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dimanche 27 août 2023

1310-NICE, HISTOIRE ET REPRÉSENTATIONS DU JARDIN PUBLIC-5


 SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


VOIR LA PREMIÈRE PARTIE DE CET ARTICLE


DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 18/05/2024



NICE - LE JARDIN PUBLIC SOUS LE SECOND EMPIRE



UN JARDIN DE PLAN TRIANGULAIRE


Les années 1860-1863

Suite à l'Annexion française du Comté de Nice en juin 1860, Napoléon III vient à Nice les 12 et 13 septembre 1860 et s'engage à soutenir les projets de la ville, notamment ceux du chemin de fer et du Pont de l'Embouchure. Ces derniers vont transformer le quartier du Jardin Public.

A partir de 1860, la dénomination de "Jardin des Plantes" va progressivement disparaître au profit de celle de "Jardin Public" et les estampes et photographies vont de plus en plus délaisser la partie nord du Jardin comprenant le bassin, pour se concentrer sur la partie sud montrant l'estrade de la musique et le Palmier de l'Annexion.

Le Jardin conserve sa forme triangulaire et continue de recevoir de nouvelles plantations. Quinze bouches d'arrosage sont installées au printemps 1861 (Revue de Nice du 1er juin 1861 p 16).

Les guides de voyage vantent régulièrement les fleurs (rosiers surtout) et les plantes variées et exotiques du Jardin mais jugent ce dernier trop petit pour accueillir la foule des concerts. L’estrade qui accueille l’orchestre militaire est agrandie suite à la décision du Conseil municipal du 10 mai 1861 (AM, 1D1-1, f. 86v).

Un nouveau projet d'élargissement et d'embellissement de la Promenade des Anglais, envisagé dès juin 1860, est mis en œuvre au printemps 1861. Les travaux commencent le 31 mai 1861 mais avancent avec lenteur (Le Messager de Nice des 8, 23, 24 mai et 1er juin 1861). 

En septembre 1861, la chaussée est terminée. En octobre, le trottoir nord est en cours d'aménagement (Le Messager de Nice des 2 et 25 octobre 1861). En décembre, les travaux sont poussés avec davantage d'activité. 

En février 1862, la chaussée piétonne du bord de mer est livrée au public et les plantations sont très avancées (Le Messager de Nice des 2 et 17 février 1862). En avril 1862, la promenade des Anglais est garnie de bancs en bois, et en juin, de tuyaux de gaz puis de réverbères (Le Messager de Nice du 14 juin 1862). 

La Promenade fait désormais 26, 30 m de large. La chaussée, surélevée de 3 m au-dessus du niveau de la mer est formée d’une double voie plantée au centre et au sud d’arbres et d’arbustes. La voie qui longe les propriétés fait 11 m de large, est destinée aux voitures et aux cavaliers et est bordée d’un trottoir en mosaïque de 3 m de large. La voie qui longe la mer fait pour sa part 12 m de large et est réservée aux promeneurs avec ses 25 bancs.

Sur la rive gauche du Paillon, dès fin janvier 1863, une partie des plantations de la place des Phocéens cède la place à la construction du long et bas bâtiment de 1.000 m2 de la gare provisoire de Nice (Le Messager de Nice entre janvier et avril 1863 ; Journal des Chemins de Fer du 18 avril 1863 p 132). 

Cette gare est achevée le 10 avril 1863, afin de conduire en omnibus les premiers voyageurs de chemin de fer, à la gare de Vence-Cagnes (la ligne Cagnes-Nice ne sera ouverte que le 18 octobre 1864).


22- ANDRIEU Jean (1816-?), Nice, Le Jardin Public, printemps 1863,
vues stéréoscopiques ouest-est, prises depuis l'étage d'un bâtiment de la place,
deux tirages albuminés de 7,2x7,8 cm, sur carton de 8,5x17 cm, Collection personnelle.

La vue présente au premier plan le rond-point de la musique avec son estrade entourée de barrières, le petit parterre triangulaire avec le Palmier de l'Annexion, la haie qui limite le Jardin, la voie des voitures bordée de plantations en bord de rive et le lit du Paillon qui s'écarte à l'embouchure.

Sur la rive gauche, une rangée d'arbres court de la place des Phocéens où se tient la gare provisoire, au Pont-Neuf où se note la disparition de l'Obélisque des Juifs. Cet Obélisque dont le déplacement sur la place des Phocéens était prévu depuis des années (L'Avenir de Nice du 10 juin 1851) a été démonté puis stocké en août 1861 (Le Messager de Nice du 2 août 1861).



La place du Jardin Public est citée parmi les endroits de la ville les plus salubres et recommandés aux malades. Certes, l'air y est sec et la poussière parfois incommodante mais la place est protégée par sa rangée de bâtiments nord des vents froids qui soufflent le long du Paillon, et assez en recul du rivage pour être à l'abri des brises de la mer. Le Jardin offre également des arbres assez élevés pour abriter du soleil (Edwin Lee, Nice et son Climat, 1863 pp 9-10).

Douze palmiers provenant de Villefranche-sur-Mer sont transplantés dans le Jardin en juin 1863 (Le Messager de Nice du 17 juin 1863) puis un myrte colossal, provenant du jardin Cristini/Cristiny du quartier de Saint-Etienne, est offert par la Compagnie de chemin de fer et transplanté au nord-est du jardin fin septembre 1863 (Revue de Nice 1861-62 pp 209, 315 et 327, 1862-63 p 357 et 1863-64 p 18 ; Journal de Nice du 3 octobre 1863). 


23- ALEO Miguel (1824-c.1900), Nice, Le Jardin Public, vers juillet 1863, 
vue sud-ouest/nord-est prise depuis l'étage d'un bâtiment de la place, 
tirage albuminé de 19,9x25,1 cm, sur carton de 22,1x27,6 cm, Collection personnelle. 

La photographie présente une vue proche de la précédente, avec cependant, au tout premier plan, l'un des nouveaux palmiers plantés en juin 1863. 

Sur la rive gauche, la place des Phocéens montre, au-delà de la rangée d'arbres, la longue toiture du bâtiment de la Gare provisoire de Nice, achevé en avril 1863. En arrière-plan, sur la Colline du Château, les cyprès situés à l'entrée du Cimetière du Château sont encore visibles alors qu'ils vont être coupés en 1863.



Dès l'été 1863, le Jardin se voit fortement agrandi. Les terrains sont gagnés sur le lit du Paillon pour réduire l'écartement des deux rives et construire le Pont de l'embouchure ou Pont Napoléon III.



UN JARDIN DE PLAN RECTANGULAIRE


Les années 1863-1864

Agrandi d'un nouvel espace triangulaire en attente d'aménagement, le Jardin vient quasiment de doubler de surface. Son plan est désormais de forme rectangulaire. 

A la fin du mois de septembre 1863, le bassin est changé de position afin de le recentrer (Les Echos de Nice du 6 octobre 1863).

Parmi les trois projets de pont proposés, le Conseil municipal du 4 décembre 1863 retient celui en fonte de M. Georges Martin (qui a réalisé le Viaduc du Var) pour la somme de 218.000 francs (projet approuvé par le préfet le 18 décembre, AM, 1D1-2, ff. 111-112). 

Les travaux du pont attendent les derniers jours de décembre 1863 pour débuter à l’embouchure du Paillon, d'est en ouest, afin de mettre en communication directe le boulevard du Midi et la Promenade des Anglais et relier la place des Phocéens à celle du Jardin Public. 

