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1- GIROUX André (1801-1879), Paysage de l'Aveyron, vers 1855, tirage albuminé (d'après négatif verre au collodion) de 27x35,5 cm, sur support de 36x44,4 cm,
Los Angeles, J.P. Getty Museum, 84.XP.776.10.
PHOTOGRAPHES AMBULANTS ET VOYAGEURS EN AVEYRON (1840-1860)
INTRODUCTION
Cette étude est essentiellement basée sur le dépouillement de la presse aveyronnaise ancienne (voir notamment les journaux suivants sur Gallica et sur le site des Archives Départementales de l'Aveyron : le Journal de l'Aveyron [1796-1944] ; le Bulletin d'Espalion [1838-1945] ; Le Narrateur [1841-1848 puis 1882-1944] ; le Journal de Villefranche [1848-1882]).
Les différents journaux conservés et numérisés constituent une documentation conséquente mais ne permettent pas de donner une vision globale de la question. En effet, ils laissent dans l'ombre certaines années et ne rendent compte ni de l'activité photographique de la ville de Milhau [Millau] ni de celle des villages.
Si la presse aveyronnaise ne cite jamais les termes de "photographe ambulant" (ou "itinérant") dans la période concernée, la presse nationale les utilise pour sa part dès le milieu des années 1850, définissant ce professionnel comme un artiste de seconde zone qui travaille sur la voie publique à bas prix. Elle en décrit également deux types principaux :
- celui des villes, qui dresse sa tente les jours de fête et de foire sur les grandes places au milieu des badauds et des forains ou bien s'installe dans une baraque en planches construite dans des lieux fréquentés (et n'a plus d'ambulant que le nom) ;
- celui des champs, qui parcourt à pied, les routes et chemins de province, courbé sur un bâton et portant la lourde caisse de son matériel sur le dos, allant de village en village et photographiant les paysans et leurs bêtes.
Il y a, bien entendu, des types intermédiaires : "On va aussi en ville et à la campagne", écrit un photographe dans une petite annonce parue en juin 1844 à Albi (Tarn). Il faut cependant différencier "le photographe ambulant portraitiste" du "photographe voyageur paysagiste", en quête de sites et de monuments (voire de costumes et de types ethniques), qui sillonne les routes de France et d'Europe avec son "atelier ambulant" installé dans une voiture attelée ou prend la mer pour des destinations lointaines.
Le plus souvent parisiens, ces premiers "photographes voyageurs" sont détenteurs d'un atelier sédentaire où ils réalisent des portraits et où ils expérimentent de nouveaux procédés de préparation des plaques daguerriennes afin d'améliorer la qualité des épreuves.
LES ANNÉES 1840
Les annonces
En juillet 1839, les journaux aveyronnais répercutent la nouvelle du vote de la loi relative à l'invention de MM. Daguerre et Niepce. Dès octobre 1839, les appareils complets sont en vente au prix de 350 francs, chez les ingénieurs-opticiens Bianchi père et fils, dans leurs maisons de Toulouse et de Paris.
En mars 1842, les appareils, désormais moins volumineux et moins chers, sont en vente chez M. Giovanni Antonio Fontana, marchand bijoutier, quincaillier et opticien, place du Bourg à Rodez :
"Les Daguerréotypes perfectionnés sont établis sur trois dimensions différentes: leur volume n'excède pas celui d'une boîte que l'on peut aisément porter à la main, et le poids, suivant le numéro du modèle, n'est que de 3 kilogr. 1/2 à 12 kilogr. au plus.
Ces appareils se vendent (...) avec l'instruction de M. Daguerre indiquant la méthode à suivre pour faire les portraits. Ils sont garantis et munis de tout ce qui est nécessaire pour faire des épreuves" (Journal de l'Aveyron du 2 mars 1842).
Dans les années 1840, les photographes qui officient dans le département de l'Aveyron semblent majoritairement des artistes ambulants qui réalisent des "Portraits au Daguerréotype". Leur nombre, leur provenance, la durée de leur séjour, la périodicité de leurs passages et leurs parcours restent en partie méconnus (circuits départementaux, régionaux, nationaux voire internationaux - Comté de Nice, Duché de Savoie ou Espagne notamment - ?).
