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dimanche 2 février 2025

1375-É. SOULÉ : VUES DE LUCHON ET SES ENVIRONS (HAUTE-GARONNE)


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


Image 1 - SOULÉ Édouard (1836-1907), 35 - Luchon pris de Cazaril. recto sur fond rouge-orangé,
vues stéréoscopiques de 9x17,5 cm, 
avec les mentions, sur le côté gauche, É. Soulé , Photographie,
et, sur le côté droit, Luchon et ses Environs (initiales enluminées),
La Stéréothèque, Propriétaire : CLEM (CLEM104).


UN ARTICLE EN COLLABORATION AVEC LE SITE DU STÉRÉOPÔLE

AVEC DES VUES DE LA STÉRÉOTHÈQUE



INTRODUCTION


Édouard Soulé (1836-1907) est un photographe qui est né, a vécu et est décédé dans la commune de Bagnères-de-Luchon ou Luchon (Haute-Garonne, 3.500 habitants environ), station thermale estivale réputée, dite au XIX° siècle, "la Reine des Pyrénées". 

Édouard Soulé a notamment produit une série conséquente et numérotée de vues de la ville et de ses environs dont la datation reste complexe en raison de nombreux retirages aux formats multiples et aux présentations variées. 



ÉDOUARD SOULÉ (1836-1907)


Jacques Dominique Édouard Soulé est né à Bagnères-de-Luchon, le 27 septembre 1836. Il est le fils de Jean Pierre Soulé, négociant en tourneries (objets en bois tourné) et d’Anne Marie Surre qui se sont mariés dans cette ville le 28 octobre 1835.

En 1856, à ses vingt ans, Édouard Soulé est "marchand épicier" dans sa ville natale (fiche matricule militaire, Archives Départementales de la Haute-Garonne).

Au printemps 1865, âgé de 28 ans, il ouvre un atelier de photographie à son domicile, dans le chalet qu’il a fait construire allée ou boulevard de la Pique 

"Notre perle des cités thermales vient de faire l'acquisition d'un photographe émérite. M. Ed. Soulé, élève de Nadar [mention qu'il va afficher au verso de ses portraits], s'est installé récemment sur le boulevard de la Pique ; un goût exquis a présidé à l'organisation de ses ateliers et de ses salons" (Gazette des Eaux du 15 juin 1865).

Vers 1867/68, L’Indicateur Luchonnais signale (p 17), "MM. Soulé, élève de Nadar, et Lafosse, allée de la Pique", sans que l’on puisse savoir si cette association date de l’ouverture de l’atelier ou bien lui est postérieure. Cette association ne semble pas durer et aucun carton-photo présentant les deux noms n’est conservé, contrairement à ceux portant individuellement leur nom, à cette même adresse.

En 1872, Édouard Soulé semble déménager son atelier dans un nouveau bâtiment qu’il a fait ériger allée des Bains (n° 6), face aux Thermes (L’Avenir de Luchon du 25 avril 1872).

Il obtient son brevet de libraire la même année et mène désormais les deux activités de front. 

Âgé de 37 ans, il épouse à Luchon, le 29 octobre 1873, Adélaïde Bordes, 28 ans (née le 16 décembre 1844 à Saint-Gaudens, Haute-Garonne). Le couple aura trois enfants dont deux vont malheureusement décéder en bas-âge : Marie (1874-1874), Pierre (1878-1879) et Louis (1880-1946).

Édouard Soulé officie à l’adresse de l’allée des Bains (n° 30) jusqu’au début du XX° siècle (publicités parues dans L’Avenir de Luchon des 6 juillet 1904 et 1er août 1905). 

Il décède à Luchon, à son domicile du 5, avenue Carnot, le 4 février 1907, à l’âge de 70 ans.



UNE SÉRIE DE VUES NUMEROTÉES


Sa production de quarante années révèle quelques portraits mais surtout de nombreuses vues de Luchon et de ses environs, notamment distribuées par la Librairie Lafont. Ce sont des vues urbaines de Luchon et de Saint-Bertrand-de-Comminges (vues générales, rues, bâtiments, monuments) et de plus nombreuses vues de sites naturels (sommets, gouffres, vallées, rivières, lacs et cascades).

Édouard Soulé décline ses vues des Pyrénées sous forme de stéréoscopies, cartes de visites et cabinets numérotés mais aussi de moyens et grands formats, légendés mais dépourvus de numéro et parfois assemblés en album.

Cette numérotation ne reflète pas un classement chronologique mais le choix de mettre en tête de série les attraits de la ville de Luchon (Image 2), avant ceux des "courses des Luchon" ou lieux de promenades à effectuer dans ses environs.


Image 2 - SOULÉ Édouard (1836-1907), 1- Etablissement Thermal (Luchon), inauguré en juillet 1857, recto sur fond rouge-orangé,
vues stéréoscopiques de 9x17,5 cm, 
avec les mentions, sur le côté gauche, É. Soulé , Photographie,
et, sur le côté droit, Luchon et ses Environs (initiales enluminées),
La Stéréothèque, Propriétaire : CLEM (CLEM101).



