SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS
INTRODUCTION
Au XIX° siècle, sur le littoral méditerranéen allant de Nice à Monaco et Menton, règnent les oliviers centenaires aux troncs noueux et au feuillage argenté. Ils fournissent une huile de qualité supérieure et abritent souvent de leur ombre les citronniers, orangers et champs de violettes.
Les plus beaux spécimen d'oliviers sont ceux de Beaulieu (commune de Villefranche, autrefois Olivula), vantés tant dans les ouvrages des naturalistes que dans les guides des voyageurs.
ANNÉES 1825-1860
Antoine Risso signale, dans son ouvrage de 1826, qu'il existe des oliviers "dont l'âge paraît remonter à plus de dix siècles. L'olivier pignole de Beaulieu, dont le pied fait environ 4 mètres de circonférence, et qui, d'après son propriétaire, rendait jadis 500 livres d'huile par année [env. 226 litres], en est un exemple" (Antoine Risso, Histoire naturelle des principales productions de l'Europe méridionale et particulièrement celles des environs de Nice et des Alpes-Maritimes, 1826, T II, pp 20 et 34).
Rosalinde Rancher dans son Guide des Etrangers à Nice, édité la même année, rappelle que "l'on trouve près du couvent des Capucins à Gairaut et à Rimiés [quartiers de Nice] des oliviers si gros, qu'il faut 2 et 3 hommes pour en embrasser la circonférence, mais les plus beaux sont à Beaulieu terroir de Villefranche, où il y en a de 22 pieds 1/2 de tour [env. 6,85 mètres]" (Rosalinde Rancher, Guide des Etrangers à Nice, Nice, septembre 1826, p 171).
Au printemps 1832, Sabin Berthelot mesure les oliviers de Villefranche dont ceux de Beaulieu et conteste les dimensions du plus gros d'entre eux, relevées par Antoine Risso : "il existe dans la propriété d'Alexandre Jaumet, un olivier dont le tronc a 12 mètres 42 centimètres de circonférence à la base, et 6 mètres 26 centimètres à un mètre et 30 centimètres au-dessus du sol. Les dimensions d'une de ses branches principales, sont de 2 mètres 15 centimètres de contour ; la hauteur du tronc est de 2 mètres 78 centimètres; l'époque de la plantation de cet arbre est inconnue (...).
C'est le plus grand de tous les oliviers des environs de Nice et probablement le plus ancien (...) ; ses dimensions surpassent de beaucoup celles de l'olivier de Pescio [état de Gênes, 7m 69 de circonférence], cité par Picconi et auquel Maschettini donne environ 7000 ans d'existence [ou plutôt 700 ans]. D'après des documens existans, le vieux Pignole étoit réputé, en 1516, l'arbre le plus ancien de la contrée. On peut donc hardiment avancer qu'il est aujourd'hui, en Europe, le vétéran de son espèce.
Mr. Risso, qui a fait mention de cet arbre dans son ouvrage, m'a assuré qu'en 1828 il produisoit encore plus de 100 kil. d'huile, et que, suivant le rapport de son propriétaire, il en fournissoit jadis jusqu'à 150 kilogrammes dans les bonnes années ; ce savant observateur pense que l'âge de cet arbre remonte au delà de dix siècles, et qu'il est le seul de son espèce qui ait résisté au terrible ouragan de 1516, dont cette contrée éprouva les ravages" (Sabin Berthelot, "Observations sur l'accroissement et la longévité de plusieurs espèces d'arbres des environs de Nice", dans, Bibliothèque Universelle des Sciences, Belles-Lettres et Arts rédigée à Genève, Genève et Paris, 1832, T L, pp 280-282).
Les textes de Risso et de Berthelot seront sans cesse réutilisés dans les décennies suivantes, personne ne s'accordant sur la quantité d'huile récoltée, les dimensions et l'âge de cet arbre, désormais dénommé le "gros olivier/Gros-Olivier", "l'Olivier gigantesque" ou "le roi des oliviers de Beaulieu".