Suite à un prêt de la Ville contracté fin 1863, le quai Masséna est pour sa part élargi au premier trimestre 1864, ce qui entraîne la disparition de l'ancienne rangée d'acacias (Annales du Sénat 1864, séance du 21 décembre 1863 pp 59-60).

Entre fin mars et début mai 1864, une ligne de 35 palmiers-dattiers, "à la chevelure liée en faisceau" destinée à faciliter leur transport de Bordigh(i)era à Nice, est ensuite plantée en bord de rive (Journal de Nice du 26 mars 1864). La plantation terminée offrira "un coup d'oeil assurément unique en Europe, sera décrit par tous ceux qui le verront, reproduit partout par la photographie et la peinture" (Journal de Nice des 18 avril 1864).

Ces palmiers qui s'alignent du Pont-Neuf au futur Pont Napoléon III, tant sur le quai Masséna que sur la place du Jardin Public (Journal de Nice du 19 mai 1864), suscitent l'appellation de "quai des Palmiers" pour désigner l'ensemble (Journal de Nice du 19 mai 1864).

C'est dans le Jardin, rappelle le Dr Lubanski, "qu'au printemps, à l'ombre des arbres qui en garnissent le rond-point et les allées, les malades suivent la cure par le petit-lait de chèvre des montagnes [ou Molkenkur]" (Dr Lubanski, Guide aux Stations d'hiver du Littoral méditerranéen, ouvrage préfacé en juillet 1864 et édité en 1865, pp 385, 464 et 519).

Les concerts de musique sont donnés au Jardin Public par les différents Régiments d'Infanterie qui se succèdent dans la ville au cours des années. Ils ont lieu le jeudi et dimanche après-midi pendant la saison d'hiver (de novembre à juin) et le jeudi soir en été, le concert du dimanche soir ayant lieu sur le Cours (Journal de Nice du 19 juin 1864).



24- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Jardin public, vers mai 1864, 
vue ouest-est, prise de l'étage d'un bâtiment de la place,
négatif sur verre au collodion (ici inversé) de 18x24 cm, 
Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08FI 0017.

Au tout premier plan, la vue montre la foule assistant à l'un des concerts de la garnison (entre novembre et juin). L'estrade de la musique est encore située à l'ouest du Palmier de l'Annexion (elle va être déplacée à l'automne 1864). Le jardin s'avère fortement agrandi (voir les Images précédentes). Au nord du jardin, le bassin est masqué par les poivriers qui l'entourent. Le long du quai, les palmiers alignés, plantés entre fin mars et début mai 1864, apparaissent pourvus de treillages. Sur la rive gauche, le bâtiment de la gare provisoire de chemin de fer est encore présent sur la place des Phocéens. 

Tous ces indices permettent de dater la photographie entre début mai et fin juin 1864. La présence de quelques parapluies dans la foule du concert, alors qu'une période de grande sécheresse règne en ce printemps 1864 sur tout le Sud de la France (Journal de Nice du 14 mai 1864), permet de supposer que la photographie a été prise lors d'un concert du 3ème Régiment d'Infanterie, le jeudi 12 ou le dimanche 22 mai 1864, entre 14h 30 et 16h 00 (Journal de Nice des 14 et 23 mai 1864).


25- BENOIST Félix (1818-1896) et CICERI Eugène (1813-1890), Nice (Vue prise du Jardin public), 1864,
vue ouest-est prise depuis un étage,
lithographie en couleurs d'environ 24x32 cm sur feuillet de 34x49 cm, 
extraite de l'ouvrage, Nice et Savoie (Collection privée). 

Cette lithographie, éditée fin 1864, a été réalisée d'après un dessin de Félix Benoist exécuté au début de la même année. Elle montre les deux rives du Paillon réunies par le Pont Napoléon III, ce qui est impossible à cette date (pont achevé en décembre 1864). Le dessin est donc un savant mélange de l'existant et du projeté.

Au premier plan, le Jardin Public est représenté fidèlement et quasi-intégralement ; en bord de rive, la ligne des palmiers, réalisée entre mars et mai 1864, s'interrompt bien avant l'entrée du Pont. Cependant l'estrade de la musique apparaît déjà déplacée à l'est du Palmier de l'Annexion, alors que ce déplacement n'aura lieu qu'en octobre 1864, et sur la Promenade des Anglais, un grand escalier descendant à la mer est déjà présent, alors qu'il ne sera réalisé qu'entre octobre 1864 et janvier 1865. De plus, les plantations des terrains gagnés sur le Paillon (1863) ne seront effectuées qu'au début de l'année 1865 et les arbres entourant l'estrade de musique mettront plusieurs années avant d'atteindre le développement représenté.

Sur la rive gauche, un grand escalier symétrique est représenté de l'autre côté du Pont Napoléon III, sur le boulevard du Midi, et la place des Phocéens est bordée d'une ligne de palmiers comme la place du Jardin Public, alors que ces projets ne verront jamais le jour. Quant-à la fontaine jaillissante, visible dans l'axe de la rue Saint-François-de-Paule, elle ne sera installée que 4 ans plus tard, au printemps 1868. A l'inverse, le dessin a évacué de la place des Phocéens le grand bâtiment de la gare provisoire, érigé début 1863 et démonté seulement en septembre 1865.

On peut légitimement se demander si le dessin n'a pas été exécuté dès 1863. Cependant, en zoomant fortement dans l'image, on aperçoit, à l'autre extrémité du boulevard du Midi, au pied de la Colline du Château, près de la plage des Ponchettes, l'ancienne Pension Clerissy dont le bâtiment arrière, ajouté en 1862, est désormais doté d'une serre, installée sur sa terrasse en 1864. Deux autres vues de l'album montrent également des architectures réalisées ou achevées en 1864 et confirment ainsi la datation retenue.



Les travaux de l'Hôtel des Anglais, qui débutent au printemps 1864, transforment l'extrémité sud de la place du Jardin Public, avec l'ajout d'un avant-corps de trois travées. Ce dernier est terminé l'été 1864 et badigeonné de blanc. La Maison Donaudy qui faisait partie de l'hôtel mais empiétait sur la Promenade des Anglais est démolie vers septembre 1864. Une nouvelle façade de l'hôtel est ensuite entreprise, accostée d'un avant-corps occidental symétrique et dominée par une haute toiture (les travaux s'achèveront en septembre 1865).

Les travaux de maçonnerie du Pont Napoléon III se terminent fin juillet 1864 et restent en attente de la livraison des arcs en fonte, réalisés à Marseille. Fin juillet et début août 1864, les garde-corps en fonte sont posés le long du nouveau quai (Journal de Nice du 25 juillet 1864). Les arcs en fonte du Pont Napoléon III sont enfin livrés fin septembre (Journal de Nice du 28 septembre 1864). 

La nouvelle partie du Jardin, gagnée sur le lit du Paillon, n'est aménagée qu'à l'automne 1864. "On a commencé à raser la haie de ceinture du jardin public (...) Ces deux jardins n'en formant plus qu'un seul, sont aujourd'hui circonscrits par un trottoir qui dessine avec beaucoup de grâce un vaste quadrilatère aux angles curvilignes.

Il est évident aussi, qu'on va s'empresser de tracer, dans ces terrains vierges, les allées, les pelouses, les massifs, les pièces d'eau, d'y installer dans l'endroit le plus propice le rond-point de la musique, en attendant que les arbres exotiques, et les espèces indigènes y prennent place au gré des plus charmantes fantaisies de l'art horticole ; car on doit avoir à cœur de livrer au plus tôt cette promenade privilégiée à ce public de souverains, de princes, de notabilités et d'illustrations en tout genre que les bateaux à vapeurs et le chemin de fer nous amèneront chaque jour. Sans oublier le public Niçois qui tient cette promenade pour sa favorite.

