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dimanche 29 septembre 2024

1360-ANDRIEU, PHOTOGRAPHE À VILLEFRANCHE D'AVEYRON (vers 1865)


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- ANDRIEU (?-?), Portrait de femme, détail.



ANDRIEU, PHOTOGRAPHE À VILLEFRANCHE D'AVEYRON

(vers 1865)



QUATRE CARTES DE VISITE CONNUES


Les quatre photographies réalisées par le photographe Andrieu semblent provenir d'un album familial. Deux d'entre elles montrent le portrait d'un homme (un jeune et l'autre âgé) et les deux autres, le portrait d'une femme (une jeune et l'autre âgée). Il est probable qu'il s'agisse des portraits pris séparément de deux couples mariés mais rien ne permet de l'affirmer.


- ANDRIEU (?-?), Portrait de femme, années 1860,
réalisé à Villefranche d'Aveyron (Villefranche-de-Rouergue), 
tirage albuminé de 9x5,5 cm sur carton de 10,5x6,3x cm, Collection personnelle.


- ANDRIEU (?-?), Portrait d'homme, années 1860,
réalisé à Villefranche d'Aveyron (Villefranche-de-Rouergue), 
tirage albuminé de 9x5,4 cm sur carton de 10,5x6,3x cm, Collection personnelle.


Les deux jeunes se présentent dans une pose identique, debout, légèrement de de trois-quarts, devant un rideau plissé (placé à gauche ou à droite) et un décor de meubles en trompe-l'œil (secrétaire ou bibliothèque), sur un fond de mur orné de bandes blanches et de plinthes agrémentées d'un décor de triangles alternativement sombres et clairs. Chacun d'eux pose la main droite sur le dossier ornementé d'une chaise en bois.

Les deux personnes âgées (les pieds coupés par le cadrage) sont, pour leur part assises, de face, sur une chaise en bois, devant un rideau plissé et un mur nu aux plinthes ornées de triangles. Chacune d'elles pose la main sur un guéridon recouvert d'un longue nappe à franges, décorée de motifs floraux. La femme apparaît chaudement vêtue, la tête coiffée d'un bonnet et le corps enveloppé dans une cape.


- ANDRIEU (?-?), Portrait d'une femme âgée, années 1860,
réalisé à Villefranche d'Aveyron (Villefranche-de-Rouergue), 
tirage albuminé de 9x5,5 cm sur carton de 10,5x6,3x cm, Collection personnelle.


- ANDRIEU (?-?), Portrait d'une femme âgée, années 1860,
réalisé à Villefranche d'Aveyron (Villefranche-de-Rouergue), 
tirage albuminé de 9x5,4 cm sur carton de 10,5x6,3x cm, Collection personnelle.


Le studio est le même pour les quatre portraits (triangles des plinthes, motifs peu identifiables du tapis) et la chaise utilisée est identique, accrochant la lumière par son bois vernis et ses clous en laiton (pieds avant et montants du dossier tournés, pieds arrière sans mouluration mais courbés, assise épaisse et cloutée).

Le recto des Cartes de visite est orné d'un liseré doré entourant le tirage et dépourvu de toute inscription. Le verso est, quant à lui, timbré à l'encre rouge de la seule signature du photographe pour les deux jeunes gens mais présente le nom du photographe dominant les armoiries de la ville de Villefranche pour les deux personnes âgées, ce qui renforce l'idée de contemporanéité des prises de vue et l'hypothèse de couples posant séparément.


- Tampons humides à l'encre rouge présents au verso des cartons-photos, 
l'un avec la signature du photographe, 
l'autre avec son nom au-dessus de la représentation des armoiries de la ville
(dérivée de l'une des variantes connues du XVII° siècle).



Plusieurs mois ou années peuvent séparer les prises de vue des deux couples et il semble difficile d'affirmer quel duo est le plus ancien. Tous les éléments des cartons-photos évoquent cependant les années 1860 : recto sans inscription, présence de liseré doré, utilisation d'encre rouge, d'armoiries ou de signature, absence d'adresse précise, sans oublier le décor en trompe-l'œil et le style même de la chaise à médaillon Second Empire de l'atelier.



RECHERCHES SUR LE PHOTOGRAPHE


Seul le nom du photographe "Andrieu" est inscrit au revers des cartons-photos, sans prénom et sans adresse d'atelier. Le nom de la ville n'est même pas indiqué sur deux d'entre eux et c'est une chance que ces derniers aient été conservés avec les deux autres.

Aucune étude ne référencie ce photographe dont le nom de famille est assez répandu dans la région. Quelques photographes homonymes ("Andrieu" ou "Andrieux") sont connus en France dans la seconde moitié du XIX° siècle et le tout début du XX° siècle, mais aucun dans cette zone géographique.

Le seul document qui cite ce photographe est le Journal de Villefranche des samedis 2, 9, 16, 23 et 30 décembre 1865, dans une publicité qui révèle également le nom d'un associé.


- Publicité parue pour l'atelier Cot et Andrieu dans Le Journal de Villefranche
 des cinq samedis de décembre 1865,
Paris, BnF (Gallica).

L'atelier est situé dans la maison de M. Arnaud père (Jean Antoine Paul Arnaud, né à Villefranche en 1816), huissier du Tribunal de première instance de Villefranche.



Le fait que l'associé "Cot" n'est pas cité sur les portraits étudiés implique pour les photographies une date antérieure ou, plus probablement, postérieure à 1865, où "Andrieu" tenait seul l'atelier.

Le nom de famille "Cot", contrairement à celui d'Andrieu, est moins répandu en Aveyron et rare à Villefranche, seuls deux hommes portant ce nom sont connus dans cette période : 

- "Alphonse Cot", né le 25 juillet 1807 à Saint-Antonin-du-Val (Tarn-et-Garonne), "commis marchand" lors de son mariage en 1839, "marchand de toile" lors de la naissance de son fils en 1840 et dans les deux décennies suivantes (Annuaire-Almanach) puis "propriétaire" lors du mariage de son fils en 1879 ; il est décédé à Villefranche, le 18 avril 1890, à l'âge de 82 ans ;

- "François Alphonse Cot", fils du précédent, né le 4 octobre 1840. Son nom apparaît parallèlement à celui de son père uniquement dans l'Annuaire-Almanach de 1861, en tant que "libraire", comme François Duclo (qui a une pratique photographique) ; il est ensuite dit "manufacturier" (filateur), à l'âge de 39 ans, lors de son mariage à Villefranche, le 15 octobre 1879 (avec Marie Angèle Catherine, sans profession, âgée de 20 ans, née le 4 février 1859 à Villefranche), ainsi que dans la décennie suivante ; il est décédé après 1902.



"ALEXANDRE" ANDRIEU ?


Peu de choses sont connues de la vie de François Alphonse Cot, sauf ses bons résultats lorsqu'il était élève au Collège de Villefranche, notamment en classe de Cinquième, lors du premier semestre de l'année scolaire 1852-1853. Or, dans ce même bilan scolaire apparaît, en 2ème Division de la Classe Supérieure, le nom de l'élève "Alexandre Andrieu".

Ce renseignement est loin d'être déterminant, le photographe Andrieu pouvant ne pas se prénommer Alexandre, ne pas être natif de Villefranche d'Aveyron ou bien être beaucoup plus âgé que François Alphonse Cot. 

