : "Les grands oliviers de Beaulieu étaient des curiosités végétales qu'on venait visiter de fort loin. L'un d'eux, qui se dressait dans la propriété Quincenet, au-dessus de la gare, est resté légendaire. Il mesurait à sa base 12 mètres 42 de circonférence, et ses rameaux couvraient un circuit de plus de 30 mètres (...).

L'olivier de Beaulieu devait donc être le doyen de l'espèce et remonter à l'époque des Phocéens, probablement seul exemplaire original restant de ceux qu'ils avaient apportés de Grèce.

Un accident hâta sa fin. Il y a une trentaine d'années, un groupe de Bohémiens s'était logé dans la véritable grotte ouverte en son tronc, et leur cuisine mit le feu à l'olivier vénérable. On arrêta l'incendie, mais l'arbre resta fort endommagé.

C'était l'époque où les terrains de Beaulieu commençaient à être recherchés ; le lot dit du gros olivier fut acheté et des ouvriers coupèrent le végétal dont ils ignoraient l'illustration.

Sur la place où l'olivier vécut plus de mille années, il y a eu, en moins de trente ans, un lawn-tennis, puis la villa Auguste Blaise, enfin l'hôtel Empress, auquel nous souhaitons la durée de son prédécesseur".



LES REPRÉSENTATIONS


Le gros olivier de Beaulieu était dit, "si souvent reproduit par le dessin et la photographie" (Journal de Monaco du 6 juillet 1875). 

A ce jour, une vingtaine de photographies différentes et une dizaine d'estampes sont connues (ainsi qu'une seule peinture). Elles ont été réalisées entre 1855 et 1880 mais ont parfois encore été diffusées au-delà de 1880.

Les photographies, de formats variés (CDV, stéréoscopies, Cabinets, vues panoramiques, grands formats) dévoilent de nombreux oliviers de la propriété de Quincenet. Elles se focalisent sur le roi des oliviers, le plus souvent sans le montrer dans son intégralité, l'une de ses branches maîtresses étant cassée à mi-hauteur (Image 6). Cette branche cassée explique en partie les critiques négatives de certains textes, "l'état de décrépitude" signalé par Joseph Roux en 1862 ou le fait que "l'arbre n'est pas beau", comme l'affirme le Dr Lubanski en 1865.

Ce sont de rares vues prises par Pierre Ferret et probablement par Louis Crette et par Henri de Rostaing dès la seconde moitié des années 1850, et de plus nombreuses vues prises par Alphonse Davanne, Miguel Aleo, Jean Walburg de Bray (Images 1, 4 et 7), Adolphe Braun et Eugène Degand (Images 6 et 9) dans les années 1860 et 1870. 

Il y a, à cette période, une véritable fascination des photographes pour les arbres remarquables, toutes espèces confondues, due à leurs formes monumentales et expressives de sculptures vivantes et à leurs jeux de lumière et d'ombre. Les photographes s'appliquent à traduire la puissance ou l'élan de leurs troncs et les nuances de gris de leurs feuillages.

Les photographes des Alpes-Maritimes se sont particulièrement complu à multiplier les vues des espèces végétales les plus dépaysantes et les plus appréciées par les touristes, celles des lauriers-roses, aloès, myrtes, agaves et cactus mais également celles des pins, caroubiers, oliviers, orangers, citronniers, eucalyptus et palmiers.

Certains photographes sont d'ailleurs férus de botanique. C'est notamment le cas de Jean Walburg de Bray, formé par son père pasteur à cette discipline, qui réalise des natures mortes de plantes et feuillages et qui collabore à l'ouvrage de La Botanique de la Bible, paru en 1871 où, pour illustrer le texte sur l'olivier, il choisit le gros olivier de Beaulieu (Image 7), ainsi qu'un olivier de Roquebrune.

Les vues conservées d'oliviers des Alpes-Maritimes n'ont d'ailleurs pas toutes été prises à Beaulieu mais parfois à Cannes, Antibes, Grasse, Nice, Monaco, Roquebrune-Cap-Martin ou Menton. Cependant, elles ne portent pas toujours un titre manuscrit ou imprimé identifiant le lieu. 