Édouard Soulé complète et actualise ensuite cette série. Il prolonge la numérotation de ses photographies jusqu’au numéro 110 environ (72 des numéros ont pu être consultés), notamment grâce à l’ajout de nouvelle vues pour un lieu déjà représenté. Quelques exemples :


56 - Rue d’Enfer (Près Luchon) ; 84 - Vue générale de la Rue d’Enfer (Près Luchon) 

57 - Cascade du Cœur (Près Luchon) ; 85 – Partie Supérieure De La Cascade Du Cœur (Près Luchon)

vues 75-80 de Saint-Bertrand-de-Comminges auxquelles se voient ajoutées les numéros 100 à 108.


Il renouvelle également les vues des bâtiments et ouvrages d’art qui ont été modifiés, tout en leur conservant le même numéro ou cumule parfois remplacement et ajout. Quelques exemples :


9 - Buvette Du Pré (Luchon), deux états du bâtiment

74 - Pont du Roi, Frontière d’Espagne (Près Luchon), deux états de l’ouvrage d’art retrouvés sous forme de cartes de visite, l‘une de format horizontal montrant le premier état du pont vu de près, l’autre de format vertical, montrant le nouveau pont, vu de haut 

et

 91 - Pont du Roi, Frontière d’Espagne (Près Luchon), nouvelle carte de visite de format horizontal montrant le nouveau pont vu de près.


Ce n'est que très exceptionnellement qu'il substitue à des numéros déjà existants des vues de sujets différents, afin de positionner ces dernières en début de série. Deux des vues de l’Établissement thermal, numérotées 3 et 4, sont ainsi remplacées par des vues du Casino de Luchon, érigé entre 1878 et 1880 (Image 5) : 


3- Grand Casino (A) (Luchon) ; 4 - Grand Casino (B) (Luchon).



LES VUES STÉRÉOSCOPIQUES


Les vues stéréoscopiques d'Édouard Soulé sont constituées de deux tirages albuminés de format presque carré, collés sur des cartons de couleur d'environ 9x17,5 cm qui affichent le titre en bas à droite du recto et présentent un verso nu. 

On peut relever quatre types de présentation de ces vues stéréoscopiques :

- Type 1 : carton rouge-orangé (imprimé à l’encre rouge) ou bleu (imprimé à l’encre bleue) affichant en bas à droite, le titre de la vue précédé d’un numéro, et en bas à gauche, les inscriptions à peine lisibles, E. Soulé, ph. Luchon


Image 3 - SOULÉ Édouard (1836-1907), 72 - Statue De La Vierge Et St. Béat (Près Luchon), recto sur fond bleu vif, 
vues stéréoscopiques de 9x17,5 cm, 
avec les mentions en italique, en bas à gaucheE. Soulé, ph. Luchon",
La Stéréothèque, Propriétaire : M. Magendie (Mag6558).



-Type 2 : carton rouge-orangé, beige ou brun, comportant les indications suivantes sur ses côtés (imprimées à l’encre noire), Luchon - by E. Soulé (à gauche), Luchon - par E. Soulé (à droite) et, en bas à droite, un titre précédé d’un numéro (ces mentions alternativement en anglais et français font écho à celles des cartons d’Ernest Lamy pour sa série de vues de Luchon de 1868). 


Image 4 - SOULÉ Édouard (1836-1907), 33 - Luchon Pris De La Chaumière, recto sur fond brun, 
vues stéréoscopiques de 9x18 cm, 
avec les mentions, sur le côté gauche, Luchon - by E. Soulé 
et, sur le côté droit, Luchon - par E. Soulé (initiales enluminées),
La Stéréothèque, Propriétaire : Médiathèque intercommunale Pau-Pyrénées, (MIDR_PHA_152_0608).


- Type 3 : carton rouge-orangé, beige, brun ou plus rarement moutarde, comportant les indications suivantes sur ses côtés (imprimées à l’encre noire), E. Soulé , Photographie (initiales enluminées) (à gauche), Luchon Et Ses Environs (initiales enluminées) (à droite), et, en bas, un titre précédé d’un numéro.


Image 5 - SOULÉ Édouard (1836-1907), 3 - Grand Casino (A) (Luchon), recto sur fond brun, 
vues stéréoscopiques de 9x18 cm, 
avec les mentions, sur le côté gauche, É. Soulé , Photographie
et, sur le côté droit, Luchon et ses Environs (initiales enluminées),
La Stéréothèque, Propriétaire : Médiathèque intercommunale Pau-Pyrénées, (MIDR_PHA_152_0604).


- Type 4 : carton rouge-orangé ou beige, avec sur les côtés les indications suivantes (imprimées à l’encre noire), E. Soulé . Allée des Bains (initiales enluminées) (à gauche) et, Luchon Et Ses Environs (initiales enluminées) (à droite) et, en bas à droite, le titre précédé d’un numéro.


Image 6 - SOULÉ Édouard (1836-1907), 90 - Casino du Pont Du Roi (B) (Luchon), recto sur fond rouge-orangé, 
vues stéréoscopiques de 8,5x17 cm, 
avec les mentions, sur le côté gauche, É. Soulé . Allée des Bains
et, sur le côté droit, Luchon et ses Environs (initiales enluminées),
La Stéréothèque, Propriétaire : M. Wiedemann (WIE060).



Il est nécessaire de préciser que les couleurs des encres d’imprimerie (noire, bleue, rouge) apparaissent parfois mélangées de nos jours : un titre peut apparaître avec deux couleurs superposées ou bien avec deux couleurs juxtaposées, du fait de l’effacement d’une partie de la couleur supérieure. L'encre noire utilisée sur les cartons à fond brun, apparaît généralement grise.