A Beaulieu, écrit Valery en 1840, "on ira voir les trois célèbres oliviers, de proportions si extraordinaires, et dont l'âge est ignoré" (Antoine Claude Pasquin dit Valery, L'Italie confortable - Manuel du Touriste, Bruxelles, 1840 pp 283-284).
En 1843, la propriété qui comprend le gros olivier est désormais celle du baron de Quincenet (Louis Roubaudi, Nice et ses environs, 1843 p 89).
Cet olivier n'est pas facile à trouver comme le raconte le baron de Bazancourt en 1853. Parti "à la recherche de ce phénomène du règne végétal", il croise "des oliviers noirs et tordus, comme s'ils fussent sortis convulsivement du sein de la terre mais ni assez tordus, ni assez noirs pour être cet olivier séculaire" et ne trouve l'arbre tant désiré qu'après une longue marche et les renseignements contradictoires de trois habitants.
"C'est bien lui !... je reconnais le monstre, le géant, le vieillard autour duquel se groupent ses enfants [rejets ou drageons] (...). Cet olivier pourrait, au besoin, devenir une caverne de brigands [cavités parfois nommées "chambres baroques"]" (César Lecat baron de Bazancourt, Nice et ses souvenirs, 1853, pp 299-301).
Les guides de voyageurs recommandent de se rendre en barque, de la rade de Villefranche au petit port de Saint-Jean, situé plus à l'est, près de l'anse de Beaulieu (dénommée la Petite-Afrique du fait de son climat chaud) et de faire le chemin du retour à pied, en visitant notamment le gros olivier et la chapelle du hameau de Beaulieu (Sancta Maria de Olivo).
ANNÉES 1860-1880
Avec le rattachement de Nice à la France (1860), les étrangers vont davantage affluer à Nice et visiter ses environs. Au-delà de Villefranche ne se trouvent cependant que des chemins muletiers et des sentiers à peine tracés, Beaulieu faisant encore partie des contrées à découvrir.
"Il se trouve dans cette localité [Villefranche], plusieurs oliviers colossaux, ayant la puissance végétative des bahoba (sic) d'Afrique : l'un d'eux a donné jusqu'à 600 livres d'huile par saison [environ 272 litres]" (Journal de Monaco du 1er juillet 1860).
"Le plus remarquable et le plus ancien de ces oliviers, s'élève dans la propriété de M. De Quincenet, et présente encore, malgré son état de décrépitude, un aspect des plus imposants" (Joseph Roux, Statistiques des Alpes-Maritimes, 1862, vol. 2 pp 35-36).
"Les oliviers de Monaco sont de véritables géants, comparés à ceux de Nice ; j'excepte, toutefois, l'olivier monstrueux de Beaulieu, qui m'assure-t-on, a plus de dix siècles d'existence. C'est une énorme souche tortueuse, ayant de 12 à 15 m de circonférence" (Journal de Monaco du 1er janvier 1863).
Dès 1863, le voyage à Nice est facilité par l'arrivée du chemin de fer dans cette ville.
"La célébrité de Beaulieu est surtout due à l'existence d'un olivier dont l'histoire doit être fort connue sur les deux hémisphères, et dont le diamètre grossit en fonction du carré des distances. M. E. Négrin dit ne lui avoir trouvé que 7 m. 30 c. de tour, à 1 m. 15 c. au-dessus du sol ; près du sol, j'ai trouvé près de 10 mètres.
N'importe. Dans un cas comme dans l'autre, pour un olivier, la circonférence est assez belle ; quant à l'arbre lui-même, il n'est pas beau ; j'en connais, dans la campagne de Nice, qui le surpassent de beaucoup, comme port et aspect" (Dr Lubanski, Guide aux stations d'hiver du littoral méditerranéen, 1865 p 400).
L'Illustration du 6 octobre 1866 consacre un article national à l'olivier en général et l'accompagne d'une gravure du gros olivier de Beaulieu : "Les cartes géographiques locales indiquent sa position, qui se trouve à deux kilomètres environ à l'est de Villefranche. Il vit là depuis des siècles, en société d'autres oliviers vétérans d'un aspect très-respectable.