Cependant, l'hypothèse est à creuser, la coexistence de deux jeunes amis, proches en âge et tous deux anciens élèves du Collège de Villefranche, pouvant justifier leur association une fois adultes.

Huit garçons "Andrieu" sont nés à Villefranche dans les années 1830 et 1840 ; quatre ont porté le prénom "Alexandre" mais l'un d'eux est décédé à l'âge de quatre mois. Un seul semble correspondre à l'âge d'un élève de la Classe supérieure, lors de l'année scolaire 1852-1853, il s'agit de : 

Joseph Amans Marie Alexandre Andrieu, né le 3 novembre 1840 (d'un père armurier), dit "armurier" lors d'une souscription en 1866 (don de "Andrieu père et fils armuriers"), lors de son mariage à Villefranche le 29 avril 1867 et lors de son décès dans la même ville le 3 avril 1896, à l'âge de 55 ans.



ÉPILOGUE


La durée de l'atelier tenu par "Cot & Andrieu", comme celle de l'atelier tenu par "Andrieu" seul, reste inconnue, d'autant que les deux associés ont pu conjuguer le métier hérité de leur père avec l'activité de photographe. 

La publicité, parue à cinq reprises en décembre 1865, peut d'ailleurs tout aussi bien avoir eu comme but d'annoncer l'ouverture de l'atelier "Cot & Andrieu", que de rappeler son existence au moment des étrennes.




NOTES


Sur les photographes de l'Aveyron au XIX° siècle et au début du XX° siècle, voir notamment :

le Journal de l'Aveyron (1796-1944) ; le Bulletin d'Espalion (1838-1945) ; Le Narrateur (1841-1848 puis 1882-1944) ; le Journal de Villefranche (1848-1882), sur le site de la Bibliothèque nationale de France (Gallica) et sur le site des Archives Départementales de l'Aveyron.

- Jean-Marie Voignier, Répertoire des Photographes de France au Dix-Neuvième Siècle, Le Pont de Pierre, 1993.

- Hervé Lestang, "Portrait Sépia - Trois mille visages de la photographie" (site en ligne, ici).




dimanche 22 septembre 2024

1359-PHOTOGRAPHES AMBULANTS ET VOYAGEURS EN AVEYRON (1840-1860)


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- GIROUX André (1801-1879), Paysage de l'Aveyron, vers 1855,
tirage albuminé (d'après négatif verre au collodion) de 27x35,5 cm, sur support de 36x44,4 cm,
Los Angeles, J.P. Getty Museum, 84.XP.776.10.




PHOTOGRAPHES AMBULANTS ET VOYAGEURS EN AVEYRON (1840-1860)



INTRODUCTION


Cette étude est essentiellement basée sur le dépouillement de la presse aveyronnaise ancienne (voir notamment les journaux suivants sur Gallica et sur le site des Archives Départementales de l'Aveyron : le Journal de l'Aveyron [1796-1944] ; le Bulletin d'Espalion [1838-1945] ; Le Narrateur [1841-1848 puis 1882-1944] ; le Journal de Villefranche [1848-1882]).

Les différents journaux conservés et numérisés constituent une documentation conséquente mais ne permettent pas de donner une vision globale de la question. En effet, ils laissent dans l'ombre certaines années et ne rendent compte ni de l'activité photographique de la ville de Milhau [Millau] ni de celle des villages.

Si la presse aveyronnaise ne cite jamais les termes de "photographe ambulant" (ou "itinérant") dans la période concernée, la presse nationale les utilise pour sa part dès le milieu des années 1850, définissant ce professionnel comme un artiste de seconde zone qui travaille sur la voie publique à bas prix. Elle en décrit également deux types principaux :

- celui des villes, qui dresse sa tente les jours de fête et de foire sur les grandes places au milieu des badauds et des forains ou bien s'installe dans une baraque en planches construite dans des lieux fréquentés (et n'a plus d'ambulant que le nom) ;

- celui des champs, qui parcourt à pied, les routes et chemins de province, courbé sur un bâton et portant la lourde caisse de son matériel sur le dos, allant de village en village et photographiant les paysans et leurs bêtes. 

Il y a, bien entendu, des types intermédiaires : "On va aussi en ville et à la campagne", écrit un photographe dans une petite annonce parue en juin 1844 à Albi (Tarn). Il faut cependant différencier "le photographe ambulant portraitiste" du "photographe voyageur paysagiste", en quête de sites et de monuments (voire de costumes et de types ethniques), qui sillonne les routes de France et d'Europe avec son "atelier ambulant" installé dans une voiture attelée ou prend la mer pour des destinations lointaines.

Le plus souvent parisiens, ces premiers "photographes voyageurs" sont détenteurs d'un atelier sédentaire où ils réalisent des portraits et où ils expérimentent de nouveaux procédés de préparation des plaques daguerriennes afin d'améliorer la qualité des épreuves.



LES ANNÉES 1840


Les annonces

En juillet 1839, les journaux aveyronnais répercutent la nouvelle du vote de la loi relative à l'invention de MM. Daguerre et Niepce. Dès octobre 1839, les appareils complets sont en vente au prix de 350 francs, chez les ingénieurs-opticiens Bianchi père et fils, dans leurs maisons de Toulouse et de Paris. 

En mars 1842, les appareils, désormais moins volumineux et moins chers, sont en vente chez M. Giovanni Antonio Fontana, marchand bijoutier, quincaillier et opticien, place du Bourg à Rodez :

"Les Daguerréotypes perfectionnés sont établis sur trois dimensions différentes: leur volume n'excède pas celui d'une boîte que l'on peut aisément porter à la main, et le poids, suivant le numéro du modèle, n'est que de 3 kilogr. 1/2 à 12 kilogr. au plus.

Ces appareils se vendent (...) avec l'instruction de M. Daguerre indiquant la méthode à suivre pour faire les portraits. Ils sont garantis et munis de tout ce qui est nécessaire pour faire des épreuves" (Journal de l'Aveyron du 2 mars 1842). 

Dans les années 1840, les photographes qui officient dans le département de l'Aveyron semblent majoritairement des artistes ambulants qui réalisent des "Portraits au Daguerréotype". Leur nombre, leur provenance, la durée de leur séjour, la périodicité de leurs passages et leurs parcours restent en partie méconnus (circuits départementaux, régionaux, nationaux voire internationaux - Comté de Nice, Duché de Savoie ou Espagne notamment - ?). 

La presse locale révèle parfois la présence de ces photographes "de passage" au travers de petites annonces de quelques lignes et de plus rares articles publicitaires mais ne livre qu'une partie des réponses, la courte présence d'un photographe dans un village ne nécessitant pas le recours à la parution d'une annonce. 

Cependant, même à Rodez, Espalion et Villefranche d'Aveyron, le recours à l'annonce ne semble pas systématique, soit parce que certains photographes se contentent d'une exposition de portraits en centre ville et d'un affichage renvoyant à l'adresse de leur local temporaire, soit parce qu'ils officient directement sur la voie publique, ne laissant, dans les deux cas, aucune trace écrite de leur passage. 

Les annonces ne précisent pas le prénom, voire le nom du photographe et empêchent le plus souvent d'identifier la personne et de découvrir sa vie et sa carrière (lieu de naissance, âge, situation familiale, métiers exercés). Voyage-t-il seul ou accompagné d'un assistant (préparateur des plaques), de sa femme, voire de ses enfants ?


