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LE KIOSQUE À MUSIQUE DE L'ÉTABLISSEMENT THERMAL
L'été 1861, lors de la première cure de l'Empereur Napoléon III à Vichy, la Compagnie fermière de l'Etablissement thermal donne, comme à son habitude, de grands concerts au Salon de la Rotonde de l'Etablissement thermal mais également des concerts en plein air.
Une estrade est en effet dressée, au nord du Parc complanté de grands platanes et tilleuls, dans l'axe de la façade de l'Etablissement, entre le Kiosque des Sels de Vichy à l'ouest et le Café de la Rotonde à l'est (Image 1).
L'orchestre de Bernardin [Bernard Courtois dit (c.1826-c.1871)] y joue les après-midis, de trois heures et demie à quatre heures et demie, et la musique militaire, celle des grenadiers de la Garde de l'Empereur, le soir, de sept à huit heures (quand il ne pleut pas).
En 1862, l'estrade des Concerts est surmontée d'un dais protégeant l'orchestre du soleil et installée du côté nord-ouest du Parc, près du Kiosque des Sels de Vichy (Image 2).
2- CLERGET Hubert (1818-1899), dessinateur et lithographe, Etablissement Thermal et Parc - Vichy (vue sud-nord), détail de la partie gauche de l'image, avec l'estrade de la Musique au-devant du kiosque des Sels de Vichy, lithographie en couleurs parue dans l'ouvrage de Charles Brainne, Vichy sous Napoléon III, Bougarel Fils Editeur, 1863, entre les pp. 66 et 67 (Université Clermont Auvergne, BCU, ici). |
Dès la saison 1863, c'est un Kiosque à Musique qui vient se substituer à l'emplacement de cette estrade.
"Voilà devant nous le Parc, avec ses cinq allées en éventail, dont la principale a un dôme de branches entrelacées ; à droite s'élève le pavillon peint en vert, où l'orchestre de Bernardin et la musique de la garde se relayent pour enchanter les oreilles des dilettanti, et la construction fantaisiste, où se vendent les sels de Vichy.
A gauche, l'élégant café de la Rotonde, autour duquel s'empilent des chaises vertes et de légères tables rondes, qu'à un moment donné on dissémine sous les arbres" (La Semaine des Familles du 15 août 1863 p 734).
Ce Kiosque est encore en place lors de la saison 1864 :
"La Compagnie a trouvé un moyen très ingénieux d'accroitre ce revenu [de la location des chaises dans le Parc] : Au lieu de disposer les chaises autour du kiosque de musique, ainsi qu'on le fait à Paris, à Lyon et partout, et de faire recevoir le prix de location quand le public est placé, elle groupe ces chaises en tas, à une certaine distance du kiosque, où le public doit nécessairement venir les prendre" (Courrier de Vichy et de Saint-Yorre du 1er juillet 1864).
LE KIOSQUE À MUSIQUE DU CASINO (CÔTÉ SUD-OUEST)
Date de construction
L'Empereur décide, dès son premier séjour, d'aider au développement de la station thermale estivale (ouverte de mai à septembre) et envisage de grands travaux dans la ville, en lien avec la Compagnie fermière de l'Etablissement thermal.
Dès mai 1863, cette dernière s'engage, pour sa part, à construire un nouveau Casino-Théâtre d'Eté, un Kiosque à Musique et un Restaurant, et à agrandir les Bains de l'Hôpital. Le Casino, dont les plans de l'architecte Charles Badger sont validés en août 1863, est érigé dès le mois de novembre de la même année.
Le projet du Kiosque à Musique, prévu près du Casino-Théâtre, au sud-ouest du Parc, est représenté sur un plan du Guide de F. de Castanié, paru au printemps 1864, et est présenté par l'auteur :
"A droite et à gauche du Casino, seront deux annexes ; la première comprendra le kiosque de la musique, qui pourra au besoin être utilisé pour des fêtes de soir, l'emplacement réservé aux auditeurs et l'estrade de l'orchestre.
La seconde, établie sur une partie de l'ancien Rosarium, comprendra un café-restaurant précédé d'un jardin..." (F. de Castanié, Nouveau Guide complet aux Eaux de Vichy, 1864, plan p. 37, texte pp. 71-72 ; Bibliographie de la France du 4 juin 1864 p 262).
L'année suivante, des précisions complémentaires sont apportées par La Semaine de Cusset et de Vichy du 13 mai 1865 :
"On pénètrera dans l'enceinte réservée à la musique Diurne, moyennant 50 cent. ou une carte d'abonné de 5 fr. par mois [location de chaise].