On met en ce moment la dernière main à la chaussée et à la contr'allée (sic) de la promenade des Anglais jusqu'au rond-point où elle se soude au quai des Palmiers ; et l'on s'occupera ensuite, croyons-nous, de l'escalier de 13 mètres de largeur (10 eussent suffi) qui donnera accès à l'estacade où les yoles de plaisance viendront s'amarrer (Journal de Nice du 14 octobre 1864). 

Le public vient tout à la fois "visiter les travaux d'emménagement du nouveau Jardin Public et voir fonctionner la grue qui pose, sur place, les arcs en fonte du pont" (Journal de Nice du 20 octobre 1864).

L'estrade de la musique est alors déplacée en bord de rive, au sud-est du Palmier de l'Annexion. 

Le grand escalier descendant à la mer est entrepris près du Pont Napoléon III (en cours d'achèvement), à l'extrémité orientale de la Promenade des Anglais.

"Nice a agrandi son jardin public aux dépens du Paillon, qui tâchera de se contenter du lit qu'on lui a laissé ; il a planté sur son quai de droite des palmiers. - Pourquoi des palmiers ? demandais-je (...), sans doute le palmier est un arbre élégant, mais l'ombrage en est pauvre, et des acacias ou des platanes donneraient plus de fraîcheur et plus d'abri. - Des acacias et des platanes, m'a-t-on répondu, mais on en voit partout ; des palmiers, c'est autre chose, et il est bon qu'aux yeux des étrangers, Nice prenne des airs un peu africains." (L'Illustration du 22 octobre 1864 p 259). 

Du 27 au 30 octobre 1864, L'Empereur Napoléon III accomplit sa deuxième et dernière venue à Nice, afin d'y rencontrer l'Empereur de Russie Alexandre II. Le 29 octobre, vers 16 h, Sa Majesté "a parcouru les quais, la promenade des Anglais et a examiné les travaux considérables qui ont été exécutés à Nice depuis son dernier voyage" (Journal de Nice du 30 octobre 1864).


26- BLANCHARD Pharamond (1805-1873), S.M. L'Empereur Napoléon passant sur le quai des Palmiers, à Nice
[le 29 octobre 1864, après 16 h], vue sud-ouest/nord-est, 
estampe extraite de L'Illustration du 5 novembre 1864, n° 1132, p 293.

La vue montre le nouveau quai bordant le Jardin Public, dans l'axe de la rue Paradis, bordé du côté est, d'un trottoir, d'une ligne de palmiers (printemps 1864) et d'une balustrade en fonte tenant lieu de parapet (été 1864).



En novembre 1864, le Pont Napoléon III voit la pose de son dernier arc occidental en fonte et commence à être équipé de garde-corps (Journal de Nice du 19 novembre 1864) puis de réverbères. 

"Des mâts ornés de banderolles (sic) aux couleurs nationales" annoncent le 25 décembre son ouverture à la circulation des piétons (Journal de Nice du 28 décembre 1864). Les épreuves de solidité ont lieu les deux premiers jours de janvier et le pont est officiellement inauguré le 3 janvier 1865 (Journal de Nice des 2 et 4 janvier 1865). 

Le grand escalier qui l'accoste à l'ouest est pour sa part achevé en même temps. "Le public des promeneurs se porte tous les jours sur le nouveau quai vers l'escalier monumental qui conduit à la grève pour y faire de l'héliotérapie (sic), pour y jouir d'un ravissant panorama" (Journal de Nice du 6 janvier 1865).

Le même article note cependant l'absence d'aménagement de la nouvelle partie du Jardin Public : "Nos hôtes s'attendaient comme dans un changement de décors, à voir naître un jardin d'Armide, avec des pelouses, des eaux parlantes, des fleurs, des bosquets, des ombrages ; et renversant le mirage, ils ne contemplent en réalité qu'une triste jachère où le rond-point de la musique est le seul ornement en ses jours de solitude" (Journal de Nice du 6 janvier 1865).


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dimanche 20 août 2023

1309-NICE, HISTOIRE ET REPRÉSENTATIONS DU JARDIN PUBLIC-4


 SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


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DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 23/12/2023



NICE - LE  JARDIN DES PLANTES OU JARDIN PUBLIC



UN JARDIN DE PLAN TRIANGULAIRE (1854-1860)


Les années 1855 (suite) à 1860

Au printemps 1855, des plantations sont ajoutées dans le Jardin, le long du parapet de la rive du Paillon (grande allée latérale des voitures), dans la continuité de celles du quai Masséna (Image 13). 

Alors qu’il est procédé à l’enlèvement de la palissade de bois qui servait de clôture provisoire au Jardin Public (depuis décembre 1851), L’Avenir de Nice du 22 octobre 1855 conseille l’installation d’un treillage près des jeunes arbres de la grande allée du bord de rive, afin de les protéger des voitures.


13- DEROY Isidore Laurent (1797-1886), Nice, Vue du Jardin Public et du Quai Masséna, vers 1855-1856, 
vue sud-ouest/nord-est, prise depuis l'étage de l'une des maisons du côté ouest de la place,
lithographie, Paris, Imprimerie Lemercier, Collection privée.

La vue montre les parterres du Jardin entourés de treillages (1854) et l'allée du bord de rive désormais plantée de jeunes arbres, dans la continuité du quai Masséna (1855). Le coffrage du bord de rive ne semble pas représenté.

L'entrée nord-est du Jardin semble dépourvue de grille, alors que dans une photographie contemporaine (vers 1854-1855) présentant également les treillages des parterres et les plantations de bord de rive (avec le coffrage), montre une grille entre deux piliers à ce même emplacement (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine, Collection Gil(l)etta - photographie reproduite sur le site des Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 01NUM 0008/GLT00246).

 La Bibliographie de la France du 22 mars 1856 signale l'édition d'une vue d'Isidore Deroy portant le même titre, imprimée à Paris chez Lemercier et diffusée à Nice par Visconti, mais il est difficile d'affirmer qu'il s'agit de la vue ci-dessus car Isidore Deroy est l'auteur de plusieurs vues des mêmes lieux, portant le même titre. Voir une autre lithographie (ici) sur le site de l'Académia Nissarda, Voyage Pittoresque (ici).

Sur le même site, voir également la lithographie contemporaine (vers 1855) réalisée d'après un dessin de Cassani, Souvenir de Nice, Vue du Jardin Public et du quai Masséna (ici).



L'Avenir de Nice du 31 octobre 1855 révèle que le batardeau de l'embouchure, entamé au printemps 1853 n'est toujours pas terminé. "Dans les dernières crues du Paillon, le courant a failli déborder et tourner le bâtardeau encore inachevé de l'embouchure, et envahir de nouveau la plage le long du chemin des Anglais. 

Il y a déjà plus d'un an, le Conseil d'Ornement (...) a proposé une allocution (sic) urgente de mille francs pour un enrochement complémentaire de cent mètres cubes de blocs, nécessaires à l'achèvement du bâtardeau et à son nivellement avec le jardin public. Aussitôt cette réparation faite, l'Administration Municipale devrait s'empresser de commencer l'élargissement du chemin des Anglais".

Les aménagements de la place du Jardin Public sont moins bien connus dans les années 1856-1858, du fait des numéros non conservés de L'Avenir de Nice.