Les photographies des oliviers de Beaulieu présentent souvent une ou plusieurs personnes (Images 1, 6, 14), proches des troncs, logées dans ses cavités ou perchées dans ses branches. Cette présence humaine rend la scène plus animée et fournit une échelle permettant d'apprécier la monumentalité de ces arbres, tout en réalisant le portrait d'habitants du hameau, du photographe lui-même (Image 1) ou de son assistant ou ami. Les scènes de cueillette restent rares avant les années 1890.

Les estampes reprennent la même formule (Images 3, 5, 8), d'autant qu'elles sont souvent dessinées d'après les vues des photographes évoqués, mais trahissent parfois le rapport d'échelle (Image 5) ou insistent sur les costumes régionaux (Image 3).



VIVE LE ROI !


Dans les années 1880, le titre de "roi des oliviers" revient à l'un des autres oliviers de Beaulieu, celui déjà signalé dans les textes d'Emile Négrin en 1869 et du comte Jaubert en 1870.

Ce nouveau roi est situé près du village, à côté du Bureau de tabac (puis Café), et possède un tronc de 7 mètres de circonférence sur une hauteur de 3 mètres avant la ramification. 

Il en existe quelques photographies des années 1880 et 1890 mais ce sont surtout les Cartes postales (Editions Giletta, ND...) qui vont, par la suite, répandre son image "d'arbre millénaire". L'olivier va cependant se retrouver progressivement coupé de la nature, du fait de son intégration dans une rue.


15- EDITIONS GILETTA, 343. - Beaulieu. Le roi des Oliviers,
carte postale ayant voyagé en 1902, Collection Geneanet.



Dès le milieu du XX° siècle, ce sont un olivier de Saint-Jean puis un olivier de Roquebrune-Cap-Martin (classé "arbre remarquable" en 2016) qui revendiquent le titre de "roi", avec des dimensions et une ancienneté encore plus impressionnantes.

De nos jours, la ville de Beaulieu-sur-Mer conserve une centaine d'oliviers séculaires dans le "Jardin de l'Olivaie", face au port.



 

vendredi 7 juin 2024

1346-NICE, UNE VUE DU CIMETIÈRE DU CHÂTEAU DATÉE DE 1893

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- DELARUE Joseph Jules (1839-1925), Nice. Cimetière du vieux Château, 1893,
photographie extraite de l'album, Nice & Ses Environs,
© S. Rigollot-Image'Est (FI-0892-0309).




INTRODUCTION


Le site IMAGE'EST présente en ligne, un album de photographies de Joseph Jules Delarue (1839-1925), intitulé, "Nice & Ses Environs - J. D. - 1893". 

Cet album contient quatre-vingt-une photographies contrecollées sur carton dont trente-neuf consacrées à Nice, offrant ainsi une vision complète et homogène de la ville au début de l'année 1893. Trois vues montrent d'ailleurs des chars du Carnaval de cette année-là (Noces de S.M. Carnaval), défilant lors de la première quinzaine de février.

De nombreux repères chronologiques, visibles sur les photographies de Nice (bâtiment est du Petit-Séminaire, architectures du Port, Pont des Phocéens, Palais de la Jetée-Promenade, barrières de la Pyramide de Gambetta), viennent par ailleurs confirmer la date affichée en couverture, comme la saison (absence de cabines de bains).




"NICE. CIMETIÈRE DU VIEUX CHÂTEAU."


Les lieux (Image 1 ci-dessus)

A la fin du XIX° siècle, les "étrangers" viennent généralement au Cimetière du Château lors des Fêtes religieuses de la Toussaint ou lors des Fêtes civiles du Carnaval pour profiter d'un panorama sur la ville, la vallée du Paillon et les Préalpes mais également visiter les tombes des célébrités et notamment celles des familles de Giuseppe Garibaldi et de Léon Gambetta. Une vue de l'album de Joseph Jules Delarue est d'ailleurs consacrée à la Pyramide de Gambetta.

Les photographies montrant les allées intérieures du Cimetière ou des tombes particulières restent rares à cette époque. Il est vrai que les sépultures pourvues de figures sculptées ou de tombeaux monumentaux ne commencent à se multiplier qu'à partir des années 1880-1890, et se regroupent sur quelques zones qui vont, par la suite, focaliser l'attention des photographes.




