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dimanche 26 mai 2024

1344-NICE, VUE DU PORT PRISE DE LA ROUTE DE VILLEFRANCHE

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- Photographe anonyme, Vue sans titre ni date, 
Nice, vue panoramique prise de la route de Villefranche, 
tirage albuminé, Nice, Archives Municipales, 3Fi 93/18.

La vision égrène des architectures datant majoritairement du XIX° siècle mais l'entrée et le bassin du Port conservent une partie d'ouvrages et de bâtiments du milieu et de la seconde moitié du XVIII° siècle. 



INTRODUCTION


En 2017, trois articles de ce blog ont été consacrés à l'évolution du Port Lympia de Nice dans la seconde moitié du XIX° siècle et à la datation des photographies contemporaines de ce lieu (ici). 

Le texte de ces articles a, depuis, été régulièrement mis à jour mais la datation de certaines réalisations reste encore à préciser.

Ce nouvel article va être consacré à l'étude d'une seule vue, confrontée aux principaux repères chronologiques et à leurs sources documentaires. 

La photographie panoramique retenue, conservée aux Archives Municipales de Nice, est anonyme et dépourvue de titre et de date (Image 1 ci-dessus). 

C'est une vue générale de la ville, prise depuis l'est, qui montre le Port et, de part et d'autre de la Colline du Château, la Baie des Anges au sud et les quartiers de Riquier et de Carabacel au nord.

La vue plongeante, capturée depuis les hauteurs de Montboron et la route de Villefranche (actuel boulevard Carnot), dévoile au premier plan le quartier du Lazaret, en bord de mer. 

Le boulevard de l'Impératrice de Russie (actuel boulevard Franck Pilatte), bordé des villas Lefevre et Myèvre, du Petit Séminaire, du Restaurant de la Réserve, des villas Saint-Vallier et Vigier, et de plages, conduit à l'entrée du Port. 

Cette dernière est constituée d'un épi rocheux puis du môle intérieur ou môle du carénage en travaux, face au môle extérieur qui apparait ici pourvu de deux phares.



LES TRAVAUX DE L'ENTRÉE DU PORT


Le Port de Nice a été créé à cet emplacement à partir du milieu du XVIII° siècle. Cependant, dès l'achèvement des travaux, le bassin intérieur s'est avéré trop petit. Un projet d'agrandissement a vu le jour mais est resté en attente durant un siècle.

Suite à l'Annexion française de 1860, le projet est remis à l'ordre du jour et mis au point en 1866, comprenant notamment la transformation des môles d'entrée, l'amélioration de la profondeur du bassin et son élargissement et agrandissement vers le nord et l'ouest, ainsi que la réfection des quais. Un décret impérial du 4 mai 1867 alloue 5 millions de francs à l'agrandissement du Port et à l'amélioration de la passe.

Les travaux vont être menés pendant vingt ans, de 1869 à 1889, en procédant du sud au nord, afin de sécuriser l'entrée des navires et d'en accueillir le plus grand nombre.


Le prolongement du quai du môle extérieur (Images 2, 3 et 6)

Le prolongement sud-est du môle extérieur est la première modification entreprise, destinée à sécuriser l'entrée et le stationnement des navires dans le Port, afin de réduire les effets de la mer par mauvais temps.

Le 28 novembre 1868, les travaux sont adjugés en conseil de préfecture à l'entrepreneur Rosier Aristide de Marseille et les crédits ministériels sont alloués en janvier 1869, pour le prolongement du môle et le curage du Port (Journal de Nice [JDN] des 30 novembre 1868 et 17 janvier 1869).

Étrangement, les travaux ne semblent pas entamés avant l'automne 1869 car aucun article n'en rend compte avant cette saison mais peut-être est-ce dû à la date de réception effective des crédits. 

Début octobre 1869, le Préfet des Alpes-Maritimes communique l'avis suivant, adressé aux navigateurs : "A partir du 25 octobre 1869, il sera allumé sur la plage du Lazaret située à l'Est du port de Nice, deux feux de direction, le plus élevé vert, le plus bas rouge.

Ces feux sont destinés à guider la nuit les navires entrant dans le port de Nice, de manière à ce qu'ils évitent, en les laissant à bâbord, les travaux de prolongement du môle extérieur et à ce qu'ils arrivent sûrement en vue de trois autres feux de couleur, déjà existants, au fond de la passe.

Une bouée-balise peinte en blanc a été mouillée à l'Est dudit prolongement pour donner aux navires la même indication pendant le jour" (JDN du 4 octobre 1869).

Ces mêmes préconisations sont rappelées lors d'une nouvelle parution début décembre 1869, avec quelques détails différents dans la phrase d'introduction : "A partir du 15 octobre 1869 [et non du 25], on a allumé, et jusqu'à l'achèvement des travaux de prolongement du môle extérieur du port de Nice, on allumera, sur la plage du Lazaret, située à l'Est de ce port, deux feux de direction.  Le feu supérieur est "vert", le feu inférieur est "rouge" [ce qui sous-entend que ces deux feux sont superposés]..." (JDN du 1er décembre 1869).

Une grande carrière d'enrochements est établie par l'administration des ponts et chaussées à Rauba-Capeu (JDN du 13 janvier 1870) et des tranches énormes de roche calcaire sont détachées à la mine pour produire les blocs de la jetée (JDN du 15 avril 1870).

Les plus gros blocs sont directement immergés et les autres sont artificiellement reliés entre eux par du béton puis sont entassés sur la plage qui borde le boulevard de l'Impératrice de Russie et transportés sous la nouvelle jetée (JDN du 21 septembre 1870).

Les travaux sont cependant interrompus pendant près de six mois, du fait des évènements de la Guerre franco-prussienne.

Les travaux reprennent fin mars 1871, avec la ferme volonté de les achever vers la fin de l'année. L'extraction de pierres reprend de plus belle et les blocs sont notamment transportés par "un chemin de fer spécial sous la jetée" (JDN du 8 avril 1871).

"On peut facilement se rendre compte de l'importance des travaux en examinant les progrès de l'endiguement qui se poursuit tous les jours en avant du phare" (JDN du 25 août 1871).

Cette grande activité, non sans danger pour les ouvriers (JDN du 20 octobre 1871) laisse encore espérer "qu'avant la fin de la saison d'automne, on parviendra en grande partie à réaliser la mise à exécution des plans arrêtés" (JDN du 20 octobre 1871).

Cependant, ce sont les moyens financiers qui commencent à manquer et le chantier est à nouveau interrompu pendant plusieurs mois. 

Un nouveau crédit, alloué par le ministre des travaux publics en mai 1872, semble relancer le projet mais les renseignements manquent ensuite (JDN du 26 mai 1872). Il est probable qu'une partie du projet ait pu être réalisée dans la suite de l'année 1872 mais que les travaux aient été à nouveau interrompus, faute de crédits.

Il apparaît d'ailleurs, qu'à la fin du premier trimestre de l'année 1873, les travaux ne sont toujours pas terminés : "On continuera néanmoins, nous l'espérons, le prolongement de la jetée. La confection des blocs de béton qui se poursuit le long du boulevard de l'Impératrice de Russie, dans la direction du petit séminaire, nous donne tout lieu de le croire" (JDN du 16 mars 1873).

Après cette date cependant, les documents ne fournissent plus aucun renseignement sur le prolongement du quai, sinon pour signaler que ce dernier a été réalisé en "1872".

