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dimanche 15 juin 2025

1390-VICHY : M. & MME FONTAINE, PHOTOGRAPHES (Enquête 1)

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS




INTRODUCTION


Deux historiens ont posé les bases d'une liste des photographes ayant officié dans la ville de Vichy au XIX° siècle. Il s'agit de Jean-Marie Voignier en 1993 (1), qui a ciblé une vingtaine d'ateliers, et de Pascal Chambriard en 2011 (2), qui a listé à son tour une vingtaine d'ateliers mais également une dizaine de paysagistes voyageurs (vues de Vichy et de ses environs) et quelques distributeurs.

A l'heure de la numérisation croissante des documents d'archives, c'est près d'une soixantaine de photographes qui peuvent être désormais recensés en 2025. 

Ces professionnels sont tout d'abord des daguerréotypeurs itinérants, de passage pour quelques semaines dans la ville. Ce sont ensuite des photographes qui viennent passer la saison estivale à Vichy (saison de cure thermale, essentiellement entre mai et septembre) et qui possèdent un ou plusieurs ateliers dans d'autres villes.

Ils sont peu ou pas cités dans les registres de recensements de Vichy mais également dans les articles et les publicités des journaux locaux. Leur présence n'est donc parfois attestée qu'en pontillés, lors d'une seule année ou seulement grâce aux photographies conservées, les dates de leur premier ou de leur dernier séjour restant souvent inconnues. 

Quelques historiens ont étudié ou réétudié ces dernières années quelques-uns de ces photographes, comme Hervé Lestang (Arloing, Barbier, Granghon, Grianta et Méténier) (4), et plusieurs biographies ont également été présentées sur ce blog (Chardonnet, Coutem, Couton, Métenier, Randrup et Silli).

Il subsiste des noms de photographes qui posent problème. Leur prénom reste souvent inconnu, ce qui empêche de les identifier avec certitude, alors que plusieurs photographes contemporains portent le même patronyme. Parfois, c'est leur nom qui reste inconnu, du fait qu'ils affichent leur seul prénom comme pseudonyme. 

Cependant, lorsque leur identité se voit précisée grâce à la localisation de leurs ateliers ouverts dans d'autres villes, leur vie s'y révèle parfois tout aussi mystérieuse.

Cette nouvelle série va être consacrée aux photographes de Vichy qui posent le plus de difficultés à être identifiés. 

Le terme "d'enquête" a été retenu car, contrairement aux autres "biographies de photographes" présentées sur ce blog, cette série va afficher la méthode de recherche et les résultats au jour le jour, en suivant des enchaînements logiques ou intuitifs, avec des rebondissements et des impasses. Seule une brève synthèse finale va replacer les éléments découverts dans un ordre chronologique. 



LES PHOTOGRAPHES "FONTAINE" À  VICHY


Les repères

Jean-Marie Voignier (1) signale à Vichy, "Fontaine, années 1860" et liste 11 autres photographes français homonymes entre 1860 et 1900, à Paris (Seine), Mâcon (Saône-et-Loire), Lyon (Rhône), Lorient (Morbihan), Marseille (Bouches-du-Rhône), Rouen (Seine-Maritime), Langres (Haute-Marne) et Rennes (Ille-et-Vilaine). 

Quatre sont par lui dénommés "Fontaine" (Mâcon, Vichy, Lyon, Paris), un "Fontaine E." (Marseille), un "Fontaine Eugène" (Rouen), un "Fontaine Fortuné Hippolyte" (Marseille), deux "Fontaine Jules" (Rouen ; Langres), un "Fontaine Paul" (Rennes) et une "Fontaine Mme" (Paris).

Pascal Chambriard (2), signale pour sa part, "M. et Mme Fontaine comme daguerréotypistes itinérants à Clermont-Ferrand de décembre 1853 à mars 1854" (5) puis "Fontaine, rue Lucas (à Vichy)" en 1855.


Paris et Troyes ?

La recherche va s'effectuer parallèlement sur les sites d'archives et de presse ancienne et sur les sites de généalogie, autour du couple de photographes, "M. et Mme Fontaine" et de "Mme Fontaine" seule, sans être certain que cette dernière soit issue du même couple. 

Les premiers résultats révèlent l'existence d'un "M. Fontaine, élève de M. Lerebourd (sic), de Paris" qui, de passage en 1843 à Troyes (Aube), rue de la Corterie, 31, maison de M. Simonnot, réalise des "Portraits au Daguerréotype, d'après le système allemand (...). Fixés au chlorure d'or et inaltérables" (L'Aube des 24 juin et 2 juillet 1843).


- Publicité pour l'atelier de M. Fontaine, parue dans L'Aube des 24 juin et 2 juillet 1843.