Le site en 1893 (Image 2 ci-dessous)

La photographie étudiée de Joseph Delarue offre un témoignage précieux par sa qualité, son point de vue et son état des lieux daté. Elle révèle une grande partie nord-est du Cimetière du Château et n'a pour équivalent connu à ce jour, qu'une seule et unique vue, de moindre ampleur, datée vers 1873 (voir l'article sur ce blog, ici).

La vue plongeante a été prise depuis l'extrémité est de l'allée Pacôme et montre les allées Lenval et Brunel aux premiers plans de l'image, la partie nord-est du plateau d'Entrée sur la gauche, et le Petit Cimetière, le plateau de la Poudrière et le rebord du plateau Grosso (avec un personnage penché sur le garde-corps) sur la droite (Image 2 ci-dessous).



2- DELARUE Joseph Jules (1839-1925), Nice. Cimetière du vieux Château, détail, 1893,
photographie extraite de l'album, Nice & Ses Environs,
© S. Rigollot-Image'Est (FI-0892-0309).

Identification des zones du Cimetière par les dénominations actuelles
 (dont la plupart datent du XX° siècle).



Si l'on compare cette vue de 1893 avec celle de 1873, on constate la disparition des sépultures au centre du plateau d'Entrée et du Petit-Cimetière (pour un renouvellement des concessions) mais également la disparition quasi-totale de la végétation à l'intérieur de toute cette partie du Cimetière (en dehors d'une haie et d'un palmier, à l'extrême droite de l'image, des pots de fleurs au-devant des sépultures et des nombreuses couronnes mortuaires déposées sur les tombes). 

En revanche, il faut noter l'apparition de nombreux édicules en forme de chapelles et celle de plus rares auvents en zinc.

Parmi les tombes des premiers plans de l'image, quelques-unes offrent des inscriptions qui sont lisibles lorsque l'on zoome dans l'image et permettent d'identifier les personnes qui y sont inhumées :

- au premier plan, dans l'allée Lenval, se trouvent, sur la gauche de l'image, la tombe des "Familles Gallois & [Chouquet]" (avec une stèle de chevet trilobée), et sur la droite, celles de "Marie Thérèse Holweck" (entourée d'une grille et dominée par un cippe surmonté d'une croix) et de la "Famille A. Cochois" (simple dalle surmontée d'une croix),

- au deuxième plan, dans l'allée Brunel, sur la droite de l'image, la tombe de la "Famille Ch. Louc" (édicule en forme de chapelle à l'arc générateur trilobé) et celle de "Peyridieu Pierre" (petit cippe surmonté d'une haute flèche). 



Le site en 2024 (Image 3 ci-dessous)

En juin 2024, certains des monuments présents dans l'image ont disparu, remplacés par des réalisations des XX° et XXI° siècles, du fait des descendants de la même famille ou, plus souvent, de la réattribution de la concession (dotée d'un nouveau numéro) à une autre famille. 

D'autres ont été transformés, comme celui de la tombe de la "Famille A. Cochois" (allée Lenval). 

D'autres enfin perdurent en l'état, comme sur les tombes identifiées des "Familles Gallois et Chouquet" et "Marie Thérèse Holweck", dans l'allée Lenval, mais également sur des tombes aux inscriptions non déchiffrables dans l'image, comme celle de la "Famille C. Bignon" (haute stèle au fronton sculpté, sur la gauche de l'image) et celle de "Jh. Delbechhi" (dalle entourée d'une grille, dominée par un croix de chevet et protégée par un édicule en zinc à l'arc générateur brisé, conservé de nos jours), dans l'allée Brunel (sur la droite de l'image).

Le numéro de concession et la date de décès de la première personne inhumée, encore affichés de nos jours, permettent de dater précisément les tombes, sachant qu'en général le monument est érigé dans les douze mois suivant l'inhumation.

Les sépultures de l'allée Lenval, présentes dans la photographie de 1893, datent toutes des années 1886-1888 et celles de l'allée Brunel, des années 1891-1892.

Le long du mur est du plateau d'Entrée (à gauche de l'image), la petite pyramide de la tombe de la Famille "Carlo Nolfi", qui date de 1851, est toujours présente. En revanche, les deux lignes de tombes du mur nord du même plateau, constituées d'une simple dalle ou pourvues d'une stèle en appui contre le mur, datant majoritairement des années 1830-1836, ont toutes été remplacées par des réalisations des XX° et XXI° siècles.