Outre l'orchestre dirigé par M. Bernardin, quatre kiosques en ce moment en construction, offriront des distractions commerciales, variées, aux habitués du parc à musique".
Le Kiosque à Musique semble donc en construction aux mois d'avril-mai 1865.
Il est ensuite représenté, avec les quatre kiosques d'angle, sur un plan de ville daté du 20 juin 1865 (Image 3).
La question se pose de savoir si l'installation du Kiosque à Musique a été achevée à la date du plan et si le parc à musique a été prêt à recevoir du public à la date de l'inauguration du Casino, le 2 juillet 1865.
Il apparaît d'ailleurs que le plan ci-dessus montre d'une part, du côté ouest, une vue en élévation de l'Hôtel des Ambassadeurs agrandi, alors que les travaux viennent tout au mieux de débuter (La Semaine de Cusset et de Vichy du 4 novembre 1865), et d'autre part, du côté est, l'emplacement du futur Restaurant du Casino dont la construction ne sera entreprise que plusieurs années plus tard.
Cependant, le Kiosque à Musique, édifié au printemps 1865 a bien accueilli, dans les semaines suivantes, "les concerts diurnes du Parc, sous la direction de M. Bernardin" (Revue et Gazette Musicale de Paris du 6 août 1865 p 257).
Un ou deux des quatre kiosques d'angle du Parc musical sont parfois visibles dans les images consacrées au Kiosque de la Musique. Ils semblent être de plan carré et avoir une hauteur de 2,50 m environ.
Sur une estampe (Image 8), l'un des kiosques présente deux ouvertures en plein cintre par face mais sur une photographie (Image 10), aucune arcade n'est visible et le kiosque semble divisé entre deux parties surmontées d'un bandeau publicitaire (sur celui de droite on peut lire, en lettres majuscules, "Choix De Bijoux Noirs").
La recherche dans les Collections publiques et privées a permis de retrouver une trentaine d'images. Citons les estampes d'Alexandre Duruy, de L. Soury & Félix Simon, de Charles Laplante et L. Tourcroix ou encore de Bidault mais également les photographies de Paul Coutem, Claudius Couton, Alphonse Davanne, Eugène Degand, Etienne Neurdein ou encore de l'éditeur Jules Hippolyte Quéval.
Si ces images s'échelonnent sur toute la fin du XIX° siècle, les plus nombreuses semblent dater entre 1865 et 1875. Ces représentations ne sont généralement pas datées, les estampes ayant d'ailleurs souvent fait l'objet de rééditions et les photographies, de retirages. Quelques estampes sont d'ailleurs inspirées de photographies, comme le dessin de Bidault, paru en 1890, inspiré d'une photographie d'Etienne Neurdein datant des années 1870 (Dictionnaire universel des eaux minérales, 1890 p. 338).
Une lithographie en couleurs d'Alexandre Duruy a cependant été éditée au printemps 1866 (Image 4) et une photographie de Paul Coutem est dotée de la date du "20 novembre 1866", inscrite dans l'image, sur l'une des pancartes du Casino qui sont accrochées aux réverbères.
Le Kiosque étant circulaire, il est souvent difficile d'identifier le point de vue choisi, d'autant qu'un kiosque commercial orne chacun des angles de l'enclos musical. L'escalier occidental du Kiosque n'est jamais représenté mais les bâtiments du Casino sont parfois visibles en partie (vue nord-ouest/sud-est).
Seules les estampes représentent les musiciens de l'orchestre et la foule des auditeurs, les photographies se contentant de présenter les lieux déserts ou seulement animés de la présence de deux ou trois personnes.
L'étude détaillée de l'ensemble permet de mettre en évidence trois repères visuels :
- la présence, en périphérie du kiosque, de réverbères portant le plus souvent une pancarte et parfois une affiche : ce repère n'est pas pertinent, du fait des différents points de vue et cadrages adoptés.
Sur l'une des photographies d'Eugène Degand (Image 11), une affiche annonce la comédie en quatre actes d'Eugène Labiche et Edouard Martin, "Le Voyage de M. Perrichon" (créée à Paris au Théâtre du Gymnase en septembre 1860), jouée de très nombreuses fois à Vichy.
- la croissance des plantations entourant le soubassement du kiosque : ce repère s'est vite avéré sans issue, les végétaux ayant été taillés et renouvelés à plusieurs reprises.
- la présence ou non de lustres dans les grandes ouvertures du kiosque : ce repère a permis de constituer, sans certitude, deux groupes distincts et successifs, avant (Images 4 à 6) et après 1868 (Images 7, 10 et 11).
Certaines prises de vue photographiques ont pu, après cette date, être renouvelées par un nouveau séjour de leur auteur, comme celles d'Alphonse Davanne.