Les photographes

Entre 1840 et 1850, les journaux ne citent que 7 photographes (pour un total de 10 passages). Le premier d'entre eux est signalé en 1842, à une date proche de celles des premiers passages de photographes ambulants dans les départements du Gard, du Tarn et de la Haute-Garonne. 

Cependant, les différents photographes répertoriés en Aveyron ne sont répartis que sur quatre années seulement (1842, 1844, 1845, 1846), ce qui interroge. 

La ville de Rodez, chef-lieu du département (env. 9,500 hab.) semble recevoir 5 photographes, avec 6 passages répartis sur 4 ans. À titre de comparaison et selon les journaux de la même décennie, la ville d'Albi (Tarn, env. 14,000 hab.) reçoit 4 photographes, avec 4 passages répartis sur trois ans, et la ville de Toulouse (Haute-Garonne, env. 85,000 hab.) reçoit 12 photographes (parfois associés par deux), avec 10 passages sur 5 ans. Dans les trois villes, les passages apparaissent irréguliers et très peu nombreux. 

Seule la ville de Toulouse bénéficie d'un atelier sédentaire ouvert dès le début des années 1840, les nouvelles installations n'ayant lieu qu'à partir des toutes dernières années de la décennie et également dans cette ville.


RODEZ (préfecture, env. 9,200 hab. en 1840 et 10,000 hab. en 1850) : 

- M. Médaille, dentiste-mécanicien et portraitiste, en mars-avril 1842 (Image 2).

- "un artiste" dont le nom n'est pas précisé, en août-septembre 1842. 

- M. Bisson, en septembre 1844.

- M. Serres, en octobre-novembre 1844.

- M. B. Senec, en août 1845 (Image 4).

- M. Serres, en mai-juin 1846 (Image 5).


ESPALION (env. 3,500 hab. en 1840 et 4,000 hab. en 1850) : 

- M. Rameye en août 1844 (Image 3).

- M. Serres en janvier-février 1846.


VILLEFRANCHE D'AVEYRON [Villefranche-de-Rouergue] (env. 9,500 hab. en 1840 et 9,600 hab. en 1850) : 

- M. Serres, de fin janvier à début mars 1845.

- M. Serres, en octobre-novembre 1846.


Quatre de ces photographes se disent parisiens, M. Médaille, M. Senec, M. Bisson et enfin l'artiste dont le nom n'est pas précisé. Les différentes annonces de M. Serres et de M. Rameye (formé à Paris) ne citent pas leur ville d'origine. 

- "M. Médaille de Paris (...) a joint la science du Daguerréotype à son art de dentiste" et est "domicilié actuellement à Albi" (Image 2). 

Il a peut-être vécu à Paris où il a été formé en tant que dentiste ("élève de Regnard et de Maury") et portraitiste mais il se prénomme Louis et est né à Albi, le 31 janvier 1803. Il est marié et notamment signalé à Albi en juin et juillet 1839 mais uniquement en tant que dentiste-mécanicien. C'est à ce seul titre qu'il est déjà venu à Rodez en novembre 1840 et en mars 1841 et qu'il y reviendra en juin et novembre 1842 puis en mars 1843. 

On pourrait en déduire qu'il n'a pratiqué son activité de portraitiste que peu de temps mais dans une petite annonce, parue dans le Journal du Tarn en août 1843, il propose "tous les jours" les portraits au Daguerréotype dans son cabinet albigeois. 

Il quitte Albi en décembre 1843 pour s'installer à Castres (Tarn). Veuf, il est ensuite signalé en 1845 à Bastia (Haute-Corse) où il se remarie en novembre 1846, puis à Grenoble où son fils naît en octobre 1847 et où il est encore présent en 1852. Son activité de portraitiste n'est cependant plus attestée dans ces différentes localités. 

- Un seul des photographes cités est répertorié et connu : M. Louis Auguste Bisson (Paris 21 avril 1814-Paris 11 mai 1876) dont l'atelier familial est situé à Paris, rue Saint-Germain-l'Auxerrois, 65. Il a présenté aux printemps 1843 et 1844, des épreuves daguerriennes aux Expositions des produits de l'Industrie française. 

Le Catalogue de l'Exposition de 1843 précise que M. Bisson "obtient des portraits au daguerréotype à l'aide de nouveaux perfectionnements qui ont été présentés par lui successivement à l'Académie des sciences (Institut de France). Ses épreuves se distinguent par la vigueur de la teinte, par l'atténuation du miroitage et par la promptitude de la pose, qui permet de saisir immédiatement l'expression de la physionomie"

Louis Auguste Bisson n'est pas un photographe ambulant mais un photographe voyageur. Si, en septembre 1844, il "a déjà exécuté avec bonheur quelques portraits et se propose d'en faire quelques autres dans le court séjour qu'il doit faire à Rodez", la raison principale de sa venue est "qu'il s'occupe à recueillir des épreuves daguerriennes des principaux monumens et des sites les plus pittoresques de notre Rouergue pour un des grands ouvrages illustrés en cours de publication". 

- En 1845, deux autres photographes voyageurs, parisiens et associés, Charles Isidore Choiselat (Paris 13 février 1815- Paris 20 décembre 1858) et Stanislas Ratel (Paris 20 mars 1824-Saint-Hilaire-le-Châtel, Orne 30 août 1904), font une excursion dans le Sud de la France et réalisent des vues (notamment des panoramas formés de plusieurs daguerréotypes accolés) de sites de la Drôme (en août), du Gard, de l'Hérault (en septembre), des Bouches-du-Rhône, du Var, des Alpes-Maritimes mais également de l'Aveyron. 

Deux vues de leurs paysages aveyronnais sont connues (plaques de 16,3x21,5 cm) : La cathédrale de Rodez et Vue des installations de l'usine sidérurgique de Decazeville (Montréal, Canadian Centre for Architecture).


2- Annonce de M. Médaille, dentiste-mécanicien et photographe ambulant,
parue dans le Journal de l'Aveyron du 30 mars 1842,
 (Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).


Les itinéraires

La plupart des photographes ambulants ne sont cités qu'à l'occasion d'un seul passage en dix ans, effectué sur une seule ville de l'Aveyron ; de surcroît, ils ne sont pas signalés dans les départements voisins, ce qui confirme le fait que nous ne pouvons avoir aujourd'hui qu'une vision tronquée de leur activité passée, même s'il est concevable que des artistes parisiens aient pu limiter la durée de leur séjour dans le Midi.

- M. Médaille "de Paris", vient d'Albi où il est signalé comme dentiste-mécanicien dès juin 1839 (place Lapérouse, maison Moulèné), pour séjourner à Rodez à la fin du mois de mars 1842 (Image 2). 

- Le photographe parisien anonyme, arrive de Marseille pour séjourner à Rodez en août 1842.

- M. Rameye, qui se dit breveté et élève des meilleurs maîtres de Paris, M. Daguerre, M. Chevalier (Daguerréotype à verres combinés) et M. Lecchi (procédés couleurs), est le seul photographe dont les documents permettent de suivre, au milieu des années 1840, ses déplacements dans les départements situés au sud de l'Auvergne. 

Il est probable que ce soit lui qui est cité, lors d'un don antérieur à 1845, de "deux vues daguerréotypées" au Museum Calvet d'Avignon, et que le Vaucluse soit son département de naissance. Ces vues, si elles sont bien de lui, révèlent également son talent de paysagiste.