LES CARTES DE VISITE


L’étude des vues stéréoscopiques conservées montre des images toujours été accompagnées d’un titre et d’un numéro.

Les cartes de visites (cabinets peu nombreux) offrent une vision légèrement différente de la série mais présentent les mêmes images. 

Certaines cartes de visite affichant l'allée de la Pique sont, au recto, dépourvues de titre imprimé et semblent induire trois phases successives : sans titre puis avec titre et enfin avec titre précédé d’un numéro.

Cette logique est cependant démentie par l’existence de plus rares cartes de visite portant l’adresse de l’allée des Bains mais dépourvues de titre. 

Il reste difficile d’expliciter le fait que la numérotation déjà présente dans les vues portant l’adresse de la Pique est parfois absente dans celle de l’allée des Bains, alors que les vues stéréoscopiques contemporaines sont toujours numérotées.

Les cartes de visite affichent l’adresse au verso (précédée le plus souvent de, Photographie Luchonnaise) : 

- celle de l’allée de la Pique accompagnée du monogramme "ES" (à l'encre rouge), sans précision des nom et prénom du photographe puis de la grande signature oblique "E. Soulé" (à l'encre rouge ou grise),

- celle de l’allée des Bains, ensuite, accompagnée de cette même signature. 



ESSAI DE DATATION


Cette numérotation, quoique largement manipulée, peut cependant s’avérer porteuse de quelques repères chronologiques.

Les deux images de l’Etablissement thermal numérotées 3 et 4, qui se verront remplacées par celles du Casino du Luchon vers 1880, font probablement partie des premières images du milieu des années 1860, du fait de l’importance du bâtiment dans la ville. 

La vue stéréoscopique 90 - Casino du Pont Du Roi (B) (Luchon) (Image 6) ne peut pas être antérieure à l’été 1873, date à laquelle ce Casino a été ouvert dans un chalet nouvellement érigé. Ceci permet non seulement de considérer qu’il existe une autre vue (non retrouvée) intitulée, 89 - Casino du Pont Du Roi (A), mais que toutes les vues portant un numéro supérieur sont postérieures à 1873. 

Cette hypothèse se voit cependant contredite par la vue 97 - Salle des Pas Perdus des Thermes (Luchon), sur carte de visite, affichant au verso l’adresse de l’allée de la Pique et annotée par l’acheteur de la mention manuscrite, "Août 1872". S'il est logique que l'atelier, depuis peu installé allée des Bains, écoule encore des vues portant l'ancienne adresse, c'est le n° de la vue qui est troublant.

Il faut donc se résoudre à considérer que la plupart des vues de la série numérotée datent des années 1865-1875 environ, en dehors de quelques vues postérieures qui se sont substituées à des numéros anciens. 

Les publicités d’Édouard Soulé affichent d’ailleurs :

- dès la fin des années 1860 (atelier de l'allée de la Pique), sa "Vente des principales vues des Pyrénées centrales (courses de Luchon)" (J. Daunic, Indicateur Luchonnais, p 17, édition non datée mais citant à deux reprises la seule date de 1867)

- puis, à partir de 1872 (atelier de l'allée des Bains), sa "Collection complète des vues de Luchon" (L’Avenir de Luchon du 15 juin 1872) 

- ou même "la seule collection complète des Vues de Luchon et de ses courses, en vues stéréoscopiques, cartes et plaques" (J. Daunic, Luchon-Guide, 1873 p 37).

La vision d’ensemble de sa série reste troublée par les retirages multiples d’une même vue jusqu’aux années 1880, avec des présentations renouvelées. 

Plusieurs exemplaires conservés de la vue 14 - Allée D’Etigny (Luchon) témoignent de ce fait, avec tout à la fois : 

- des vues stéréoscopiques des types 1 (sans adresse), 3 (sans adresse) et 4 (portant au recto l’adresse de l’allée des Bains) 

- mais également des cartes de visite affichant au verso l’adresse de l’allée de la Pique puis celle de l’allée des Bains.



ÉPILOGUE


Dans la fin du XIX° siècle et les premières années du XX° siècle, Édouard Soulé réalise des portraits de groupes (cabinets et grands formats) intitulés, Souvenir de la Buvette du Pré (Luchon), mais également de nouvelles vues de Luchon et de ses environs (non numérotées). 

Quelques-unes d’entre elles, dont celle de la Statue d’Etigny (inaugurée le 8 septembre 1889), sont d’ailleurs publiées dans l’ouvrage du Docteur Doit-Lembron, Luchon médical et pittoresque (Paris, 1903).

Cet article, axé sur l'étude des vues d'Édouard Soulé, a volontairement délaissé l'étude de ses portraits qui ne sont conservés qu'en un petit nombre et donnent peut-être une vision faussée de la réalité. 

Ce sont quelques portraits individuels qui datent des années 1865-1872 et affichent l'allée de la Pique (6 cartes de visite consultées) puis des portraits de groupes qui n'affichent aucun nom ni adresse ou bien celle de l'allée des Bains, réalisés entre 1875 et 1890 (5 cabinets ou grands formats consultés) puis entre 1890 et 1905 (6 cabinets ou grands formats consultés).

Ses vues, conservées pour leur part en grande quantité (plus de 200 épreuves consultées, tous formats confondus), semblent avoir majoritairement été prises dans les années 1860-1875, en dehors des quelques ajouts et remplacements postérieurs.

