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lundi 26 septembre 2022

1263-CHARLES NÈGRE, "NICE, L'ESCALIER DES PONCHETTES"


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice. L'Escalier des Ponchettes, vue non datée, plaque verre positive au collodion de 18x24 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08FI 0007.


DERNIÈRE MODIFICATION DE CET ARTICLE : 02/11/2024





DESCRIPTION 


Cette vue est-ouest n'est pas datée, comme la plupart des photographies de Nice prises par Charles Nègre (1820-1880) dans les années 1863-1870. La plaque de verre positive est conservée au Archives Départementales des Alpes-Maritimes et des épreuves sur papier albuminé sont notamment conservées au Musée de la Photographie Charles Nègre de Nice, au Musée d'Art et d'Histoire de Provence de Grasse et au Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône.

Cette vue est tout à la fois emblématique de l'oeuvre du photographe, avec les personnages en pose au tout premier plan, la charrette calée par une pierre le temps de la prise de vue et les nuages retravaillés au verso de la plaque (Michel Graniou, "Le Fonds Charles Nègre [8FI] aux Archives Départementales : un ensemble photographique riche d'enseignements", Recherches Régionales. Alpes-Marimimes et contrées limitrophes, 2018, 215, pp 121-135 - ici). 

Il est probable que le personnage qui pose au milieu de la montée d'escalier est Charles Nègre lui-même (présent comme dans beaucoup de ses vues). 

Ce grand escalier, d'accès oriental aux terrasses des maisons des Ponchettes qui servent de promenade publique, a été érigé à la fin du XVIII° siècle (1787-1789) et rénové en 1839 (détruit fin 1943) (vidéo Service d'Archéologie Nice Côte d'Azur, ici).



- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice. L'Escalier des Ponchettes, détail 1, L'escalier, vue non datée, plaque verre positive au collodion de 18x24 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08FI 0007.



Cette photographie est également emblématique de la Ville de Nice par sa vue générale de la Baie des Anges, avec le boulevard du Midi et la Promenade des Anglais.

Dans une lumière d'après-midi, les bâtiments de la Baie des Anges se révèlent (avec d'est en ouest) : 

- l'escalier oriental de la Terrasse et les maisons de deux niveaux des Ponchettes et, par-delà, les arbres du Cours puis l'extrémité orientale de la rue Saint-François-de-Paule, avec notamment l'ancien Palais Ongran (Maison Bonfils), la Maison Borelli et le clocher de l'église Saint-François-de-Paul(e) (ou Saint-Dominique),

- le Café Américain [puis la rue de la Terrasse] et le Théâtre impérial [puis la rue du Théâtre],

- les façades sud des Maisons Nieubourg-Novaro (de deux niveaux), Raynaud, Brès, Chauvet et Defly (de quatre niveaux), un espace non construit (bâtiment démoli de l'ancienne Manufacture des Tabacs), l'une des Maisons de Félix Donaudy (de quatre niveaux) [puis la rue Sulzer],

- les façades sud de cinq niveaux des Maisons Girard [puis la rue Brea], Ongran-Gilly [puis la rue Vanloo] et Emilie Donaudy veuve Gauthier [à l'angle de la place des Phocéens], avec des cabines de bains sur la plage,


 - NEGRE Charles (1820-1880), Nice. L'Escalier des Ponchettes, détail 2, Le boulevard du Midi (actuel quai des Etats-Unis), vue non datée, plaque verre positive au collodion de 18x24 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08FI 0007.



- [l'embouchure du Paillon, le Pont des Anges ou Pont Napoléon III, l'extrémité orientale de la Promenade des Anglais, les arbres du Jardin public],

- l'Hôtel des Anglais [puis la rue du Canal] et la Maison sud qui appartiennent à Félix Donaudy (Maison qui masque la propriété Masclet, les Villas Isnard, Serrat-Defly et Serrat-Gilly) [puis la ruelle de la Croix-de-Marbre], 

- la Maison sud Süe, l'ancien Pavillon Pollan (Hitroff et Montalivet), la Pension Rivoir, l'Hôtel de la Méditerranée [puis la rue du Lavoir],

- la Villa Robiony, la Villa Dampierre, l'Hôtel Victoria et la Villa sud Diesbach [puis le vallon de Saint-Etienne] avec des cabines de bains sur la plage.


 - NÈGRE Charles (1820-1880), Nice. L'Escalier des Ponchettes, détail 3, La Promenade des Anglais, vue non datée, plaque verre positive au collodion de 18x24 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08FI 0007.



ÉTUDE


Plusieurs éléments de l'image (étudiés d'est en ouest) peuvent permettre de dater la prise de vue :

- la présence d'un échafaudage sur la façade sud du Théâtre italien (boulevard du Midi),

- l'absence du bâtiment de la Banque de France (au 11, boulevard du Midi),

- la présence de la Maison sud de Félix Donaudy (au 3, Promenade des Anglais),

- l'absence de la haute toiture et de l'avant-corps occidental de l'Hôtel des Anglais (au 1, Promenade des Anglais),

- la présence de cabines de bains (plages du quai du Midi et de la Promenade des Anglais).


Le Théâtre impérial dit aussi Théâtre italien ou Opéra

Le Théâtre impérial (érigé en 1826-1827) est formé d'un long bâtiment perpendiculaire au rivage dont l'entrée est située rue Saint-François-de-Paule et l'arrière, boulevard du Midi. 