Il est possible que les derniers blocs soient restés en attente pendant près de trois ans et n'aient été placés qu'au moment de la réalisation du mur-abri, de nouveaux tirs de mine de l'entrepreneur du Port étant d'ailleurs signalés à Rauba-Capeu, au printemps 1875 (JDN du 10 mai 1875).


2- Photographe anonyme, Vue sans titre ni date, 
Nice, vue panoramique prise de la route de Villefranche, 
tirage albuminé, Nice, Archives Municipales, 3Fi 93/18.



Le mur-abri du môle extérieur (Images 2, 3 et 6 )

Le nouveau quai du môle extérieur doit être ensuite pourvu d'un haut mur protégeant la passe et le bassin des vagues et des vents mais plusieurs années s'écoulent avant que ce dernier ne soit entrepris.

Les travaux de construction de ce mur sont enfin adjugés en préfecture, le 19 mars 1875, à l'entrepreneur Grégoire Antoine (JDN du 20 mars 1875). 

Les travaux se continuent pendant toute l'année 1875 (JDN du 20 décembre 1875) et semblent s'achever au premier trimestre de l'année 1876 (à une date qui reste à préciser).


L'épi rocheux du boulevard de l'Impératrice de Russie (Images 2, 5 et 6)

Le prolongement du môle extérieur a entraîné une modification des courants marins qui, désormais, sapent petit à petit la bande de terre et de sable qui longe le boulevard de l'Impératrice de Russie, surtout face à la Villa Vigier. 

Le Conseil municipal du 12 novembre 1873 acte la nécessité de prolonger "le mur de digue commencé par les soins de l'Etat jusqu'à l'angle sud-est de la propriété Vigier" et d'assurer la protection de ce mur par la construction d'une "forte jetée de blocs naturels". 

Une concertation avec les services de l'Etat s'impose pour la prise en charge des frais (Nice, Archives Municipales [AM], Registre des délibérations du Conseil municipal du 12 novembre 1873, 1D1-9 pp 38-39). 

Le dossier avance lentement et est toujours en discussion en mars 1874, lors du vote de l'éclairage au gaz du boulevard de l'Impératrice de Russie (AM, Registre des délibérations du Conseil municipal, 1D1-9 pp 111-112).

Lors de la séance municipale du 18 août 1876, présidée par le maire Auguste Raynaud, le Conseil approuve le projet de construction de l'épi présenté par les services des ponts et chaussées

L'épi devra joindre l'écueil de la grande roche à la plage sur une longueur de 70 mètres et empêcher les graviers d'obstruer l'entrée du Port.

Les travaux sont cependant ajournés jusqu'à l'attribution d'une aide financière de l'Etat (AM, Registre des délibérations du Conseil municipal du 18 août 1876, 1D1-11 p 65 ; JDN du 30 août 1876).

La décision est prise par le Conseil municipal du 27 décembre 1876. Début février 1877, le ministre des travaux publics approuve la construction de l'épi adossé aux grands rochers du Lazaret (AM, Registre des délibérations du Conseil Municipal du 7 février 1877 p 208 ; Le Phare du Littoral du 12 février 1877). 

La subvention ministérielle n'est cependant annoncée qu'au mois d'août 1877 (AM, Registre des délibérations du Conseil municipal du 18 août 1876, 1D1-11 p 367).

Suite à sa réception, la construction de l'épi est engagée à la fin de l'année 1877 (à des dates qui restent à préciser), la question n'étant plus évoquée lors des Conseils municipaux suivants.


Le nouveau phare du môle intérieur (Images 2, 3 et 6 )

Le môle prolongé d'une centaine de mètres et doté du mur-abri n'attend plus désormais que la construction d'un nouveau phare à son extrémité (JDN du 25 août 1871).

Les plans détaillés de ce dernier sont établis en 1878 et les travaux débutent en 1879 (à une date qui reste à préciser) pour s'achever au printemps 1880. 

Il est ensuite prévu, qu'à la date du 10 juillet 1880, le feu de l'ancien phare érigé en 1855, feu de 4ème ordre, à éclats rouges de 30 en 30 secondes, soit transporté au sommet de la nouvelle tour cylindrique et que les deux feux provisoires de la plage du Lazaret soient supprimés (JDN du 26 juin 1880).

Les deux phares vont coexister pendant plusieurs mois, l'ancienne tour n'étant démolie que vers 1882 (à une date qui reste à préciser).


La démolition de l'extrémité du môle intérieur (Images 2, 3 et 6 )

Le prolongement du môle extérieur a certes permis de sécuriser l'entrée du Port mais en a parallèlement réduit l'entrée. Il est désormais nécessaire de démolir le môle intérieur qui avait été érigé dans la seconde moitié du XVIII° siècle.

Dans un premier temps cependant, seule l'extrémité occidentale du môle du carénage, comprenant le belvédère d'angle et la fontaine, va être détruite, d'abord en surface puis en profondeur.

Les travaux de démolition de la partie émergée commencent en octobre 1879 (JDN du 1er novembre 1879) et semblent s'achever en septembre 1880. A cette date, les opérations de dragage des abords sont ensuite entamés, suivis du dynamitage de la partie immergée (JDN du 26 septembre 1880). 

L'achèvement des travaux semble avoir lieu au début de l'année 1881 (à une date qui reste à préciser).


3- Photographe anonyme, Vue sans titre ni date, 
Nice, vue panoramique prise de la route de Villefranche,
détail de l'Image étudiée, montrant l'entrée du Port, 
tirage albuminé, Nice, Archives Municipales, 3Fi 93/18.



L'ACHÈVEMENT DU CLOCHER DE L'ÉGLISE DU PORT (Images 2, 4 et 6 )


L'église Notre-Dame de l'Immaculée Conception, a été érigée, au nord du bassin du Port, entre 1840 et 1853. Elle a cependant nécessité, par la suite, de nombreuses modifications et réparations.

Le projet de surélever le clocher bas et carré situé au nord de l'église, a pour sa part été repoussé jusqu'à la fin des années 1870.

Lors de la séance municipale du 24 octobre 1878, le maire, Alfred Borriglione, soumet au Conseil une proposition d'achèvement du clocher, devis à l'appui, et rappelle l'incapacité financière du Conseil de fabrique de l'église. 

Certains conseillers municipaux souhaitent alors reporter le projet après la réalisation des travaux de l'agrandissement prévu du bassin intérieur du Port. La proposition du maire est cependant adoptée lorsque ce dernier n'engage la participation de la municipalité que sur la moitié des dépenses, une large subvention espérée de l'Etat et une petite participation du Conseil de fabrique devant constituer l'autre moitié (JDN du 31 octobre 1878).

La demande d'aide adressée à l'Etat et la recherche de ressources propres du Conseil de fabrique repoussent le projet de près d'une année. 

Ce n'est qu'à la séance du Conseil municipal du 11 septembre 1879 que l'argent est enfin réuni. L'adjudication des travaux a lieu le 16 octobre suivant mais aucune offre n'ayant été déposée, le Conseil autorise le maire, lors de la séance du 7 novembre, à traiter de gré à gré avec l'entrepreneur Ardouin, sur une proposition datée du 31 octobre (AM, Registre des délibérations  du Conseil municipal, 1D1-13 pp 48-49 et 120 ; JDN du 19 novembre 1879).