M. Rameye est signalé à Lodève (Hérault) en septembre 1843, à Montpellier (Hérault) en octobre 1843 puis à Nîmes (Gard) en mars-avril 1844. Il opère ensuite début août 1844 à Espalion (Aveyron) (Image 3) puis mi-août à Albi (Tarn). Il alterne des séjours plus ou moins longs et formule des offres différentes selon les localités, notamment la reproduction d'œuvres d'art et la réalisation de "Portraits après Décès" à Montpellier (dans cette dernière ville, il se réjouit d'avoir réalisé en un mois et demi plus de 200 portraits, ce qui représente un petit nombre de daguerréotypes par jour).

- M. Serres est pour sa part le seul photographe à être cité trois années de suite (1844-46), en alternance dans les villes de Rodez, Villefranche et Espalion. En 1846, il enchaîne Espalion en janvier-février puis Rodez en mai-juin et Villefranche en octobre-novembre, ce qui interroge sur la durée de sa présence dans le département, sur son activité entre ces trois villes et sur sa localité d'origine. 


3- Annonce de M. Rameye parue dans le Bulletin d'Espalion du 17 août 1844
(Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).



Les séjours

Les séjours semblent se dérouler toute l'année (moins souvent l'hiver) et durer entre une et cinq semaines selon la population de la localité. Les petites annonces ne paraissent qu'après l'arrivée des photographes, souvent à deux ou trois reprises pour les séjours les plus longs, avec un texte légèrement modifié.

Les photographes transportent avec eux leur matériel, chambre noire et pied, châssis et plaques, substances chimiques et cuvettes, drap et cadres mais les annonces ne fournissent aucun renseignement concernant le mode de transport adopté.

Ils exposent généralement leurs portraits dans la devanture d'un commerce (Café de la Paix à Rodez ; Café de l'Europe à Espalion), ainsi que dans leur local temporaire.

Ils s'installent :

- dans un appartement ou le local d'un commerçant, en rez-de-chaussée ou en étage (à Rodez, maison Bertrand, place de la Cité ; maison Mme Bousquet, place de la Magdeleine ; maison Albouy, rue de la Paix ; à Espalion, maison Bousquet, anciennement Café de Paris : à Villefranche d'Aveyron, maison Miquel, au bout de la promenade St-Jean), 

- dans un hôtel (à Espalion, Hôtel des demoiselles Aygalenc)

- dans un bâtiment accosté d'un jardin (à Rodez, jardin de la maison de Melle Richard, place d'Armes, où plusieurs d'entre eux se succèdent). 

Leurs horaires d'ouverture sont généralement de 8 ou 9h du matin à 4 ou 5h de l'après-midi, avec une coupure située entre 10 et 12h ou 12 et 14h.


4- Annonce de M. Senec parue dans le Journal de l'Aveyron du 17 août 1845 
(Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).


Les offres

Les six photographes évoqués garantissent tous un temps de pose rapide de quelques secondes (avec un temps compris, selon la lumière, entre 1 et 60 secondes et souvent annoncé entre 5 et 20 secondes), le choix entre plusieurs dimensions de plaques et d'encadrements (cadres vernis, broches, médaillons, tabatières) et surtout une ressemblance parfaite, avec un portrait net et détaillé. 

En 1842, M. Médaille se recommande du "nouveau procédé de M. Fizeau pour fixer les images photographiques" (au chlorure d'or) et offre jusqu'à "six images reproduites sur la même plaque".

Au milieu des années 1840, M. Serres propose de se rendre, sur demande, au domicile des personnes, à condition qu'il puisse y disposer "d'un jardin ou d'une cour" et s'engage, quel que soit le lieu, à "renouveler le portrait jusqu'à l'obtention d'un parfait résultat".

Dès 1844, trois des photographes proposent également des "daguerréotypes coloriés selon le procédé Lecchi, breveté du Roi" qui "donne vie et relief aux images". Stefano Lecchi, peintre et assistant de Daguerre, a mis au point, au début de l'année 1842, divers procédés pour colorer à l'aquarelle les daguerréotypes, en a testé ensuite le succès dans le Sud de la France (Marseille et Aix-en-Provence [Bouches-du-Rhône], Avignon et Apt [Vaucluse]) et en a déposé les brevets, les 1er octobre et 19 novembre 1842.

Trois des photographes ambulants proposent également des appareils à la vente et des leçons de photographie, voire "de coloris".

Les prix des daguerréotypes varient de 6 à 20 francs mais sont difficiles à comparer, les dates et les procédés étant différents, les dimensions non précisées, les portraits en noir ou en couleurs, parfois même livrés encadrés. Plus globalement, une baisse des tarifs semble intervenir entre 1842 et 1846.


5- Annonce de M. Serres parue dans le Journal de l'Aveyron du 27 mai 1846
 (Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).



LES ANNÉES 1850


Entre 1850 et 1860, seuls cinq photographes sont cités dans la presse aveyronnaise, répartis uniquement sur cinq années (1851, 1854, 1857, 1858, 1859).


RODEZ (préfecture, env. 10,000 hab. en 1850 et 13,500 hab. en 1860) : 

- Un photographe (sans précision de nom) propose des "Portraits au Daguerréotype par le procédé américain", en septembre 1851 (4 petites annonces parues en deux semaines). Il séjourne dans un appartement au 2ème étage de la maison Rudelle père, située promenade et place Sainte-Catherine. Le procédé américain ou méthode W. Thompson consiste en un polissage particulier des plaques et en l'utilisation d'une substance accélératrice différente.

- M. Jean Joseph Ducros (Naves [Calmont], Aveyron] le 31 mars 1823-Rodez 1er avril 1902), professeur de musique, chef d'orchestre et de chœur à Rodez, formé au daguerréotype à Paris, se propose, en avril 1858, de sillonner le département pour en capturer les vues des sites et des monuments. L'été 1858, il ouvre une souscription, pour une collection globale de 85 vues (dont 80 de 18x24 cm) au prix de 60 francs et obtient le patronage de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron. 

À la même époque, le parquet du tribunal de Rodez fait appel à lui pour photographier un prévenu suspecté de meurtre et parvient à l'identifier grâce à la diffusion du portrait. Cette nouvelle diffusée dans le Journal de l'Aveyron des 25 et 29 septembre 1858, est ensuite relayée par le journal La Lumière du 2 octobre (Image 6). 


6- Entrefilet paru dans La Lumière du 2 octobre 1858,
Paris, BnF (Gallica).



ESPALION (env. 4,000 hab. en 1840 et 4,200 en 1860) : 

- M. Bessière, en août 1854, loge chez le chapelier Gilhodes et propose des Portraits au Daguerréotype de 5,50 à 20 francs. 


SAINT-GENIEZ-DE-RIVEDOLT [Saint-Geniez-d'Olt-et-d'Aubrac] (env. 3,500 hab. en 1860) : 

- "M. Ducros, photographe" (premier emploi du terme en Aveyron) est cité en juillet 1859 lors d'un don en faveur des militaires de la guerre d'Italie, sans qu'il soit possible de savoir si c'est le professeur de musique de Rodez ou un homonyme.