Sur la vue étudiée, un échafaudage est présent sur la façade sud du Théâtre afin de permettre l'installation d'un Cadran solaire. Ce dernier, envisagé depuis 1863, a été conçu par Edmond Wagner (1830-1881) capitaine de Génie, et Félix Narjoux (1832-1891) architecte en chef de la Ville (Conseil municipal du 9 octobre 1863). 



- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice. L'Escalier des Ponchettes, détail 4, Le Théâtre impérial, vue non datée, plaque verre positive au collodion de 18x24 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08FI 0007.


Le cadran doit être accompagné de sculptures dont le programme est redéfini et la désignation d'un sculpteur niçois se fait par voie de Concours (voir les images ci-dessous). La date de ce dernier n'est pas connue mais a lieu, au plus tard, au printemps 1864. Le sculpteur retenu est Joseph Raymondi (Rajmondy/Raijmondy/Raymondy, né vers 1820), professeur à l'Ecole de dessin et sculpture et dont l'atelier initialement présent près de la Tour Bellanda aux Ponchettes est, depuis la fin de l'année 1862, situé dans le prolongement de la rue Chauvain.

C'est à l'occasion d'un projet de Colonne météorologique (destinée au Jardin public) notamment pourvue d'une horloge électrique, qu'un article du Journal de Nice du 28 janvier 1865 donne des nouvelles du projet du Théâtre : "On n'aura pas rigoureusement besoin de cette horloge, du jour où l'on se décidera à terminer, enfin, la méridienne du théâtre commencée depuis plus de six mois [août 1864]".

En mars, la grande baie plein cintre de la façade sud est obstruée et "le grand tableau de marbre" du cadran lui-même est désormais en place (Journal de Nice du 30 mars 1865).

"Il y a deux mois [mars 1865], on a commencé, sur la façade du théâtre italien, un grand cadran solaire" (Journal de Nice du 25 mai 1865). "La grande porte qui devait servir à produire, dans la salle, les effets de lune naturels (...), de 4 mètres de large sur 7 mètres de haut, a été remplacée par une maçonnerie de belles pierres de taille. Au milieu on a scellé une plaque de marbre, de 2 mètres 20 sur 2 mètres 40 de haut, qui formera le cadran solaire proprement dit (...). Ce monument gnomonique le plus complet que l'on puisse citer (...) sera à même [d'être apprécié] dans trois mois [fin août 1865]" (Journal de Nice du 26 mai 1865).

L'été 1865, c'est cependant l'ensemble du Théâtre qui est rénové par la municipalité : "Le bâtiment du théâtre italien est attaqué, en ce moment, sur toutes ses faces (...). La toiture est remise à neuf ; les deux façades sont rebadigeonnées ; et celle du côté du midi, enrichie d'un monument gnomonique dont l'utilité incontestable, pourra être appréciée après le complet achèvement des travaux. L'intérieur subit une métamorphose complète" (Journal de Nice du 16 août 1865). 

Lors de l'ouverture de la nouvelle saison théâtrale, début octobre 1865, tous les travaux sont terminés sauf la pose des sculptures du cadran solaire. Joseph Raymondy ne va livrer les reliefs que vers décembre 1865 ou janvier 1866, l'installation du groupe supérieur s'achevant début février (Journal de Nice du 7 février 1866).

L'inauguration du cadran solaire a lieu le 23 février 1866 (Journal de Nice du 28 février 1866). En mars, un nouvel échafaudage remplace le précédent, cette fois destiné au photographe (non nommé) chargé de documenter l'ensemble (Journal de Nice du 12 mars 1866).


 - Nice, Le Cadran solaire du Théâtre impérial : Projet de 1863 (Archives Municipales, 1Fi 117-1) et Réalisation de 1866 (L'Astronomie, 1886 p 401).
Le projet de 1863 n'avait prévu, en dehors du cadran solaire lui-même, que les sculptures de l'Aigle impériale et de quatre putti. Cependant le programme du Concours organisé pour choisir le sculpteur a proposé un programme différent. "Au-dessus de l'attique, on verra Nice sous forme d'une femme, plus que de grandeur naturelle, à demi couchée et appuyée sur les armes de la Ville. Aux 4 angles et dans des conditions correspondant aux signes du zodiaque, des enfants de 1 mètre 10 à 1 mètre 20 représenteront les 4 saisons" (Journal de Nice du 26 mai 1865).


La présence d'un échafaudage sur la façade sud du Théâtre italien est donc attestée pendant plus d'un an et demi, d'août 1864 à mars 1866.

Un traité de gré à gré entre la Municipalité et l'entrepreneur Bernard Spinetta a ensuite été passé, le 21 octobre 1864, pour l'installation des sculptures (Conseil municipal du 30 juillet 1866 actant le paiement des travaux).

La vue étudiée de Charles Nègre peut donc être datée au plus tôt d'août 1864.

Le 23 mars 1881, un incendie du Théâtre causera de nombreuses victimes. Le Théâtre sera reconstruit entre novembre 1883 et février 1885 et le Cadran solaire déposé. Des éléments de ce dernier ont été retrouvés en 2013.


La Banque de France (ancien et nouveau bâtiment)

La succursale niçoise de la Banque de France, autorisée par décret du 11 août 1860, s'installe fin septembre dans les bâtiments en location de l'ancienne Manufacture des Tabacs (appartenant à la Ville) dont l'entrée pricipale nord est située dans la rue commerçante Saint-François-de-Paule et dont la façade sud ouvre sur le boulevard du Midi (Le Messager de Nice du 24 août et du 23 septembre 1860). 