Un nouveau passage à Troyes est ensuite signalé en 1846, cette fois-ci effectué par "M. et Mme Fontaine", rue Moyenne, 63, au premier, avec des "Portraits au Daguerréotype en noir et en couleur" (L'Aube du 8 novembre 1846).


- Publicité pour l'atelier de M. et Mme Fontaine, parue dans L'Aube du 8 novembre 1846.


Rien ne permet d'être certain que c'est la même personne qu'en 1843, d'autant que ni son prénom ni sa ville de provenance ne sont indiqués. Si c'est la cas cependant, il est cette fois accompagné d'une femme qu'il a épousée et probablement formée à la photographie, avant ou après 1843.

En 1848, c'est le passage d'un "M. Fontaine" seul, qui est effectué à Dole (Jura), rue Besançon, avec la proposition de "Portraits au Daguerréotype, exécutés en couleur, imitant la mignature (sic)" (L'Album Dolois du 13 août 1848).

Là encore, impossible d'affirmer qu'il s'agit toujours du même homme. En revanche, le ou les photographes cités sont tous itinérants, au cours des années 1840, dans l'est de la France.

Le couple signalé à Troyes en 1846 est-il le même que celui cité à Clermont-Ferrand fin 1853-début 1854 ? Mme Fontaine est-elle la même que celle citée à Vichy dans les années 1860 ? 

Un photographe dénommé, "J. Fontaine", est ensuite signalé de passage à Nancy (Meurthe-et-Moselle), dans le jardin de M. Merlant, au printemps 1866 (La Meuse du 23 juin 1866).

Enfin, un photographe dénommé, "Jules Fontaine", est cité à Troyes (Aube), début 1889 (Le Petit Troyen du 28 février 1889).


Vichy et Monaco ?

Une seule et unique trace d'une "Mme Fontaine, photographe" à Vichy a été retrouvée dans la presse ancienne, dans un article de Léopold Amat, présent à Nice (Marseille c.1815-Nice 1872), compositeur, chanteur, organisateur des concerts et fêtes de stations thermales et balnéaires et homme de lettres

Ce dernier évoque sa relation et sa correspondance, en janvier 1865, avec le célèbre journaliste et écrivain (romancier, poète) Joseph Méry (Marseille 1797-Paris 1866), présent à Monaco :

"J'ai dépêché à Monaco madame Fontaine, la photographe renommée de Vichy, en priant Méry de nous envoyer quelque choseMéry a fait braquer l'objecteur contre la villa de la Colombe, qu'il habite, et pendant l'opération de l'appareil photographique il a taillé sa meilleure plume pour collaborer avec le soleil des Alpes-Maritimes" (La Revue Illustrée des Eaux, extrait cité dans le Journal de Monaco du 5 février 1865). 

Mme Fontaine est citée seule, sans son mari (absent ou décédé ?) et toujours sans l'indication de son prénom ni de sa ville d'origine. Elle est dite "renommée" à cette date, ce qui semble impliquer une fréquentation récurrente de la ville de Vichy, antérieure à 1865.

La recherche dans le Journal de Monaco a permis de découvrir quatre autres mentions de Mme Fontaine : 

- en décembre 1859, où "M. et Mme Fontaine" (photographes ?) sont signalés dans la Liste des Etrangers arrivés à Monaco (Journal de Monaco du 18 décembre 1859) ;

- en avril 1865 (séjour motivé par l'écrivain Méry), où Madame Fontaine annonce son départ au 10 mai (Journal de Monaco du 30 avril 1865) ;

- en juin 1866, avec l'évocation du Portrait de Méry réalisé par Mme Fontaine, l'année précédente (Journal de Monaco du 24 juin 1866) ;

- en 1867, avec la parution, pendant huit mois (du 24 février au 20 octobre 1867), d'une publicité de Mme Fontaine (Journal de Monaco du 24 février au 20 octobre 1867).


- Publicité pour l'atelier de Mme Fontaine, parue dans le Journal de Monaco du 24 février au 20 octobre 1867.


Ces différents signalements sont révélateurs. En 1865 notamment, Mme Fontaine part à Monaco pendant environ 3 mois (?), et en revient avant la saison de Vichy. En 1867, elle passe cette fois un long séjour d'environ 8 mois à Monaco, comprenant la saison estivale. 

Il reste impossible de préciser le nombre de saisons qu'elle a effectuées à Vichy, et leurs dates, mais il apparaît probable qu'elle ait fréquenté la ville, avec son mari, dès les années 1850 puis, seule, dans la première moitié et le milieu des années 1860.


Lyon ?

Le Salut Public de Lyon signale, le 30 avril 1862, "un nouvel atelier photographique ouvert récemment quai d'Albret, 27, au 1er, sous la raison sociale, Hernandez et Fontaine".