La presse locale révèle parfois la présence de ces photographes "de passage" au travers de petites annonces de quelques lignes et de plus rares articles publicitaires mais ne livre qu'une partie des réponses, la courte présence d'un photographe dans un village ne nécessitant pas le recours à la parution d'une annonce.
Cependant, même à Rodez, Espalion et Villefranche d'Aveyron, le recours à l'annonce ne semble pas systématique, soit parce que certains photographes se contentent d'une exposition de portraits en centre ville et d'un affichage renvoyant à l'adresse de leur local temporaire, soit parce qu'ils officient directement sur la voie publique, ne laissant, dans les deux cas, aucune trace écrite de leur passage.
Les annonces ne précisent pas le prénom, voire le nom du photographe et empêchent le plus souvent d'identifier la personne et de découvrir sa vie et sa carrière (lieu de naissance, âge, situation familiale, métiers exercés). Voyage-t-il seul ou accompagné d'un assistant (préparateur des plaques), de sa femme, voire de ses enfants ?
Les photographes
Entre 1840 et 1850, les journaux ne citent que 7 photographes (pour un total de 10 passages). Le premier d'entre eux est signalé en 1842, à une date proche de celles des premiers passages de photographes ambulants dans les départements du Gard, du Tarn et de la Haute-Garonne.
Cependant, les différents photographes répertoriés en Aveyron ne sont répartis que sur quatre années seulement (1842, 1844, 1845, 1846), ce qui interroge.
La ville de Rodez, chef-lieu du département (env. 9,500 hab.) semble recevoir 5 photographes, avec 6 passages répartis sur 4 ans. À titre de comparaison et selon les journaux de la même décennie, la ville d'Albi (Tarn, env. 14,000 hab.) reçoit 4 photographes, avec 4 passages répartis sur trois ans, et la ville de Toulouse (Haute-Garonne, env. 85,000 hab.) reçoit 12 photographes (parfois associés par deux), avec 10 passages sur 5 ans. Dans les trois villes, les passages apparaissent irréguliers et très peu nombreux.
Seule la ville de Toulouse bénéficie d'un atelier sédentaire ouvert dès le début des années 1840, les nouvelles installations n'ayant lieu qu'à partir des toutes dernières années de la décennie et également dans cette ville.
RODEZ (préfecture, env. 9,200 hab. en 1840 et 10,000 hab. en 1850) :
- M. Médaille, dentiste-mécanicien et portraitiste, en mars-avril 1842 (Image 2).
- "un artiste" dont le nom n'est pas précisé, en août-septembre 1842.
- M. Bisson, en septembre 1844.
- M. Serres, en octobre-novembre 1844.
- M. B. Senec, en août 1845 (Image 4).
- M. Serres, en mai-juin 1846 (Image 5).
ESPALION (env. 3,500 hab. en 1840 et 4,000 hab. en 1850) :
- M. Rameye en août 1844 (Image 3).
- M. Serres en janvier-février 1846.
VILLEFRANCHE D'AVEYRON [Villefranche-de-Rouergue] (env. 9,500 hab. en 1840 et 9,600 hab. en 1850) :
- M. Serres, de fin janvier à début mars 1845.
- M. Serres, en octobre-novembre 1846.
Quatre de ces photographes se disent parisiens, M. Médaille, M. Senec, M. Bisson et enfin l'artiste dont le nom n'est pas précisé. Les différentes annonces de M. Serres et de M. Rameye (formé à Paris) ne citent pas leur ville d'origine.
- "M. Médaille de Paris (...) a joint la science du Daguerréotype à son art de dentiste" et est "domicilié actuellement à Albi" (Image 2).