Le long du mur nord-est du Petit-Cimetière (à droite de l'image), dix-sept tombes, pour la plupart entourées d'une grille, datent des années 1875-1877. Elles présentent généralement une dalle avec une stèle de chevet appliquée contre le mur mais cinq d'entre elles offrent un petit édicule en forme de chapelle plus ou moins haute et profonde. Onze de ces monuments perdurent de nos jours mais ont souvent perdu leur grille d'entourage. Deux (sur cinq) conservent un édicule en forme de chapelle et un (sur deux) son long auvent en zinc, à l'arc générateur plein cintre.

Dans l'allée du plateau de la Poudrière (à l'extrême droite de l'image), des quatre édicules en forme de chapelle de 1892-1893, deux seulement perdurent : celui de la "Famille Jh. Tribaudini" (le plus proche) et celui de la "Famille Gautheron" (l'avant-dernier, modifié). 

Enfin, au-dessus de cette allée, la seule tombe visible du plateau Grosso (à l'extrême droite de l'image), celle de la "Famiglia Gastaldi", date de l'année 1871 et présente toujours le buste de l'architecte Vittorio Gastaldi.



3- DELARUE Joseph Jules (1839-1925), Nice. Cimetière du vieux Château, détail, 1893,
photographie extraite de l'album, Nice & Ses Environs,
© S. Rigollot-Image'Est (FI-0892-0309).

Ajout dans l'image :
- des dates des alignements de tombes et des tombes qui apparaissent plus isolées,
- des noms de famille permettant l'dentification d'une partie des tombes,
- de points verts indiquant les sépultures qui, en 2024, ont conservé une configuration proche de celle de 1893, malgré parfois quelques retraits (enlèvement de la grille d'entourage, de l'auvent, de la croix brisée) ou ajouts (nouvelles inscriptions, stèle ou sculpture).




dimanche 2 juin 2024

1345-NICE, LA RECTIFICATION DU BOULEVARD DU MIDI (1877-1880)

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- FRITH Francis (1822-1898), 6907, Nice, début 1875,
la Baie des Anges prise du Château avec, au premier plan, le boulevard du Midi,
tirage albuminé, Collection privée.



INTRODUCTION


Au début des années 1870, le boulevard du Midi (actuel quai des États-Unis), situé en bord de mer, sur la rive gauche du Paillon, reste encore constitué de deux parties distinctes (Image 1). 

Du côté ouest, entre la place ou square des Phocéens et le jardin du Café-Américain, s'étend le quai du Midi. Il est essentiellement longé de hauts bâtiments et communique, par plusieurs rues perpendiculaires, avec la rue Saint-François-de-Paule. 

Le quai est bordé d'un mur de soutènement et de digue du côté sud. Il offre une ligne de bancs et deux points-de-vue en demi-lune comprenant chacun une urne-fontaine et communique avec la plage par un escalier à double volée.

Cette zone de plage de galets sert à la baignade, avec la présence de nombreuses cabines de bains face au Théâtre-Municipal. Des lavandières lavent leur linge à l'embouchure du Paillon, et parfois encore dans le ruisseau de l'Abattoir proche du jardin du Café-Américain, et l'étendent en contrebas du quai du Midi.

Du côté est, s'étend la zone des Ponchettes, qui va du jardin du Café-Américain jusqu'au virage de Rauba-Capeu. Bordée de maisons basses surmontées de terrasses formant promenade, elle communique par plusieurs passages avec la Cité du Parc et le Cours, la place de la Poissonnerie et la rue des Ponchettes. 

Au sud, aucune délimitation franche n'existe entre la voie irrégulière et la plage, plus particulièrement dévolue aux barques et filets des pêcheurs.

Ces deux parties du boulevard sont totalement dépourvues de végétation, en dehors de celle des jardinets des maisons des Ponchettes.

Si la dénomination de "boulevard du Midi" renvoie toujours à l'ensemble de la voie, celle de "quai du Midi" supposée n'en désigner que la partie occidentale, est souvent employée, elle-aussi, pour en désigner l'ensemble (textes, plans). 

Quant-à la dénomination de "quai des Ponchettes", elle peut désigner toute la partie orientale du boulevard située au-devant des terrasses ou bien être restreinte à la zone comprise entre la Poissonnerie et la Colline du Château.