 L'atelier dispose d'une terrasse où des portraits instantanés sont réalisés en une demi-seconde, ce qui convient particulièrement aux enfants. Les photographies sont exposées sur plusieurs tableaux dont l'un est situé à l'angle de la rue du quai d'Albret et de la rue Puits-Gaillot.

"Hernandez & Fontaine" vont faire paraître des publicités dans ce même journal, du 30 avril 1862 au 21 avril 1863 (très nombreuses entre le 4 juillet et le 17 novembre 1862) mais plus aucune par la suite.


- Publicité pour l'atelier Hernandez & Fontaine, parue dans Le Salut Public (Lyon)
 du 30 avril 1862 au 21 avril 1863.



Cependant, Le Salut Public du 1er janvier 1864, annonce la création, pour neuf années, à compter du 25 décembre 1863, d'une nouvelle "Société ayant pour but l'exploitation de la photographie", avec pour raison sociale, "Hernandez Fontaine et Sigmünd", et un siège sis à Lyon, rue Bât-d'Argent, 3. 

Les associés sont désormais : "M. Pierre Hernandez, photographe, demeurant à Lyon, quai d'Albret, 27 [cité par Jean-Marie Voignier, en tant que collaborateur de "Fontaine" à Lyon] (1), "Mme veuve Adélaïde Fontaine, photographe audit lieu, et M. Frédéric-Claude Sigmünd, commis-négociant, demeurant à Lyon, quai de Retz, 10". 

La Société a-t-elle perduré, comme envisagé, jusqu'en 1872 ? Aucune autre trace de cet atelier n'en a été découverte dans les années suivantes mais Jean-Marie Voignier situait l'existence de l'atelier uniquement vers 1864 et 1865.


Paris, Troyes, Vichy, Lyon et Monaco ?

Mme Fontaine a donc pour prénom "Adélaïde" et est veuve en 1863. Ces renseignements sont-ils suffisants pour retrouver son nom de jeune fille, son lieu de naissance, la date de son mariage, le prénom de son mari et les dates de naissance et de décès de ce dernier ?

Sur les sites de généalogie, la recherche s'est effectuée à partir "d'Adélaïde, épouse Fontaine". Plusieurs noms sont ressortis mais un seul a semblé convenir en rapport aux dates d'un décès du mari avant 1864 (Lyon) et de l'épouse, après 1867 (Monaco).

Il s'agit d'Adélaïde Portier, née à Auxon (Aube) le 17 janvier 1804. Elle s'est mariée avec Jules Fontaine, peut-être né à Troyes (Aube), avant l'année 1838, date de naissance du premier de leurs deux enfants baptisés à Paris (Alphonse Constantin Fontaine, Saint-Germain-des-Prés, le 4 juillet 1838 ; Jules André Fontaine, La Madeleine, le 16 août 1840).

Il reste à vérifier ces hypothèses et à découvrir si leur mariage a eu lieu dans l'Aube (à Auxon ou à Troyes ?) ou à Paris, avec un époux dont la profession de l'époque reste à découvrir. 

Cependant, il apparaît d'emblée que les époux Fontaine ont vécu dans la capitale et que le photographe "Jules Fontaine" de passage à Troyes en 1843 et 1846 est certainement son époux, revenant travailler, de Paris, dans leur région natale.

Mme veuve Fontaine conserve-t-elle une adresse parisienne dans les années 1860 et au-delà ? Est-elle la photographe dont Jean-Marie-Voignier signale l'atelier, "passage Jouffroy, 66" dans les années 1870 et 1880 et dont la trace a pu être retrouvée dans les Annuaires-Almanachs Didot-Bottin, de 1874 à 1885 ? C'est possible mais Adélaïde Portier, épouse Fontaine, serait très âgée à ces dates.

Dans les années 1860, Adélaïde Portier alterne peut-être entre Paris et Vichy (?) et, dès 1862, entre Paris et Lyon ou Lyon et Vichy (?). Exerce-t-elle encore à Lyon lorsqu'elle se rend à Monaco au début de l'année 1865 et qu'elle y passe huit mois en 1867 ?


Adélaïde Portier

La date de décès de Mme Fontaine a pu être retrouvée à Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales), autre station thermale, où elle séjournait, le 16 janvier 1887, "âgée de 90 ans [!]" (elle reste absente du recensement de cette commune en 1886).

L'acte précise qu'elle est "sans profession, née le vingt-six Nivôse an V [17 janvier 1797] à Auxon (Aube), domiciliée à Amélie-les-Bains, fille de Nicolas Portier et de (nom et prénom de la mère inconnus ou illisibles), veuve de Jules Fontaine. Ladite Adélaïde Portier décédée (...) à la maison Baget sise rue du Tech de la présente commune".