Il a peut-être vécu à Paris où il a été formé en tant que dentiste ("élève de Regnard et de Maury") et portraitiste mais il se prénomme Louis et est né à Albi, le 31 janvier 1803. Il est marié et notamment signalé à Albi en juin et juillet 1839 mais uniquement en tant que dentiste-mécanicien. C'est à ce seul titre qu'il est déjà venu à Rodez en novembre 1840 et en mars 1841 et qu'il y reviendra en juin et novembre 1842 puis en mars 1843.
On pourrait en déduire qu'il n'a pratiqué son activité de portraitiste que peu de temps mais dans une petite annonce, parue dans le Journal du Tarn en août 1843, il propose "tous les jours" les portraits au Daguerréotype dans son cabinet albigeois.
Il quitte Albi en décembre 1843 pour s'installer à Castres (Tarn). Veuf, il est ensuite signalé en 1845 à Bastia (Haute-Corse) où il se remarie en novembre 1846, puis à Grenoble où son fils naît en octobre 1847 et où il est encore présent en 1852. Son activité de portraitiste n'est cependant plus attestée dans ces différentes localités.
- Un seul des photographes cités est répertorié et connu : M. Louis Auguste Bisson (Paris 21 avril 1814-Paris 11 mai 1876) dont l'atelier familial est situé à Paris, rue Saint-Germain-l'Auxerrois, 65. Il a présenté aux printemps 1843 et 1844, des épreuves daguerriennes aux Expositions des produits de l'Industrie française.
Le Catalogue de l'Exposition de 1843 précise que M. Bisson "obtient des portraits au daguerréotype à l'aide de nouveaux perfectionnements qui ont été présentés par lui successivement à l'Académie des sciences (Institut de France). Ses épreuves se distinguent par la vigueur de la teinte, par l'atténuation du miroitage et par la promptitude de la pose, qui permet de saisir immédiatement l'expression de la physionomie".
Louis Auguste Bisson n'est pas un photographe ambulant mais un photographe voyageur. Si, en septembre 1844, il "a déjà exécuté avec bonheur quelques portraits et se propose d'en faire quelques autres dans le court séjour qu'il doit faire à Rodez", la raison principale de sa venue est "qu'il s'occupe à recueillir des épreuves daguerriennes des principaux monumens et des sites les plus pittoresques de notre Rouergue pour un des grands ouvrages illustrés en cours de publication".
- En 1845, deux autres photographes voyageurs, parisiens et associés, Charles Isidore Choiselat (Paris 13 février 1815- Paris 20 décembre 1858) et Stanislas Ratel (Paris 20 mars 1824-Saint-Hilaire-le-Châtel, Orne 30 août 1904), font une excursion dans le Sud de la France et réalisent des vues (notamment des panoramas formés de plusieurs daguerréotypes accolés) de sites de la Drôme (en août), du Gard, de l'Hérault (en septembre), des Bouches-du-Rhône, du Var, des Alpes-Maritimes mais également de l'Aveyron.
Deux vues de leurs paysages aveyronnais sont connues (plaques de 16,3x21,5 cm) : La cathédrale de Rodez et Vue des installations de l'usine sidérurgique de Decazeville (Montréal, Canadian Centre for Architecture).
2- Annonce de M. Médaille, dentiste-mécanicien et photographe ambulant,
parue dans le Journal de l'Aveyron du 30 mars 1842,
(Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).
Les itinéraires
La plupart des photographes ambulants ne sont cités qu'à l'occasion d'un seul passage en dix ans, effectué sur une seule ville de l'Aveyron ; de surcroît, ils ne sont pas signalés dans les départements voisins, ce qui confirme le fait que nous ne pouvons avoir aujourd'hui qu'une vision tronquée de leur activité passée, même s'il est concevable que des artistes parisiens aient pu limiter la durée de leur séjour dans le Midi.
- M. Médaille "de Paris", vient d'Albi où il est signalé comme dentiste-mécanicien dès juin 1839 (place Lapérouse, maison Moulèné), pour séjourner à Rodez à la fin du mois de mars 1842 (Image 2).
- Le photographe parisien anonyme, arrive de Marseille pour séjourner à Rodez en août 1842.