Si l'on a quelque embarras à le trouver, mainte jeune paysanne à la tête ombragée d'un charmant chapeau conique vous conduiront à travers les orangers, les citronniers, les jasmins, les violettes, en face du tronc colossal, auquel vous trouverez sept mètres de circonférence en le mesurant".
À la fin des années 1860, les étrangers se rendent à Beaulieu, non seulement grâce aux bateaux à vapeur reliant Nice à Monaco mais également grâce à l'ouverture de la ligne de chemin de fer Nice-Monaco (octobre 1868) avec une station à Beaulieu, et à la réalisation progressive (de la fin des années 1860 au début des années 1880) de la nouvelle route du littoral, de Villefranche à Beaulieu (en deux tronçons), Eze puis Monaco.
À Beaulieu, "on commence ordinairement l'exploration par une visite au doyen des oliviers. Ce géant ligneux qui a reçu tant d'hommages est dans la propriété de M De Quincenet.
Arrivé au premier gros olivier qui est à droite de l'ancien chemin, près du bureau de tabac, on suit à gauche la portion de grande route jusqu'au ponceau du chemin de fer ; on dépasse celui-ci ; on voit l'arbre à droite. Quand on vient par la grand route, on le voit à gauche, à 50 pas de la gare.
Comme les auteurs assignent 12 mèt. 50 c. de circonférence à ce patriarche de la paix, comme cette taille me paraissait être plutôt l'apanage du baobab, j'ai voulu aller le mesurer moi-même. "Veni, vidi et" voici : il offre en réalité 7 m. 30 c. de pourtour à 1 m. 15 c. du sol. C'est déjà bien assez joli.
Les mesureurs qui m'ont précédé, ont considéré comme faisant partie du tronc plusieurs racines romantiques qui s'étendent sur les guérets, et ont fait passer leur circonférence géométrique par chaque point extrême de ces racines. C'est ce que les botanistes appellent collet ou talon de l'olivier ; mais est-ce bien ce qu'on appelle tronc ?" (Emile Négrin, Les Promenades de Nice, édition de 1869 pp 195-197).
M. le comte Jaubert adresse, de Beaulieu, la lettre suivante, datée du 19 janvier 1870 : "Beaulieu possède plusieurs arbres remarquables par leurs dimensions colossales : un Olivier, qui est plutôt un faisceau de tiges (...), mesure 13,50 de circonférence au niveau du sol ; on le voit à deux pas de la gare dans la propriété de M. de Quincenet.
Un autre Olivier, auprès du village, a un tronc de 7 mètres de circonférence à la base, et s'élève régulièrement à une hauteur de 3 mètres, où commence la ramification. Je ne m'étonne plus de l'antiquité attribuée à certains pieds du Jardin-des-oliviers si cher aux âmes chrétiennes" (Bulletin de la Société Botanique de France, T 16, 1869-1870, p 44).
En 1874, une Compagnie, composée de capitalistes mentonnais, niçois et parisiens, se forme dans le but de créer un station hivernale à Beaulieu. Elle réalise notamment deux grands boulevards et acquiert des terrains pour la création d'un troisième, face à la gare.
"L'Olivier légendaire, le Gros-Olivier, le Roi des Oliviers, que toute la colonie étrangère a visité, se trouve dans les terrains acquis par la Société en question, qui doit même faire les honneurs d'un petit square à la majesté séculaire de ce colosse végétal" (Le Phare du Littoral du 6 septembre 1874).
Un espace assez large est d'ailleurs signalé dégagé, en juillet 1875, pour la construction d'un petit square (Journal de Monaco du 6 juillet 1875).
"L'olivier est l'arbre fruitier qui a le plus d'importance dans le département [des Alpes-Maritimes], parce qu'il fait la richesse du pays (...). Les oliviers séculaires qu'on admire entre Nice et Menton sont remarquables par leur âge et leur grand développement. Sur divers points, et surtout à Villefranche, leurs rameaux sont parfois si rapprochés et si nombreux que le soleil arrive difficilement sur le sol (...).