VILLEFRANCHE D'AVEYRON (env. 9,600 hab. en 1850 et 10,500 hab. en 1860) : 

- M. Serres, dont un encart du Journal de Villefranche du 6 juin 1857 vante le talent de portraitiste est, à cette date, de retour en ville depuis quelques jours (sans précision de l'adresse de son local) :

"Nous l'avions déjà vu à Villefranche (...). Disons-le, M. Serres n'est pas le seul photographe qui soit venu nous voir mais le seul qui ait réussi" (ces extraits évoquent des séjours qui nous restent en partie inconnus). 

M. Serres, est-il précisé ensuite, a délaissé la plaque métallique du daguerréotype et ses miroitements pour le négatif et le tirage papier reproductible en série à très-bas prix, offrant désormais une ressemblance parfaite, embellie par ses talents de coloriste (Image 7).

Il est à noter que M. Serres est le seul photographe ambulant des années 1850 déjà cité dans la décennie précédente (1844-1846) mais qu'il n'est jamais signalé dans le département entre 1846 et 1857.


7- Annonce de l'arrivée de M. Serres, parue dans le Journal de Villefranche du 6 juin 1857
(Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).




Au milieu des années 1850, le peintre et photographe parisien André Giroux (Paris 30 avril 1801-Paris 18 novembre 1879), rue Cadet 9, effectue pour sa part des excursions dans le Sud-Est de la France pour en capturer les sites, notamment en Lozère et Aveyron. 

Il présente ces vues des années 1850 à la Deuxième (1857) puis la Onzième Exposition de la Société Française de Photographie (1870), avec à chaque fois 2 ou 3 vues aveyronnaises dont l'une voit son titre précisé, Vue prise à Peyrelau (Aveyron) (Exposition de 1857).

Trois vues aveyronnaises de grand format sur papier (tirages albuminés d'environ 27x37 cm, d'après négatif sur verre au collodion), datant vers 1855, sont conservées : Vue de Peyrelau (Aveyron) (Collection privée), Pont de Peyrelau (Aveyron) et Paysage d'Aveyron (Image 1) (Los Angeles, J.P. Getty Museum).




ÉPILOGUE


L'invention de Daguerre a changé la vie de ces hommes. Pour la plupart déjà investis dans une carrière professionnelle, ils se sont formés à la photographie, ont acquis un appareil et se sont consacrés à leur passion. Certains ont ajouté à leur premier métier (parfois déjà ambulant) cette nouvelle activité professionnelle puis se sont lancés sur les routes, vivant au rythme de leur métier de portraitiste ou de paysagiste et s'adaptant à l'évolution des techniques.

Certains ont gardé un domicile fixe, voire un atelier, voyageant une partie de l'année mais d'autres ont coupé toute attache, vivant de ville en ville, seuls ou accompagnés, en tant que photographes ambulants [un peu comme les Digital nomades d'aujourd'hui], mais il est vrai qu'à cette époque de nombreux métiers sont ambulants 

L'étude parallèle de la vie et de la carrière de photographes ambulants d'autres départements permet de savoir que certains mèneront cette activité itinérante une grande partie de leur vie et d'autres, quelques années seulement. Certains reviendront à leur métier d'origine ou changeront de profession mais d'autres ouvriront un atelier de photographie sédentaire, tout en continuant parfois une pratique ambulante ou en alternant avec une ou plusieurs succursales. 

Les noms des sept photographes étudiés en Aveyron ne sont cependant plus cités par la suite (changement de profession, retraite, décès). Aucun ne semble avoir continué cette activité itinérante ou même sédentaire, que ce soit dans ce département ou sur l'ensemble du territoire français, tout du moins, aucun document connu n'en rend compte.

Il ne semble rien subsister de leur activité de portraitiste, les rares épreuves aveyronnaises conservées des années 1840-1860 étant essentiellement des paysages urbains et naturels qui ont été réalisés par les photographes voyageurs cités ou par le seul photographe fixé dans le département à la fin des années 1850.

Dans les années 1860, seuls deux passages de photographes ambulants vont être signalés en Aveyron (en 1862) mais, en revanche, une douzaine d'ateliers sédentaires vont s'y ouvrir, répartis sur sept villes et villages du département. 



dimanche 15 septembre 2024

1358-NICE, LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL SUR LE PAILLON-3

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- Photographe anonyme, Nice, Casino, 1886,
vue sud-est/nord-ouest prise depuis la place Charles-Albert,
tirage albuminé,
Stockholm, Tekniska museet 
(Musée national suédois pour les sciences et la technologie).

La façade sud du Casino municipal est basée sur un rythme ternaire. Elle est précédée de 15 hautes arcades plein cintre (abritant les boutiques) dont les 3 du milieu (entrées) sont précédées d'une marquise. Au-dessus, une longue terrasse centrale de 9 travées est symétriquement accostée de 2 pavillons rectangulaires de 3 travées. Au niveau de la toiture, règne un grand dôme de 3 travées (salle de spectacle) qui affirme l'axe central et est accosté de 2 plus petits dômes qui coiffent les pavillons inférieurs. Le décor d'arcades du rez-de-chaussée se poursuit sur faces latérales du Casino puis sur les deux bâtiments bas qui encadrent le jardin d'hiver.
 



NICE - LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL




LA CHRONOLOGIE DU CHANTIER (SUITE)


1883


Début 1883, le chantier du Casino municipal reste au point mort, faute de moyens financiers. 

D'autres sujets monopolisent l'attention du public, parmi lesquels le décès puis les obsèques à Nice de Léon Gambetta, l'achèvement puis la destruction totale, provoquée par un incendie, de la Jetée-Promenade et de son Casino (concurrent du Casino Lazard) et l'organisation de l'Exposition Internationale de Nice. 

Le projet d'un nouvel Hôtel des Postes et des Télégraphes, validé par une convention entre l'Etat et la Ville de Nice en décembre 1882, est désormais prévu sur le Paillon, dans l'espace restant entre la plate-forme du Casino municipal et celle du square Masséna [cet hôtel sera construit en 1888 mais à un autre emplacement, près de la place de la Liberté, actuelle place Wilson].

La population s'interroge cependant sur l'avenir du Casino municipal. Un soutien financier va-t-il être trouvé par M. Lazard afin d'en achever les travaux pour une ouverture à la fin de l'année 1883 ? Dans le cas inverse, la date du 31 janvier 1884 entraînera-t-elle sa déchéance, la mise en adjudication du bâtiment puis la reprise du chantier par un nouveau concessionnaire, avec une ouverture sans cesse repoussée ?

Une visite du Casino a cependant lieu le 13 février 1883, guidée par M. Dieudé-Defly, chargé de la couverture du Paillon, dans le cadre du Congrès international des architectes et ingénieurs qui se tient à Nice.

La reprise des travaux du Casino semble avoir lieu dès avril 1883 (sans que leur détail ne soit précisé) mais ces derniers avancent au ralenti.

Fin juin et début juillet, une demande de MM. Prével et Lavit, hôteliers, intentée contre M. Lazard et la Ville de Nice, se règle, sans aboutir, devant le conseil de Préfecture.

A la même époque, un nouveau soutien financier du concessionnaire est trouvé auprès d'une société parisienne.

Lors de la Fête du 14 juillet, la façade du Casino municipal, recouverte de drapeaux multicolores puis illuminée de verres colorés, suscite l'admiration de tous et donne un avant-goût du rôle de ce bâtiment dans les futures fêtes publiques, une fois en exploitation.