Édouard Soulé s'est-il contenté, pendant plusieurs décennies, de rééditer et de vendre ses vues anciennes, se consacrant davantage à son activité de libraire qu'à celle de photographe ?




dimanche 26 janvier 2025

1374-TROIS VUES DE CANNES DESSINÉES PAR FÉLIX BENOIST EN 1864

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- BENOIST Félix (1818-1896), SABATIER Léon Jean Baptiste (?-1883 ?)
 et BAYOT Adolphe Jean Baptiste (1810-1871),
CANNES ET LES ÎLES DE LÉRINS, 1864,
détail de la lithographie, montrant le Port et le Mont-Chevalier.




INTRODUCTION


Dès 1860, l'éditeur Henri Charpentier conçoit le projet d'un ouvrage consacré aux territoires nouvellement rattachés à la France. Il édite ce dernier en 1861, sous le titre Nice et Savoie, avec des textes de Joseph Dessaix et Alexis de Jussieu et des lithographies exécutées d'après des dessins de Félix Benoist.

En 1863, il souhaite renouveler la "Troisième Partie" de l'ouvrage consacrée aux seuls arrondissements de Nice et de Puget-Théniers, par la rédaction d'un nouveau texte confié à Xavier Eyma. Le texte de 1863 et les lithographies de 1861 constituent ainsi la "Troisième Partie" de la nouvelle édition de Nice et Savoie en 1864.

L'éditeur souhaite ensuite présenter l'intégralité du département des Alpes-Maritimes. Il commande un nouveau texte à Xavier Eyma mais aussi de nouveaux dessins à Félix Benoist, cette fois consacrés à l'arrondissement de Grasse mais aussi aux nouveaux aménagements de Nice. Xavier Eyma cite et commente certains de ces dessins dans ses écrits en cours et en publie des extraits dans le Journal de Nice, des 24, 25 et 26 août 1864. 

Textes et lithographies sont ensuite réunis, fin 1864, dans un ouvrage intitulé, Nice et le département des Alpes-Maritimes, avec une souscription ouverte dès le mois de janvier 1865 et une édition signalée au mois de mars suivant, mais également dans un "Supplément" qui vient compléter l'ouvrage Nice et Savoie de 1864 (sur l'étude détaillée de ces éditions, voir l'article de ce blog, ici).

Il existe ainsi différentes éditions, reliées ou à relier, avec des lithographies en noir, sépia ou couleur, accompagnées ou non de texte, offrant un total de 2 nouvelles vues de Nice et de 11 de l'arrondissement de Grasse dont les trois vues de Cannes qui vont être étudiées ici.

La qualité des lithographies réside dans la sensation d'infini, et parfois même de vertige, créée par la force des premiers plans, des visions plongeantes, une lumière contrastée et une maîtrise parfaite de la perspective aérienne. Les vues n'en traduisent pas moins la vie locale, la végétation et les architectures avec exactitude.

Les trois lithographies de Cannes mettent en valeur l'aspect pittoresque du site, son climat enchanteur, le passé de la ville mais aussi son développement récent (nouveaux quartiers), sa modernité (port, gare, station balnéaire) et ses nouvelles constructions (villas, chapelles et Casino de style néo-gothique anglais ; grands hôtels).

Les planches, éditées par Henri Charpentier (1806-1882), lithographe-imprimeur-éditeur à Nantes (rue de la Fosse, 32) et à Paris (quai des Augustins, 55) sont imprimées sur feuillet de vélin de 34,4x49 cm. Elles offrent sous le titre générique, Alpes-Maritimes, des vues de 23,7x32,9 cm dessinées par Félix Benoist (1818-1896), lithographiées et mises en couleur par Léon Jean Baptiste Sabatier (?-1883 ?), avec des personnages retouchés par Adolphe Jean Baptiste Bayot (1810-1871). 



CANNES ET LES ÎLES DE LÉRINS - VUE PRISE DES HAUTEURS DE LA ROUTE DE GRASSE


La vue nord-sud montre le site de la ville de Cannes (parties centrale et orientale), des collines à la mer et aux îles, dans un vaste panorama allant du cap de la Croisette à l'est, au Mont-Chevalier à l'ouest (Image 2).


2- ALPES-MARITIMES (légende en tête de planche)
Nantes, Lith Charpentier, Edit-Paris, quai des Augustins, 55. (sous l'image à gauche)
 Félix Benoist del. (delineavit - a dessiné) Sabatier lith. Fig. par Bayot (sous l'image à droite)

CANNES ET LES ÎLES DE LÉRINS.
Vue prise des hauteurs de la route de Grasse.
(titre et sous-titre centrés en bas de planche)
Lithographie en couleurs d'environ 24x33 cm sur feuillet de 34x49 cm (Collection privée). 



D'entre les rochers proches de la route de Grasse, émerge un pin maritime, au tronc tordu et au feuillage clairsemé, qui relie tout à la fois le bas et le haut de l'image (terre, mer, ciel) et les plans proches et lointains (Image 2).

Au centre, l'œil s'attarde sur une dizaine de paysans et de promeneurs qui semblent se regrouper pour déjeuner sur l'assise plane et lumineuse d'un rocher nu, puis dévale le flanc ombré de la colline et se dirige, à travers bois et champs, jusqu'à la voie de chemin de fer (Image 3).