- M. Rameye, qui se dit breveté et élève des meilleurs maîtres de Paris, M. Daguerre, M. Chevalier (Daguerréotype à verres combinés) et M. Lecchi (procédés couleurs), est le seul photographe dont les documents permettent de suivre, au milieu des années 1840, ses déplacements dans les départements situés au sud de l'Auvergne.
Il est probable que ce soit lui qui est cité, lors d'un don antérieur à 1845, de "deux vues daguerréotypées" au Museum Calvet d'Avignon, et que le Vaucluse soit son département de naissance. Ces vues, si elles sont bien de lui, révèlent également son talent de paysagiste.
M. Rameye est signalé à Lodève (Hérault) en septembre 1843, à Montpellier (Hérault) en octobre 1843 puis à Nîmes (Gard) en mars-avril 1844. Il opère ensuite début août 1844 à Espalion (Aveyron) (Image 3) puis mi-août à Albi (Tarn). Il alterne des séjours plus ou moins longs et formule des offres différentes selon les localités, notamment la reproduction d'œuvres d'art et la réalisation de "Portraits après Décès" à Montpellier (dans cette dernière ville, il se réjouit d'avoir réalisé en un mois et demi plus de 200 portraits, ce qui représente un petit nombre de daguerréotypes par jour).
- M. Serres est pour sa part le seul photographe à être cité trois années de suite (1844-46), en alternance dans les villes de Rodez, Villefranche et Espalion. En 1846, il enchaîne Espalion en janvier-février puis Rodez en mai-juin et Villefranche en octobre-novembre, ce qui interroge sur la durée de sa présence dans le département, sur son activité entre ces trois villes et sur sa localité d'origine.
3- Annonce de M. Rameye parue dans le Bulletin d'Espalion du 17 août 1844
(Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).
Les séjours
Les séjours semblent se dérouler toute l'année (moins souvent l'hiver) et durer entre une et cinq semaines selon la population de la localité. Les petites annonces ne paraissent qu'après l'arrivée des photographes, souvent à deux ou trois reprises pour les séjours les plus longs, avec un texte légèrement modifié.
Les photographes transportent avec eux leur matériel, chambre noire et pied, châssis et plaques, substances chimiques et cuvettes, drap et cadres mais les annonces ne fournissent aucun renseignement concernant le mode de transport adopté.
Ils exposent généralement leurs portraits dans la devanture d'un commerce (Café de la Paix à Rodez ; Café de l'Europe à Espalion), ainsi que dans leur local temporaire.
Ils s'installent :
- dans un appartement ou le local d'un commerçant, en rez-de-chaussée ou en étage (à Rodez, maison Bertrand, place de la Cité ; maison Mme Bousquet, place de la Magdeleine ; maison Albouy, rue de la Paix ; à Espalion, maison Bousquet, anciennement Café de Paris : à Villefranche d'Aveyron, maison Miquel, au bout de la promenade St-Jean),
- dans un hôtel (à Espalion, Hôtel des demoiselles Aygalenc)
- dans un bâtiment accosté d'un jardin (à Rodez, jardin de la maison de Melle Richard, place d'Armes, où plusieurs d'entre eux se succèdent).
Leurs horaires d'ouverture sont généralement de 8 ou 9h du matin à 4 ou 5h de l'après-midi, avec une coupure située entre 10 et 12h ou 12 et 14h.
4- Annonce de M. Senec parue dans le Journal de l'Aveyron du 17 août 1845
(Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).
Les offres
Les six photographes évoqués garantissent tous un temps de pose rapide de quelques secondes (avec un temps compris, selon la lumière, entre 1 et 60 secondes et souvent annoncé entre 5 et 20 secondes), le choix entre plusieurs dimensions de plaques et d'encadrements (cadres vernis, broches, médaillons, tabatières) et surtout une ressemblance parfaite, avec un portrait net et détaillé.
En 1842, M. Médaille se recommande du "nouveau procédé de M. Fizeau pour fixer les images photographiques" (au chlorure d'or) et offre jusqu'à "six images reproduites sur la même plaque".