L'acte de naissance d'Adélaïde Portier, dans la commune d'Auxon (Roncenay), près Troyes (Aube), a permis de confirmer la première date retrouvée : "le 26 Nivôse an XII" [17 janvier 1804], ce qui fixe son âge de décès à Amélie-les-Bains, à la veille de son 83ème anniversaire (et non à 90 ans). 

Elle est la fille de Nicolas Portier (né à Auxon le 5 juin 1770) et d'Edmée Regnaut (née à Auxon le 9 novembre 1776), qui se sont mariés dans cette commune le 8 février 1799 et ont eu trois enfants.

La date de son mariage a pu être retrouvée dans les fichiers d'état civil reconstitués de Paris, "le 28 juin 1836", à l'âge de 32 ans.

Les dates et lieux de naissance et de décès de son mari, Jules Alphonse Fontaine, n'ont, pour leur part, pas encore été retrouvés. Il est probablement né à Troyes, dans une autre commune de l'Aube ou à Paris, entre 1790 et 1815, et est décédé, peut-être à Paris, vers 1860.


Les photographies conservées

Aucun daguerréotype des années 1840-1855, signé de M. Fontaine ou des Epoux Fontaine, ne semble conservé et aucune photographie des années 1855-1860 ne semble connue (Paris, Troyes, Clermont-Ferrand, Vichy, Monaco...) . 

Les seules photographies conservées sont des portraits réalisés dans l'atelier lyonnais, signés "Hernandez & Fontaine", "Quai d'Albret, 27" (actuelle avenue de Grande-Bretagne, 6ème arrondissement) puis "Rue de l'Arbre-sec, 8 & Rue du Bât d'Argent, 3" (1er arrondissement).

 L'atelier qui a perduré au minimum de 1862 à 1864, présente des cartons-photos de 4 types différents, avec deux adresses successives.



- Détail du verso de quatre types de cartes de visite de l'atelier lyonnais Hernandez & Fontaine.


Le photographe Pierre Raphael François Alexandre Sébastien Ernandez/Hernandez semble être né à Oxos/Axos (royaume de Murcie, Espagne) le 24 octobre 1785. Tisserand, il s'est marié à Lyon le 2 décembre 1819, avec Bernarde Gaifier, avec laquelle il a eu cinq enfants. 

S'il s'agit bien de lui, il avait 76 ans en 1862 (!). Il est décédé dans cette ville, rue de Flesselles, 23 (1er arrondissement), le 31 janvier 1869, à l'âge de 83 ans.



SYNTHÈSE


M. et Mme Fontaine

Jules Alphonse Fontaine (né vers 1800) et Adélaïde Portier (née en 1804 à Auxon, Aube) sont présents en 1836 à Paris et s'y marient. Deux enfants (au moins) vont naître de leur union dans la capitale (en 1838 et 1840).

Jules Fontaine devient daguerréotypeur vers 1840 (entre l'automne 1839 et l'été 1843), en étant l'élève de Noël Marie Paymal Lerebours (Paris 16 février 1807-Neuilly-sur-Seine, 23 juillet 1873). Il officie ensuite à Paris mais également en province (Troyes en 1843 et 1846 - Dole en 1848 ?).

Il semble former son épouse au Daguerréotype (au plus tard en 1846) et parfois voyager avec elle (Troyes en 1846 - Clermont-Ferrand fin 1853-début 1854 ?).

Jules Fontaine décède malheureusement vers 1860 (entre 1855 et 1862 ?). 

Adélaïde Fontaine continue seule sa vie de photographe puis ouvre un atelier à Lyon, avec un (1862 et 1863) puis deux associés (1864 - 1865 ?). Elle fréquente ensuite la Principauté de Monaco (1865 et 1867). 

Sa carrière semble s'arrêter à cette dernière date, à 63 ans (sauf si c'est elle qui, à un âge très avancé, occupe l'atelier parisien du passage Jouffroy, 66, vers 1874-1885). 

Elle décède à Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales), le 16 janvier 1887 (à l'âge de 83 ans).


Leur présence à Vichy

Si l'identité des "Fontaine" a pu être en partie précisée, la question des dates de leur activité photographique à Vichy reste cependant entière. 

Les époux Fontaine ont-ils passé la saison estivale de 1854 à Vichy (après Clermont-Ferrand ?) ? Est-ce bien eux qui y sont ensuite attestés en 1855 ? Y sont-ils revenus ensemble lors des saisons suivantes ? Adélaïde Fontaine y est-elle revenue seule après le décès de son mari ? A-t-elle travaillé parallèlement à Vichy et à Lyon dans la première moitié et le milieu des années 1860 ?

L'hypothèse qui semble la plus crédible est celle de plusieurs saisons effectuées à Vichy, entre 1854 et 1864. 