3- Détail central de la lithographie, CANNES ET LES ÎLES DE LÉRINS.



Un train, qui vient de sortir du tunnel, est saisi dans sa traversée du quartier de la Ferrage (Image 3). Il vient de dépasser l'église de la Miséricorde, s'apprête à passer sous la passerelle située plus à l'est et à longer le palmier mythique de Cannes (Images 2 et 4), avant de continuer son voyage en direction de Cagnes-sur-Mer, renvoyant le regard vers la gauche de l'image.

La voie ferrée traversant Cannes, a été entamée en juin 1860 et posée d'ouest en est. Les travaux conséquents du percement du tunnel de 200 mètres de long, sous le Mont-Chevalier, ont été menés parallèlement et se sont achevés en avril 1861. La construction de la gare (non visible ici) s'est terminée l'été 1862 mais la ligne Toulon-Cannes-Cagnes n'a été ouverte qu'en avril 1863 et n'atteindra Nice qu'en octobre 1864.

La partie orientale et centrale de la ville s'étend sur le bord de mer et le Mont-Chevalier, à contre-sens de la chronologie qui l'a engendrée. 

Sur la gauche de l'image, une voie récente longe la plage de la Croisette. Les déblais du tunnel ferroviaire ont aidé à la réalisation et à l'élargissement, en 1861, de ce "chemin" puis "boulevard de la Croisette", dénommé également, à partir de 1864, "boulevard de l'Impératrice" (sur les dénominations et l'état de ce boulevard en 1864, voir l'article de ce blog, ici).

Près de ce boulevard (Image 4) se remarquent les deux hautes tours crénelées du Casino Cresp-Sicard érigé, sur les plans de l'architecte Thomas Smith, entre novembre 1861 et l'été 1862 (gros œuvre), avec une ouverture en août 1863. Plus en retrait, ce sont les pavillons et les dômes du Grand-Hôtel de Cannes, érigé sur les plans des architectes Charles Baron et Laurent Vianay, entre juin 1863 et l'été 1864 (gros œuvre), avec une ouverture en octobre. Enfin, à l'extrémité gauche de l'image, on aperçoit le minaret de la Villa Tripet-Skrypitzine, dite Villa mauresque ou Villa Alexandra (érigée en 1849-1850).


4- Détail gauche de la lithographie, CANNES ET LES ÎLES DE LÉRINS.



Dans la baie, les nombreux bateaux à voile et un seul bateau à vapeur (Image 4) croisent au large des Îles de Lérins, sur une mer dont le bleu est effacé par la forte luminosité du milieu de journée. 

Sur le ciel immense et clair, souligné de nuages, se détachent et se répondent dans l'image, à gauche, le feuillage du pin maritime puis, à droite, les Tours de l'Horloge et du Suquet (Image 2).




CANNES, VUE PRISE DE LA PLAGE, PRÈS DU CASINO


Le dessin original de cette vue (Image 5), qui anticipe les dimensions de la lithographie, est conservé sous le titre, Cannes. Vue prise de la plage, en face du Casino (Collection privée).

Pris de la plage de la Croisette (vue est-ouest), ce dessin, sous un ciel immense et clair qui occupe les trois-cinquièmes de l'image et traduit un après-midi ensoleillé (force et direction des ombres portées), montre le bord de mer, la partie orientale du boulevard, les arbres du Cours puis le port, dominé par le Mont-Chevalier, avec des bateaux près du quai Saint-Pierre et du môle du phare, et enfin la chaîne des Monts de l'Estérel dont la perspective aérienne estompe les reliefs et adoucit les valeurs.

Le regard est guidé par les lignes de fuite de la plage et du boulevard qui convergent vers le côté nord du Mont-Chevalier.


5- BENOIST Félix (1818-1896), Cannes. Vue prise depuis la plage, en face du Casino, sans date,
dessin à la mine graphite de 23x32 cm,
vente aux enchères Drouot du 20 mai 2022.




Le sol du premier plan révèle tout particulièrement le style énergique et calligraphique de Félix Benoist, dans sa retranscription des touffes herbes et des grosses pierres du talus qui contrebutent la voie.

Sur la plage, à proximité des cabines de bains qui s'échelonnent des deux côtés de l'embouchure de la Foux, se remarquent des promeneurs et des baigneurs mais également des femmes lavant leur linge dans le cours du ruisseau. Un homme, dont le mouvement est saisi sur le vif, plonge dans les vagues pour rejoindre les autres nageurs. Deux barques flottent à proximité du rivage.

Près du boulevard, un homme décharge peut-être, de sa charrette attelée, des déblais qu'il répartit avec sa pelle. Deux femmes, vêtues de grandes robes et coiffées d'un chapeau élégant, se promènent sur le boulevard ; elles viennent de passer le pont de la Foux et se dirigent plus à l'est sur la voie de la Croisette, encore étroite et dépourvue de bancs et de plantations.

Les villas, précédées de jardins ceints de murets et de grilles, bordent le côté nord du boulevard. On reconnaît notamment la façade monumentale aux tours crénelées du Casino Cresp-Sicard néo-gothique (casino-cabaret-théâtre-pension), aperçu sur la vue précédente, et, plus à l'ouest, la Villa et Pension Montaret qui l'accoste (érigée au plus tard en 1862).