Les estampes restent plus ambiguës. L'absence de lustres peut aussi bien correspondre à une date antérieure à leur installation, qu'à leur non-représentation par le dessinateur, notamment du fait qu'ils gênent la lisibilité des membres de l'orchestre.
11- DEGAND Eugène (1829-1911), Vichy, Kiosque des Concerts, détail, années 1870, vues stéréoscopiques, deux tirages albuminés de 7,3x7,3 cm, sur carton de 17,3x8,7 cm, Collection personnelle. |
LES KIOSQUES À MUSIQUE DU CASINO (CÔTÉ SUD-EST)
La Restauration
L'implantation d'un deuxième Kiosque de Musique est conditionnée à la construction du Restaurant du Casino. Ce projet, indiqué sur tous les plans de ville dès 1863 et régulièrement évoqué dans les journaux, reste cependant en attente.
Il se voit précisé en 1866 : "La construction du restaurant dans la partie gauche du Parc, près du Casino, est décidée. Il y aura aussi un immense estaminet avec six billards, et la musique du Parc aurait lieu de ce côté une fois par jour" (Le Nouvelliste de Vichy du 13 septembre 1866).
L'été 1867, "il est de nouveau question du restaurant (...). On accorderait satisfaction à tous les hôtels voisins du Parc en faisant la musique du matin au kiosque de droite, l'après-midi au kiosque de gauche et le soir sous la Vérandah (sic)" (Le Nouvelliste de Vichy du 6 juillet 1867).
Cependant un litige entre l'Etat et l'Administration des Hospices, concernant la parcelle de terrain longeant la rue Rouher, empêche le démarrage des travaux. Ce n'est qu'en 1869 que le problème semble se dénouer, la Compagnie fermière décidant de passer en force.
En juin 1869, un bail pour la location et l'exploitation du nouveau Café-Restaurant est en pourparlers avec M. Ernest Henry qui gère depuis dix ans le Café de la Rotonde (Image 1) et dont le bail arrive à sa fin le 15 octobre :
"Les choses sont, dit-on, très avancées ; le bail serait de 25 années et les constructions coûteraient 150,000 francs. A cette affaire qui serait montée par ports ou actions, l'on adjoindrait un vaste hôtel avec chambres et appartements" (Le Programme - Vichy, journal du Casino des 3 et 20 juin 1869).
La Société anonyme est créée sous le nom de "Restauration du Casino de l'Etablissement thermal de Vichy", avec un capital social de 500,000 francs, divisé en 1.000 actions. La souscription est ouverte du 1er juillet au 15 septembre 1869 (Le Programme - Vichy, journal du Casino du 30 juin au 18 septembre 1869).
Le projet comprend alors une ou deux maisons meublées en location, la construction du café-restaurant orienté sud-nord et relié au Casino par une "passerelle" (ou "tunnel de service"), un Théâtre de verdure, un Kiosque à Musique dont l'emplacement reste à déterminer et deux kiosques commerciaux situés au revers du Casino (Image 13).
"Toutes les dispositions seraient prises pour que l'ouverture du nouveau Restaurant-Café ait lieu le 1er juin 1870" (Le Programme - Vichy, journal du Casino du 30 juin au 18 septembre 1869).
La construction du Café-Restaurant de la Restauration (dont le nom est inspiré de celui de Bade), est en effet entamée, après la saison, fin 1869, sur les plans de l'architecte du Casino, Charles Badger.
"Actuellement, la Compagnie fermière pose dans le Parc central, les fondements d'un immense café-restaurant" (La Semaine de Cusset et de Vichy du 6 novembre 1869).
Cependant, la polémique locale enfle, la Compagnie fermière outrepassant ses droits et faisant une concurrence déloyale aux commerçants locaux. Il apparait que le projet de Café-Restaurant est resté absent de la convention avec l'Etat du 23 mai 1863 et de la loi du 24 avril 1864. De plus, la Compagnie fermière n'a pas le droit de déléguer un projet à une autre Société, ni de vendre des produits sans rapport à son activité thermale.
Suite à des réclamations formulées par le Conseil municipal de Vichy, la question est débattue lors de la séance du Corps législatif du 9 juillet 1870. Ce dernier reporte cependant la décision, alors que le Café-Restaurant, "est encore, il est vrai, à l'état naissant ; mais il commence à fonctionner" (Annales du Sénat et du Corps Législatif, 1870 pp. 554-561).