Auguste Burnel, dans son ouvrage, Nice, rédigé en 1856 (préfacé du 15 décembre 1856 et édité en janvier 1857), affirme que "le Jardin-des-Plantes créé récemment sur des terrains sans valeur a donné au quartier de ce nom une importance considérable" (p 34). Il qualifie ce quartier de "plus beau quartier de Nice" et en conseille les hôtels qui, exposés en plein midi, jouissent tout "à la fois de la vue sur la mer et de celle du Jardin-Public" (appendice publicitaire).

"Voici un autre point de vue tout intérieur, que je recommande au lecteur. Placez-vous au milieu du Jardin-Public, le dos appuyé au consulat de France et la figure tournée vers le levant. Un bassin ovale s'ouvre devant vous. C'est le Paillon, fermé sur ses deux rives par une ligne d'hôtels élégants ou par des allées plantées. 

Quelques blancs clochers pareils aux minarets de l'Orient, se laissent apercevoir çà et là par dessus les maisons et les arbres. L'extrémité orientale du bassin est close par les deux mamelons du Mont-Boron et du Mont-Gros.

Ce coup d'œil est d'autant plus séduisant que vous êtes au milieu des fleurs, et qu'à votre droite. vous suivez de l'œil cette belle baie, dont la côte se dessine à l'ouest, jusqu'à la pointe d'Antibes, à l'est, jusqu'au phare de Villefranche" (p 86).

Auguste Burnel, qui a logé sur la place du Jardin des Plantes en juillet et août, livre de plus une longue et rare description du Jardin dont il s'est plu à admirer le "tableau charmant" des treillages, chaque matin, aux premières lueurs du soleil (pp 129-130) :

"Ce jardin lui-même qui ne date que de cinq ans à peine, voit croître de jour en jour les deux lignes de sycomores et de tilleuls qui bordent les allées du nord et de l'ouest. Au centre du jardin, douze ou treize poivriers déjà fort beaux, laissent tomber leur feuillage élégant comme celui du saule-pleureur autour du bassin dont le jet d'eau rafraîchit l'atmosphère.

Dans les allées qui rayonnent autour du bassin, des centaines de jeunes arbustes de tous les climats s'élèvent et promettent de fournir, dans quelques années, les ombrages les plus charmants. 

L'arbre de Judée, le cèdre du Liban, le néflier du Japon, le laurier-rose, le laurier-cerise, le pin du Nord, le myrte, le chêne vert, le datura arborea, le tamarin de l'Inde, le phytolacca, l'acacia-parasol, le magnolia, etc., etc., et une foule d'autres espèces destinées les uns à devenir de hautes futaies, les autres à conserver une hauteur de quelques pieds seulement, ont été plantés dans le Jardin-Public. 

C'est par milliers qu'il faut compter les individus qui doivent un jour décorer cette promenade charmante" (pp 134-135). L'auteur ajoute enfin, en appendice, un long inventaire de tous les arbres, arbustes et plantes qui ornent le Jardin (pp 219-224).

S'il vante le boulevard du Midi et "le gazon si frais de la Place des Phocéens""le Jardin-Public avec ses "garnitures de roses" et la Promenade des Anglais (récemment prolongée à l'ouest jusqu'au pont de Magnan, entre janvier 1855 et janvier 1856), il regrette cependant que cette dernière, plantée de petits pieds d'aloès et semée de gazon en bord de mer, reste dépourvue d'arbres et d'ombre (Image 14).


14- Plan de la Ville de Nice, détail, 1856, 
plan dressé par Ch. Montolivo, gravé par Ch. Dyonnet, B. Visconti éditeur, Nice, 1856,
BnF, Paris (voir sur Gallica).

Le plan montre un tracé détaillé du Jardin triangulaire, avec l'abandon de la symétrie rigoureuse du plan interne en étoile, la présence de cinq allées principales convergeant vers le bassin nord mais également l'existence parallèle de tout un réseau d'allées secondaires, parfois organisées autour d'un petit espace rectangulaire ou circulaire. 

Le Jardin, entre style italien (jardin plat en partie symétrique et centré) et style anglais (réseau plus aléatoire de petites allées et de parterres), semble désormais pourvu de cinq entrées (au lieu de trois) dont celles du sud et du nord-est sont encore situées dans les angles. Le rond-point sud où la musique militaire donne ses concerts n'est pas discernable ici.

15- Photographe anonyme, Le Jardin Public et le quai Masséna, vers 1854-1856,
vue nord-est/sud-ouest, depuis l'étage de l'une des maisons de la place Charles-Albert,
tirage albuminé, Nice, Archives Municipales.
(Source de l'image, sur Pinterest, ici ; autre reproduction, élargie vers le bas, ici).

Cette photographie est l'œuvre d'Édouard Baldus (1813-1889) ou du marquis Henri Charles Emmanuel de Rostaing (c.1826-1885) au début de l'année 1854, 1855 ou 1856.

Près du Jardin des Plantes, quelques plantations sont visibles en bord de rive, près du coffrage, ce qui implique au plus tôt le printemps 1854. L'enseigne du "Café du Jardin des Plantes" est encore visible, alors qu'elle va disparaître en 1856. Les acacias du quai Masséna, face aux Maisons Coppon et à l'Hôtel de France (tenu par L. Uzac et Compagnie), sont dépouillés de leurs feuilles, ce qui est l'indice probable du mois de janvier.




Le 23 novembre 1857, Les Echos de Nice émettent le vœu que disparaissent les palissades en roseau des allées (treillages de 1854), que soit terminé l’aménagement du bassin, aux abords dévastés par les travaux entamés il y a un an pour un rocher central qui n’a jamais été installé, ou mieux, que ce bassin central, "inutile et laid", cède la place à "une estrade ou un kiosque chinois" destiné à la musique.

Depuis peu, les concerts de la Garnison ont lieu deux fois par semaine au Jardin Public, le samedi et le dimanche, en début d'après-midi (l'été sur le Cours). Une estrade va être installée (entre novembre 1857 et juin 1859) mais dans le rond-point déjà dévolu à la musique, au sud du Jardin.


16- CRETTE Louis (c.1824-1872), Nice - Paillon, le Jardin public, vers 1857,
vue sud-ouest/nord-est prise depuis l'étage de l'un des bâtiments ouest de la place,
Carte de visite de 6,7x10,4 cm, Collection personnelle.

La vue montre la partie nord-est du Jardin avec les allées, bordées de treillages, conduisant vers le rond-point du bassin, avec ses poivriers et ses bancs de pierre.
Noter la présence, sur la rive gauche du Paillon, à l'entrée du Pont-Neuf, du piédestal et de l'extrémité supérieure de l'Obélisque émergeant des arbres (obélisque offert en 1826-1827 par la communauté juive de Nice au roi Carlo Felice, et qui sera démonté en août 1861).

Il existe un tirage de 24x30 cm conservé aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes qui présente la même vue, plus nette et détaillée mais avec un cadrage identique (AD06, 10FI 4603).


17- GUIAUD Jacques (1810-1876), Jardin Public., 1857,
lithographie en couleur accompagnée des mentions suivantes : 
au-dessus du titre, Dessiné d'après nature et lithographié par Guiaud.,
et au-dessous du titre, à gauche, Nice, A. Debecchi (sic) Edit. Libraire R. du Pont Neuf,
 vis-à-vis l'Hôtel des Etrangers, et à droite, Imp. Lemercier, Paris.
vue de 13,5x20,5 cm sur planche de 27,5x36 cm, Collection privée.
Voir un autre exemplaire de cette lithographie au Rijksmuseum d'Amsterdam (ici).