Les travaux sont entamés courant novembre et semblent se poursuivre jusqu'à la fin du printemps (JDN du 14 mai 1880). 

L'installation d'une horloge à 4 cadrans, dont 2 transparents, doit finaliser les quatre faces de la tour élancée du nouveau clocher. Le devis complémentaire reçoit l'accord préfectoral le 3 juillet 1880 et l'installation du cadran de la face nord (qui domine le presbytère) est signalée en cours au mois d'août suivant (AM, Registre des délibérations  du Conseil municipal, 1D1-13 pp 336-337 et 345 ; JDN du 20 août 1880).


4- Photographe anonyme, Vue sans titre ni date, 
Nice, vue panoramique prise de la route de Villefranche, 
détail de l'Image étudiée, montrant l'église du Port,
tirage albuminé, Nice, Archives Municipales, 3Fi 93/18.



LES TRAVAUX DU PETIT-SÉMINAIRE (Images 2, 5 et 6 )


Le Petit-Séminaire de Nice est tout à la fois un collège et le lieu de recrutement des futurs prêtres catholiques. Implanté sur des terrains acquis en 1841 et 1842 par Monseigneur Galvano, évêque de Nice, l'établissement, autorisé par décret du roi de Sardaigne, Charles-Albert de Savoie, à la date du 28 juillet 1842, a été ouvert en 1843 dans ce quartier alors isolé et peu peuplé du Lazaret, au pied du flanc sud du rocher nu de Montboron. 

Ce quartier s'est fortement développé à la fin des années 1850, suite à la transformation de la partie occidentale du chemin étroit du Lazaret, devenue le boulevard de l'Impératrice de Russie (1856-1857) puis à la construction de riches villas dont le célèbre Château Smith, situé à l'extrémité orientale du chemin.

Fin 1879 (à une date qui reste à préciser), des travaux d'agrandissement des locaux du Petit-Séminaire sont entrepris, grâce à la détermination du père supérieur, Louis Courrège, et au soutien de l'évêque de Nice, Monseigneur Balaïn. 

Les plans et devis de deux bâtiments, l'un scolaire, l'autre religieux, ont été dressés par le vicomte Alziari de Malaussène et M. Vérany, ingénieurs (JDN du 21 mars 1880). 

Les travaux débutent par le dégagement à la mine du rocher, afin de libérer et d'aplanir l'espace nécessaire aux deux constructions parallèles, prévues sur l'arrière et le côté est du terrain (JDN du 16 avril 1880). 

Au nord du bâtiment ancien, un nouveau bâtiment scolaire de même hauteur s'élève à partir de l'extrême fin de l'année 1879, notamment destiné à accueillir un grand réfectoire et une salle d'exercice. Sa date d'achèvement prévue (gros œuvre) est le 31 juillet 1880. 

Au début de l'année 1880, c'est cette fois la construction de la chapelle qui est entreprise. La cérémonie officielle de pose et de bénédiction de sa première pierre (dans laquelle sont scellés un parchemin du procès-verbal et des médailles portant la date de l'année), a lieu le 19 mars 1880, alors que les travaux ont déjà commencé (JDN du 21 mars 1880). 

En mai 1880, la cérémonie de la première communion ne permet pas d'accueillir toutes les familles dans l'ancienne chapelle : "Fort heureusement cet état de chose n'est que provisoire. Une église qui répondra aux besoins d'un établissement en si grand progrès, est en voie rapide de construction, et le bâtiment principal, doublé sur le derrière, permettra dans peu de temps, à cette maison d'éducation, de devenir une des premières du littoral" (JDN du 12 mai 1880).

Le 19 juin suivant, une fête scolaire, organisée lors de la Saint-Louis de Gonzague, attire cette fois une foule qui ne peut être entièrement contenue dans "la grande salle qui devra bientôt servir de réfectoire et qui occupe le rez-de-chaussée du nouveau bâtiment dont on vient de terminer la toiture" (JDN du 21 juin 1880).

Le gros œuvre de la chapelle, de style néo-roman, va s'achever fin 1881 (à une date qui reste à préciser), avec la couverture de la nef puis avec la construction de deux absidioles, érigées sur les côtés est et ouest, du fait de la proximité du rocher. 

La consécration de la chapelle n'aura cependant lieu que le 3 mai 1891.


5- Photographe anonyme, Vue sans titre ni date,
Nice, vue panoramique prise de la route de Villefranche, 
détail de l'Image étudiée, montrant le Petit-Séminaire (actuel Hôtel Le Saint Paul),
tirage albuminé, Nice, Archives Municipales, 3Fi 93/18.




DATATION DE LA PHOTOGRAPHIE


D'emblée, plusieurs éléments de l'image, comme la démolition en cours de l'extrémité occidentale du môle de carénage, la présence conjointe des deux phares du môle extérieur ou encore le chantier en cours des deux nouveaux bâtiments du Petit-Séminaire semblent indiquer une date vers 1879-1881 (Images 3 et 6).

Cependant, le fait que certains chantiers viennent de se terminer, comme le deuxième phare du môle extérieur ou la nouvelle tour du clocher de l'église du Port, impliquent davantage l'année 1880 (Images 3, 4 et 6).

Cette hypothèse se voit confirmée par le fait que le nouveau bâtiment scolaire du Petit-Séminaire conserve ses échafaudages, tout en affichant un gros œuvre terminé, alors que le bâtiment de la nouvelle chapelle n'affiche encore que la partie basse de ses murs goutterots (Images 5 et 6).

Aucun élément de l'image ne permet d'ailleurs d'envisager la date de 1881. La démolition de l'extrémité du môle intérieur est loin d'être achevée et la Baie des Anges que l'on aperçoit sur la droite de l'image ne montre pas encore le chantier de la Jetée-Promenade, entamé en octobre 1880 et visible dès le mois de décembre de la même année. La photographie étudiée date donc de l'année 1880. 

Certains détails de l'image permettent de considérer que cette vue a été prise entre la date d'achèvement de la couverture du bâtiment scolaire du Petit-Séminaire, entre fin mai et début juin 1880 (JDN du 19 juin 1880), et celle de l'achèvement du nouveau bâtiment scolaire du Petit-Séminaire (échafaudage), prévue le 31 juillet 1880 (Image 5).

Comme rien ne permet d'affirmer que cette dernière échéance (JDN du 31 mars 1880) ait été strictement respectée, il est plus prudent d'envisager une datation de l'image étudiée entre fin mai et fin août 1880. 

D'ailleurs, la nouvelle tour du clocher de l'église du Port, achevée vers mai 1880, n'apparaît badigeonnée qu'à moitié seulement (échafaudage) et affiche à son sommet une cavité circulaire qui ne sera comblée par la pose d'un cadran d'horloge qu'en août 1880 (Image 4).

A cette date, parmi les auteurs potentiels de cette vue, citons les photographes paysagistes Eugène Degand (1829-1911) et Jean Walburg de Bray (1839-1901) qui affectionnent particulièrement ce format panoramique et ce point de vue précis sur le Port de Nice.


6- Photographe anonyme, Vue sans titre ni date [entre mai et août 1880],
Nice, vue panoramique prise de la route de Villefranche, 
détail de l'Image étudiée, 
tirage albuminé, Nice, Archives Municipales, 3Fi 93/18.