L'olivier pignole a des branches divergentes et des feuilles d'un vert gai. Ses fleurs sont en bouquets ; ses fruits sont petits, ovales et disposés en gros bouquets ; ils passent du rouge laque au noir d'ébène ; ils sont abondants. L'huile qu'ils donnent est douce" (Gustave Heuzé, Les primes d'honneur et les médailles de spécialité décernées dans les Concours Régionaux en 1865, Paris, 1876 pp 389-391).
Le deuxième tronçon de route Nice-Monaco, allant de la péninsule de Saint-Jean à la Petite-Afrique, se termine à la fin des années 1870. Il traverse la forêt d'oliviers de Beaulieu et mène au gros olivier qui est situé près du hameau et de la voie ferrée et est entouré de plantations de violettes de Parme.
LE ROI EST MORT
Dans la nuit du samedi 24 au dimanche 25 avril 1880, un homme met malheureusement le feu à ce gros olivier de Beaulieu qui avait résisté, pendant plusieurs siècles, aux ouragans et aux périodes de gel.
L'état de l'arbre reste difficile à évaluer après l'incendie mais l'article du 4 mai 1880 précise "qu'il n'en reste plus que le tronc, qui est tout calciné à l'intérieur" (Image 13).
Cet incendie a clos la longue histoire de ce bel arbre, de ce spécimen de concours, représentatif de la région, de son climat méditerranéen, de ses paysages, de son commerce.
Ce gros olivier concrétisait la croissance, le passage du temps, la puissance de vie, la grandeur et la force de la nature. Il était tout à la fois un lien avec le passé lointain hérité des grecs et des romains et l'évocation religieuse du Jardin des Oliviers de Jérusalem. Il avait, dit-on, été vu et admiré par Bonaparte lors de son débarquement à Beaulieu pour la première campagne d'Italie. Il avait abrité de ses branches "tant de générations" (Image 12). Il était un lieu de fête pour les habitants (pique-niques, bals champêtres), un lieu de promenade pour les Niçois et un attrait touristique pour les étrangers.
La mémoire de ce gros olivier va cependant perdurer dans les listes d'arbres remarquables par leurs dimensions et leur longévité : "Avant le terrible hiver de 1709, il y avait aux environs de Marseille des arbres de plusieurs siècles et d'une grosseur phénoménale ; un vieil historien provençal, Bouche, qui écrivait, il y a de cela deux cents ans, cite un olivier du territoire de Ceyreste, auquel on donnait neuf à dix siècles d'existence.
Cet arbre, dit Bouche, avait le tronc creux et il était si gros qu'une vingtaine de personnes pouvaient s'y mettre à l'abri des intempéries de l'air; son propriétaire y établissait son ménage chaque année, pendant la saison d'été, et y couchait avec sa famille; son cheval même y trouvait sa place.
Sans avoir acquis d'aussi grandes proportions, l'olivier de Beaulieu, appelé "Pignole", incendié dernièrement par un pauvre fou qui a manqué y trouver une mort volontaire, a toujours été cité comme le plus gros de nos contrées.
L'Algérie a envoyé à l'exposition de Paris en 1867, un tronc d'olivier ayant dix siècles. L'olivier de San Remo appelé "il vecchio" aurait cet âge. Enfin, si l'on en croit Delille, il aurait cueilli à Athènes un rameau du fameux arbre de Minerve qui devait avoir alors quarante siècles. Les arbres les plus élevés, les plus majestueux que je connaisse, sont ceux du cap Martin, à Menton" (A. Peragallo, "L'Olivier, son histoire, sa culture", dans, Insectes nuisibles du département des Alpes-Maritimes, 1881, fascicule 1, p 13).
En 1888, Charles Joly publie un article intitulé, Sur trois arbres gigantesques [un pin parasol et deux oliviers], qu'il accompagne de photographies dont celle de "l'olivier de Beaulieu qui donne une idée de l'aspect des oliviers gigantesques de la forêt [l'auteur ne semble pas avoir connaissance de la destruction de l'olivier colossal] ; plusieurs d'entre eux mesurent 2 m de diamètre, à 1 mètre du sol.