L'inauguration a lieu le 28 février 1861 (Jean-Luc Aubanel, "La Banque de France et l'économie locale - La création de la Succursale de Nice en 1860", Nice Historique, avril-juin 1987 pp 33-44). 

Suite à l'accord de la Municipalité le 11 mars 1861, la Banque achète le bâtiment sud le 3 décembre et continue à louer le bâtiment nord (Le Messager de Nice du 14 mars 1861). 

Le 21 mai 1864, le Journal de Nice exprime le souhait de voir détruire une partie des anciens bâtiments de la Manufacture des Tabacs, afin de prolonger la rue Charles-Albert et d'ouvrir, jusqu'à la mer, la perspective de l'avenue du Prince impérial. Le bâtiment nord est alors occupé au rez-de-chaussée par l'Ecole municipale Saint-Dominique (qui a succédé à cet emplacement à l'Ecole municipale des Beaux-Arts après le départ des ateliers de la Manufacture en septembre 1860) et par la Banque (à l'étage). Quant au bâtiment sud, il est occupé par la Banque qui envisage de le remplacer de façon imminente, d'où l'intervention du journal.

La Banque de France diffuse dans le Journal de Nice un premier appel d'offres les 16 et 18 mai 1864 puis un deuxième les 19 et 20 juin suivants, avec des prix augmentés de 10%.

Le 7 juillet 1864, le directeur de la succursale de la Banque de France, Ferdinand Famin (1819-1913), dépose enfin la demande de la nouvelle construction sud, qui doit être alignée et nivelée sur les Maisons voisines Girard et Donaudy (AM, 2T 19-2236).


 - Nice, Elévation de la succursale de la Banque de France, 1864, calques (partiellement conservés et réassemblés) joints à la demande de construction du 7 juillet 1864, Archives Municipales, 2T 19-2236.


L'ancien bâtiment d'un seul niveau de 7 baies (érigé vers 1850-1851) est donc démoli et la reconstruction est entamée. 

Une fois achevé, le nouveau bâtiment aligne 7 baies sur 4 niveaux. Le rez-de-chaussée présente un appareil à bossage et la porte d'entrée, surmontée de l'enseigne, est décentrée d'une travée vers l'ouest. Le premier niveau arbore pour sa part des baies ornées de frontons triangulaires (un balcon central soulignera ce niveau dans les années 1890). Peu de photographies anciennes témoignent de ce bâtiment, modifié au XX° siècle puis démoli au milieu des années 1980. 

En 1864, le Dr Lubanski citait, dans la rue Saint-François-de-Paule, "les Ecoles communales, la Société Philotechnique, les bureaux de la Banque de France, - en attendant que ces établissements aient des emplacements plus convenables" (Guide aux stations d'hiver de la Méditerranée, écrit en 1864, édité en 1865). En 1870, il précise désormais que "l'hôtel de la succursale de la Banque de France (...) est une construction neuve, d'un style simple, mais sévère et d'un agencement bien approprié à sa destination" (Nice-Guide, 1870 p 19).

Emile Négrin rappelle, en 1866, que "la maison en pierres tendres d'Arles qu'on voit sur le quai du Midi, n° 11, est la succursale de la banque de France ; elle a été bâtie en 1865" (E. Négrin, Promenades de Nice, 5ème édition, décembre 1866 p 92). L'entrée principale de la Banque semble désormais située sur le boulevard du Midi.

Les dates précises de l'achèvement des travaux et de l'inauguration des nouveaux locaux ne sont pas connues. Cependant, une autre vue (non datée) de Charles Nègre intitulée, Nice. Le Pont impérial et l'Embouchure du Paillon (AD, 08FI 0057) montre le nouveau bâtiment achevé (façade sud et toiture), au moment où de nombreux hangars sont présents sur la place des Phocéens, tout autour du bâtiment de la Gare provisoire (érigé pour sa part entre fin janvier et début avril 1863 et démonté fin septembre 1865).


 - NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Le Pont impérial et l'embouchure du Paillon, vue ouest-est non datée, plaque verre négative au collodion de 10,5x13 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08FI 0057. Charles Nègre, probablement présent sur la gauche de l'image, participe à l'Exposition des Beaux-Arts. L'emplacement de la succursale de la Banque de France est indiqué par l'ajout d'une flèche.



Or ces hangars sont ceux qui ont été installés à la fin du mois de mars 1865 (Journal de Nice du 3 avril 1865) en vue de l'Exposition des Beaux-Arts (du 11 avril au 15 mai) et du Concours régional d'Industrie et d'Agriculture (du 28 avril au 5 mai 1865) et qui seront démontés à la fin du mois de mai 1865 (Journal de Nice du 22 mai 1865). 

L'achèvement du gros oeuvre du nouveau bâtiment de la Banque est donc antérieur au printemps 1865, ce qui confirme une construction entamée dès l'été précédent (délai de construction). Les travaux ont cependant continué à l'intérieur pendant plusieurs mois, la demande d'ouverture d'un embranchement pour l'éclairage par le gaz n'ayant été déposée et acceptée qu'en juin 1865 (respectivement le 5 et le 20 juin ; AM, 2T20-178).

La vue de Charles Nègre, Nice. L'Escalier des Ponchettes, montre que la démolition de l'ancien bâtiment a eu lieu mais que la reconstruction n'est pas encore entamée. Elle peut donc être datée au plus tôt de juillet 1864.


 - NÈGRE Charles (1820-1880), Nice. L'Escalier des Ponchettes, détail 5, Le quai du Midi, vue non datée, plaque verre positive au collodion de 18x24 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08FI 0007. L'emplacement de la future Banque de France est indiqué par l'ajout d'une flèche.