Les inscriptions portées dans l'image permettent d'attirer l'attention 
sur les constructions du quartier du Port réalisées au cours des années 1870 (1869-1881).
L'histoire du Restaurant de la Réserve n'est pas rappelée dans cet article
 mais reste consultable dans celui de 2017 (ici).






lundi 20 mai 2024

1343-NICE, AVENUE DE LA GARE : ÉTUDE D'UNE VUE DE LA FIN DU XIX° S.

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, Avenue de la Gare, recto,
tirage de 14,8x9,7 cm, sur carton de 16,8x11 cm, Collection personnelle.


DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 28/05/2024



PRÉSENTATION


Eugène Degand [1829-1911] est l'un des photographes majeurs de la ville de Nice au XIX° siècle (voir sa biographie, ici). Sa production permet de documenter l'évolution des lieux de 1865 à 1895. Il est notamment l'auteur de la photographie ci-dessus intitulée, Nice Avenue de la Gare (Image 1)

C'est une vue de la longue et large avenue créée suite à l'Annexion française, au début des années 1860, afin de mettre en communication les rives du Paillon et la gare de chemin de fer, alors en construction, et de servir d'axe majeur au développement de nouveaux quartiers.

Sa création a été décidée sous le nom "d'avenue du Prince-Impérial" au printemps 1861, a été entamée l'été 1862, ouverte en septembre 1864, éclairée au gaz en janvier 1866 et bordée de bancs et plantée d'arbres en avril 1871.

La voie a ensuite porté le nom "d'avenue de la Gare" (de novembre 1870 à novembre 1918), "d'avenue de la Victoire" (de novembre 1918 à octobre 1966) puis "d'avenue Jean Médecin" (d'octobre 1966 à nos jours).

Peu de photographies de cette avenue datant des années 1860 aux années 1880 sont connues mais celles des années 1890 sont plus nombreuses, notamment du fait des cartes postales éditées à la fin de la décennie. 

Les photographies de l'avenue de la Gare ciblent le plus souvent l'extrémité sud de l'avenue, du côté de la place Masséna, ou bien les abords de l'église Notre-Dame. Les vues des abords de l'Hospice de la Charité, au croisement des boulevards Dubouchage et Longchamp (actuel boulevard Victor Hugo depuis juin 1885) ou de l'extrémité nord de l'avenue de la Gare restent rarissimes.

Le verso du carton de l'image étudiée affiche le nom du photographe, précédé des armoiries de la Couronne britannique et suivi de la mention du brevet de la Reine d'Angleterre (obtenu en 1882) puis les adresses de son atelier et de ses magasins, la mention de ses vues de la région et, en très petits caractères, le nom du cartonnier (Image 2).


2- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, Avenue de la Gare, verso,
carton de 16,8x11 cm, Collection personnelle.



L'adresse de l'atelier, "Rue Cotta, 14", renvoie aux années 1889-1896 et le nom du cartonnier, "L. & D. Paris", aux années 1889-1894. Le tirage peut donc être daté du début des années 1890. 

Cela n'implique pas obligatoirement une date de prise de vue contemporaine car Eugène Degand est connu pour avoir fait, d'après ses clichés, des tirages renouvelés sur plus d'une décennie, avec des cartons portant des adresses successives. Cependant, la vue étudiée n'est  actuellement connue qu'avec des cartons présentant cette seule adresse.



DESCRIPTION


Le photographe s'est positionné près du trottoir opposé à celui de l'église Notre-Dame, afin de montrer la façade de l'édifice religieux et s'est installé directement sur la voie afin de capturer une vue nord-est/sud-est qui accentue la perspective de l'avenue et de ses rails de tramways. 

Les lieux sont ensoleillés. C'est le matin, comme le révèlent notamment les ombres portées des arbres au feuillage peu fourni (avril ?). De nombreux piétons occupent les trottoirs. Une voiture de place se rapproche du photographe, alors qu'une voiture de tramway hippomobile va dans l'autre sens.

Sur le trottoir situé à gauche de l'image (numéros pairs), des arbustes en pots sont présents à hauteur du Couvent des Augustines (n° 48 hors-champ), alignés comme le sont les réverbères, les platanes et les bancs qui se continuent au pied des immeubles, au-delà de la rue Notre-Dame.

Ces mêmes éléments se répètent sur le trottoir d'en face (numéros impairs). Cependant, près de l'église Notre-Dame, la ligne de platanes est interrompue pour ne pas en masquer la façade tripartite, une Fontaine Wallace à cariatides (en fonte verte) est présente du côté nord, près de l'angle de la rue de Rome (actuelle rue de Suisse), et une Colonne Morris (en fonte verte), est visible du côté sud, à l'angle de la rue d'Italie.

Les immeubles les plus proches affichent cinq niveaux, avec des boutiques en rez-de-chaussée. En zoomant fortement dans l'image, on peut lire partiellement les inscriptions présentes.

Le long du trottoir de gauche, au rez-de-chaussée de l'immeuble érigé vers 1877-78, à l'angle de la rue Notre-Dame, on peut lire, sur la tenture de la boutique, "...D'ANGLETERR.", identifiant le commerce de modes (nouveautés et lainages), "Aux Armes d'Angleterre", situé au n° 46, 

Un peu plus loin, sur l'enseigne d'une maison basse, érigée également à la fin des années 1870, on peut lire, "...IERE TOUR..." ("Bière Tourtel"), identifiant la brasserie des célèbres Frères Tourtel (de Tantonville, Meurthe-et-Moselle, au sud de Nancy), au n° 42 ou 42bis (Image 3).


3- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, Avenue de la Gare, détail du recto,
détail de l'Image 1 ciblant l'angle de la rue Notre-Dame,
tirage de 14,8x9,7 cm, sur carton de 16,8x11 cm, Collection personnelle.



Sur le trottoir opposé, seules sont lisibles les inscriptions de l'immeuble situé à l'angle de l'avenue de la Gare (au n° 29 puis 37) et de la rue d'Italie, érigé vers 1876 (Image 4) :

- au rez-de-chaussée, côté avenue de la Gare, sur la tenture d'angle du rez-de-chaussée, "...ERES" ("Bières" ?)

- au rez-de-chaussée, côté rue d'Italie, "CAFÉ..." identifiant le "Café de la Rotonde",

- et au 1er étage, côté rue d'Italie, "Grande Agence", identifiant une Agence de location immobilière, située à ce même niveau.


4- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, Avenue de la Gare, détail du recto,
détail de l'Image 1 ciblant l'angle de la rue d'Italie,
tirage de 14,8x9,7 cm, sur carton de 16,8x11 cm, Collection personnelle.



DATATION


La création de la rue d'Italie date de la fin des années 1860 mais la voie n'a reçu ce nom qu'au milieu des années 1870 et n'a été officiellement ouverte que vers 1879. La rue ou avenue Notre-Dame, envisagée dès le milieu des années 1870 et présente dans les annuaires et les plans de cette période, n'a été pour sa part officiellement ouverte que vers 1880. 

Les bancs de l'avenue de la Gare ont été renouvelés et multipliés (en 1875 et 1879), ainsi que les réverbères (en 1877 et 1880).

Certains éléments urbains confirment cette datation, comme la Fontaine Wallace (installée début 1879) et la voiture du tramway (ligne ouverte le 31 août 1880) mais d'autres s'avèrent postérieurs, comme la Colonne Morris (installée dans la seconde moitié des années 1880).