Il existe encore, près de Menton, au cap Martin une forêt peuplée d'oliviers remarquables, mais abandonnés à eux-mêmes ; on les suppose contemporains des invasions barbaresques, c'est-à-dire existant depuis des siècles (...).
Enfin, la figure 48 donne une idée d'un olivier colossal situé à cinq kilomètres de la ville d'Hyères (Var), sur le domaine de Sainte-Eulalie. appartenant à M. le comte de David-Beauregard, dans la vallée de Gapeau.
Le tronc de cet olivier a 2 m. 50 de hauteur ; sa circonférence, au niveau du sol, est de 11 mètres et de 7 m. 50 au dessous des branches. Le chapeau n'est pas en rapport avec le tronc, l'arbre ayant été gelé pendant l'hiver de 1820 ; il a été couronné. M. de Beauregard dit que la chronique ferait remonter la plantation de cet olivier gigantesque jusqu'à la fondation de Marseille" (Charles Joly, "Sur trois arbres gigantesques", dans, Journal de l'Agriculture, 2ème semestre 1888, pp 738-740).
En 1894, Charles Gaudault publie pour sa part un article sur Menton : "C'est dans cette futaie du cap Martin que l'olivier, croissant en la plénitude de sa force et de sa liberté, achève de prendre la souveraineté sur tous les arbres de la Méditerranée (...).
Il n'est pas rare, au pays où nous sommes, de voir des oliviers mesurant quatorze mètres de circonférence à la base. Le plus gros du littoral, il y a une vingtaine d'années, c'était, parait-il, le "pignole" de Beaulieu ; il a depuis lors été incendié (...).
Et la longévité de l'olivier ! Elle est tout simplement fabuleuse. Plus d'un tronc sur le cap Martin remonte à l'époque des Romains" (Charles Gaudault, "La Côte d'Azur - Esquisses de terre et de mer", dans, Le Magasin Pittoresque, 1894, vol. 62 pp 378-382).
En 1903, Philippe Casimir dans son ouvrage, Guides des Pays d'Azur (p 334), évoque le souvenir du roi des oliviers et précise son devenir après l'incendie : "Les grands oliviers de Beaulieu étaient des curiosités végétales qu'on venait visiter de fort loin. L'un d'eux, qui se dressait dans la propriété Quincenet, au-dessus de la gare, est resté légendaire. Il mesurait à sa base 12 mètres 42 de circonférence, et ses rameaux couvraient un circuit de plus de 30 mètres (...).
L'olivier de Beaulieu devait donc être le doyen de l'espèce et remonter à l'époque des Phocéens, probablement seul exemplaire original restant de ceux qu'ils avaient apportés de Grèce.
Un accident hâta sa fin. Il y a une trentaine d'années, un groupe de Bohémiens s'était logé dans la véritable grotte ouverte en son tronc, et leur cuisine mit le feu à l'olivier vénérable. On arrêta l'incendie, mais l'arbre resta fort endommagé.
C'était l'époque où les terrains de Beaulieu commençaient à être recherchés ; le lot dit du gros olivier fut acheté et des ouvriers coupèrent le végétal dont ils ignoraient l'illustration.
Sur la place où l'olivier vécut plus de mille années, il y a eu, en moins de trente ans, un lawn-tennis, puis la villa Auguste Blaise, enfin l'hôtel Empress, auquel nous souhaitons la durée de son prédécesseur".
LES REPRÉSENTATIONS
Le gros olivier de Beaulieu était dit, "si souvent reproduit par le dessin et la photographie" (Journal de Monaco du 6 juillet 1875).
A ce jour, une vingtaine de photographies différentes et une dizaine d'estampes sont connues (ainsi qu'une seule peinture). Elles ont été réalisées entre 1855 et 1880 mais ont parfois encore été diffusées au-delà de 1880.