LE PROJET


A partir de 1873, la municipalité réfléchit à un projet visant à transformer le boulevard du Midi en une promenade prestigieuse calquée sur celle de la Promenade des Anglais et venant dans sa continuité, avec un large trottoir sud comprenant deux lignes parallèles d'arbres et de haies s'étendant de l'embouchure du Paillon à la batterie des Ponchettes (Délibérations du Conseil municipal du 12 mai 1873).

Le projet se précise dans les années suivantes mais reste en attente. Les plantations sont uniquement prévues, dans un premier temps, sur le quai du Midi et la remise en eau des urnes-fontaines du quai est envisagée, alors qu'elles en sont dépourvues depuis le début des années 1870 (Journal de Nice [JDN] des 28 mai et 12 août 1875).

Fin décembre 1876, le Conseil municipal vote enfin la rectification et l'élargissement de l'ensemble du boulevard du Midi (Image 2), et demande au Gouvernement la concession du terrain domanial situé sur le littoral correspondant (Nice, Archives municipales, Registre des comptes-rendus des Conseils municipaux, séance du 22 décembre 1876, 1D1-11 p 194).


2- Nouveau Plan de Nice, détail du boulevard du Midi, 1876,
extrait de Atlas National, Paris, Arthème Fayard Editeur, 1877, Collection personnelle.

Des indications ont été ajoutées au bas de l'image pour rendre davantage
 visibles certaines indications du plan original et en préciser d'autres.



LA PREMIÈRE PHASE DE TRAVAUX


Elargissement et soutènement de la voie (1877-1878)

Après l'accord ministériel obtenu au début de l'année 1877 (les décrets ne seront publiés que bien plus tard), les travaux visant à élargir le boulevard sont adjugés à l'entrepreneur Giordano.

Les travaux débutent à la fin du mois d'avril 1877 (Le Phare du Littoral [LPDL] du 24 avril 1877).

Contrairement à ce qui avait été imaginé au départ, les fontaines ne sont cependant pas remises en eau mais supprimées : "Par suite des travaux d'élargissement du quai du Midi, on a enlevé les deux urnes-fontaines qui se trouvaient dans l'axe des rues Sulzer et du Théâtre" (LPDL et JDN du 26 avril 1877).

Les travaux se poursuivent en mai et juin 1877 mais les terres déblayées du chantier dégagent de fortes odeurs nauséabondes qui infectent tout le quartier et déclenchent une plainte des habitants (JDN des 28 mai et 10 juin 1877 ; LPDL des 6 et 8 juin 1877).

Les détails fournis par les journaux permettent de comprendre que les tranchées de construction et de nivellement de la promenade concernent notamment une zone où les immondices se sont accumulées depuis des années. Des désinfectants sont répandus sur les terres mais n'arrivent pas à en supprimer les odeurs. Une tentative de grève des ouvriers du chantier a lieu à la mi-juin (JDN du 15 juin 1877).

La zone qui pose problème semble située à proximité du jardin du Café-Américain mais ces premiers travaux ne se limitent pas au seul quai du Midi et se poursuivent jusqu'à la Poissonnerie. 

Dès le début des travaux, une pétition des habitants de ce quartier a été adressée à la municipalité, au sujet de la communication des Terrasses avec le quai du Midi (Conseil municipal du 9 mai 1877). 

Les deux seuls portiques étroits qui débouchent sur la place de la Poissonnerie restent un obstacle à la circulation et au commerce. La demande concerne la démolition des terrasses comprises entre ces deux portiques et leur remplacement par la création de vastes passages (LPDL des 11 et 15 juin 1877).

Mi-juillet 1877, un nouveau traité est conclu par la municipalité avec l'entrepreneur Giordano, afin de substituer, au revêtement en pierres sèches prévu du talus, un perré en maçonnerie (LPDL et JDN du 19 juillet 1877). 

Les travaux se poursuivent à l'automne mais leur lenteur et l'encombrement de la voie leur sont reprochés (JDN du 6 octobre 1877) (Image 3).


3- Plan pittoresque de la Ville de Nice dressé le 1er janvier 1878,
 détail du boulevard du Midi,
Nice, Bibliothèque municipale du Chevalier de Cessole.