Les immeubles situés à l'angle de la rue Notre-Dame et de la rue d'Italie ont été construits dans la seconde moitié des années 1870 (vers 1876-1878) mais le commerce du Café de la Rotonde a été ouvert en 1877 ou 1878 et celui de la Brasserie Tourtel, entre 1879 et 1883. 

D'autres commerces sont cependant plus tardifs et impliquent l'extrême fin des années 1880 ou le tout début des années 1890, comme l'Agence de Location, créée en 1889 mais appelée "Grande Agence", lors de sa cession en 1890, ou la boutique "Aux Armes d'Angleterre", qui a quitté la rue du Pont-Neuf pour ce nouvel emplacement en 1891.

La vue étudiée ne peut donc pas être antérieure à 1891. Elle ne peut pas être postérieure à 1897 car, à cette date, la boutique de vêtements et confections, "Thiery Aîné et Sigrand", va occuper l'intégralité de l'immeuble d'angle de la rue d'Italie (au n° 37) et faire disparaître tout à la fois le "Café de la Rotonde" et la "Grande Agence" de Location.

Si l'on recoupe les conclusions déduites du carton photographique (1889-1894), avec celles déduites de l'étude de la photographie (1891-1897), la datation de l'ensemble se voit resserrée entre 1891 et 1894.

A ces dates, plusieurs commerces sont présents au rez-de-chaussée des immeubles étudiés mais ne sont pas visibles sur la photographie, notamment un marchand de comestibles au n° 37 et un bazar et une pharmacie au n° 46.

Ce sont alors MM. Félix Appy puis Burle (1891) et enfin Bussy/Buzzy (dès 1892) qui tiennent le "Café de la Rotonde" au n° 37, M. César Brun (né c.1833) qui dirige la "Grande Agence" de location au n° 37, M. Jules Bermond-Fournier (1846-1911) qui tient le magasin de modes "Aux Armes d'Angleterre" au n° 46 et M. Achille Ravel (né en 1846) qui est le gérant de la brasserie de Tantonville "Bière Tourtel" au n° 42 ou 42bis (Image 5).


5- Publicités parues dans l'album jaune de l'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1891, p 4 et 7,
Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes.



En dehors de l'église Notre-Dame, les bâtiments évoqués ont disparu de nos jours, ayant cédé la place, au XX° siècle, à de nouveaux immeubles.




mardi 14 mai 2024

1342-VERS UNE CHRONOLOGIE DU CHANTIER DE NOTRE-DAME DE NICE

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 04/11/2024



INTRODUCTION


L'histoire de la construction de l'église Notre-Dame de Nice a été relatée par Gilles Bouis, archiviste du Diocèse de Nice, dans un article intitulé, "Notre-Dame de Nice, une paroisse pour la colonie étrangère" (Nice Historique, 2005 pp 153-163). 

Suite à l'Annexion française, Monseigneur Sola [1791-1881], évêque de Nice, élabore dès 1861 un projet de grande église catholique sur la rive droite du Paillon, avant même le développement des quartiers de Longchamp. Il en confie la tâche, en 1862, au Révérend Père Lavigne [1816-1874]. 

Une souscription est ouverte et les plans de l'édifice sont dressés dès 1863 par l'architecte parisien Charles Lenormand [1835-1904]. 

La municipalité achète les terrains nécessaires sur l'avenue du Prince-Impérial (actuelle avenue Jean Médecin) pour soutenir le projet. La pose de la première pierre de l'église Notre-Dame des Malades y a lieu le 12 mars 1864 (Image 1).


1- Pose de la première pierre de l'église Notre-Dame-des-Malades à Nice
estampe parue dans L'Illustration du 23 avril 1864 p 272.



L'église néo-gothique envisagée doit être constituée d'un chœur à déambulatoire ouvrant sur 7 chapelles rayonnantes, de 3 nefs élancées accostées de 12 chapelles latérales et d'une façade percée de 3 portails à sa base et dominée par 2 tours pourvues de hautes flèches (Image 2). L'œuvre doit être livrée en trois tronçons.

Les difficultés financières (dès 1868), les évènements nationaux (1870-1871, avec la Guerre franco-prussienne puis la Commune), le décès du R.P. Lavigne (1874) et les dettes conséquentes vont retarder les travaux. 

La reprise du projet par la municipalité (1876) va cependant permettre l'achèvement de l'édifice vers 1879 mais sans le décor prévu des chapiteaux intérieurs ni les sculptures et les flèches des tours de façade.


2- NÉGRIN Emile (1833-1878), Notre-Dame de Nice, estampe montrant le projet initial de façade (1863),
parue dans son ouvrage, Les Promenades de Nice 1869-70, décembre 1869, p 297.

Voir également une photographie d'une estampe
 du dessin de façade par l'architecte Charles Lenormand, 
(Ministère de la Culture - sur POP, taper "Charles Lenormand basilique Notre-Dame"
 puis ouvrir la première des trois notices).



LES ÉTAPES DU CHANTIER


Si la chronologie globale du chantier est connue (1864-1879), avec une construction effectuée du chœur (occidental) à la façade (orientale), le détail des travaux reste mal documenté et les périodes d'arrêt, sujettes à caution.

Voici les renseignements relevés dans les journaux locaux et ceux déduits des rares images du XIX° siècle :


1864

12 Mars : pose de la première pierre puis, début rapide du chantier, avec des fondations sur pilotis

1865

Élévation des chapelles rayonnantes et du déambulatoire

1866

Élévation du chœur

1867

Printemps : achèvement du chœur

Été : travaux intérieurs des parties achevées (ravalement)

Élévation des trois premières travées de nef

1868

Décoration des parties achevées et achat du mobilier liturgique

3 Mai : ouverture de l'église au culte, sous le vocable de Notre-Dame de l'Assomption 

(avec le chœur à déambulatoire et chapelles rayonnantes et les trois premières travées de nef)

Les trois seules baies à disposer de vitraux sont celles de l'abside

Les travaux se continuent par l'élévation des murs goutterots des quatre autres travées de nef

Début des travaux de façade

1869

Janvier : installation du Chemin de Croix dans le déambulatoire

Suite des travaux de la nef et de la façade

1870

Suite des travaux de la nef et de la façade

Deuxième semestre : arrêt des travaux

Placement de l'orgue cependant

Novembre : l'avenue du Prince-Impérial est renommée avenue de la Gare suite à la chute du Second Empire

1871

Arrêt des travaux

1872

Février : reprise des travaux de la nef et de la façade

Été : couverture de la nef

1873 

Janvier : déblaiement des matériaux et échafaudages de la nef 

Construction des chapelles latérales de la nef

1874

9 Mai : décès du R.P. Lavigne

Arrêt des travaux du fait de dettes considérables

Novembre : placement de vitraux cependant

1875

Arrêt des travaux

1876

8 avril 1876 : après deux ans de tractations, l'église est érigée en paroisse, l'édifice étant repris par la municipalité avec une aide de l'Etat. La municipalité va cependant se retrouver condamnée à régler les dettes accumulées.

Arrêt des travaux

1877

Avril : reprise des travaux de la nef

Novembre : suspension des travaux, les fonds en caisse étant épuisés ; une photographie de la façade est prise par l'architecte Charles Lenormand (Ministère de la Culture - sur POP, taper "Charles Lenormand basilique Notre-Dame" puis ouvrir la deuxième des trois notices).