Cette hypothèse repose notamment sur la phrase de Léopold Amat écrite en janvier 1865, "J'ai dépêché à Monaco madame Fontaine, la photographe renommée de Vichy". En effet, cette renommée peut difficilement renvoyer à une unique saison vichyssoise attestée une décennie auparavant, en 1855.



BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE SOMMAIRES


Les Photographes

1- VOIGNIER Jean-Marie, Répertoire des Photographes de France au dix-neuvième siècle, Le Pont de Pierre, 1993.

2- CHAMBRIARD Pascal, "L'apparition de la photographie touristique de Vichy (1863-1885), dans, Bulletin de la Société d'Emulation du Bourbonnais, T 75, septembre 2011, pp. 458-495.

3- CARADEC Marie-Anne, PAILLET Antoine, CHASSAING Jean-François, Nouvelles Images : les débuts de la Photographie dans l'Allier, Loubatières Editeur, 2012.

4- LESTANG Hervé, Quatre mille visages de la Photographie, Portrait Sépia, https://portraitsepia.fr/

5- COCHET Patrick et SEGIN Serge, Bérubet, peintre au daguerréotype (AN XII-1887), Collection Patrimoine photographique en Auvergne, Archives départementales du Puy-de-Dôme, 2009.


Les Archives

- Fonds patrimoniaux de Vichy, https://mediatheques.vichy-communaute.fr/patrimoine/patrimoine-numerise-1

- Archives municipales de Vichy, https://www.ville-vichy.fr/patrimoine/archives

- Archives départementales de l'Allier, Moulins, https://archives.allier.fr/

- Archives de la Bibliothèque nationale de France (Gallica, https://gallica.bnf.fr/ et Retronews, https://www.retronews.fr/)

- Google Livres

- Lectura plus, https://www.lectura.plus/Presse/

Journal de Monaco, https://journaldemonaco.gouv.mc/.


La Généalogie (sites gratuits)

- Geneanet, https://www.geneanet.org/

- FamilySearch, https://www.familysearch.org/fr/




lundi 2 juin 2025

1389-PAUL COUTEM (1811-1872), PHOTOGRAPHE À VICHY

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS



PAUL COUTEM (1811-1872), PHOTOGRAPHE



THÉNÉSOL (SAVOIE)


Jean Baptiste dit Paul Coutem est né le 29 juin 1811 à Thénésol (Savoie). Il est l'un des neuf enfants d'Aimé Coutem (1767-1814) et de Josépha Ducros (1774-1830) qui se sont mariés dans cette commune en 1790. 

Rien ne semble connu de l'adolescence et des premiers emplois de Paul Coutem.



PARIS (SEINE) ET VICHY (ALLIER)


On le retrouve à Paris en 1857, âgé de 46 ans, exerçant la profession de photographe, rue de Navarin, 14, dans le 9ème arrondissement (Annuaire-Almanach Didot-Bottin de 1858 et de 1859).


1- Mention de Paul Coutem dans l'Annuaire-Almanach Firmin-Didot de 1858 p 156,
Paris, BnF (Gallica).


Il s'associe, en 1857 ou 1858, au photographe Ernest Portait, qui possède un atelier à Saint-Quentin (Aisne), rue du Gouvernement, 10.

Paul Coutem passe la saison d'été 1858 dans la station thermale de Vichy (Allier). Il loge à l'Hôtel des Thermes et possède un atelier rue Schriber. 

La réalisation du portrait d'Isaac Strauss, chef d'orchestre de l'Etablissement thermal, l'excellence de ses procédés, la modicité de ses prix et ses cartes de visite à la mode font son succès (La Semaine de Cusset et de Vichy des 24 juillet et 7 août 1858). 

Son associé, Ernest Portait, décède malheureusement fin 1858. Un jugement du 19 janvier 1859 invalide, pour inobservation des formalités prescrites par la loi, "la société formée entre les sieurs Ernest Portait et Coutem, ayant pour objet l'exploitation de procédés photographiques applicables à toute espèce de reproduction" (Gazette nationale et Le Droit du 2 février 1859)

La vente du fonds et du droit au bail a lieu le 4 avril 1859 (FranceArchives, MC/ET/XX/1057).

Au printemps 1859, Paul Coutem retourne à Vichy où il décide de s'établir. Son atelier est désormais situé, "en face l'entrée des Bureaux de l'Etablissement Thermal" (La Semaine de Cusset et de Vichy du 25 juin 1859).

A l'automne 1859, il consacre notamment son temps à réaliser des portraits de groupes (les 120 personnes de l'Etablissement thermal et les Compagnies de sapeurs pompiers de Vichy et de Cusset) et à "prendre des vues qui doivent composer un magnifique album" (La Semaine de Cusset et de Vichy du 3 décembre 1859).



VICHY (ALLIER)


Au printemps 1860, Paul Coutem fait paraître une petite annonce vichyssoise dans la Gazette Nationale : "Photographie artistique. Paul Coutem, de Paris, près des bains". 