L'Hôtel des Anglais (bâtiments anciens et nouveaux)

L'Hôtel des Anglais s'est installé sur la Promenade éponyme au plus tard en 1859 (L'Avenir de Nice du 8 novembre 1859). Il a ouvert dans deux bâtiments : l'un au nord, précédé d'un jardin, situé dans l'alignement et occupant le n°1 de la Promenade ; l'autre au sud, empiètant sur la voie et occupant le n°3. 

L'hôtel est dirigé par l'irlandaise Elisabeth Parr (née vers 1825) qui est citée pour la première fois en octobre 1859, dans la Liste des étrangers nouvellement arrivés à Nice (Revue de Nice, 1859-60 p 19).

Le propriétaire des bâtiments est le négociant Félix Donaudy (né en 1823). Il les a achetés le 29 octobre 1853 à Auguste Laurencin (né vers 1810). Ce dernier avait fait construire le premier bâtiment entre 1835 et 1842 (n°1) et le deuxième vers 1847 (n°3).

Félix Donaudy possède également plusieurs parcelles de terrain voisines, héritées de son père Jean Baptiste Donaudy (en 1840) et achetées à ses frères et soeurs (en 1850, 1857, 1858 et 1862). 

Le 28 mars 1864, Félix Donaudy dépose une demande d'autorisation visant à démolir le bâtiment frappé d'alignement (n°3), à le reconstruire à hauteur de l'autre bâtiment (n°1) et à accoster l'ensemble de deux avant-corps symétriques, afin de constituer un nouvel Hôtel des Anglais (AM, 2T 18-2080).


 - Nice, Projet de l'Hôtel des Anglais, plan joint au dossier de demande de construction, déposé le 28 mars 1864 (Archives Municipales, 2T 18-2080). L'existant est en gris (n°1) et en bleu (n°3). Les parties à construire sont en rouge.


Les travaux se déroulent d'est en ouest, avec tout d'abord la construction de l'avant-corps oriental rattaché au bâtiment existant (n°1) puis, parallèlement à la démolition du bâtiment méridional (n°3), la construction du bâtiment central et, enfin, de l'avant-corps occidental. 


- Photographe anonyme (probablement Aleo Miguel [1824-c.1900]), Nice, vue du Château, détail, fin 1864,
 tirage albuminé, Collection privée.

Cette vue montre parallèlement la démolition en cours du bâtiment n° 3 de l'Hôtel des Anglais sur la Promenade éponyme, la construction en cours de la succursale de la Banque de France sur le quai du Midi et la présence de l'échafaudage sur la façade du Théâtre italien.



Commencés au printemps 1864 (publicités parues dans les Guides Murray de 1864), les travaux semblent s'achever à la fin de l'été 1865. Dès septembre, une publicité révèle en effet que cet Hôtel de Première classe vient d’être considérablement agrandi et embelli, "now greatly Enlarged and Improved" (The Saturday Review of Politics, Literature, Science and Art, vol. 20, 2 septembre 1865 p 314 et 9 septembre p 344). 


 - Nice, Projet de l'Hôtel des Anglais, photographie d'une aquarelle jointe au dossier de demande de construction, déposé le 28 mars 1864 (Archives Municipales, 2T 18-2080).


Holloway, secrétaire de l'hôtel, demande le 19 octobre 1865 l'autorisation de placer quatre enseignes contre les quatre piliers de façade avec les inscriptions, "Hôtel des Anglais 1865" et "The Mediterranean Hotel Company Limited" (AM, 2T 21-404).

La vue de Charles Nègre étudiée (détail ci-dessous) montre, d'une part, que l'avant-corps oriental entamé en avril 1864 a été édifié et badigeonné de blanc mais que la haute toiture du bâtiment central et l'avant-corps occidental ne sont pas encore érigés et, d'autre part, que le bâtiment frappé d'alignement (n° 3) n'est pas encore démoli. La vue peut donc être datée au plus tôt de l'été 1864 (l'Hôtel des Anglais sera démoli en 1911).


 - NÈGRE Charles (1820-1880), Nice. L'Escalier des Ponchettes, détail 6, L'Hôtel des Anglais, vue non datée, plaque verre positive au collodion de 18x24 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08FI 0007. 


Les cabines de bains

Sur la photographie étudiée, les cabines de bains sont présentes sur la Baie des Anges. Sur la plage du quai du Midi, ce sont les cabines des Bains Mary, face au Théâtre italien, et Faraut, face à l'escalier à double volée. Sur la plage de la Promenade des Anglais, ce sont notamment les cabines (renouvelées en 1863) des Bains Georges et des Bains Lambert qui s'échelonnent de l'Hôtel Méditerranée à l'Hôtel Victoria.

Les cabines (sur roues) sont en général présentes sur la plage uniquement les printemps et étés car mises à l'abri des tempêtes destructrices de l'automne et de l'hiver. Le mauvais temps va d'ailleurs régner sur Nice d'octobre à décembre 1864 (Journal de Nice). La vue étudiée peut donc avoir été prise entre mars et septembre 1864.