Les photographies, de formats variés (CDV, stéréoscopies, Cabinets, vues panoramiques, grands formats) dévoilent de nombreux oliviers de la propriété de Quincenet. Elles se focalisent sur le roi des oliviers, le plus souvent sans le montrer dans son intégralité, l'une de ses branches maîtresses étant cassée à mi-hauteur (Image 6). Cette branche cassée explique en partie les critiques négatives de certains textes, "l'état de décrépitude" signalé par Joseph Roux en 1862 ou le fait que "l'arbre n'est pas beau", comme l'affirme le Dr Lubanski en 1865.
Ce sont de rares vues prises par Pierre Ferret et probablement par Louis Crette et par Henri de Rostaing dès la seconde moitié des années 1850, et de plus nombreuses vues prises par Alphonse Davanne, Miguel Aleo, Jean Walburg de Bray (Images 1, 4 et 7), Adolphe Braun et Eugène Degand (Images 6 et 9) dans les années 1860 et 1870.
Il y a, à cette période, une véritable fascination des photographes pour les arbres remarquables, toutes espèces confondues, due à leurs formes monumentales et expressives de sculptures vivantes et à leurs jeux de lumière et d'ombre. Les photographes s'appliquent à traduire la puissance ou l'élan de leurs troncs et les nuances de gris de leurs feuillages.
Les photographes des Alpes-Maritimes se sont particulièrement complu à multiplier les vues des espèces végétales les plus dépaysantes et les plus appréciées par les touristes, celles des lauriers-roses, aloès, myrtes, agaves et cactus mais également celles des pins, caroubiers, oliviers, orangers, citronniers, eucalyptus et palmiers.
Certains photographes sont d'ailleurs férus de botanique. C'est notamment le cas de Jean Walburg de Bray, formé par son père pasteur à cette discipline, qui réalise des natures mortes de plantes et feuillages et qui collabore à l'ouvrage de La Botanique de la Bible, paru en 1871 où, pour illustrer le texte sur l'olivier, il choisit le gros olivier de Beaulieu (Image 7), ainsi qu'un olivier de Roquebrune.
Les vues conservées d'oliviers des Alpes-Maritimes n'ont d'ailleurs pas toutes été prises à Beaulieu mais parfois à Cannes, Antibes, Grasse, Nice, Monaco, Roquebrune-Cap-Martin ou Menton. Cependant, elles ne portent pas toujours un titre manuscrit ou imprimé identifiant le lieu.
Les photographies des oliviers de Beaulieu présentent souvent une ou plusieurs personnes (Images 1, 6, 14), proches des troncs, logées dans ses cavités ou perchées dans ses branches. Cette présence humaine rend la scène plus animée et fournit une échelle permettant d'apprécier la monumentalité de ces arbres, tout en réalisant le portrait d'habitants du hameau, du photographe lui-même (Image 1) ou de son assistant ou ami. Les scènes de cueillette restent rares avant les années 1890.
Les estampes reprennent la même formule (Images 3, 5, 8), d'autant qu'elles sont souvent dessinées d'après les vues des photographes évoqués, mais trahissent parfois le rapport d'échelle (Image 5) ou insistent sur les costumes régionaux (Image 3).
VIVE LE ROI !
Dans les années 1880, le titre de "roi des oliviers" revient à l'un des autres oliviers de Beaulieu, celui déjà signalé dans les textes d'Emile Négrin en 1869 et du comte Jaubert en 1870.
Ce nouveau roi est situé près du village, à côté du Bureau de tabac (puis Café), et possède un tronc de 7 mètres de circonférence sur une hauteur de 3 mètres avant la ramification.
Il en existe quelques photographies des années 1880 et 1890 mais ce sont surtout les Cartes postales (Editions Giletta, ND...) qui vont, par la suite, répandre son image "d'arbre millénaire". L'olivier va cependant se retrouver progressivement coupé de la nature, du fait de son intégration dans une rue.
Dès le milieu du XX° siècle, ce sont un olivier de Saint-Jean puis un olivier de Roquebrune-Cap-Martin (classé "arbre remarquable" en 2016) qui revendiquent le titre de "roi", avec des dimensions et une ancienneté encore plus impressionnantes.
De nos jours, la ville de Beaulieu-sur-Mer conserve une centaine d'oliviers séculaires dans le "Jardin de l'Olivaie", face au port.