Jacques Guiaud édite, à la fin de l'année 1857, une série de lithographies inspirées de photographies de Louis Crette (Image 16). Deux vues isolées dont celle-ci puis dix vues réunies dans un album intitulé, Nice Pittoresque, sont en effet respectivement signalées dans Le Courrier de la Librairie du 12 décembre 1857 p 1199 puis du 19 décembre 1857 p 1223. Des publicités sont diffusées dans L'Avenir de Nice et Les Echos de Nice de 1858 et l'album est réédité en 1859.



Le Constitutionnel du 8 avril 1858 (pp 2-3) présente le jardin en quelques mots : "La promenade des Anglais conduit au jardin public, dessiné en triangle et planté d’arbres de toutes les essences : oliviers, vernis du Japon, magnolias, bruyères arborescentes, althéas, palmiers, rosiers en fleurs, géraniums, etc., qui tous y réussissent à merveille. La musique de la garnison y joue deux fois la semaine". 

La liste des habitants ci-dessous, publiée en octobre 1858 dans le Guide des Etrangers à Nice, peut être aisément comparée avec celle du Guide du Commerce de 1855.


18- Liste des habitants de la place du Jardin-Public en 1858
extraite du Guide des Etrangers à Nice 1858-59, Nice, octobre 1858, 
troisième partie, Indicateur Commercial p 7,
 Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes. 



On peut relever les changements suivants :

Coté nord - n° 1 et 3 : la veuve Trabaud est propriétaire de la Maison située au n° 1 (construite par Louis Trabaud en 1847, où la famille Mignon vit et travaille) mais également de la Maison située au n° 3 (ancienne Maison Visquis, érigée à la fin des années 1830) (Nice, AM, O4/11-017) ;

n° 5 et 7 : ces Maisons ont pour propriétaire M. Boutau, avec l'Hôtel de Grande-Bretagne et la Librairie Giraud. 

L'Hôtel Victoria de Jean Zichitelli (anciennement cité au n° 5), qui a partagé des bâtiments avec l'Hôtel de Grande Bretagne (en 1854 et 1855), est parti s'installer (en 1855) sur la Promenade des Anglais. 

Seul subsiste l'Hôtel de Grande Bretagne, tenu par Henri Brezzi (anciennement cité au n° 3 et désormais au n° 5 ?). 

La "Librairie Etrangère" de Charles Giraud, préalablement située au n° 3, quai Masséna, est venue s'installer, en 1856 ou 1857, sur la place du Jardin-Public, au bas de l'Hôtel de Grande Bretagne (à l'est du bâtiment central) ;

n° 9 : "l'Hôtel de La Pension Anglaise" a cédé la place, en 1856, à "l'Hôtel d'Angleterre" tenu par Vincent Palmieri ;

Côté ouest - n°2 : la Maison d'Auguste Laurencin a pris le nom de Félix Donaudi/Donaudy qui l'a acquise le 29 octobre 1853 ;

n°4- le magasin de modes de Mme Gonin semble être passé du n° 2 au n° 4, Maison Robioni ;

n°6- la Maison Gilli est désormais nommée à ce numéro, avec "l'Institut homœopathique" (sic) dont la pharmacie (fondée dès 1850 à un autre emplacement) par M. Arnulphi/Arnulphy est côté Jardin, et dont le dispensaire pour les pauvres (ouvert en novembre 1857) est situé à l'arrière du bâtiment, rue du Canal, 12 (l'homéopathie, notamment appréciée par les Anglais et les Allemands, s'est développée à Nice dès la seconde moitié des années 1830, notamment avec le Dr Flores) ; 

Urbain Garin, comte de Cocconato est également cité comme propriétaire au n° 6 ;

n° 8- cette Maison, dont la veuve Trabaud est également propriétaire, affiche par erreur le Bureau de La Terre Promise, alors qu'il s'agit du bureau de la revue Les Guêpes, à l'adresse du magasin d'Alphonse Karr. 

Le Consulat de France qui s'était installé au n° 4 du Jardin, vers 1851, a déménagé au n° 8 en 1856 ou 1857.

Le bassin situé au nord du Jardin voit l'installation d'un nouveau jet d’eau en mars 1859 (L'Avenir de Nice du 16 mars 1859).

En juin 1859, la Famille Tiranty offre à la Ville un grand et magnifique palmier qui devient le plus bel ornement du Jardin, côté sud, à l'est de l'estrade de la musique (L'Avenir de Nice des 17 et 19 juin 1859). 

Sa transplantation ayant eu lieu peu après la victoire franco-sarde de Magenta du 4 juin 1859 sur les troupes autrichiennes, il est proposé de donner ce nom au palmier (L'Avenir de Nice du 20 juin 1859). C'est cependant l'appellation de "Palmier de l'Annexion" qui sera retenue dès le début des années 1860

Une figure de naïade sculptée vient orner le bassin du Jardin en novembre 1859 (Les Echos de Nice du 14 novembre 1859).

C'est essentiellement du côté sud que les cochers déposent leurs clients et se rangent le long de l’entrée du Jardin (L’ Avenir de Nice du 21 novembre 1859).  

Un nouvel hôtel, "l'Hôtel des Anglais", ouvre à l'automne 1859 sur la place du Jardin-Public, à l'angle de la Promenade des Anglais, dans les Maisons Donaudi (L'Avenir de Nice du 8 novembre 1859).

Dans son ouvrage de 1860 (p 23), Baigneuses et Buveurs d'eau (préfacé le 1er mai 1860), Charles Brainne, rappelle que la Garnison joue deux fois par semaine au Jardin Public mais précise que "les autres jours, l'orchestre est composé de virtuoses allemands".


VOIR L'IMAGE ICI

19- FERRET Pierre (1815-1875), Nice, Quai Masséna, Pont-Neuf, 1859/1860, 
vue sud-ouest/nord-est, prise de l'étage de l'un des bâtiments ouest de la place du Jardin Public, 
tirage albuminé de 17x27 cm, planche 9 extraite de l'Album réalisé à Nice en 1859 (Revue de Nice du 1er novembre 1859) et plus précisément de l'exemplaire offert par Pierre Ferret à l'Empereur Napoléon III, lors de sa venue à Nice, suite à l'Annexion française, les 12 et 13 septembre 1860 (Le Messager de Nice du 15 septembre 1860), conservé au Château de Compiègne et reproduit sur le site Photo de la Réunion des Musées Nationaux (ici).

Les plantations du Jardin se sont fortement développées. Une haie taillée borde ses allées et son périmètre et les poivriers masquent désormais en partie le bassin qu'ils entourent.

Noter que la planche 4 du même album, Nice, Promenade des Anglais (vue est-ouest, prise depuis le boulevard du Midi), semble montrer la jonction de la Promenade des Anglais et de la place du Jardin-Public dépourvue de plantations (ici).



A quoi ressemble le Jardin Public lors de l'Annexion française du Comté de Nice en juin 1860 ?

Le tracé du Jardin s'est progressivement éloigné d'une géométrie rigoureuse organisée autour d'un bassin central. Le plan circulaire, envisagé depuis les années 1820, a bien été réalisé (1851-1854) mais la répartition cruciforme des allées a été abandonnée au profit d'une répartition en étoile non systématique. 

L'agrandissement du Jardin en 1854 a entraîné l'adaptation à la configuration d'un terrain sud plus étroit et l'adoption d'un plan triangulaire où le bassin s'est trouvé excentré. En 1855, le bord de rive a ensuite été planté. 