ÉPILOGUE

Si l'on croise l'ensemble des éléments recueillis, la vue, Nice. L'Escalier des Ponchettes, peut être datée vers août 1864 :

- après la réalisation de l'avant-corps oriental de l'Hôtel des Anglais et le début de construction de son grand bâtiment central (dès avril 1864),

- après la date du dépôt de demande de construction de la Banque de France (arrêté du 14 juillet 1864) et la démolition de l'ancien bâtiment sud de la Manufacture des Tabacs (fin juillet ou début août 1864),

- après l'installation de l'échafaudage sur la façade sud du Théâtre (août 1864),

- avant la démolition de l'ancienne Maison Laurencin au 3, de la Promenade des Anglais (probablement dès septembre, avant le début de la saison touristique d'octobre),

- avant le démarrage du chantier de construction du nouveau bâtiment de la Banque (gros œuvre d'août ou septembre 1864 à mars 1865),

- et avant la mise à l'abri des cabines de bains (octobre 1864). 




vendredi 23 septembre 2022

1262-CONVERTIR, PARAMÉTRER ET ENREGISTRER UN ARTICLE EN LIGNE

 

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dimanche 18 septembre 2022

1261-NICE, LES PONCHETTES : DE LA PENSION CLERISSI À LA PENSION SUISSE-3 (1866-1871)

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


 - NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Plage des Ponchettes, vue ouest-est, 1866,
cliché-verre, 18x24 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08Fi 0006.
A l'angle nord du bâtiment principal, sur la terrasse du bâtiment arrière (1862), la serre (1864) est bien visible.

"Le quartier des Ponchettes qui se prolonge à l'E. des terrasses, entre la grève marine et le rocher du Château, assez peu fréquenté par les étrangers, est la partie de Nice la plus pittoresque. La grève s'y termine brusquement au pied d'une falaise abrupte, percée de grottes à sa base et dominant une petite crique. Au-dessus se dressent les escarpements à pic que couronne la tour Bellanda",
 Guide Joanne, De Lyon à la Méditerranée, 1866 pp 325-326, GoogleBooks.




UN ARTICLE ÉCRIT EN COLLABORATION AVEC VÉRONIQUE THUIN-CHAUDRON




L'HÔTEL ET PENSION SUISSE (1866-1871)


- L'achat des bâtiments par Jean Edouard Hug en 1866

Le 30 janvier 1866, devant maître Charles Arnulf, Jean Edouard Hug (Bâle 1823-Nice 1871), marié à Anna Barbara Neeracher (Dielsdorf 1820-Nice 1917), achète l'ancienne Pension Clerissy à Camille Saltarini, veuve Casali(s) (AD, 03E 023/253 fol.199-204). Les recherches concernant la généalogie de la Famille Hug ont été publiées séparément sur ce blog (ici).

Cet achat ne concerne pas la partie conservée par Augustine Justine Clerissy (la moitié du 3éme étage nord ou 5ème niveau). Jean Edouard Hug doit, de plus, garder les locataires de l'abbé Ciais (jusqu'à l'expiration de leur bail de 2 à 5 ans, signé en 1863 ou 1864) dont un photographe, autorisé à faire ses prises de vues dans le jardin et sur la terrasse de la Tour Bellanda dominant la Baie des Anges (3U1 1134 fol.571-572).

Il semble que dès janvier, Jean Edouard Hug a le projet de créer un établissement de bains aux Ponchettes et fait réaliser les devis nécessaires (Journal de Nice du 14 février 1866 p 3).


- L'Hôtel de la Pension Suisse de la rue Masséna

Le couple Hug gérait depuis 1853, l'Hôtel et Pension Suisse de la rue Masséna (premières mentions dans : L'Avenir de Nice du 1er janvier 1854 p 3, AD06 ; Les Echos de Nice du 14 octobre 1857, BM Nucéra ; Allgemeine Zeitung München du 20 mars 1858, vol.1, p 1259, GoogleBooks). 


- Publicité parue dans Les Echos de Nice du 14 octobre 1857
pour L'Hôtel de la Pension Suisse de la rue Masséna (Nice, Bibliothèque Louis Nucéra).



L'hôtel était notamment fréquenté par les Allemands et les voyageurs de commerce. Une petite annonce publiée dans L'Avenir de Nice à partir du 6 février 1859 puis dans Le Messager de Nice dès le 3 avril 1860 précisait : "25, Rue Masséna, 25 - Hôtel - De la Pension Suisse - Appartements, chambres, grande Salle à manger et Jardin en plein midi. - Table D'Hôte - On s'y loge au jour, à la semaine, au mois et au prix de fr. 4 à fr. 8 - par jour, tout compris. - Ecurie et Remise".

Le recensement de la Ville de Nice de 1861 cite rue Masséna, le couple Hug et leurs trois enfants, un précepteur, un garçon d'hôtel et cinq domestiques.

La famille Hug est encore citée à l'adresse de la rue Masséna dans le recensement de la Ville de Nice au début du mois de juin 1866. L'annonce publicitaire, présente depuis le 1er mai 1863 dans le Journal de Nice, paraît pour sa part jusqu'au 5 juillet 1866 : "Nice, 25, rue Masséna, 25, Nice - Hôtel - Et - Pension Suisse - Avec Jardin"

Le 10 juillet 1866, Jean Edouard Hug fait établir, chez maître Arnulf, une procuration au nom de son épouse "pour le représenter dans les affaires qui le concernent pour l'acquisition qu'il a faite de Mme Veuve Casali née Saltarini, suivant acte du 30 janvier dernier", afin de gérer et administrer l'immeuble, reconnaître toute dette et emprunter toute somme (AD, 03E 023/255 fol.42).


- L'Hôtel et Pension Suisse des Ponchettes

L'Hôtel et Pension Suisse des Ponchettes semble ouvrir dans l'été 1866, probablement après que l'intérieur ait été modifié et rénové. 

