- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Cannes, Alpes Maritimes, France, 2014.
"Cette étendue rouge, moins un tapis de circonstance qu'une mer que les maigres marées cannoises lavent tant bien que mal des pas qui la foulent durant le festival. L'obsédant souvenir du sang projeté hors de l'ascenseur de Shining et cette symétrie terrifiante des jumelles empruntées à Diane Arbus m'ont traversé l'esprit. Mais ceci est du cinéma".
Peu m'importe. elles sont exposées, vulnérables et donnent au lieu le son qui, en creux, vient résonner comme le lointain souvenir d'une vie possible, ailleurs, au milieu du monde.
Là, telles que je les perçois, elles sont en dehors du monde, en marge, comme en attente. C'est une des images possibles de leur disparition. Aucun portrait de ces figures lointaines ne m’est envisageable.
En principe elles ne me voient pas, ignorent tout de l'image qui me concerne. Pour autant elles ne m'indiffèrent aucunement. Ces figures humaines sont même indispensables et viennent me rappeler que tôt ou tard nos visages, nos silhouettes ne diront plus rien à personne. Elles font de ces paysages trop grands pour elles, un écrin de vanités."
Textes et clichés : Christophe Cirendini (né en 1964)
Clichés : Hasselblad H4D60 - Optiques de 35, 80 et 120mm.
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Colonnata, Carrare, Toscane, Italie, 2014.
"Colonnata est située en retrait dans les montagnes de marbre de Carrare. Michel Ange y puisa inlassablement son marbre. L'extraction se poursuit depuis le temps des romains et devrait pouvoir durer mille ans et plus. Dans la poussière et le vacarme les convois se croisent sous d'étroits tunnels qui suintent le danger et débouchent sur des pans de muraille taillée à vif dont ils chargent et déchargent des blocs de beauté pure. Dérisoire comme des lilliputiens, une équipe de vidéastes locaux était là pour un repérage".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Dallas, Texas, USA, 2014.
"Ce corps fragile qui ne doute de rien, offert au cœur de Dallas comme une image échappée d'un écran, au centre d'une jungle froide, de métal et de verre fumé. Je vois cela, du balcon de ma chambre d'hôtel. Je songe à JFK. Cette perspective que rien n'entrave... Les USA sont comme cela : il existe peu d'obstacle entre le tireur et sa cible".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Fontaines-sur-Saône, Rhône, France, 2015.
"Je sais qu'enfant je longeais cette berge de la Saône, moins plaisante alors, le nez collé à la vitre du bus de l'école. C'était un autre temps et rien de cette photographie ne me le rappelle vraiment. Mais est-ce souhaitable ? Je préfère les mots d'un ami. Étrange espace que celui de cette photo : infime déséquilibre et glissement stable ; le plan de l'image dans l'espace du paysage. Ou l'inverse ...".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Ijmuiden, Velsen, Netherlands, 2012.
"De ces croisières et leurs passagers avides d'exotisme, je ne comprends rien. D'un coup, sans aucun bruit, comme un iceberg, la masse presque aveugle d'une ville flottante. Je lève la tête et ne parviens pas à cerner l'ensemble de l'édifice. L'œil de la baleine blanche me fixe, certains clignent de l'œil, jouent la fraternité des au-revoir et disparaissent dans les traînées d'huile comme des fantômes saisis dans la glace".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Ivry-sur-Seine, Val de Marne, France, 2013.
"Ivry-sur-Seine, son stade qu'arpentent des gosses ivres d'un rêve de victoire. L'écho des ballons qui parviennent, même loin, depuis le rebord de la fenêtre : je vois l'étendue d'un paysage qui est leur berceau. Nulle équipe et spectateurs. Seuls ils réclament la gloire".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Marken, IJsselmeer, Waterland, Netherlands, 2014.
"Trois grâces, comme un Rubens assis, des vieilles qui tiennent les secrets de famille, la finance et la culture des fleurs.
Elles sont les gardiennes de Jacob Ruysdael et de Peter de Hooch. La géométrie du jardinage et la conquête des Indes, tout est dans leur besace".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Rotterdam, Netherlands, 2014.
"Le plaisir gagné sur l'entreprise et ses bénéfices. Ces bouffées d'instants
volés et les cendres d'une vie médiocre coincée dans la brutalité du banal, entre une rampe de parking commercial et des parfums de vernis qu'un soleil rare vient sécher comme il peut. Rotterdam comme tous les ports du monde, scarifie, sacrifie".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Rotterdam, Netherlands, 2014.
"Avant que les galeries claironnent leur ouverture, quand les écrans tournent à vide et que des âmes seules errent au matin avant que le jour ne les grignote en pleine lumière. Je suis les virées serpentines d'un nettoyage baroque qui fait vivre de ses courbes l'espérance d'une vie qui tarde à émerger de sa nuit froide. Je n'ai que cela à faire : voir ce qu'il se passe même quand il ne se passe rien".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Rotterdam, Netherlands, 2014.
"Comme un sniper, j'anticipe l'avancée de ce type de la sécurité qui a repéré sur ses écrans des gosses sur le toit du grand magasin. Comme un Mondrian, l'espace est régi par le nombre, la croisée des chemins, l'angle et la mesure et de rares couleurs. Je rêve d'Italie, de la douceur enivrante des Tiepolo".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), San Remo, Ligurie, Italie, 2013.
"Dans les mâchoires de cette Cinecitta du pauvre, cette fille est bien au centre du monde, face à la mer. Les paradis de pacotille de la côte ligure m'émeuvent, ils rendent beau le dérisoire, l'infime et l'inutile. Des pontons et leur galerie de cabines, saturées dès les premières chaleurs, seul l'hiver m'y pousse. Solitude magnifique d'Antonioni. Qui est-elle ? Michelangelo lui, aurait su inventer sa destinée contrariée. Je ne suis qu'un passant. Je le salue en passant, toujours, depuis longtemps".
- CIRENDINI Christophe (né en 1964), Villefranche-sur-Mer, Alpes Maritimes, France, 2012.
"La mer et presque rien d'autre. Comme l'air efface la buée sur une vitre elle annule les lois de la perspective, notre désir de repère, la mesure, le souvenir du sol, notre nom. Même le hors cadre n'a plus de sens tant le plan est sans limite. Cette tête blanche devrait m'offrir une échelle mais ne parvient qu'à me ramener à ma position, comme un prisonnier de ce sol auquel j'appartiens".