La lithographie finale (Image 6) reste très fidèle à l'ensemble de ce dessin, même si elle remplace les trois personnages du talus du premier plan par trois autres qui discutent au revers des premières cabines de bains, complète et précise d'autres personnages de la plage, ajoute de nouveaux promeneurs sur le boulevard, multiplie et assombrit la végétation du talus, élimine le voilier près du phare, charge le ciel de nuages et colore l'ensemble.


6- ALPES-MARITIMES (légende en tête de planche)
Nantes, Lith Charpentier, Edit-Paris, quai des Augustins, 55. (sous l'image à gauche)
Félix Benoist del. (delineavit - a dessiné) Sabatier lith. Fig. par Bayot (sous l'image à droite)

CANNES, 
Vue prise de la plage, près du Casino.
(titre et sous-titre centrés en bas de planche)
Lithographie en couleurs d'environ 24x33 cm sur feuillet de 34x49 cm (Collection privée).



CANNES. VILLA ST-ACHEUL - LE GOLFE DE LA NAPOULE ET LES MONTAGNES DE L'ESTÉREL.


C'est cette fois une vue de la partie ouest de la ville, à l'heure du coucher de soleil mais, comme dans la vue intitulée Cannes et les Îles de Lérins, à nouveau prise depuis le nord, avec une vue plongeante, des personnages réunis sur l'un des rochers du premier plan et l'étagement du paysage jusqu'à la mer.

La lumière douce et orangée estompe les formes. Près d'une quinzaine de personnages, répartis en plusieurs groupes de paysans et de nobles, profitent de l'instant et admirent le panorama depuis la plateforme rocheuse baignée de lumière, située près de l'angle inférieur gauche de l'image.


7- ALPES-MARITIMES (légende en tête de planche)
Nantes, Lith Charpentier, Edit-Paris, quai des Augustins, 55. (sous l'image à gauche)
Félix Benoist del. (delineavit - a dessiné) Sabatier lith. Fig. par Bayot (sous l'image à droite)

CANNES. 
Villa St-Acheul -Le Golfe de la Napoule et les montagnes de l'Estérel.
(titre et sous-titre centrés en bas de planche)
Lithographie en couleurs d'environ 24x33 cm sur feuillet de 34x49 cm (Collection privée).



Dans l'angle supérieur opposé se détache la masse monumentale et éclairée de la Villa St-Acheul, avec ses nombreuses tours crénelées de formes, dimensions et hauteurs différentes, au centre de remparts qui délimitent la propriété. La villa, érigée par l'architecte Thomas Smith (entre 1852 et 1856) est désignée ici sous le nom rarement usité de "Villa St-Acheul". Elle est plus souvent dénommée, "Château du Riou", "Château des Tours" ou "Château St-Ursule" ou encore, depuis son achat en 1861 par le duc de Vallombrosa, de "Château ou Villa Vallombrosa". Du côté nord de la villa, se devine la toute nouvelle chapelle, bâtie à la demande du duc en 1863-64.

Plus bas, c'est le quartier des Anglais avec des propriétés espacées qui s'échelonnent du côteau à la mer. On reconnaît notamment la chapelle anglicane ou Christ Church (érigée entre mai et décembre 1855) dont la toiture rougeoie.

Les monts de l'Estérel se détachent à l'horizon, sous des strates de nuages en contre-jour. Ces derniers masquent partiellement le soleil dont le rayonnement se reflète et scintille à la surface des flots.



ÉPILOGUE


Ces trois lithographies viennent conforter la datation de ces dessins, avant août 1864. La réalisation de la chapelle de la Villa St-Acheul, l'état du bâtiment en construction du Grand Hôtel de Cannes ou encore la présence de cabines de bains et de nageurs sur la plage suggèrent une date vers mai 1864, au plus tôt.

Il reste cependant difficile de l'affirmer car si les dessins de Félix Benoist sont majoritairement exécutés sur place et fortement détaillés, ils s'inspirent parfois de photographies, représentent achevées des architectures en construction et ajoutent des éléments, des personnages ou des ambiances lumineuses pour composer l'ensemble et lui donner vie.

Félix Benoist a-t-il artificiellement placé des groupes de personnages dans ses dessins, comme Alphonse Bayot, après lui, dans les lithographies ?

Le train est-il passé pendant que Félix Benoist dessinait ou, pour l'avoir observé à un autre moment ou l'avoir lui-même emprunté, l'a-t-il ajouté comme symbole de modernité ?

 A-t-il observé l'homme plonger dans les vagues depuis la plage de la Croisette ou l'a-t-il intégré dans son dessin pour donner davantage de mouvement à la scène ?

C'est toute l'ambiguïté d'une œuvre d'art qui compose avec la réalité. Il faut cependant rappeler que les photographies contemporaines de Cannes présentent un rendu identique des lieux et des architectures.




 

dimanche 19 janvier 2025

1373-CANNES-LE BOULEVARD DE LA CROISETTE EN 1864

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS

 

1- MESSY Émile (1835-1890), (Cannes) N°1Vue depuis le môle du phare, sans date,
tirage albuminé de 9,1x6 cm, sur carton de 11,1x6,6 cm, Collection personnelle.

 

DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 22/01/2025

 

 

INTRODUCTION

 

Le projet d'une voie carrossable remplaçant le sentier qui longe la plage de la Croizette/Croisette à l'est de la ville de Cannes, entre lande sablonneuse et terrains arborés, ne se concrétise qu'à partir de 1858. Les travaux vont être menés, en plusieurs étapes, tout au long des années 1860 et au-delà.