20- Bertrand (?-?), lithographe, Nice, La place Masséna, le quai Masséna et le Jardin Public, détail, 1860, 
vue nord/est-sud/ouest, détail de la couverture de la partition, 
Hommage à Napoléon III - Chant des Niçois - Hymne à la France
Paris, BnF (Gallica).

Ce chant, mis en musique par Léopold Amat (1814-1872) en 1859, est joué dès le printemps 1860 pour accompagner la célébration de l'Annexion française (Le Ménestrel du 17 juin 1860 p 228) et édité l'été 1860 à Paris par Heugel et Cie (Bibliographie de la France du 28 juillet 1860 p 354).



Les arbres, disposés aux limites nord et ouest du Jardin, ainsi qu'à la périphérie du bassin, se sont fortement développés dans la seconde moitié des années 1850. Peu de grands arbres ornent cependant les parterres, davantage réservés aux fleurs et aux arbustes. Les plantations des débuts ont été enrichies dans les années suivantes par des achats mais également par des dons d'horticulteurs et de propriétaires de jardins privés.

A la fin des années 1850, le tracé rayonnant des allées a été réduit au seul pourtour du bassin nord, de nouveaux parterres venant interrompre et faire disparaître les allées rectilignes. Le Jardin est progressivement passé du style italien au style anglais. A la zone nord du bassin, répond désormais la zone sud de l'estrade de la musique, accostée du Palmier de l'Annexion.


21- Plan de la Ville de Nice et de ses Faubourgs, détail, fin 1860, 
Nice, Archives Municipales, 1Fi 01-18.

Le Jardin affiche toujours un plan triangulaire aux angles arrondis, avec cinq entrées (trois dans les angles et deux latérales). Le plan interne en étoile des allées s'est estompé et seul le bassin entouré d'arbres et de bancs semble conserver le souvenir du plan circulaire, les autres parterres longeant principalement les limites du triangle, entourées de haies. Le rond-point de la musique est désormais repérable, près de l'entrée sud, accosté du parterre comprenant le Palmier de l'Annexion.

Dans l'axe de la rue Saint-François-de-Paule, le bassin de la place ou rond-point des Phocéens, "orné d'arbres et de belles pelouses" (Guide des Etrangers à Nice 1858-59, 1858 p 55) et le pont de l'Embouchure en sont toujours au stade de projets.


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mardi 15 août 2023

1308-NICE, HISTOIRE ET REPRÉSENTATIONS DU JARDIN PUBLIC-3

 

 SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


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DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 17/03/2024



NICE - LE  JARDIN DES PLANTES OU JARDIN PUBLIC



UN JARDIN DE PLAN TRIANGULAIRE (1854-1860)


Les années 1853-1855

Le manque de communication directe entre le boulevard du Midi et la place du Jardin-des-Plantes se fait de plus en plus cruellement sentir et certains habitants souhaitent l'installation d'un pont-suspendu ou d'une passerelle pour y remédier. Une souscription dans ce but est même proposée en mars 1853 (L'Avenir de Nice des 21 et 23 mars 1853).

Une troisième mise en adjudication de la construction du batardeau a lieu à l'Hôtel-de-Ville le 26 avril 1853 et cette dernière se fait, pour 8,500 fr, en faveur de l'entrepreneur Laurent Magnan qui exploite une partie de la carrière de la Colline du Château (L'Avenir de Nice du 27 avril 1853). Les travaux vont être menés à l'angle de la place du Jardin Public et sur la partie orientale de la Promenade des Anglais sur toute la fin de l'année 1853. 

Les numéros de L'Avenir de Nice, non conservés entre juillet et décembre 1853, ne permettent pas de suivre le déroulé des travaux mais deux numéros dépouillés en septembre et novembre signaleront encore les travaux de remblai derrière le batardeau de la Promenade des Anglais (L'Avenir de Nice des 11 septembre et 31 novembre 1853).


10- GARIN DE COCCONATO Urbain (1813-1877), Nice, le Jardin Public à l'embouchure du Paillon, 1853,
vue ouest-est, prise depuis l'une des fenêtres de l'appartement du comte de Cocconato [n° 6, place du Jardin Public],
aquarelle signée et datée de 26,5x46,5 cm, Nice, Musée Masséna,
photographie du site de l'Académia Nissarda, Le Pays de Nice et ses Peintres au XIX° siècle (ici).

La vue montre la partie orientale du Jardin de plan circulaire, le bassin à jet d'eau central desservi par des allées rayonnantes (mais sans allée externe piétonne), les parterres essentiellement plantés sur leur pourtour, la présence d'une rangée d'arbres limitant le côté nord du Jardin (mais disparue du bas des façades), le grand coffrage installé près du parapet et la rangée d'acacias qui s'arrête à l'angle du quai Masséna.

La date portée par l'artiste (1853) semble notamment confirmée par la présence du jet d'eau du bassin. L'absence de la palissade qui entoure le Jardin des Plantes, de décembre 1851 à octobre 1855, pose cependant problème, sauf si cette dernière est basse et peu visible. 

La vue montre les plantations de la rive gauche du Paillon avec les platanes des boulevards du Pont-Neuf et du Pont-Vieux et les jeunes ormeaux de la place Charles-Albert. 

La place des Phocéens, apparaît uniquement pourvue d'un bosquet de grands arbres face à l'entrée de la rue Saint-François-de-Paule, alors qu'une vue, probablement antérieure (deuxième partie de l'article, Image 8) mais certes en partie fantaisiste, montre déjà une rangée d'arbres en bord de rive. Ces arbres, qui sont attestés dès 1855, ne vont peut-être être plantés qu'en 1853 ou 1854.



En avril 1853, le Jardin se voit à nouveau enrichi par de nombreux dons de plantes (L'Avenir de Nice du 27 avril 1853).

L'été suivant, le souhait de voir repousser la fermeture du Jardin des Plantes au-delà de 8 heures du soir est exprimé, afin d'y profiter de promenades à la fraîcheur (L'Avenir de Nice du 5 août 1853 ; numéro du journal dépouillé mais non conservé). Cette demande implique que l'accès du Jardin peut être contrôlé, sans que l'on sache si c'est grâce à la palissade évoquée et/ou à des grilles placées aux entrées.

L'endiguement de 1853 permet l'extension de la place du Jardin des Plantes vers le sud. En 1854, le Jardin des Plantes bénéficie de cette extension, abandonnant le plan circulaire initial pour un plan triangulaire calqué sur celui de la place (Image 11).

Les allées du Jardin, désormais systématiquement bordées de treillages, conduisent au bassin maintenu à son emplacement originel. A partir du printemps 1854, la municipalité vend les coupes de foin du Jardin Public.

Le nouveau Plan-Régulateur pour les faubourgs de la Croix-de-Marbre et Saint-Jean-Baptiste, voté en Conseil Municipal le 25 mars 1854, entre en vigueur le mois suivant.

Le rapport du Conseil d'Ornement de juin 1854 cible les travaux prioritaires à entreprendre dans la ville et, notamment, l'élargissement de 6 m du quai Masséna puis la reconstruction du mur avec remblai et enrochement sur 200 m, pour un devis de 36,000 fr (L'Avenir de Nice du 3 juin 1854). Il semble cependant que ces travaux ne sont pas engagés.