1878

Avril : les voûtes de la nef sont encore inachevées et les étais toujours en place

Couverture des tours de façade, les flèches ayant été abandonnées 

Le projet de décor sculpté des portails (tympans et statues) et des chapiteaux intérieurs est également abandonné

Octobre : la décoration intérieure de la nef est encore inachevée ; les échafaudages du sommet des tours sont encore présents sur la façade

1879

Achèvement des travaux, sans date officielle connue.

Voir une photographie (non datée) de la façade achevée, prise par l'architecte Charles Lenormand (Ministère de la Culture - sur POP, taper "Charles Lenormand basilique Notre-Dame" puis ouvrir la dernière des trois notices).


En résumé, le chantier a duré 15 ans, avec plus de 4 ans pendant lesquels les travaux ont été fortement ralentis ou totalement suspendus. 

Le chœur à déambulatoire et chapelles rayonnantes a été érigé entre 1864 et 1868, les nefs entre 1867 et 1879 et la façade, essentiellement entre 1868 et 1874, avec un achèvement des tours en 1879.


- Notre-Dame de Nice, 1881,
image présente dans l'ouvrage d'Edmond Leschevin et Edouard Langlois, 
Plan-Album, Nice et Monaco
  édité successivement en décembre 1881 puis fin 1882,
Collection personnelle.

Noter l'ajout, entre 1879 et 1881, 
 d'une statue de la Vierge entre les deux tours.


3- KEYSTONE VIEW COMPANY (fondée en 1892), 
11764 - Notre Dame Church, Avenue de la Gare, Nice, France, 1900,
vue de la façade prise depuis l'avenue Notre-Dame,
vues stéréoscopiques de 18x9 cm, Collection personnelle.

Noter l'ajout au portail central, entre 1881 et 1884, 
du trumeau prévu (mais non sculpté) et d'une horloge timbrant le gâble.


- Note de présentation de l'architecte Charles Lenormand
adressée à l'Exposition Internationale de Nice de 1884
et au Congrès d'architectes et d'ingénieurs tenu à Nice en février 1884.
"Aux observations concernant divers travaux ne devant pas être attribués à l'architecte ; il faudrait malheureusement encore joindre la pose d'une horloge remplaçant une rosace
 que l'on a détruite, juste au milieu du fronton de la porte principale"
 (Compte-rendu du Congrès, Nice, 1885 pp 253-254).


SUR LE DÉTAIL DU CHANTIER DE L'ÉGLISE NOTRE-DAME

LORS DES ANNÉES 1864-1868, VOIR L'ARTICLE DE CE BLOG :

CHARLES NÈGRE : VUES DE NICE DEPUIS LA GARE (ANNÉES 1860)




lundi 6 mai 2024

1341-LES FONTAINES WALLACE DE NICE

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 12/08/2024



LES FONTAINES WALLACE DE PARIS


Richard Wallace [1818-1890] est un Anglais, parent [fils naturel] du marquis d'Hertford dont il hérite la plus grande partie de la fortune, fin août 1870 (patrimoine immobilier et artistique à Londres et Paris). Âgé d'une cinquantaine d'années, il est marié à une Française et a un fils, né en France.

Présent à Paris pendant la Guerre franco-prussienne, Richard Wallace va faire, tout au long de cette période difficile, des dons considérables au profit des habitants (alimentation, soins médicaux, bois de chauffage, vêtements...). Pour ces actions, il est fait commandeur de la Légion d'Honneur par le gouvernement français (juin 1871) et se voit anobli (baronnet) par la reine d'Angleterre (août 1871). Il va continuer à faire des dons au profit des indigents.

L'été 1871, suite à la pénurie d'eau pendant le siège de Paris et la Commune, Richard Wallace conçoit le projet de doter à ses frais l'ensemble des quartiers de la ville de fontaines à boire, comme c'est le cas à Londres.

Il élabore avec le sculpteur nantais Charles Auguste Lebourg [1829-1906], deux modèles artistiques de fontaines, l'un, visible sur toutes ses faces, destiné aux boulevards extérieurs, et l'autre, destiné à être appliqué contre le mur des rues parisiennes, et prévoit une production industrielle (fonte) afin d'en limiter le coût (Images 1 et 2 ci-dessous).

Il obtient l'accord du préfet de la Seine dès le début du mois d'octobre 1871, la Ville (Ponts-et-Chaussées) s'engageant pour sa part à faire installer et alimenter ces fontaines avec l'eau pure et fraîche de la Dhuys (préférée à celle de la Seine).

La commande est passée à hauteur de 40 exemplaires de chacun des modèles en mars 1872 aux Fonderies du Val d'Osne (Haute-Marne). En juillet 1872, Richard Wallace adresse à tous les membres du Conseil municipal de Paris les photographies des modèles réalisés. 

Plusieurs Drinking fountains ou Fontaines Wallace du modèle à cariatides sont installées dès le même mois de juillet 1872 (notamment boulevard du Combat près de la rotonde de La Villette), avec une mise en service dans les derniers jours du mois. L'installation des 80 fontaines va s'échelonner sur plusieurs mois, prioritairement placées sur les voies les plus fréquentées par la population ouvrière.

Le succès est considérable et, avec les chaleurs de l'été des files d'attente se forment auprès des fontaines pour boire et remplir des récipients mais aussi se rafraîchir ou se laver les mains (l'alimentation en eau est stoppée pendant la période de gel).


1- DEROY Auguste (1823-1906), dessinateur, MORET (?-?), graveur, Les Fontaines de Sir Richard Wallace,
estampes parues dans L'Illustration du 17 août 1872 pp 103-105 (Google Books).

Voici la description de ces deux modèles telle qu'elle est formulée dans les journaux et ouvrages des années 1872-1876. Il est à noter que la plupart des fontaines affichent une teinte verte mais que, dès 1878, certaines seront repeintes en rouge :

- Image de gauche - le petit modèle (2,10 m de hauteur, 300 kg de fonte), de forme ogivale, est destiné à être appliqué au mur. L'eau s'échappe du fronton hémicirculaire placé au sommet de la fontaine, depuis la bouche d'une tête de naïade au décor de coquille, et tombe dans une coupe au long pied ornementé, appliquée entre deux pilastres ornés de tritons/dauphins renversés en relief, épaulés de consoles.

- Image de droite - le grand modèle (3m de hauteur, 600 kg environ de fonte) est destiné à figurer isolément sur les places et les avenues. Il se compose, d'un socle de trois pierres (calcaire d'Hauteville ou granit), d'un haut piédestal polygonal orné de tritons (en bas-relief) et consoles et est couronné d'un dôme (en campanile orné d'écailles et de dauphins, surmonté d'une pointe) dont l'entablement est soutenu par les corps (bras levés et têtes coiffées de volutes ioniques) de quatre cariatides d'angle de 60 cm de hauteur, de style Renaissance (Jean Goujon), qui figurent tout à la fois les Vertus et les Saisons. Du dessous de la coupole, un filet d'eau jaillit en permanence d'un petit pendentif et tombe dans une vasque marine centrale et s'écoule ensuite dans le ruisseau par le moyen d'un conduit. Aux quatre faces sont attachées, par des chaînettes, des tasses en métal destinées aux buveurs.