La construction du pont de la Fous/Foux pour enjamber le ruisseau qui coupe le futur tracé du boulevard (décidée par le Conseil municipal en janvier 1859), l'acceptation des déblais du chemin de fer permettant de surhausser et d'élargir la voie (décidée en novembre 1860) et le lancement des travaux (votés en janvier 1861 et achevés en novembre de la même année) laissent penser à une réalisation des premiers états de ce boulevard entre 1859 et 1861 (Archives Municipales de Cannes, Délibérations du Conseil, 1D15).

 

"Cannes (...) s'est donné route par ci, promenade par là, un superbe chemin qui s'empare de la langue de sable de la Croisette et abrège considérablement le trajet maritime vers les Iles de Lérins"

(Journal de Monaco du 28 juillet 1861).

 

"La longue plage de la Croisette est devenue, depuis l'année 1862 seulement, la promenade la plus fréquentée par les riches étrangers qui ont établi à Cannes leur résidence d'hiver" 

(Victor Petit, Cannes - Promenades des Etrangers dans la ville et ses environs, 1868 p 227).

 

Il est difficile d'établir une chronologie précise des premières constructions qui, prioritairement destinées aux hivernants (maisons de rapport, villas, pensions, hôtels) viennent, dès 1858-59 (Note A), border le côté nord du "chemin de la plage ou du cap de la Croisette", du "chemin vicinal" (classé ainsi fin 1860), de la "promenade de la Mer", du "boulevard de la Croisette" ou du "boulevard de l'Impératrice" (Note B).

Cependant, les documents conservés de cette période, textes, plans, lithographies et photographies aident, non sans tâtonnements et doutes, à en retracer en partie l'histoire.


- MESSY Émile (1835-1890), (Cannes) N°1Vue depuis le môle du phare, sans date,
tirage albuminé de 9,1x6 cm, sur carton de 11,1x6,6 cm, Collection personnelle.


 

 

UNE VUE DU PHOTOGRAPHE MESSY

 

Présentation

Cette vue panoramique de Cannes, prise depuis le môle du port et l'enrochement nord du phare (vue sud-ouest/nord-est), montre avec netteté une partie conséquente du boulevard de la Croisette mais pas son extrémité occidentale.

Son auteur est Emile Messy (Marseille 1835-Paris 1890), portraitiste et paysagiste, qui est signalé comme photographe à Nice dès 1863 puis à Cannes dès l'automne 1865 (Les Échos de Nice du 7 octobre 1865) et qui conserve ces deux ateliers jusqu'en 1870 (voir sa biographie détaillée, ici). 

L'image étudiée affiche à son revers, sous les armoiries anglaises, les deux adresses imprimées des ateliers de Nice (Rue Paradis, 2. - Rue Masséna, 13. - au fond du jardin, - Nice.) et de Cannes (Rue Grande, 3. - au fond du jardin - Cannes.). 

Elle semble dater des débuts de l'atelier cannois (vers 1865-66) car elle affiche également le titre manuscrit, "Vue depuis le môle du phare", précédé du "N° 1" qui la place en tête de la série des vues de la ville.

L'étude des bâtiments emblématiques présents dans l'image vient, pour sa part, confirmer une prise de vue datant au plus tôt de 1864, avec de gauche à droite : 

- le Casino Cresp à la façade flanquée de tourelles crénelées, érigé de novembre 1861 à août 1863, 

- le Grand Hôtel de Cannes, dont les nombreux et hauts pavillons couverts de dômes évoquent les façades du Palais des Tuileries (Paris), érigé de juin 1863 à octobre 1864

- et le Cercle Nautique avec sa rotonde de façade, érigé du printemps 1863 à octobre 1864 (mais encore dépourvu de ses extensions latérales, datant de 1868).

Cependant, l'absence du Café de la Rotonde, érigé de février à décembre 1865 sur le terrain arboré situé à l'extrémité droite de l'image, implique une prise de vue antérieure à sa construction. 

La datation de la photographie peut donc être comprise entre le printemps ou l'été 1864, période d'achèvement du gros œuvre du Grand Hôtel de Cannes et du Cercle Nautique (qui n'ouvriront qu'en octobre), et février 1865, date de début de construction du Café de la Rotonde.

Cette vue, prise avant même l'ouverture de l'atelier cannois d'Emile Messy pose question. Le photographe a-t-il réalisé la série de vues cannoises à laquelle appartient l'image étudiée lors d'une excursion d'une journée, facilitée par la ligne de chemin de fer, ou bien lors de l'installation provisoire d'un atelier de portraits, comme il l'a fait à Monaco, en mai 1864, pendant deux semaines (Journal de Monaco du 5 mai 1864) ?

Une autre hypothèse mérite cependant d'être envisagée et retenue : les vues cannoises ne seraient pas l'œuvre d'Emile Messy mais celles du photographe portraitiste et paysagiste Jules Buisson (Cannes 1844-Cannes 1903, voir sa biographie ici) dont il a racheté le fonds en 1865, repris l'adresse et conservé le brevet royal (armoiries anglaises). Emile Messy n'a d'ailleurs édité, dans les années 1860, aucune autre photographie de paysage que celles de Cannes.

 

"Depuis le Cours jusqu'à la pointe de la Croisette, apparaissent des villas coquettes et des hôtels à style monumental, un cercle - Cercle nautique (...) ; et enfin le grand bâtiment dit le Casino (...).