11- Extrait du Plan Régulateur, 1854-1855, 
approuvé par les membres du Consiglio d'Ornato 
en mars et mai 1854 et mai 1855, signé du 6 juin 1855, 
Nice, Archives Municipales, 1Fi 03-07.

Ce plan mélange les réalisations et les projets. Il montre ainsi deux projets de Pont à l'Embouchure du Paillon, l'un face à la rue Saint-François-de-Paule et l'autre dans le prolongement du boulevard du Midi (c'est ce dernier qui sera retenu mais il ne sera réalisé qu'en 1864). Il montre également la place des Phocéens avec un projet de square (en pendant de celui du Jardin des Plantes), comprenant un bassin (mais ce square ne sera réalisé qu'en 1867-1868). 

Le Jardin des Plantes adopte ici le nouveau plan triangulaire, avec trois entrées situées dans les angles (deux au nord et une au sud). Il est entouré d'une allée externe et desservi par sept allées internes rayonnantes (celle du sud prolongée) convergeant vers le bassin nord, toutes bordées de plantations sur leurs deux côtés. Une rangée d'arbres est également présente en bord de rive, dans la continuité de celles du quai Masséna et de la Promenade des Anglais. Cette vision correspond dans sa globalité au Jardin qui est agrandi vers le sud mais il n'est pas certain que cela soit le cas dans le détail (nombre d'allées et plantations).



Le plan ci-dessus montre, sur la rive droite, le Jardin des Plantes (partie de l'actuel Jardin de l'Arménie) bordé des trois voies de la place du Jardin-des-Plantes : à l'ouest (actuelle avenue Gustave V), à l'est (partie de l'actuelle avenue de Verdun) et au nord (partie de l'actuelle avenue de Suède).

Il communique au nord-ouest avec une partie de la rue (de la) Croix-de-Marbre (partie de l'actuelle avenue de Suède) puis avec la nouvelle route ou chemin de Saint-Etienne (actuelle rue Maccarani), au nord-est avec la rue Paradis (qui a gardé ce nom) puis avec le quai Masséna (ancien quai du Pont-Neuf et actuelle avenue de Verdun) qui conduit à la place Masséna (partie ouest de l'actuelle place du même nom), et au sud-ouest avec le chemin des Anglais (actuelle Promenade des Anglais).

Sur la rive gauche, le boulevard du Midi (actuel quai des Etats-Unis) aboutit à la place des Phocéens (futur square des Phocéens puis partie de l'avenue des Phocéens, actuelle avenue Max Gallo), face à la rue Saint-François-de-Paule (qui a gardé le même nom) et au boulevard Charles-Albert (future avenue des Phocéens et partie actuelle de l'avenue Max Gallo) puis à la place Charles-Albert et au Pont-Neuf (parties est et centrale de l'actuelle place Masséna).

Une photographie contemporaine montre l'angle nord de la place du Jardin-des-Plantes (Image 12).


12- Photographie anonyme, Nice, Vue du Jardin des Plantes, début 1855, 
vue est-ouest, prise depuis la rive gauche, dans l'axe de la rue Saint-François-de-Paule,
 tirage albuminé de 30x42,5 cm, 
Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 10 FI 5341.

Cette photographie est l'œuvre d'Édouard Baldus (1813-1889) ou du marquis Henri Charles Emmanuel de Rostaing (c.1826-1885).



La vue ci-dessus montre, sur la gauche, la partie nord de la ligne de bâtiments ouest, avec, au rez-de-chaussée de la Maison Trabaud [n° 8], l'extrémité de l'enseigne des "Bains des Quatre Saisons" puis l’enseigne du "Café du Jardin des Plantes", dit aussi "Café-Restaurant du Jardin-Public". 

Ce Café, tenu par Gaspard Feraud/Féraud, a peut-être succédé au "Café du Beau-Séjour", signalé dans L'Indicateur Niçois pour 1845 et pour 1846, au Jardin des Plantes, "à côté de la Pension Anglaise"tenu par "Dominique Griselli". Cependant, les Indicateurs Niçois pour 1847 et pour 1848 citent "Dominique Griseri (sic), faubourg Croix-de-Marbre, près le chemin S. Etienne".  

La date de fermeture du "Café du Jardin des Plantes" semble coïncider avec le décès de son propriétaire, Gaspard Feraud, âgé de 30 ans, le 13 mars 1856. C’est probablement Alphonse Karr qui va reprendre cet emplacement, l’aménager à l’automne 1856 et y ouvrir sa boutique de fleurs, fruits et légumes début 1857.

Au-delà de la rue Croix-de-Marbre, la ligne de bâtiments nord du Jardin se révèle dans toute sa longueur mais désormais dépourvue d'arbres côté est. Le deuxième bâtiment montre sous les fenêtres du dernier niveau l'enseigne (lisible lorsque l'on zoome dans l'image) de "l'Hôtel de la Pension Anglaise" [n° 9]. 

L'Hôtel de la Pension Anglaise est l'un des plus anciens hôtels de Nice. Il s'installe tout d'abord dans la Maison Goiran, au faubourg de la Croix-de-Marbre, où il est cité dès le premier tiers du XIX° siècle. 

Fin 1837, alors qu'il est tenu par l'Anglais Ferdinand Frédéric Guarducci (c.1812-1875), il déménage dans ce bâtiment grandiose et neuf de la place du Jardin des Plantes (ici). En 1840, il offre 8 salons et 40 lits (William Farr, A Medical Guide to Nice, Appendix p 132 ; ouvrage écrit en 1840, préfacé à Nice le 23 janvier 1841 et édité en 1841). 

Le long bâtiment n'est d'ailleurs achevé qu'en 1847 (côté est) et appartient à plusieurs propriétaires. L'Hôtel de la Pension Anglaise semble n'en occuper qu'une partie (côté ouest), ce que confirment les estampes réalisées d'après des dessins exécutés par Hercule Trachel vers 1848-1851 (ici et ici). 

L'Hôtel est encore tenu par Ferdinand Frédéric Guarducci pendant de nombreuses années puis par Pical en 1855. Succursale de l'Hôtel des Etrangers de Jean Schmitz, en faillite en février 1855, l'Hôtel de la Pension Anglaise perdure toute l'année 1855 (il encore cité dans les Listes générales des Etrangers publiées dans L'Avenir de Nice en décembre 1855) mais il cède ensuite son emplacement à l'Hôtel d'Angleterre en 1856. L'ouvrage, Nice, d'Auguste Burnel (rédigé en 1856, préfacé en janvier 1857 et édité au 1er trimestre 1857), comporte en effet une publicité pour "l'Hôtel d'Angleterre tenu par Vincenzo Palmieri, Place du Jardin-Public (...) nouvellement et richement restauré et meublé".

Dans la partie centrale du bâtiment, couronnée du grand fronton triangulaire percé d'un oculus, la photographie montre cette fois l'enseigne (lisible lorsque l'on zoome dans l'image) de "l’Hôtel de Grande-Bretagne" sous les fenêtres du dernier niveau, alors que celle de "l'Hôtel Victoria" se déploie plus bas (peu lisible même en zoomant), sur le balcon situé au-dessus du porche d'entrée [n° 5].