Le Recensement de 1861 le cite, seul et célibataire, "quartier des bains, 1", âgé de 50 ans. 

A l'automne 1861, "M. Coutem, photographe de l'Empereur, à Vichy" est désigné comme l'un des deux "Représentants de l'ordre Impérial de la Légion d'honneur pour le département de l'Allier"

Paul Coutem rend compte par ses clichés des grands travaux et des bâtiments en construction de la ville. Sa photographie des Chalets de l'Empereur, construits sur les nouveaux parcs de Vichy, est publiée sous forme d'estampe dans Le Monde Illustré du 18 juillet 1863. 

L'une de ses publicités paraît dans un Guide de Vichy, édité au printemps 1864.


2- Publicité pour l'atelier de Paul Coutem,
publiée dans l'ouvrage de F. de Castanié, Nouveau Guide complet aux eaux de Vichy
Paris, Imprimerie Raçon et Cie, Librairie Garnier Frères, printemps 1864, 
Appendice publicitaire p 15 (Google Livres).



Il est probable que ce soit Paul Coutem qui ait fait construire, vers 1861-1862, la villa où il a tout à la fois son atelier et son domicile, cette dernière étant encore absente du Plan de Vichy de 1860 mais présente sur celui de 1863. Si c'est le cas, cela implique qu'il a précédemment occupé une autre adresse dans le même quartier des bains et/ou qu'il a occupé un local provisoire sur le terrain de sa villa en construction. 

Sa villa est située à l'angle des toutes nouvelles voies du boulevard Victoria et de l'Etablissement thermal, face au terrain de l'Ancien Cimetière. Au printemps 1864, il y inaugure une salle de billard (La Semaine de Cusset et de Vichy du 11 juin 1864). 

Sa villa est ensuite représentée sur le Plan de Vichy du 20 juin 1865, avec le détail du jardin et de l'élévation de la façade sud (Image 3)

Trois ouvertures rythment les deux niveaux de cette dernière avec, au rez-de-chaussée, une grande ouverture centrale en forme de voûte sous laquelle se trouve un étalage de photographies et, au premier étage, un balcon courant sur toute la longueur, couvert d'une marquise. L'inscription, "Photographie - Paul Coutem", couronne l'ensemble.


3- RONDEPIERRE Emile, architecte et REYMOND Benoît, géomètre, 
Plan de Détails - Ville de Vichy, daté du 20 juin 1865,
détail de la "Photographie Coutem" (plan réorienté nord-sud),
Fonds patrimoniaux de Vichy.

Situé au nord-est de l'Etablissement thermal, la Villa Coutem offre :
- sa façade principale sud, sur le boulevard (ou avenue) Victoria
- sa façade latérale ouest, sur la rue de l'Etablissement thermal, 
avec l'atelier d'agrandissement (face au terrain de l'Ancien Cimetière)
- sa façade nord, avec cour, sur la petite rue du Vieux-Cimetière ou ruelle des Passages 
- sa façade est, sur le jardin, accosté d'un terrain de la Compagnie fermière
 (à proximité de plusieurs meublés et hôtels et de la Source pétrifiante).
 


Le Recensement de Vichy de 1866 précise que Paul Coutem (55 ans) est domicilié "avenue Victoria, 1", avec son assistant le photographe parisien Ambroise Richebourg (31 ans), quatre membres de la famille de ce dernier et deux domestiques.

L'été 1867, il installe dans l'atelier de pose du jardin, un grand fond peint en trompe-l'œil par le décorateur Plantade. Cette peinture représente le Parc thermal en perspective avec ses grands platanes et ses promeneurs, ainsi que le Casino, accosté du Kiosque de la Musique et du projet du futur Restaurant (La Semaine de Cusset et de Vichy du 13 juillet 1867).

Il vend ses grands formats, ses vues stéréoscopiques de l'Incendie des Grivats et ses vues de l'Inondation de Vichy du 26 septembre 1866, dans la Galerie sud de l'Etablissement thermal et dans son atelier (Le Programme - Vichy du 15 juin 1867).

Sa villa est vantée pour la rare qualité de son accueil. L'on s'y rend en visite, comme dans un parc de curiosités et les étrangers y sont toujours admis sans obligation d'acheter ou de se faire photographier. L'on peut poser en 5 ou 6 secondes et recevoir livraison, dans les cinq heures qui suivent, des deux douzaines de cartes de visite commandées. Des portraits-miniatures et des agrandissements y sont également proposés.

Un dessin de la Villa est conservé (Image 4) et plusieurs articles de journaux et revues de la fin des années 1860 célèbrent les lieux et les décrivent en détail (Le Programme - Vichy du 30 juillet 1867 ; L'Art Industriel du 23 juillet 1868 ; Le Moniteur de la Photographie du 15 août 1869...).