Au milieu des années 1840, M. Serres propose de se rendre, sur demande, au domicile des personnes, à condition qu'il puisse y disposer "d'un jardin ou d'une cour" et s'engage, quel que soit le lieu, à "renouveler le portrait jusqu'à l'obtention d'un parfait résultat".
Dès 1844, trois des photographes proposent également des "daguerréotypes coloriés selon le procédé Lecchi, breveté du Roi" qui "donne vie et relief aux images". Stefano Lecchi, peintre et assistant de Daguerre, a mis au point, au début de l'année 1842, divers procédés pour colorer à l'aquarelle les daguerréotypes, en a testé ensuite le succès dans le Sud de la France (Marseille et Aix-en-Provence [Bouches-du-Rhône], Avignon et Apt [Vaucluse]) et en a déposé les brevets, les 1er octobre et 19 novembre 1842.
Trois des photographes ambulants proposent également des appareils à la vente et des leçons de photographie, voire "de coloris".
Les prix des daguerréotypes varient de 6 à 20 francs mais sont difficiles à comparer, les dates et les procédés étant différents, les dimensions non précisées, les portraits en noir ou en couleurs, parfois même livrés encadrés. Plus globalement, une baisse des tarifs semble intervenir entre 1842 et 1846.
5- Annonce de M. Serres parue dans le Journal de l'Aveyron du 27 mai 1846
(Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).
LES ANNÉES 1850
Entre 1850 et 1860, seuls cinq photographes sont cités dans la presse aveyronnaise, répartis uniquement sur cinq années (1851, 1854, 1857, 1858, 1859).
RODEZ (préfecture, env. 10,000 hab. en 1850 et 13,500 hab. en 1860) :
- Un photographe (sans précision de nom) propose des "Portraits au Daguerréotype par le procédé américain", en septembre 1851 (4 petites annonces parues en deux semaines). Il séjourne dans un appartement au 2ème étage de la maison Rudelle père, située promenade et place Sainte-Catherine. Le procédé américain ou méthode W. Thompson consiste en un polissage particulier des plaques et en l'utilisation d'une substance accélératrice différente.
- M. Jean Joseph Ducros (Naves [Calmont], Aveyron] le 31 mars 1823-Rodez 1er avril 1902), professeur de musique, chef d'orchestre et de chœur à Rodez, formé au daguerréotype à Paris, se propose, en avril 1858, de sillonner le département pour en capturer les vues des sites et des monuments. L'été 1858, il ouvre une souscription, pour une collection globale de 85 vues (dont 80 de 18x24 cm) au prix de 60 francs et obtient le patronage de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron.
À la même époque, le parquet du tribunal de Rodez fait appel à lui pour photographier un prévenu suspecté de meurtre et parvient à l'identifier grâce à la diffusion du portrait. Cette nouvelle diffusée dans le Journal de l'Aveyron des 25 et 29 septembre 1858, est ensuite relayée par le journal La Lumière du 2 octobre (Image 6).
6- Entrefilet paru dans La Lumière du 2 octobre 1858,
Paris, BnF (Gallica).
ESPALION (env. 4,000 hab. en 1840 et 4,200 en 1860) :
- M. Bessière, en août 1854, loge chez le chapelier Gilhodes et propose des Portraits au Daguerréotype de 5,50 à 20 francs.
SAINT-GENIEZ-DE-RIVEDOLT [Saint-Geniez-d'Olt-et-d'Aubrac] (env. 3,500 hab. en 1860) :
- "M. Ducros, photographe" (premier emploi du terme en Aveyron) est cité en juillet 1859 lors d'un don en faveur des militaires de la guerre d'Italie, sans qu'il soit possible de savoir si c'est le professeur de musique de Rodez ou un homonyme.