L'Hôtel Victoria ouvre là en septembre 1846 et se voit ensuite signalé dans L'Indicateur Niçois pour 1847. Son enseigne, d'abord positionnée sous les fenêtres du dernier niveau, cède cet emplacement à celle de l'Hôtel de Grande-Bretagne d'Henri Brezzi au printemps 1854 (ouverture le 15 mai 1854). L'Hôtel Victoria de Jean Zichitelli abandonne alors une partie des bâtiments car il est en attente d'un déménagement dans un bâtiment en construction, situé sur la Promenade des Anglais (ouverture le 3 octobre 1855). Henri Doniol, lors de la publication de ses, Souvenirs sur les miens et sur moi (1897, vol. IV p 53), évoquera son séjour de bains de mer d'août 1854 à Nice, à l'Hôtel de Grande-Bretagne [récemment installé] dont la croisée de balcon était ouverte dès le jour "sur le Jardin-Public en création".

Enfin, à l'extrême droite de la photographie, l'enseigne du "Restaurant Français" de François Escoffier [autre Maison Trabaud, n° 1], ouvert début 1853 (L'Avenir de Nice du 23 mars 1853), est lisible (lorsque l'on zoome dans l'image), près de l'angle de la rue Paradis. Il déménagera quai Masséna, 5, en 1858 ou 1859.

Cette photographie peut donc être datée au plus tôt du printemps 1854 (présence de l'Hôtel de Grande-Bretagne) et au plus tard de septembre 1855 (présence de l'Hôtel Victoria). Cependant, l’absence des plantations qui seront effectuées au printemps 1855 le long de la rive du Paillon (de chaque côté du coffrage visible ici), implique davantage une date entre mai 1854 et mars 1855. Ce raisonnement semble contredit par l'absence, sur la photographie, de la palissade qui entoure le Jardin des Plantes de décembre 1851 à octobre 1855 mais il est possible, comme énoncé précédemment, que cette palissade soit basse et peu visible.

"On nous annonce, dit L'Avenir de Nice du 6 janvier 1855, que dorénavant la musique militaire jouera les jours de fête au rond-point du Jardin Public [près de l'entrée sud], de 2 heures à 3 heures 1/2 du soir, et les jeudis, de 2 heures 1/4 à 3 heures 1/4"Jusque-là, les concerts de la Garnison avaient alternativement lieu sur le Cours/Corso (deux fois par semaine) et dans le petit jardin semi-tropical de l'Etablissement littéraire Visconti (le vendredi).

Désormais, les concerts de la Garnison vont avoir également lieu dans le Jardin des Plantes, chaque saison d'hiver, à partir du mois de novembre, et vont être très appréciés.

Le Jardin, situé près de la jonction des deux parties de la ville, entre la station des voitures de place Masséna et la Promenade des Anglais, devient un lieu incontournable. 

C'est un lieu :

- de rencontre de personnes de toutes nationalités et de toutes classes sociales ; il est très fréquenté par les familles anglaises dont les femmes, blondes et pâles, imposent leur mode vestimentaire et protègent leur teint à l'aide d'ombrelles blanches doublées de couleur ; 

- d’observation des plantes : les arbres et arbustes sont d'essences et de provenances variées, (notamment à fleurs tels que magnolias et lauriers-roses), les fleurs sont innombrables et de toutes couleurs, telles que roses parfumées, géraniums, liserons, balisiers des parterres mais également nymphéas du bassin, dans une tentative avortée de créer un jardin aquatique dans un bassin en rocaille, inspiré de celui de la Villa niçoise du comte de Pierlas, au Ray, avec notamment deux énormes feuilles de nénuphar Victoria offerts par l'horticulteur Marion (L'Avenir de Nice du 12 octobre 1855), 

d'écoute musicale, de lecture, de promenades (allées, bassin) et de jeux pour enfants. 

L'alignement des hauts bâtiments néoclassiques qui l'encadrent (hôtels, appartements de location, bureaux, consulats) et leurs commerces du rez-de-chaussée finissent d'en faire un lieu privilégié. 

Ce n'est pas encore un lieu paradisiaque car le Jardin reste de petites dimensions, les arbres ne donnent pas encore d'ombre, les bancs de pierre sont parfois brûlants, le vent soulève la poussière des voies, des tourbillons de moustiques jaillissent au crépuscule, le Paillon exhale les mauvaises odeurs des égouts et les mendiants et les garnements gâchent parfois l'ambiance.

Si le Guide du Commerce, Indicateur Niçois [vol. 1] suivi du Cicerone de l'Etranger [vol. 2] pour 1855 (ouvrage rédigé au premier semestre 1855 et édité à Nice la même année par Pierre Cauvin) ne dit pas un mot du Jardin, il cite, mais d'une manière incomplète cependant, les bâtiments qui l'entourent (propriétaires, commerces et habitants), du sud-ouest au nord-est (vol. 2, pp 82-83).

"Dans l'ordre de notre parcours, nous trouvons d'abord la maison Laurencin ; la maison Roubiony, où sont les bureaux du Consulat de France (...) ; la maison Trabaud, où sont les Bains des Quatre-Saisons.

Vient ensuite la rue Croix-de-Marbre, dans laquelle se trouvent le grand atelier de carrosserie de Laure dit Normand, et le magasin Barberis, où les étrangers de la Croix-de-Marbre, trouvent un assortiment d'épices, denrées-coloniales, etc.

En tournant pour rejoindre le quai Masséna, la place du Jardin-Public montre les façades de : l'hôtel de la Pension Anglaise, succursale de l'hôtel des Etrangers que M. Schmitz s'est adjointe afin de pouvoir offrir la vue de la mer aux voyageurs qui en font la demande (...) ;

l'hôtel Victoria, tenu par M. Zichitelli, sans contredit l'un des plus beaux et des meilleurs hôtels de Nice, et à ce titre justement réputé ; 

l'hôtel de la Grande Bretagne, tenu par M. Brezzi (...) ; 

et deux autres maisons dont la dernière fait l'angle de la rue Paradis, dans laquelle M. Périé tient, à droite, un magasin convenablement assorti d'épiceries, denrées coloniales, etc., et conséquemment avantageusement connu.

Le quai Masséna commence à l'angle opposé de cette même rue, par la maison Corinaldi [Maison de la veuve Coppon aux locations exploitées par Corinaldi], et s'étend jusqu'à la Place-Masséna".

Cette présentation peut être complétée par les renseignements des listes alphabétiques des professions et des habitants du même ouvrage (peu de noms sont cités du fait des locations saisonnières et des hôtels). 

Les bâtiments ouest affichent une numérotation paire, croissante du sud au nord, avec notamment :

- au n° 2, le magasin de modes et de nouveautés de Madame Gonin [Maison du Consulat de France] ; 

- au n° 4, la boutique de modiste de Madame Suchet et l'atelier de l'artiste peintre Kamenscki [pavillon Robiony/Roubiony] ; 

- au n° 6, l'appartement du comte Urbain Garin de Cocconato, propriétaire ;

- au n° 8, la Maison Trabaud, avec au rez-de-chaussée les "Bains des Quatre Saisons" de Monsieur Louis Trabaud et le "Café du Jardin-Public" tenu par Gaspard Feraud/Féraud, et à l'étage l'appartement de Ferdinand Pollan aîné, propriétaire.

Les bâtiments nord affichent une numérotation impaire, décroissante d'ouest en est, avec notamment : 

- au n° 9, l'Hôtel de la Pension Anglaise ; 

- au n° 7, Raymond Gauthier, marchand de bois de construction et propriétaire, et Georges Zerega/Zéréga, maître de danse, d'escrime et de gymnastique ;

 - au n° 5, l'Hôtel Victoria ; 

- au n° 3, l'Hôtel de la Grande Bretagne ; 

- au n° 1, la Maison Trabaud, à l'angle de la rue Paradis, avec la famille de l'ébéniste Joseph Mignon et le "Restaurant Français" de François Escoffier.


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