Le 20 septembre 1866, Jean Edouard Hug dépose une demande d'autorisation pour placer deux enseignes portant l'inscription "Hôtel et Pension Suisse" sur la façade de son établissement des Ponchettes, "l'une sur la Tour et l'autre sur la porte" du bâtiment principal  (AM, 2T 23-182). Si l'enseigne placée au-dessus de la porte est visible sur les photographies contemporaines, nulle enseigne n'est visible sur la Tour Bellanda.

Il est probable que Jean Edouard Hug dépose d'autres demandes (non conservées) pour peindre deux inscriptions de même texte sur le haut des façades latérales nord et sud du bâtiment principal puis pour placer une grande banderole au balcon du dernier niveau de sa façade sud car ces dernières sont visibles sur de nombreuses photographies.


- Les travaux réalisés par Jean Edouard Hug en 1866 et 1867

En dehors des modifications intérieures (dont nul document ne rend compte), Jean Edouard Hug décide de faire construire un restaurant pour l'hôtel, au nord-ouest du bâtiment principal. 

Il obtient l'accord de la municipalité mais, comme François Clerissy en son temps, sous réserve de démolition sans indemnités, le jour où la Ville réalisera son projet d'escalier d'accès aux Terrasses du Château.

Jean Edouard Hug fait préalablement dégager une partie de la paroi rocheuse de la Colline du Château (1866, demandes non conservées) (voir l'image ci-dessous).


 
- NÈGRE Charles (1820-1880), Nice, Plage des Ponchettes, vue ouest-est, détail de la vue située en tête d'article, 1866,
cliché-verre, 18x24 cm, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 08Fi 0006.
Le bâtiment principal a été exhaussé d'un sixième niveau (1863). L'alignement constitué de 2 baies seulement sur le petit côté nord du grand bâtiment est bien lisible iciLa vue montre, sur la terrasse du bâtiment arrière (1862), la serre installée (1864), ainsi qu'un échafaudage accroché au rocher (1866) afin de dégager la profondeur nécessaire à la construction du futur bâtiment nord (restaurant). 



 - ALEO Miguel, Nice, vue du Vieux Château, vue est-ouest, détail, 1866,
tirage albuminé de 14,2x9,2 cm, Collection personnelle.
L'inscription peinte, "Hôtel - Et Pension Suisse" (1866) est bien lisible au sommet de son petit côté sud. Sur la terrasse du bâtiment arrière (1862), la grande serre (1864) est visible. Le bâtiment nord-ouest (restaurant) n'est pas encore érigé (fin 1866).



Le 7 octobre 1866, Jean Edouard Hug passe un marché devant maître Arnulf, avec Honoré Teisseire, entrepreneur en bâtiments. Ce dernier s'engage à livrer, sous deux mois, la salle à manger, les cuisines et l'ensemble de l'ouvrage conçu par l'architecte François Jean (03E 023/256 fol.30-31). Le marché est modifié le 18 octobre 1866, Jean Edouard Hug s'engageant à fournir la poutraison en fer ainsi que les planchers en bois. Fin novembre, la construction arrive déjà au troisième étage (Journal de Nice du 25 novembre 1866 p 2).

Le solde des travaux est réglé par Jean Edouard Hug le 11 décembre 1866 (AD, 03E 023/256, fol.428). Le bâtiment aligne huit baies sur quatre niveaux dont un dernier niveau aveugle, un balcon en surplomb au troisième niveau et une terrasse supérieure. 

Ce restaurant obstrue cependant les baies des quatre premiers niveaux du petit côté nord du grand bâtiment principal et occulte les baies de l'extrémité nord-ouest du bâtiment arrière (voir l'image ci-dessous).



 - Photographe anonyme, Nice, Les Ponchettes, vue ouest-est, détail, novembre-décembre 1866, 
Carte de visite, 6,1x10,3 cm, Collection personnelle.
La construction du restaurant est en cours d'achèvement (échafaudages) 
et masque désormais le bâtiment arrière. 
Le bâtiment sud arbore à son dernier niveau les mots "Hôtel et Pension Suisse" inscrits
 sur une grande banderole déployée le long du balcon de sa façade occidentale et peints
 directement sur les murs de ses petits côtés nord et sud.


Depuis le 27 octobre 1866, une publicité pour l'établissement hôtelier est diffusée dans Les Echos de Nice (voir l'image ci-dessous).



- Publicité parue dans Les Echos de Nice du 27 octobre 1866
pour L'Hôtel et Pension Suisse des Ponchettes (Nice, Bibliothèque Louis Nucéra).



Le Guide Joanne, De Lyon à la Méditerranée, édité en 1866 signale, la "pension Suisse, rue des Ponchettes, à la Tour Bellanda" (p 319, GoogleBooks).

Emile Négrin dans la 5ème édition de son ouvrage Les Promenades de Nice, édité en décembre 1866, cite parmi les "pensions plus intimes et à prix plus réduits (...), la Pension Suisse aux ponchettes [sic]"

Il cite également la Tour Bellanda parmi les possessions de l'hôtelier. "Après avoir échappé à tant de bombardements, elle a dépouillé sa tunique grise de guerre ; la voici, vêtue d'un pacifique badigeon et servant de terrasse à la pension Suisse de monsieur Hug" (Emile Négrin, Les Promenades de Nice, 5ème édition, décembre 1866, pp 60 et 86, GoogleBooks). 

A partir de février 1867, plusieurs expertises des bâtiments ont lieu du fait d'un contrôle des revenus déclarés par Camille Saltarini, veuve Casali(s).