En août, une nouvelle activité est donnée au chantier, pour finaliser, d'une part, l'esplanade située au devant du Casino jusqu'à l'alignement sud des arcades de la place Masséna et pour réaliser, d'autre part, les décors intérieurs du Casino, en vue d'une ouverture au 1er janvier 1884, coïncidant avec les débuts de l'Exposition Internationale de Nice.

En septembre, une troupe de comédiens est recrutée à Paris par M. Moreau-Sainti, directeur du Théâtre du Casino municipal dont le comique Darthenay (l'été au Cercle d'Aix-les-Bains).

En octobre, la décoration intérieure du Casino avance bien, notamment dans la partie réservée au Cercle Masséna, située au premier étage. Fin novembre, les travaux de l'esplanade sont en cours d'achèvement. En décembre, c'est la mise en peinture de la façade, marquée par la chute, sans conséquence, d'un ouvrier.


1884


Les travaux prenant du retard, l'inauguration du Casino est cependant repoussée à la première puis à la deuxième quinzaine de janvier. 

A cette occasion, le Comité des Fêtes du Carnaval de Nice prévoit, dans les locaux du Casino, une séries de spectacles dont le produit sera destiné aux pauvres, secourus par le Bureau de Bienfaisance de Nice.

L'inauguration a lieu, en définitive, le lundi 4 février 1884, en matinée et en soirée, avec kermesse, deux concerts vocaux et instrumentaux donnés dans la salle du théâtre par le grand orchestre composé de 65 musiciens dirigés par le chef Olivieri, deux concerts de mandolinistes dans le jardin d'hiver (illuminé en soirée), un bal d'enfants dans l'un des grands salons, un spectacle des Pupazzi (marionnettes) avec Darthenay et un thé dansant en fin de soirée dans la salle du théâtre.

La saison théâtrale débute le lendemain avec une pièce de Georges Ohnet, Maître de Forges (créée tout récemment au Théâtre du Gymnase à Paris). 

Trois grandes redoutes (bals costumés) sont programmées en février et mars, pendant les fêtes du Carnaval et de la Mi-Carême. 

Quant au Cercle Masséna (jeux de Casino) dont l'ameublement a été confectionné par la maison Crieger de Paris, il va inaugurer ses nouveaux locaux le 25 février 1884, à l'occasion de son banquet annuel.

Les spectacles d'ouverture, comme les locaux du Casino sont très appréciés. La salle de spectacle (Opéra et Théâtre), de forme rectangulaire (25x18 m), est louée pour ses dispositions et est décrite comme "une véritable bonbonnière" aux couleurs harmonieuses.  Son plafond, peint à la fresque par le Niçois Costa (Père), représentant, Nice entourée des grâces, des plaisirs et des arts et chassant la calomnie (!), reçoit de nombreux éloges. La salle reste cependant glaciale, malgré le chauffage, et ses loges symétriques semblent poser problème aux spectateurs situés à l'arrière.

Le jardin d'hiver, accolé à la façade arrière du Casino, est lui aussi très apprécié. Il est enserré entre deux autres bâtiments symétriques d'un seul niveau (percés de baies semblables à celles du Casino) et couvert d'une halle métallique vitrée, divisée en trois nefs parallèles. Cette verrière allongée apparaît cependant trop basse, sa hauteur ayant été limitée par les servitudes imposées par les propriétaires du quai Saint-Jean-Baptiste.

Le jardin lui-même est constitué d'allées spacieuses serpentant autour de pelouses, plantées de fleurs et de palmiers et parsemées de statues. La base des poutres de fer qui soutiennent la toiture vitrée ont, à leur base, la forme et le décor de troncs d'arbres coupés d'où émergent des candélabres à cinq branches. Le cours d'un ruisseau, avec rochers, grotte et pont, complète le paysage. 



- Photographe anonyme, Nice, Casino, 1886,
vue plongeante nord-sud
tirage albuminé,
Stockholm, Tekniska museet 
(Musée national suédois pour les sciences et la technologie).




UN POINT SUR LES TRAVAUX


Remarques

Les journaux locaux ont peu suivi et peu décrit le chantier du couvrement du Paillon et de la construction du Casino. Les repères chronologiques précis restent peu nombreux, tant dans les périodes de pleine activité que dans les périodes de ralentissement et d'arrêt.

Suite à la chronique ci-dessus, il a donc semblé nécessaire de résumer, par emplacement (du nord au sud), la succession des réalisations effectuées sur près de trois ans.

Il s'avère que les travaux n'ont pas respecté l'ordre de marche stipulé dans le cahier des charges. Les chantiers ont bien été simultanés mais ils ont commencé par les travaux du Casino. Plus grave, certains projets n'ont pas été exécutés.


Résumé des travaux

- Les travaux préliminaires menés dans le lit du Paillon, à l'emplacement de la future plate-forme du Casino, ont débuté fin août 1880 mais semblent avoir été stoppés dès septembre et n'avoir repris qu'en mars 1881 (radier). 

- La construction de la plate-forme du Casino a été entamée, au plus tard, en mai ou juin 1881 et terminée en octobre ou novembre de la même année (entre 4 et 6 mois).

- Le bâtiment du Casino a ensuite été érigé sur cette plate-forme, entre novembre 1881 et novembre 1882 mais seul le gros œuvre a été réalisé dans cette période d'un an, alors qu'une durée de 13 mois avait été envisagée au départ pour son ouverture complète. Les façades n'ont été peintes qu'un an plus tard, entre novembre et décembre 1883.

Les décors intérieurs du Casino ne semblent avoir été entrepris qu'en avril ou mai 1883. Ils ont ensuite été ralentis ou stoppés pendant plusieurs semaines. Ils ont repris en juillet ou août 1883 et n'ont été terminés qu'en décembre 1883 ou janvier 1884 (avec l'ameublement) (environ 8 mois de travaux effectifs, ce qui semble très long).

Le jardin d'hiver semble (?) n'avoir été réalisé qu'à l'automne 1883 (verrière et plantations), n'étant cité pour la première fois qu'en décembre de cette année-là.

Le chantier global du Casino, comprenant le gros œuvre et les travaux intérieurs, a duré environ 20 mois, au lieu des 13 prévus.

- Le chantier du Pont-Neuf (démolition et remplacement) a commencé, pour sa part, fin juillet ou début août 1881 et a duré jusqu'à fin mai 1882 (9 mois environ). Cependant, les anciennes piles du Pont-Neuf, encore en place en décembre 1882, ont seulement été démolies dans une période qui peut être située entre septembre et novembre 1883.

- La couverture de la partie du Paillon située au sud du Pont-Neuf, a été commencée fin mai 1882 mais stoppée dès l'été. La reprise des travaux, envisagée fin novembre 1882, n'a pas eu lieu. 

Le chantier ne semble avoir repris qu'en août ou septembre 1883. Il a concerné la couverture de la grande partie du Paillon située entre le nouveau pont et la limite sud de la place Masséna mais également la petite partie située entre la plate-forme du Casino et le nouveau pont. L'aménagement de l'ensemble du revêtement a ensuite été entrepris, l'esplanade étant signalée en cours d'achèvement fin novembre 1883.

- Quant aux travaux de couverture du Paillon, du sud de l'esplanade jusqu'à l'embouchure (jardins, promenades et café), ils n'ont toujours pas été entamés au début de l'année 1884. Malgré cela, la municipalité a autorisé l'ouverture et l'exploitation du Casino.