4- CLERGET Hubert (1818-1899), Vichy, sans précision ni date (Villa Coutem, années 1860),
dessin à la mine de plomb sur papier brun de 24,2x20,2 cm,
Paris, BnF (Gallica).


La villa, dénommée "Folie-Coutem" offre un grand mât portant une flamme tricolore qui surgit du terrain (Image 3). Une porte en bois rustique (puis une grille en fer) ouvre sur un petit jardin baroque, avec rocher artificiel, grotte et cascade, pont rustique en boudin et vieil orme Robinson entouré d'un escalier de bois (Image 4).

Individus et groupes posent devant cet arbre, ainsi que sous l'auvent comprenant une estrade et la grande toile en trompe-l'œil du Parc thermal.

Du côté ouest du terrain, un vaste et joli chalet rose et blanc pourvu d'un étage est construit en pierres, chaux et sable. Il est couvert en partie en tuiles plates, partie en ardoises et partie en verre. Deux pavillons d'angle d'un seul niveau, précédés de quatre marches et d'un perron orné de vases de Chine et de fleurs exotiques, se raccordent à la partie centrale, pourvue d'un étage et d'une terrasse (Image 4). 

Dans l'un des pavillons, une salle de billard s'ouvre sur le jardin, accostée d'une salle de gymnastique et d'un tir de pistolets de salon. 

Dans l'autre, un atelier vitré, plus frais en été, est accessible au rez-de-chaussée, pour un accès facilité aux malades. C'est également le lieu des laboratoires et du salon d'exposition de sa riche collection de célébrités, avec sur les murs et dans les albums, les portraits des personnalités politiques, militaires, médicales, littéraires et artistiques (notamment les musiciens, chanteurs, comédiens et prestidigitateurs qui se produisent au Casino).

Un troisième atelier de pose est présent au premier étage de la partie principale, plus particulièrement destiné aux dames ; il est entouré de verres bleus dépolis et accosté d'un salon qui sert de cabinet de toilette.

L'ensemble forme un total de vingt pièces dont la moitié est dévolue à la photographie.

Dans Le Programme-Vichy (journal du Casino) du 20 juillet 1869, une publicité de Paul Coutem est présente en première page et un article lui est consacré en page suivante. La publicité se termine par cette formule étonnante, "M. Coutem étant installé à Vichy depuis quinze ans" (1854 !). 

Quant à l'article, il débute ainsi : "Le photographe Coutem a toujours, lorsque j’arrive à Vichy, une de mes premières visites. J’ai plaisir à secouer sa forte main, à revoir sa cordiale figure de sous-officier de cavalerie". Si cette phrase est à prendre au premier degré, elle révèle la carrière précédente de Paul Coutem.

En 1870, le photographe est l'un des membres organisateurs de l'Exposition des Beaux-Arts de Vichy du printemps 1870 (La Gazette des Eaux du 6 janvier 1870 p 53 ; Le Moniteur de la Photographie du 1er avril 1870 p 11 ; La Semaine de Cusset et de Vichy du 11 juin 1870).

Le 15 octobre 1871, Paul Coutem et Ambroise Richebourg créent, à leur deux noms, "une Société pour neuf années à compter du 1er novembre 1871, ayant pour objet l'exploitation d'un établissement de Photographie et de Peinture, situé à Vichy, maison Coutem"

Chacun des deux associés doit apporter l'équivalent de 10,000 francs dans la caisse sociale : M. Coutem en objets mobiliers (meubles, clichés, produits chimiques, etc.) et M. Richebourg, en espèces, au cours des trois premières années de la société (La Semaine de Cusset et de Vichy du 9 décembre 1871).

Cependant, Paul Coutem, se donne la mort dans sa villa, "en se tirant un coup de pistolet dans la tête", le 7 février 1872, âgé de 61 ans (célibataire). "On attribue ce suicide à une maladie qu'il regardait comme incurable" (La Semaine de Cusset et de Vichy du 12 février 1872).

La maison, "spécialement construite pour un établissement photographique", va être, suite à une saisie immobilière opérée par les banquiers de Cusset, Butin et Cie, mise en vente aux enchères le 28 août 1872, avec une mise à prix de 12,000 francs puis, du fait d'une surenchère, avec une mise à prix de 16,570 francs le 1er octobre 1872 (La Semaine de Cusset des 3 août, 7 et 21 septembre 1872). 

Les héritiers déclarés de Paul Coutem sont quatre frère et sœurs âgés d'une soixantaine d'années, descendants de la famille Verchère-Coutem, domiciliés dans le canton d'Oyonnax (Ain) et à Lyon (Rhône), alors que Joséphine Coutem (1814-1884), sœur du photographe est encore en vie.