La veuve et son représentant font tout pour minimiser cette estimation, en listant les défauts des bâtiments : "une construction réalisée au siècle passé par de petits pêcheurs, dans une propriété incommode pour cause de pied du château", la proximité problématique "du magasin à poudre existant à la Batterie des Ponchettes", "une maison mal située, froide en hiver et très chaude en été", qui n'avait que "7 locataires au moment de la vente" et dont une partie de "5 fenêtres du 3ème étage est possédée par Melle Clerissi". 

Inversement, le bâtiment présente une occupation actuelle qui est dite, "liée à la saison, à la clientèle de la Pension suisse et aux améliorations apportées par le nouveau propriétaire".

Une dernière expertise réalisée le 10 mai 1867 est facilitée par le fait que "la maison transformée en hôtel par le sieur Baptiste [sic] Hug était à peu près vide par suite du départ des Etrangers". Elle précise que les experts précédents "n'ont pas donné assez d'importance au jardin et à la tour dont la construction a dû coûter beaucoup et dont l'agrément paraît inséparable de l'exploitation de la maison".

En mai 1867 également, suite au banquet de la chambre des notaires de l'arrondissement de Nice à l'hôtel et Pension Suisse, le Journal de Nice publie l'article suivant : "M. Hug, le propriétaire de ce magnifique établissement, avait arboré trois drapeaux aux couleurs nationales sur le riche balcon au-dessus de la porte principale d'entrée (...) . 

La tour Clérissy et ses dépendances achetées par M. Jean-Edouard Hug, il y a 18 mois, sont aujourd'hui transformées en un hôtel splendide. Du haut de la tour, on jouit d'un panorama des plus merveilleux ; la mer, qui lui fait face, a un attrait indescriptible pour tous les voyageurs ; un jardin artistement dessiné y conduit par une rampe en forme d'escaliers : les fleurs les plus parfumées, les plus sympathiques aux yeux, les plantes exotiques et toutes celles qu'on ne trouve que sous notre beau ciel, s'y rencontrent à chaque pas.

L'hôtel principalement destiné à nos hôtes d'hiver est aménagé richement et le plus grand confortable y règne. Nous dirons en passant que la salle à manger contient 200 couverts ; elle est destinée aux grandes réunions : noces, festins, picnics (sic). Les appartements et les chambres sont à la portée de toutes les bourses, aussi est-ce un va-et-vient continuel de voyageurs. 

M. Hug a compris qu'il fallait rendre le séjour le plus agréable possible ; la position choisie est excellente, hygiéniquement parlant. Chaleur en hiver et fraîcheur en été, étaient deux points difficiles à réunir ; il a su les trouver. Les améliorations entreprises par cet intelligent propriétaire dans le quartier des Ponchettes ont donné une valeur beaucoup plus grande aux propriétés avoisinantes, relativement aux terrains voulons-nous dire. Ce sera un des sites les plus recherchés, aussitôt que la Ville aura mis à exécution le projet de réunir les Terrasses à la promenade du Château par un escalier dont nous avons déjà parlé ici.

Il est également question d'établir des Bains de mer à cet endroit ; la limpidité de l'eau dans ces parages ne fera que les rendre plus agréables, se trouvant surtout dans le milieu de la ville. On nous assure que M. Hug est en instance auprès du ministre de la marine, à l'effet d'obtenir l'autorisation nécessaire. Ce résultat obtenu, les ouvriers se mettraient à l'œuvre pour rendre la plage abordable et faire tous les travaux que nécessite ce genre d'établissement (Journal de Nice du 18 mai 1867 p 3). 

Après le restaurant, Jean Edouard Hug fait ensuite ériger un deuxième bâtiment nord, une remise (demande non conservée). La date de sa construction n'est pas connue mais plusieurs photographies témoignent tout d'abord du seul restaurant, ce qui peut laisser penser à plusieurs mois d'écart. Le deuxième bâtiment est cependant visible sur des photographies antérieures à septembre 1867 (vues prises depuis l'Hôtel des Anglais et montrant le Jardin Public encore dépourvu de Kiosque à musique).  

Située sous la Tour Clerissy, cette remise ne peut aligner que quatre baies sur deux niveaux, avec une porte accostée de trois arcades aveugles au rez-de-chaussée mais est elle-aussi couronnée d'une terrasse (voir l'image ci-dessous). 

Les deux bâtiments nord sont recouverts d'un crépi ocre qui les identifient nettement dans le quartier (voir notamment un tableau de Raphaël Ponson, ici).



- DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, La plage des Ponchettes, vue ouest-est, vers 1867-1870,
tirage albuminé de 6x10,2 cm contrecollé sur carton de 7x11,1 cm, Collection personnelle.
 La remise est désormais construite.


Une petite annonce, citant l'hôtelier, paraît dans le Journal de Nice du 27 mars au 12 avril 1867, "Suisse. - Lac de Constance - Une jolie villa et jardin à louer. - Prix modéré. - S'adresser à E. Hug, Hôtel et Pension Suisse". 

Les petites annonces qui concernent l'Hôtel et Pension Suisse paraissent pour leur part dans Les Echos de Nice et continuent à mettre en avant les jardins et la Tour Bellando (sic) (voir l'image ci-dessous).


 - Annonce pour l'Hôtel et Pension Suisse parue dans 
Les Echos de Nice du 15 septembre au 2 novembre 1867. 
Du 16 novembre 1867 au 5 février 1868, la dernière phrase se voit prolongée ainsi, "des côtes d'Antibes et souvent le matin au lever du soleil on aperçoit l'île de Corse".
L'Hôtel et Pension Suisse possède son propre omnibus qui amène et reconduit les clients à la gare 
de chemin de fer (Emile Négrin, Les Promenades de Nice, édition de 1869 p 5, GoogleBooks).