Ces mêmes travaux n'ayant toujours pas été réalisés à l'approche de la date limite du 31 janvier 1885 (fixée par l'article 12 du traité), la déchéance de M. Lazard est votée par le Conseil municipal du 27 janvier 1885, alors que la Société du Casino Municipal de Nice est déclarée en faillite depuis le 10 du mois. Il s'ensuit une longue procédure judiciaire qui durera dix ans. Les travaux allant jusqu'à l'embouchure ne seront exécutés qu'entre 1892 et 1894.

- Le Casino, rénové puis transformé dans la première moitié du siècle suivant sera démoli en 1979, cédant la place à un jardin qui restituera la perspective des rives du Paillon.


- WILSON George Washington (1823-1893), Nice, Place Masséna, Casino Lazard, début 1889,
vue plongeante sud-ouest/nord-est, prise sur la place Masséna, 
depuis l'étage qui surmonte le Café de la Victoire,
Glass Magic Lantern Slide (diapositive colorisée de 10,5x8 cm) 15/111
 from "The Riviera series" or "The beauty spots of the Riviera series", 
York & Son, vers 1891, 
Collection personnelle.

L'esplanade du Casino, apparaît dans la continuité de la place Masséna, pourvue comme elle de deux lignes latérales de refuges (dont seule la ligne nord est visible dans l'image), portant en leur centre un grand réverbère. Le projet initial, de diviser l'esplanade en trois parties par deux lignes d'arbres et de fleurs, a donc été abandonné.




dimanche 8 septembre 2024

1357-NICE, LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL SUR LE PAILLON-2

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), La place Masséna, fin 1880 ou début 1881,
vue panoramique est-ouest, prise depuis la place Charles-Albert,
montrant le tout début des travaux de couverture du Paillon, 
avec les tas de moellons déposés près de l'entrée nord du Pont-Neuf,
tirage albuminé, Paris, BnF (Gallica).




NICE - LA CONSTRUCTION DU CASINO MUNICIPAL



LA CHRONOLOGIE DU CHANTIER


1881

Le 7 mars 1881, les ouvriers posent enfin des barrières pour empêcher la circulation sur une partie du boulevard du Pont-Neuf où l'on va placer les baraques des ouvriers et les matériaux destinés à la construction de la plate-forme du Paillon. 

Dans un autre quartier de la ville, la nuit du 24 mars 1881, un terrible incendie détruit le Théâtre Italien de la rue Saint-François-de-Paule lors d'une représentation et fait 63 victimes. C'est un choc et un deuil au retentissement international. Partout les règles de sécurité contre l'incendie vont être renforcées dans les salles de spectacle. À Nice, l'absence du Théâtre va rendre plus urgente encore l'ouverture de nouvelles salles de spectacles et de loisirs à destination des hivernants.

Début avril, les travaux préliminaires en vue de la couverture du Paillon commencent. 

En mai, une crue du Paillon balaye cependant une partie des fondations réalisées. Fin juin, c'est un orage de grêle qui oblige momentanément les ouvriers à stopper les travaux.


- Photographe anonyme, Nice, Travaux dans le lit du Paillon, printemps 1881, 
la vue nord-est/sud-ouest, prise depuis le boulevard du Pont-Vieux,
 montre également le Pont-Neuf et la place et le quai Masséna, 
tirage albuminé de 21x27 cm sur carton de 32x43,5 cm, 
distribué par J. Viale (19, avenue de la Gare), 
Nice, Archives Municipales, 3Fi 75-37.

Lors des travaux de la plate-forme du Casino, des traces de l'ancien gué sont retrouvées
 à 3 mètres de profondeur, avec de nombreuses monnaies dont quelques médailles romaines.



Début juillet 1881, les piliers en maçonnerie de la plate-forme du Casino sont commencés et deux d'entre eux sont déjà assez élevés. Chaque jour, un public nombreux observe, avec intérêt, la marche des travaux depuis le quai Saint-Jean-Baptiste et le Pont-Neuf (ce qui implique que le remplacement de ce dernier n'a pas commencé). 

Fin octobre, les travaux de la plate-forme se terminent. Le 19 novembre, la construction du Casino est entamée, avec le projet de son ouverture en décembre de l'année suivante.

Du fait des pluies de fin novembre, une violente crue du Paillon, gêne les travaux et détruit à nouveau certains travaux de terrassement qu'il faut refaire.

Début décembre, les travaux sont stoppés une demi-journée, du fait de la nouvelle du décès du père des entrepreneurs marseillais, les frères Rastoul.


1882

Au début de l'année 1882, les travaux du Casino sont poussés avec la plus grande activité et l'ouverture du lieu est toujours envisagée pour la fin d'année. 

On dit merveille de la future salle du théâtre du Casino qui contiendra environ un millier de places dont 34 loges. Les représentations seront consacrées, trois jours par semaine, à de l'opéra italien et, trois jours par semaine, à de la comédie.

L'administrateur général du futur Casino Lazard, est M. le comte d'Adhémar. Le directeur du Casino est M. Dupressoir, ancien directeur des Casinos de Bade et de Fontarabie.

En février 1882, une Société parisienne anonyme au capital de 2 millions de francs est formée, avec Pierre-Sénateur Milon comme administrateur délégué, pour l'exploitation pendant 18 ans, du restaurant, café, buffet-bar et Cercle qui seront situés dans les locaux du Casino.

Le vingt-un mars 1882, à 10 heures du matin, est organisée, a posteriori, une cérémonie célébrant le début des travaux du Casino. Dans la huitième assise en pierre de taille tendre, à l'angle du boulevard du Pont-Neuf, est déposé un tube en faïence de forme cylindrique, contenant une médaille en argent portant sur l'une des faces les armes de la ville de Nice, et sur l'autre côté, l'inscription, Casino municipal de la ville de Nice, et un parchemin dont la teneur est la suivante :

"Cette pierre, formant la première assise du Casino municipal, a été posée le dix-neuf novembre mille huit cent quatre-vingt-un, sous l'édilité de M. Alfred Borriglione, député, chevalier de la Légion d'honneur.

Ce monument a été conçu et exécuté par M. O. Lazard, architecte, chevalier de la Légion d'Honneur, par les soins de la Société anonyme du Casino municipal de la ville de Nice, étant administrateurs : MM. le comte de Tocqueville, président ; de Puymory, vice-président ; le baron de Clamecy, chevalier de la Légion d'honneur, secrétaire ; le comte d'Adhémar de Hausac, chevalier de la Légion d'honneur ; le marquis de la Bigne ; le baron de Castillon : le docteur de Montfamat ;  Henri de Lamonta, banquier de la Société ; Brun, architecte du contrôle ; Diendé-Defly, ingénieur, chargée de la couverture ; Rastoul frères, entrepreneurs do maçonnerie".


Plan de la ville de Nice, 1882,
détail des rives du Paillon, depuis le Pont-Vieux jusqu'à l'embouchure,
plan dressé par François Aune, édité à Nice par Visconti,
Paris, BnF (Gallica).

Ce plan a été édité en mars 1882 (Le Phare du Littoral du 13 mars 1882).
A cette date, le Casino municipal est en cours de construction et le Pont-Neuf (encore représenté) est en cours de remplacement mais la couverture du Paillon entre le Pont-Neuf 
et l'embouchure, à destination de jardins et promenades, n'en est encore qu'au stade de projet. 
Le Casino de la Jetée-Promenade en bord de mer est, lui aussi, en cours de construction.
 