VILLEFRANCHE D'AVEYRON (env. 9,600 hab. en 1850 et 10,500 hab. en 1860) :
- M. Serres, dont un encart du Journal de Villefranche du 6 juin 1857 vante le talent de portraitiste est, à cette date, de retour en ville depuis quelques jours (sans précision de l'adresse de son local) :
"Nous l'avions déjà vu à Villefranche (...). Disons-le, M. Serres n'est pas le seul photographe qui soit venu nous voir mais le seul qui ait réussi" (ces extraits évoquent des séjours qui nous restent en partie inconnus).
M. Serres, est-il précisé ensuite, a délaissé la plaque métallique du daguerréotype et ses miroitements pour le négatif et le tirage papier reproductible en série à très-bas prix, offrant désormais une ressemblance parfaite, embellie par ses talents de coloriste (Image 7).
Il est à noter que M. Serres est le seul photographe ambulant des années 1850 déjà cité dans la décennie précédente (1844-1846) mais qu'il n'est jamais signalé dans le département entre 1846 et 1857.
7- Annonce de l'arrivée de M. Serres, parue dans le Journal de Villefranche du 6 juin 1857
(Gallica et site des Archives Départementales de l'Aveyron).
Au milieu des années 1850, le peintre et photographe parisien André Giroux (Paris 30 avril 1801-Paris 18 novembre 1879), rue Cadet 9, effectue pour sa part des excursions dans le Sud-Est de la France pour en capturer les sites, notamment en Lozère et Aveyron.
Il présente ces vues des années 1850 à la Deuxième (1857) puis la Onzième Exposition de la Société Française de Photographie (1870), avec à chaque fois 2 ou 3 vues aveyronnaises dont l'une voit son titre précisé, Vue prise à Peyrelau (Aveyron) (Exposition de 1857).
Trois vues aveyronnaises de grand format sur papier (tirages albuminés d'environ 27x37 cm, d'après négatif sur verre au collodion), datant vers 1855, sont conservées : Vue de Peyrelau (Aveyron) (Collection privée), Pont de Peyrelau (Aveyron) et Paysage d'Aveyron (Image 1) (Los Angeles, J.P. Getty Museum).
ÉPILOGUE
L'invention de Daguerre a changé la vie de ces hommes. Pour la plupart déjà investis dans une carrière professionnelle, ils se sont formés à la photographie, ont acquis un appareil et se sont consacrés à leur passion. Certains ont ajouté à leur premier métier (parfois déjà ambulant) cette nouvelle activité professionnelle puis se sont lancés sur les routes, vivant au rythme de leur métier de portraitiste ou de paysagiste et s'adaptant à l'évolution des techniques.
Certains ont gardé un domicile fixe, voire un atelier, voyageant une partie de l'année mais d'autres ont coupé toute attache, vivant de ville en ville, seuls ou accompagnés, en tant que photographes ambulants [un peu comme les Digital nomades d'aujourd'hui], mais il est vrai qu'à cette époque de nombreux métiers sont ambulants
L'étude parallèle de la vie et de la carrière de photographes ambulants d'autres départements permet de savoir que certains mèneront cette activité itinérante une grande partie de leur vie et d'autres, quelques années seulement. Certains reviendront à leur métier d'origine ou changeront de profession mais d'autres ouvriront un atelier de photographie sédentaire, tout en continuant parfois une pratique ambulante ou en alternant avec une ou plusieurs succursales.
Les noms des sept photographes étudiés en Aveyron ne sont cependant plus cités par la suite (changement de profession, retraite, décès). Aucun ne semble avoir continué cette activité itinérante ou même sédentaire, que ce soit dans ce département ou sur l'ensemble du territoire français, tout du moins, aucun document connu n'en rend compte.
Il ne semble rien subsister de leur activité de portraitiste, les rares épreuves aveyronnaises conservées des années 1840-1860 étant essentiellement des paysages urbains et naturels qui ont été réalisés par les photographes voyageurs cités ou par le seul photographe fixé dans le département à la fin des années 1850.
Dans les années 1860, seuls deux passages de photographes ambulants vont être signalés en Aveyron (en 1862) mais, en revanche, une douzaine d'ateliers sédentaires vont s'y ouvrir, répartis sur sept villes et villages du département.