Si son projet d'établissement de bains n'a pu aboutir, Jean Edouard Hug, grâce à l'accord avec la municipalité, a pu faire ériger (avec des différences de conception) les deux bâtiments auxquels Francesco Clerissy avait renoncé en 1844.

"L'Hôtel des Princes et l'Hôtel et Pension Suisse forment un angle très-carré, figure très-géométrique sans doute, mais d'un effet discordant pour tout amateur de perspective. Ici, l'histoire l'emporte sur la perspective, nous sommes au pied de la Tour Bellanda. Près le corps de garde des Ponchettes est située une magnifique maison qu'on a convertie en hôtel, l'Hôtel Suisse près la Tour Bellanda.

Cet hôtel et ses dépendances sont merveilleusement situés. Jouissance de jardins à l'abri du vent et de la poussière, en amphithéâtre sur la partie méridionale de la Colline du Château. Du haut de leurs terrasses dans l'ombre touffue de beaux arbres, on jouit de la vue la plus splendide du Golfe de la Baie-des-Anges, des Alpes-Maritimes, et de l'île de Corse" (Léon Watripon, Nice-Guide, Nouveau Cicérone des Etrangers, 1869 pp 88-89, Gallica). 

Une publicité pour l'Hôtel et Pension Suisse est, bien entendu, présente en fin d'ouvrage (voir l'image ci-dessous).


- Publicité pour l'Hôtel et Pension Suisse, parue à la fin de l'ouvrage de
 Léon Watripon, Nice-Guide, Nouveau Cicérone des Etrangers, 1869 pp 88-89 (Gallica).



 - DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, Les Ponchettes, vue ouest-est, détail, vers 1870-1875, 
vue panoramique de 8,5x22,3 cm, Etat de New-York, Courtesy of the George Eastman Museum (ici).
L'Hôtel des Princes (cité par Léo Watripon) est situé à l'extrémité gauche de l'image (l'Hôtel Paradis a ouvert ici en 1840 mais est parti s'installer boulevard du Midi en 1853, cédant la place à l'Hôtel des Princes).



 - DEGAND Eugène (1829-1911), Nice, vue du Château, vue est-ouest, vers 1872-1874, 
Carte de visite de 7x11,3 cm, Collection personnelle.
La terrasse du bâtiment nord-ouest (restaurant, 1866) est visible à l'angle du bâtiment principal.
Voir également une photographie de Charles Nègre montrant, dès fin 1866 ou 1867,
 la présence de la terrasse du restaurant (ici). 




ÉPILOGUE


Suite au décès de Jean Edouard Hug, le 28 décembre 1871, à l'âge de 48 ans, c'est sa veuve Anna Barbara qui prend la direction de l'Hôtel et Pension Suisse puis leur fils Jean Pierre et leur petit-fils Jean Rodolphe Hug (jusqu'aux années 1920). 

Le grand escalier, projeté par la municipalité dès la fin des années 1820, est modifié en un nouveau projet de route carrossable traversant le jardin de l'Hôtel et Pension Suisse en 1882 (Conseils municipaux des 3 mai et 6 juin 1882). 

La Famille Hug élabore alors le projet d'un nouvel et grandiose établissement (de 40x20 m) à élever près de la Tour Bellanda et fait réaliser puis éditer, le 12 février 1883, un contre-projet de route qu'elle propose à la municipalité (AD, 02Q 0511). Ces projets de route et d'hôtel sont cependant abandonnés.

En définitive, la municipalité décide d'utiliser le legs de Jean Charles Lesage (1799-1883) destiné aux embellissements de la Ville de Nice, pour faire ériger un escalier, du pied de la Tour Bellanda au sommet de la Colline du Château. 

Un accord passé avec les co-héritiers Hug (droits cédés sur la partie rocheuse), permet à la Famille de surélever le bâtiment de la remise, en l'alignant sur celui du restaurant et en l'intégrant dans la construction de l'escalier. L'adjudication des travaux de l'Escalier Lesage a lieu le 30 avril 1888 et le procès-verbal de réception le 1er octobre 1889 (Conseils municipaux des 13 janvier, 3 février, 21 novembre 1888 et 21 octobre 1889) (voir l'image ci-dessous).



- WILSON George Washington (1823-1893), Bellanda Castle Hill Nice, 1889,
Registered G.W.W., Trade Mark, Glass Magic lantern Slide 23,
from "The French Riviera and Monte Carlo", Collection personnelle.
 L'exhaussement de deux niveaux de la remise Hug est intégré dans l'Escalier Lesage, 
une petite partie de sa terrasse servant de palier (une grille ferme le reste de la propriété).
Le restaurant est dominé par l'inscription, "Hôtel Suisse".
Sur la Tour Bellanda, la différence entre la base ancienne conservée
 et la partie supérieure élevée par les Frères Clerissi est très visible.

 


Peu avant 1900 (entre 1897 et 1899), les huit travées correspondant au restaurant Hug sont exhaussées de deux niveaux supplémentaires. 

A partir du deuxième tiers du XX° siècle, une partie du bâtiment central est dévolue à "l'Hôtel La Pérouse" (années 1930) puis une partie à la "Résidence Rocamare" (seconde moitié des années 1950). 

Seuls les bâtiments nord (ancien restaurant et remise) conservent actuellement le nom "d'Hôtel Suisse".