 Ces tasses (comme l'écuelle pour chiens fixée ensuite à la base de l'édicule) subiront des variations dans leur nombre (2 ou 4), leur forme (coquille, gobelet), leur taille, leur matière (fer battu, étain) et celle de leur chaînette. Elles subiront l'acharnement de voleurs nocturnes qui les revendront au poids pour quelques centimes. Deux autres inconvénients sont notés à l'époque : les files d'attente, lors de fortes chaleurs, qui opposent les simples buveurs aux personnes pourvues de récipients, et l'eau qui forme des flaques désagréables au pied des fontaines (une grille résoudra par la suite ce problème).



Suite à ce succès (confirmé par des estampes, des traits d'humour, des caricatures, des poèmes et chansons), Richard Wallace va passer une nouvelle commande en mai 1873 (50 fontaines dont 10 d'applique) et va continuer à répondre aux attentes des quartiers (notamment 10 nouvelles fontaines d'applique en mars 1879). 

D'autres modèles de fontaines seront élaborés à sa demande mais la mairie de Paris fera également réaliser et installer des modèles plus économiques (dépourvus de cariatides) ou de plus petites dimensions (bornes-fontaines à bouton à repoussoir, présentes notamment dans les squares dès 1878). Elles seront alimentées par les eaux très appréciées de la Dhuys, de la Vanne et d'Arcueil ou celles, moins recherchées, de la Seine et de l'Ourcq.

Dès le milieu des années 1870, ce bienfait des Fontaines Wallace va se répandre en Île-de-France (Vincennes, Boulogne, Neuilly, Saint-Mandé...), dans l'ensemble de la France puis dans le monde entier, avec prédominance du modèle à cariatides (très peu de fontaines d'applique sont d'ailleurs conservées de nos jours).


2- Fontaine Wallace, dessin du Trombinoscope,
 paru dans L'Eclipse du 19 septembre 1875 p 4
 (Retronews).

Cette caricature de Sir Wallace identifie le bienfaiteur au modèle de sa fontaine à cariatides, fusionnant corps humain et objet en fonte. Le visage (reconnaissable) est prédominant et coiffé du casque (militaire) du dôme, alors que les membres apparaissent frêles. Le protagoniste devient un porteur d'eau où les gobelets prennent la taille de seaux. Il est suivi par un chien reconnaissant qui porte une écuelle attachée par une chaînette, ce qui est conforme à la réalité, les Fontaines Wallace se dotant dès le milieu des années 1870 d'un réservoir pour chiens, suite à une forte demande relayée par la Société Protectrice des Animaux. 




LES FONTAINES WALLACE DU VAR ET DES ALPES-MARITIMES


Des Fontaines Wallace dotées de cariatides vont être installées dans plusieurs villes du Sud de la France, notamment dans le département du Var (Toulon, Hyères, La Seyne-sur-Mer, Saint-Raphaël) où certaines d'entre elles sont conservées et encore utilisées de nos jours.

Cependant, la date précise de leur installation reste le plus souvent inconnue (listes établies par la Société des Fontaines Wallace, e-monumen.net, Wikipédia et des ouvrages régionaux).

Lors de mes recherches, l'installation de la "fontaine du genre Richard Wallace" de Saint-Raphaël (face à l'Hôtel des Postes [?], non conservée) a pu être datée de l'été 1882 (La Vie Mondaine à Nice du 15 août 1882) et celle de Hyères (place des Palmiers puis avenue des Îles d'Or), au plus tard de 1883 (Paul Joanne, Les Stations d'Hiver de la Méditerranée, 1883 p 50).

Dans les listes des Alpes-Maritimes, deux Fontaines Wallace seulement sont recensées, toutes deux dans la commune de La Brigue où elles sont conservées, avenue de Provence et rue Aimable Gastaud (e-monumen.net). La ville de Nice est parfois citée comme en ayant possédé des exemplaires mais avec la précision que c'est une hypothèse qui reste à vérifier (Société des Fontaines Wallace).



LES FONTAINES WALLACE DE NICE


Il existe deux photographies de la place Masséna de Nice, prises depuis la place Charles-Albert, qui révèlent la présence d'une Fontaine Wallace à cariatides sur le trottoir proche de l'entrée nord-est du Pont-Neuf (Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes 10 FI 3644 ; Collection privée) (Image 3).

Ces photographies, prises à deux moments différents, peuvent être toutes les deux attribuées à Jean Walburg de Bray et peuvent être datées vers 1880-1881 car elles montrent le tout début des travaux de couverture du Paillon (moellons entassés en bordure du Paillon destinés à la plate-forme du futur Casino Municipal). Les photographies des mêmes lieux, datées vers 1873, ne montrant pas cette fontaine, l'installation de cette dernière ne peut qu'être située entre les dates de 1873 et de 1881. 

Ces photographies sont précieuses car elles attestent non seulement de l'existence passée d'au moins une de ces célèbres fontaines à Nice mais fournissent également les témoignages photographiques les plus anciens de ce modèle, les photographies conservées des fontaines parisiennes étant souvent postérieures à 1895.


3- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Nice, La place Masséna, fin 1880-début 1881,
détail montrant l'entrée du Pont-Neuf avec, du côté nord-est, une Fontaine Wallace, 
tirage albuminé de 15,1x9,3 cm, sur carton de 16,3x10,7 cm, Collection privée.

Le fonds niçois du photographe Jean Walburg de Bray ayant été en partie repris par son assistant Jean Giletta, les photographies de la place Masséna montrant la Fontaine Wallace ont ensuite été diffusées sous ce nom et se sont notamment retrouvées dans des ouvrages du XX° siècle.



Les recherches sur la date et le nombre de Fontaines Wallace niçoises n'ayant absolument rien donné dans les ouvrages et les plans, un dépouillement systématique des journaux locaux s'est avéré nécessaire. Plusieurs articles ont ainsi permis de préciser les choses.

Lors de la séance municipale du 25 juin 1877, sous la présidence du maire, Auguste Raynaud, "le Conseil accepte avec reconnaissance (...) le don d'une somme de 10,000 francs par M. Marcelin Süe [1803-1883 ; ancien négociant en huiles et vins] pour l'érection d'une fontaine sur la place Masséna" (Journal de Nice et Le Phare du Littoral du 19 juillet 1877).

Cependant, après étude, le lieu ne semble pas approprié, la place Masséna posant déjà des problèmes de circulation et des projets de refuges pour piétons pourvus de grands candélabres y étant prévus.

Le projet de fontaine Suë décorative avec bassin, est ensuite envisagé au centre de la place Charles-Albert. L'emplacement est approuvé en fin d'année (Le Phare du Littoral du 10 novembre 1877) mais est ensuite abandonné, du fait de l'irrégularité du terrain.

Parallèlement, dès la fin du mois de juillet 1877, le projet depuis longtemps envisagé "d'établir au Jardin Public une fontaine dans le genre de celles de Paris afin que les enfants puissent s'y désaltérer" est validé. Il s'agit bien d'une "fontaine Walace (sic)" (Le Phare du Littoral du 30 juillet 1877 et le Journal de Nice du 1er août 1877). Aucun article paru dans les mois suivants ne vient cependant confirmer son installation.

En 1878, d'autres projets de fontaines à boire semblent émerger sous la présidence du nouveau maire, Alfred Borriglione. Plusieurs fontaines se voient successivement installées dans la ville dès le début du mois de septembre 1878.

"La municipalité fait procéder en ce moment à l'installation, à titre d'essai, de trois fontaines dites Fontaines-Wallace, munies chacune de deux gobelets.