LES TAMPONS DE L'ATELIER COUTEM


Présentation

Paul Coutem a effectué des tirages de différents formats. Aucune photographie issue de son atelier parisien des années 1857-1858, ne semble connue à ce jour. 

De nombreuses photographies témoignent cependant de son activité à Vichy, entre 1858 et 1872.

Ses vues de grand format (notamment de 18x24 cm), comportent souvent dans la marge inférieure, un tampon sec : "Paul Coutem - Photographe - De S M L'Empereur" et sont parfois même datées (comme celles du chantier du Casino).

Aucune de ses stéréoscopies, attestées par les textes, ne semble conservée et c'est également le cas de ses cabinets.


Cartes de visite

Les photographies conservées (des portraits surtout et de plus rares vues) s'avèrent essentiellement être des cartes de visite. La recherche a permis d'établir un classement chronologique, en suivant les transformations de leurs inscriptions et de leur décor.

Le recto, tout d'abord nu, présente par la suite l'inscription, "P. Coutem. Phot.", qui va passer en couleur et s'additionner d'un liseré de même teinte.

Le verso semble, dans un premier temps, simplement revêtu d'un tampon ovale à l'encre bleue, "Paul Coutem - Photographe - A Vichy" (Image 5) puis des inscriptions suivantes, imprimées à l'encre noire, en petits caractères, sous les armoiries du Second Empire, "Paul Coutem, - Photographe de la Mon de L'Empereur" (Image 6).


5- Vers 1860-1861 (?).            6- Vers 1861-1862.


Les inscriptions sont ensuite imprimées à l'encre noire puis en couleur, sous ces mêmes armoiries entourées de deux médailles célébrant une Exposition à Londres de 1860, Paul Coutem étant dit "Photographe - de la Mon - De l'Empereur." (Images 7 et 8) puis "Photographe - De La Maison - de l'Empereur - Et De - l'Etablissement Thermal", avec ces derniers mots écrits, d'abord d'une façon droite puis d'une façon ondée (Images 9 et 10).

Des variations se remarquent également au sommet du carton-photo : le nom du photographe occupe tout d'abord cet emplacement (Image 7) puis se voit remplacé par la mention, "Photographie Artistique".


7 et 8- Vers 1862-1864 (?)


9 et 10- Vers 1864-1866 (?)


Dans les cartons suivants, les médailles entourant les armoiries du Second Empire, se dédoublent (passant au nombre de quatre) et célèbrent, d'une part, l'Exposition de Londres de 1860 et, d'autre part, l'Exposition de Thiers de 1865 (Image 11). 

Ses derniers cartons, postérieurs à 1870, suppriment toute référence au Second Empire et affichent désormais, sous le blason de la Ville de Vichy, les deux noms de "Paul Coutem - Et - A. Richebourg Fils - Photographes - De - l'Etablissement thermal et du - Casino" (Image 12).


11- Vers 1866-1870 (1cdv datée de "1867").         12- Vers 1871-1872.



Plusieurs remarques sont nécessaires :

- la mention, "Photographe - de la Mon - De l'Empereur", placée sous les armoiries du Second Empire, semble dater au plus tôt de l'été 1861 (première cure de Napoléon III) (Images 6 à 11) ; Paul Coutem donne préférence à cette mention, plus prestigieuse que celle de "Représentant de l'ordre Impérial de la Légion d'honneur", qu'il n'affichera jamais :

- la médaille de vermeil représentée (Images 7 à 12) est peut-être celle obtenue lors de l'Exposition de la Photographic Society qui s'est tenue à Londres, du 13 janvier au 24 mars 1860 (Gallery of the Society of Painting in Water Colours, 5A Pall Mall East) mais son nom n'a pas été retrouvé dans la liste des exposants ;

- la mention, photographe "de l'Etablissement Thermal" (Images à 9 à 12) ne semble pas antérieure au milieu des années 1860 (vers 1864-1866) ;

la médaille de bronze de 1865 célèbre sa participation à l'Exposition agricole, industrielle et artistique de Thiers, qui s'est tenue dans la première quinzaine de septembre 1865 (La Semaine de Cusset et de Vichy du 2 septembre 1865) (une carte de visite datée de "1867") ;

- les cartes de visite offrant des portraits ayant pour fonds la grande toile peinte du Parc thermal, ne peuvent être antérieures à 1867 (date de son installation) ;

- la mention "Paul Coutem - Et - A. Richebourg Fils - Photographes" ne peut être antérieure à l'automne 1871 (date de création de leur société) ni postérieure à 1872 (décès de Paul Coutem et dissolution de la société) ;

- aucun verso de carte de visite ne semble témoigner de la période comprise entre la chute du Second Empire (septembre 1870) et la création de la société Coutem & Richebourg (novembre 1871).