En effet, l'ouverture des salons de l'Estaminet et du Café s'est faite le 15 mai 1870, celle des salles de Banquet du 1er étage, le 20 mai et, "M. Tranchand [ou Tranchant], fabricant d'abris en fer à Lyon vient de poser deux kiosques [mobiles] à la Restauration" (Vichy - Liste officielle des Etrangers arrivés à Vichy, 1870, entre les 15 et 20 mai, p. 7).
La Guerre franco-prussienne puis la Commune repoussent cette question au second plan.
En 1872, la Compagnie fermière consent une avance de 100,000 francs à la Société de la Restauration. L'achèvement des travaux du Café-Restaurant et d'une partie de ses annexes a lieu cette année-là (actuel Grand Café et Casino Partouche).
Les kiosques commerciaux
Aux deux kiosques commerciaux prévus fin 1869 (Image 13) et installés en mai 1870, se sont ajoutés deux autres pour un total de quatre kiosques en 1872, comme dans le Parc musical (Louis Piesse, Vichy et ses environs, Guide-Joanne, 6ème édition, 1872, pp. 35-36) .
"L'Etablissement appelé la Restauration (...) vient de se transformer et de se charger d'atours (...). Aux angles de cette enceinte pantagruélique s'élèvent des kiosques-boutiques du plus bel effet. En face, au nord du Parc, se fait remarquer un bazar colossal d'articles de Paris" (L'Avenir de Vichy du 4 juin 1872).
Près du Casino, l'un des kiosques vend des cristaux de Bohême et l'autre, tenu par Mme Demilly-Chambonnière, des porcelaines de France, de Chine et du Japon (L'Avenir de Vichy du 16 juin 1872 ; La Semaine de Cusset des 3 juillet et 2 octobre 1875).
Ce kiosque des porcelaines sera détruit par un incendie au début du mois d'octobre 1884 mais reconstruit dès la fin du mois suivant (La Semaine de Cusset et de Vichy des 4 octobre et 29 novembre 1884).
Les kiosques ne sont représentés sur les plans de Ville qu'à partir de 1890 mais avec un nombre de trois, un à l'est et deux à l'ouest de la Restauration (plans de 1890 à 1892) puis de deux seulement (les kiosques occidentaux), à partir de 1893.
Le 13 novembre 1899, le kiosque dit du "Vase de Sèvres", situé à l'angle sud-ouest de la Restauration, va être vendu en tant que mobilier de l'Etat et adjugé pour la somme de 270 francs (La Semaine de Cusset et de Vichy des 4 et 18 novembre 1899).
Le premier Kiosque à Musique de la Restauration
Ce n'est qu'au printemps 1874 que le Kiosque à Musique est érigé au nord du Café-Restaurant (à la place du bazar d'articles de Paris ?), face à la rue Cunin-Gridaine et à l'Hôtel Mombrun (Image 3).
Le nouveau Kiosque, dans lequel l'orchestre va désormais alterner avec celui du Parc musical, est inauguré le 5 juillet 1874 mais il est jugé trop loin et pas assez aligné sur l'entrée de la Restauration (L'Avenir de Vichy du 12 juillet 1874).
Le Kiosque est gracieusement mis à la disposition de la Fanfare de Cusset pour un concert du 26 août 1874 (La Semaine de Cusset et de Vichy du 28 juillet 1874).
A partir des années 1875-1877, les hôtels de la rue Cunin-Gridaine, comme l'Hôtel Mombrun, l'Hôtel des Thermes et le Grand-Hôtel Bonnet, vont d'ailleurs transformer leurs publicités, précisant désormais qu'ils font face au "nouveau Kiosque de la Musique" puis ajoutant sa représentation (Guides-Joanne, Annuaires du Commerce Didot-Bottin) (Image 14).
Ce Kiosque de la Restauration semble devenir le plus important des deux Kiosques à Musique du Casino. Deux concerts s'y enchaînent parfois l'après-midi. C'est également le lieu des bals (qui en cas de mauvais temps, se réfugient sous la Restauration) et des concours et cérémonies.
Il se voit doté d'un escalier de pierre à la fin de l'année 1884 (La Semaine de Cusset du 29 novembre 1884).
Les plans de Ville ne représentent ce Kiosque qu'à partir de 1880 puis, précisent à partir de 1890, qu'il est dédié aux concerts de l'après-midi.
Ses représentations restent cependant peu nombreuses. Quelques cartes postales datées vers 1900 et représentant parfois les musiciens de l'orchestre et la foule des auditeurs, révèlent qu'il s'agit d'un Kiosque de plan circulaire, reposant sur un soubassement de même forme, avec une plate-forme qui, au-dessus d'un garde-corps en treillage, est rythmée par de larges ouvertures ornées, reposant sur des colonnettes. Le débord du toit est porté par de grandes équerres métalliques (en fonte) (Image 15).