Si cette innovation, dont nous félicitons sincèrement la municipalité, obtient le succès qu'elle mérite, d'autres fontaines semblables à celles que l'on établit en ce moment au Jardin-Public et aux squares Masséna et Garibaldi, seront également établies sur d'autres points de la ville" (Le Phare du Littoral du 4 septembre 1878 ; voir également le Journal de Nice du 5 septembre 1878).

"Nous ne pouvons que féliciter l'administration d'avoir eu cette bonne idée. Mais nous lui présenterons à ce sujet une petite observation dont il importerait de tenir compte. 

Lesdites fontaines sont assaillies, durant toute la journée, par des bandes de gamins qui s'amusent, en mettant leur doigt sur le jet continu, à faire jaillir l'eau sur les passants et tout autour des fontaines qui sont, dès lors, entourées de boue et de flaques d'eau. Il serait bon que les agents de police missent ces jeunes drôles à la raison" (Journal de Nice du 12 septembre 1878).

Le Conseil municipal du 21 octobre 1878, résume l'évolution du projet et son aboutissement : 

"L'administration municipale a eu l'idée de proposer à M. Süe de changer la destination de sa libéralité et d'en appliquer le montant à l'établissement de six ou douze fontaines système Walace (sic), qui, réparties sur divers points de la ville, rendraient de plus grands services aux habitants, qu'une fontaine à laquelle on ne pourrait donner avec les ressources que des proportions très restreintes et ne serait, en définitive, qu'un ornement, tandis que les fontaines que la municipalité y substituerait présenteraient de réels avantages pour le public.

M. le maire annonce que M. Sue a bien voulu consentir à la modification qui lui était demandée et il est d'avis d'adresser à M. Sue des remerciements pour cet acte de condescendance, dont ses concitoyens lui seront reconnaissants. Le Conseil adopte à l'unanimité cette proposition" (Journal de Nice du 24 octobre 1878).

Le nombre de Fontaines Wallace reste imprécis (de six à douze) et il est difficile de savoir si les fontaines déjà installées font partie de la somme allouée par Marcel(l)in Süe ou si elles ont été séparément prises en charge par la municipalité.

Des précisions sont cependant apportées lors du Conseil municipal du 2 décembre 1878 : 

"La ville a fait placer trois fontaines Wallace au Jardin-Public, au square Garibaldi et au square Masséna [en centre-ville] ; deux autres fontaines en pierre ont été installées sur la route de Levens et sur la route de Gênes [au nord de la ville]. Les travaux de canalisation et de pose des appareils ont été exécutés par la compagnie générale des eaux" (Journal de Nice du 7 décembre 1878).

Le Conseil municipal du 4 janvier 1879 révèle enfin que le don de M. Süe a bien été utilisé pour une nouvelle commande de Fontaines Wallace et en précise notamment le nombre : 

"Conformément à l'autorisation donnée par le Conseil [du 21 octobre 1878], un traité de gré à gré a été passé, d'après lequel le sieur Gallo s'est engagé à fournir les dix fontaines Süe, moyennant la somme de 11,500 francs [soit 1,150 francs l'unité alors que le prix était d'un montant de 675 francs pour Richard Wallace en 1872]. Ces fontaines vont arriver et il convient de prendre des dispositions pour la mise en place.

Indépendamment des travaux de plomberie extérieure que la compagnie générale des eaux aura à exécuter, d'après les bases de son tarif, il y aura quelques travaux de maçonnerie à entreprendre. M. le maire propose au Conseil de faire exécuter les uns et les autres par voie de régie. Le Conseil adopte" (Journal de Nice du 22 janvier 1879).

Courant janvier 1879, les nouvelles fontaines sont livrées et commencent à être installées à la fin du mois : 

"Nous avons vu ce matin, à l'angle du square Masséna, une des fontaines que M. Süe vient d'offrir à sa ville natale [il est cependant né à La Colle-sur-Loup, Alpes-Maritimes]

M. Süe s'est inspiré du noble exemple de Richard Wallace, le richissime philanthrope qui a doté la ville de Paris des fontaines qui portent son nom. M. Süe a voulu prouver que la générosité avait ses adeptes partout ; il a droit à ce titre à toutes les félicitations et remerciements" (Journal de Nice du 24 janvier 1879).

Début février, les installations s'achèvent : "On a terminé de poser, sur différents points de la ville, les dix fontaines auxquelles M. Sue a voulu affecter le don de 10,000 fr. qu'il a fait à la ville de Nice.

On sait que le donateur avait d'abord prescrit d'employer la somme entière à l'érection d'une fontaine monumentale qui aurait porté son nom, mais on jugea ensuite que dix fontaines plus modestes seraient d'une plus grande utilité, et on résoIut d'affecter cette somme à l'érection de fontaines dites Wallace.

Ces fontaines, très commodes et d'un modèle élégant, ont été placées aux points les plus fréquentés de la ville. On pourrait bien critiquer l'endroit choisi pour certaines d'entr'elles ; ainsi, celle qui est en face l'église du Vœu, n'aurait-on pu la placer au centre de la place, au lieu de la mettre sur le quai, au bord de la chaussée ? Elle aurait ainsi offert autant de commodités tout en complétant l'ornementation du square. 

Néanmoins, malgré cette critique de détail, les fontaines Sue, tout en étant un ornement pour nos promenades, répondent à un besoin réel et méritent par cela que nous exprimions toute notre reconnaissance envers le généreux donateur" (Le Phare du Littoral du 5 février 1879).

Certains des emplacements retenus, déterminés dès le dernier trimestre 1878 par la Commission municipale des Travaux, restent malheureusement inconnus, en dehors de la Fontaine Wallace positionnée place Charles-Albert, à l'entrée du Pont-Neuf (Image 3 ci-dessus). 

Il est probable cependant que plusieurs fontaines aient été posées le long de l'avenue de la Gare car leur présence y était réclamée dès l'été 1878, "dans l'intérêt des habitants des maisons où le service des eaux n'est pas installé", et le maire s'était engagé à faire étudier cette proposition (Le Phare du Littoral du 3 septembre 1878). 

Une photographie d'Eugène Degand, datant du début des années 1890, montre d'ailleurs une Fontaine Wallace installée avenue de la Gare, près de l'entrée de l'église Notre-Dame de l'Assomption (Image 4 ci-dessous).


4- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, Avenue de la Gare, vers 1891-1894,
détail montrant les portails de l'église Notre-Dame, avec une Fontaine Wallace à proximité,
tirage albuminé de 14,8x9,7 cm, sur carton de 16,8x11 cm, Collection personnelle.



On peut facilement imaginer quelques autres emplacements, comme la Promenade des Anglais ou les boulevards Longchamp(s), Dubouchage et Carabacel mais aucune preuve textuelle ou photographique ne vient pour l'instant confirmer ces hypothèses.

Treize Fontaines Wallace ont donc été installées dans la ville de Nice fin 1878-début 1879. C'est un nombre important et surprenant, d'autant qu'aucune d'entre elles ne semble conservée.

Le projet de la municipalité a répondu à la volonté de moderniser la ville sur le modèle de Paris, afin de combler les habitants et les touristes saisonniers. Le choix semble s'être uniquement porté sur les fontaines à cariatides car leur côté artistique et luxueux magnifiait l'expérience du buveur. 

La seule mention postérieure de ces fontaines, retrouvée à ce jour, date de 1912 : "On a repeint les fontaines Wallace - elles sont bronzées !" (La Vie Mondaine à Nice du 14 novembre 1912).