Ce plan a été dessiné et gravé fin 1877 et édité fin janvier 1878 
(Le Phare du Littoral du 10 janvier 1878 et Journal de Nice du 30 janvier 1878). 
Pour cette raison, il représente le projet initial d'élargissement et de plantations du boulevard
 et non la réalité de l'existant à cette date.

Des indications ont été ajoutées au bas de l'image pour rendre davantage
 visibles certaines indications du plan original et en préciser d'autres.




En février 1878, les travaux de nivellement et de soutènement de la voie sont en cours d'achèvement et sont totalement terminés en mars. Les charrettes et charretons, qui encombraient jusqu'ici l'espace situé près du Théâtre-Municipal, sont alors enlevés (JDN du 6 février et du 22 mars 1878 ; LPDL du 23 mars 1878).


Réalisation des plantations (1878)

En avril 1878, les plantations du boulevard du Midi s'avérant imminentes, Le Phare du Littoral demande à la municipalité de préférer, aux arbres exotiques, des arbres à feuillages persistants, afin de dispenser leur ombre généreuse aux étrangers et aux habitants du quartier (LPDL du 16 avril 1878).

Ces plantations restent cependant en attente. Le même journal réclame alors la pose de bancs mais également celle d'une couche de sable ou de gravier sur les zones détrempées par les pluies récentes, comme sur celles recouvertes d'un cailloutis tranchant (LPDL du 25 avril 1868).

Devant une attente qui perdure en mai, Le Phare du Littoral conseille cette fois à la municipalité de choisir des arbres qui offrent le plus de chance de réussite en bord de mer et détaille les nombreuses propositions d'un expert concernant les plantes de haies, les arbustes de plates bandes, les grands arbustes et les arbres (LPDL du 6 mai 1878).

La municipalité envisage la création d'une pépinière sur la Colline du Château, afin de fournir les plantes nécessaires aux jardins et rues de la ville, qui font alors défaut à "la nouvelle promenade de l'ancien quai du Midi" (Compte-rendu du Conseil municipal du 29 avril publié dans LPDL du 9 mai 1878 ; JDN du 10 mai 1878).

Fin mai 1878, les journaux rappellent les plaintes des promeneurs dues à la chaussée impraticable et demandent de prolonger cette dernière jusqu'aux Ponchettes (LPDL et JDN du 26 mai 1878).

En réponse à la pétition des habitants de mai 1877, la municipalité prévoit, en juillet 1878, la démolition de la maison du comte de Pierlas qu'elle a acquise, et son remplacement par "un passage entre la Cité du Parc et le quai du Midi, en face la porte de la Poissonnerie". Il faut comprendre en face de la porte de la place de la Poissonnerie ou porte Charles-Félix (Image 1) (Compte-rendu du Conseil municipal du 2 juillet 1878 publié dans LPDL du 9 juillet 1878).

Le Phare du Littoral se félicite du début des travaux de l'arceau évoqué, le 19 juillet 1878, ainsi que des plantations du quai du Midi, entreprises depuis quelques jours, mais regrette que "malgré les observations qui lui ont été faites par la presse, la municipalité a cru devoir choisir le palmier" (LPDL du 21 juillet 1878).

La date estivale de ces plantations est tardive mais ne concerne que des palmiers. Les autres plantations, arbustes intermédiaires et haies de bord de mer, sont reportées à l'automne.

Fin août 1878, la municipalité vote désormais, "le déplacement des lanternes du quai du Midi et la pose de nouveaux candélabres sur la partie élargie" (Compte-rendu du Conseil municipal du 28 août 1878, publié dans LPDL du 31 août 1878).

Les pluies d'octobre transforment à nouveau la chaussée du quai du Midi en véritable bourbier (LPDL du 20 octobre 1878).

Les plantations reprennent début décembre mais remettent la voie en chantier avec les déblais de tranchées qui ne sont pas immédiatement évacués et s'amassent sur "le mur de soutènement régulier et agréable" du quai (LPDL du 7 décembre 1878).


Des travaux en attente (1879)

Plusieurs fois annoncé, le prolongement du mur de soutènement de la Poissonnerie jusqu'à la batterie des Ponchettes, reste en attente pendant toute l'année 1879 (JDN du 26 mars et du 17 avril 1879).

Des bancs sont réclamés en septembre 1879 pour la partie qui a été prolongée au-devant des Ponchettes (JDN du 29 septembre 1879).