En avril et mai 1882, on procède à la formation de l'orchestre du futur Casino (soixante musiciens pour la saison d'hiver et trente pour la saison d'été). Un premier examen des candidatures a lieu le 28 avril par le chef parisien Lamoureux, en présence de M. le comte d'Adhémar et de M. Dupressoir, dans l'un des salons du Grand-Hôtel. et une deuxième session de recrutement est organisée fin mai.

Dès fin mai, on circule sur le nouveau pont construit sur le Paillon par les entrepreneurs du Casino, entre les places Masséna et Charles-Albert. On a enlevé le parapet qui, du côté de la place Masséna, en défendait l'accès (ce qui implique une plus grande largeur du nouveau pont). Les trottoirs du pont en ciment Vicat sont en cours d'achèvement. La chaussée sera ensuite nivelée et on travaillera à établir le sol en bêton en aval de ce pont.

En mai et juin, le Tribunal de Commerce de Nice, consacre plusieurs audiences à l'examen d'une affaire importante entre la Métallurgique, Société anonyme belge qui a fourni les fers et fontes du Casino Municipal de la ville de Nice, et M. Lazard, auteur du projet qui porte son nom et entrepreneur général des travaux pour le compte de la Société qu'il a formée et dont il est le principal actionnaire.

Le Métallurgique réclame les 500,000 francs qui lui sont dus pour les ferronneries et explicite les retards des livraisons par les rectifications tardives des plans par M. Lazard et l'impossibilité de la pose par les retards apportés dans l'exécution des maçonneries. Pour appuyer ses affirmations, la Métallurgique produit des vues photographiques des travaux, prises successivement à des époques diverses. Proposition est faite de déposer la somme réclamée par la Métallurgique et d'ajourner le procès à la fin des travaux (la suite de l'affaire n'est pas connue).

La recherche de financements auprès de sociétés parisiennes par le concessionnaire du Casino et son équipe est constante.

En juillet 1882 les problèmes de chantier se multiplient. En début de mois, une fuite d'eau se déclare, de nuit, dans les tuyaux récemment posés sous le nouveau pont. L'eau apparaît au-dessus de la première culée près la place Masséna, du côté de la mer, et jaillit avec violence dans le Paillon, par un trou énorme. Les trottoirs cimentés du pont sont soulevés par la force de l'eau et seront à refaire. L'eau déborde ensuite sur la chaussée où la circulation est interdite, le temps nécessaire à l'intervention.

Le 31 juillet, lors du travail de démolition du Pont-Neuf, l'arche de pierre la plus proche de la place Masséna s'affaisse lourdement des deux côtés, suite à l'enlèvement de sa clé de voûte. La charpente de soutènement émet longuement des craquements puis s'écroule d'un coup avec une partie du pont. Heureusement, cette chute ne fait pas de victime et n'entraîne pas la machine à vapeur destinée à enlever les matériaux. Le déblaiement nécessaire va entraîner du retard et des frais.

En juillet, on travaille, également au toit incliné du Casino et à sa couverture d'ardoises noires. Certains habitants dénoncent dès lors la laideur du bâtiment, le jugent massif et difforme et le comparent à une "grange à fourrage" ou à une "gare". D'autres, affluent cependant pour l'admirer.

L'administration du futur Casino municipal de Nice signe en juillet un traité avec MM. Léonce Détroyat et Armand Silvestre pour faire représenter sur la scène du Casino un opéra inédit en trois actes, au mois de janvier 1883.

M. le comte d'Adhémar est officiellement nommé administrateur général du Casino municipal de Nice et M. Ch. Meuhot, ancien secrétaire du Cercle de la Méditerranée, est nommé secrétaire général. M. Moreau-Sainti, ancien directeur des Folies Dramatiques de Paris, est nommé directeur du Théâtre du Casino Municipal. M. Dupressoir ne fait plus partie de l'équipe car il occupe, depuis le début du mois de mai, le poste prestigieux de directeur général de la Société des Bains de Mer de Monaco.

Début août, un ouvrier du chantier, tombe malheureusement dans le lit du Paillon et se fait de graves blessures.

Les travaux, qui ont avancé très lentement ces mois d'été, sont ensuite stoppés, faute d'argent. 

Les propos des opposants au projet sont virulents et l'intégrité du maire Alfred Borriglione est même mise en cause. Ce dernier répond à ces accusations dans une lettre datée du 28 octobre 1882, adressée à la presse et publiée le lendemain :

"On a osé insinuer que j'étais personnellement intéressé dans l'affaire du Casino, et c'est par là qu'on a entendu expliquer le zèle que j'ai déployé pour la réalisation de cette œuvre (...). En moins d'une année, nous avons pour plus de deux millions six cent mille francs de travaux exécutés (...). 

Qu'on le sache bien, la Ville n'a pas dépensé un centime jusqu'à ce jour pour cette entreprise, et elle ne délivrera la subvention à laquelle elle s'est engagée, que le jour où les travaux, complètement terminés, lui auront été livrés aux conditions prévues par le cahier des charges (...), soit le 1er [non, le 31] janvier 1884 (...). Un délai supplémentaire d'une année a été prévu pour la livraison des travaux, mais à la condition que cette année nouvelle soit retranchée de la durée entière de la concession, alors réduite à 79 ans.

La Société a encore devant elle plus de deux années (...). La Ville n'a le droit d'exercer sur elle aucune action pendant ce laps de temps. Elle attend avec confiance la reprise et l'achèvement des travaux".

Les travaux reprennent en effet. Des tranchées sont creusées pour recevoir les conduites de gaz destinées à éclairer le nouveau pont. 

Dans les derniers jours du mois d'octobre, les pluies importantes entraînent une crue furieuse du Paillon, avec des vagues qui fouettent le bâtiment du Casino et menacent le nouveau pont où la circulation est interdite toute une nuit. Les constructions résistent bien  cependant.

Mi-novembre, le chef Vianesi (du Théâtre londonien du quartier de Covent Garden), engagé pour diriger l'orchestre du Casino, puis le comte d'Adhémar, administrateur délégué du Casino, arrivent à Nice. L'ouverture prévue du Casino au 15 décembre est intenable et les troupes engagées pour les premiers spectacles lyriques et ceux de comédie vont poser problème, d'autant que l'argent manque toujours. 

Le comte d'Adhémar, qui a engagé des négociations avec la maison parisienne A. Goudchaux et L. Sée et s'occupe très activement de la formation d'une nouvelle société financière, affirme cependant que les travaux vont être repris avec une telle activité que les travaux intérieurs seront menés à bien pour une ouverture courant janvier.

Le 18 novembre, le gros œuvre du Casino s'achève, précisément un an après sa date de mise en chantier, avec la fin de la toitureDes drapeaux couronnent alors la cime du monument et un feu d'artifice est tiré par les ouvriers. 

C'est toute la partie du Paillon qui se trouve au-devant du Casino qui doit maintenant être couverte.

Dans les derniers jours de novembre, les négociations du comte d'Adhémar avec la maison A. Goudchaux et L. Sée n'ayant malheureusement pas abouti, les travaux sont à nouveau stoppés. L'esplanade et les quais restent encombrés en pleine saison d'hiver.

Dès le mois de décembre, une pétition circule contre le Casino et réclame la déchéance de M. Lazard (impossible à cette date). 


À SUIVRE