LA DEUXIÈME PHASE DE TRAVAUX (1880)


Les travaux concernant cette deuxième partie sont adjugés, début février 1880, à l'entrepreneur Marius Dubois (JDN du 5 février 1880).

La suite de la maçonnerie qui doit soutenir le quai est mise en chantier au cours du même mois (JDN du 27 février 1880).

Ces travaux semblent se poursuivre jusqu'à l'été et s'achever avec de nouvelles plantations.

Au début du mois d'août 1880, un article du Journal de Nice demande que la haie vive établie par la municipalité "sur toute la longueur du quai du Midi", soit taillée pour ne pas masquer aux promeneurs certains des points de vue sur la mer. 

De nouveaux travaux sont ensuite entamés pour abaisser et élargir la portion de rue des Ponchettes, située le long du rocher de la Colline du Château.

Fin novembre 1880, les derniers travaux s'achèvent : "Grâce à cette modification de l'ancien bayou qui conduisait de l'hôtel des Princes jusqu'au tournant de la pension Suisse, la promenade du quai du Midi, faisant suite à celle des Anglais, offre maintenant un aspect magnifique" et fait de Nice la seule ville au monde à offrir "un aussi long développement de promenade sur la mer" (JDN du 26 novembre 1880) (Image 4).


4- Nouveau Plan de la Campagne et de la Ville de Nice
détail du boulevard du Midi, vers 1880,
plan extrait de l'ouvrage d'Edmond Leschevin et Edouard Langlois, 
Plan-Album de Nice, Cannes et Monaco, 2ème édition, fin 1882, Collection personnelle.

Ce même plan était déjà présent dans la première édition du Plan-Album de fin 1881. Il ne reflète pas l'existant du boulevard du Midi à la fin de l'année 1880. 
Le fort virage de la voie face à l'Hôtel de la Pension Suisse, comme la transformation de l'extrémité orientale des Ponchettes et la réduction des Terrasses sont cependant visibles sur le Plan de la Ville de Nice de 1882 (Gallica, ici).

Des indications ont été ajoutées au bas de l'image pour rendre davantage
 visibles certaines indications du plan original et en préciser d'autres. 
Le point rouge correspond à l'emplacement du nouveau passage
 créé l'été 1878 entre le boulevard et la rue des Ponchettes. 
Le rectangle noir originel du plan désignant la Poissonnerie est trop allongé vers l'est ;
 en réalité, plusieurs petites maisons sont comprises entre la Poissonnerie et le passage.




Le quai et les plantations s'étendent désormais sur l'ensemble des trottoirs du boulevard. Cependant, entre la Poissonnerie et la batterie des Ponchettes, seule la haie a été plantée (voir la photographie d'Eugène Degand prise en 1881, ici ; les palmiers attendront l'année 1882 pour l'être à leur tour, Image 5).

Près de la voie, les îlots végétaux constitués de deux palmiers accostés de plantes et d'arbustes et entourés de hauts treillages en bois, sont entrecoupés de passages et de réverbères. En bord de mer, les haies vives (régulièrement taillées par la suite) s'interrompent pour laisser la place aux bancs et aux poteaux télégraphiques.

Du côté occidental du boulevard, un escalier permet d'accéder à la plage et aux cabines de bains. Du côté oriental, dans le fort virage qui fait face à l'Hôtel de la Pension Suisse, un escalier permet également d'accéder à la plage, et la haie se voit doublée d'un garde-corps jusqu'à la batterie des Ponchettes.


5- Photographe anonyme, Nice, Le Boulevard du Midi - Vue prise de la Pointe des Ponchettes, 1882,
tirage albuminé, Collection privée.

Des indications ont été ajoutées en haut de l'image.
Le Théâtre-Municipal révèle sa toiture détruite par l'incendie du 23 mars 1881.
Les deux lignes de plantations couvrent désormais l'ensemble du boulevard du Midi.




La promenade du Midi va se transformer au cours des années 1880. 

Au milieu de la décennie, des arbres, autres que des palmiers, sont plantés dans la zone située entre la Poissonnerie et la batterie des Ponchettes.

À la fin de cette même décennie, la haie du bord de mer est enlevée sur l'ensemble du boulevard, et les hauts treillages de bois qui entouraient les arbres sont remplacés par des bordures en fer de faible hauteur.



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