 Si on suit le quai de la Croisette, on rencontre sur le chemin et dans ce quartier, qui date d'hier, environ vingt-cinq belles maisons. Nul doute qu'entre le moment où j'indique ce nombre et celui où le livre sera entre les mains du lecteur, ce chiffre ne se trouve de beaucoup dépassé. C'est sur cette ligne qu'on voit le Cercle Nautique et le monumental Hôtel Gonnet [erreur, il s'agit du Grand Hôtel de Cannes] qui s'achèvent".

                       (Dr Lubanski, Guide aux stations d'hiver du littoral méditerranéen, pp 268 et 288-89, ouvrage préfacé en juillet 1864 et édité en 1865).

 

Description

La vue de Cannes (ville de 7.300 habitants environ ayant pour maire M. Legoff) date donc de 1864, et très probablement du printemps ou de l'été car elle montre de nombreuses cabines de bains, habituellement mises à l'abri le reste de l'année.

Elle dévoile le boulevard de la Croisette avec un ensemble de bâtiments qui ont tous été construits entre 1859 et 1864, ce qui implique de réviser la datation jusque là admise pour certains d'entre eux.

En dehors de quatre groupes de cabines de bains en bois et du Pont de la Foux en pierre présents sur la plage, la photographie d'Emile Messy présente 14 villas dont 1 maison individuelle, 4 maisons de rapport, 7 pensions ou hôtels, 1 Casino-Théâtre-Pension et 1 Cercle. 

Les points forts du boulevard de la Croisette sont notamment déclinés dans les publicités des hôtels : une position abritée et centrale, proche de la Gare de chemin de fer et des édifices cultuels, au bord de la mer avec un superbe panorama sur les Monts de l'Estérel et des Îles de Lérins et une plage de sable fin.

A cette date, aucune plantation (arbre ou fleurs), aucun réverbère, aucun trottoir et aucun banc n'est présent sur le boulevard, en dehors des jardins des villas ceints de murets et de grilles. De la même façon, aucun magasin n'est présent dans cette zone résidentielle de bord de mer, en dehors des boutiques installées dans les rues perpendiculaires qui rejoignent la rue d'Antibes.


N.B. : 

- La description ci-dessous de l'image, de la gauche vers la droite, concerne les constructions qui bordent les côtés sud et nord du boulevard de la Croisette mais également les bâtiments en retrait, lorsque leur terrain communique avec le boulevard 

- Les changements de nom d'une même villa, relevés dans les différents types de documents entre 1859 et 1872, sont parfois dus au choix de l'affichage du nom du propriétaire ou de celui de l'occupant

- La numérotation adoptée ci-dessous et reportée dans les différents détails de l'image ne correspond en rien à celle de la voie (inexistante, partielle, fluctuante ou non précisée à cette date).

- Du fait de la numérotation des emplacements du boulevard, les notes de cet article adoptent un ordre alphabétique qui renvoie aux références des documents dépouillés entre 1859 et 1872, classés chronologiquement à partir de la note D.

 

- Détail n°1 de la photographie étudiée montrant le boulevard de la Croisette en 1864. 
La numérotation ci-dessous identifie:
 - sur la ligne haute, les éléments en retrait mais dont le terrain communique avec le boulevard 
- sur la ligne médiane, les éléments longeant le côté nord du boulevard 
- sur la ligne inférieure, les éléments longeant la plage.


 

1- Cabine de bains sur la plage

La cabine apparait isolée mais elle appartient à un groupe hors-champ qui s'échelonne jusqu'aux abords du Cours.

 

2- Villa érigée au plus tard en 1862, accueillant l'Hôtel Victoria au plus tard en 1863

"L'Hôtel Victoria" est cité dans : l'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1864 (F), dirigé par G. Méry (comme l'Hôtel des Princes) ; l'ouvrage d'Elisée Reclus de 1864 (G) ; le Panorama de la Ville de Cannes de Victor Petit de 1865 (C) ; les Guides-Joanne de 1865, 1866 et 1867 (K) ; l'ouvrage de Ch. Th. Williams de 1867 (L) ; le Guide Murray de 1867-68 (M) ; le Plan de Cannes de 1869 (N). 

C'est la "Villa Fabre" qui occupe ensuite l'emplacement de l'Hôtel Victoria sur le Plan de Cannes de 1871 (P), ce dernier ayant déménagé, vers 1870, tout au nord du territoire de la commune de Cannes, près du boulevard du Cannet, sur le chemin de Terrefial/Terrefiat/Terrafial. 

 

3- Villa Delessert, érigée au plus tard en 1862 et accueillant la Pension Montaret au plus tard en 1863

La "Villa et Pension Montaret pour Famille" est citée dans : le Journal des Baigneurs du 5 juillet 1863 ; l'ouvrage du Dr Lubanski de 1864-65 (I) ; l'ouvrage du Dr Lee de 1867 (L) ; l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O) ; le Plan de Cannes de 1871 (P).

 

4- Casino Cresp-Sicard, érigé entre 1861 et 1863, dénommé également Villa Beau-Rivage

Le chantier du Casino débute à partir de novembre 1861. Son gros œuvre s'achève l'été 1862 mais son inauguration n'a lieu qu'en août 1863 (café, cabaret-théâtre et pension).

Le "Casino-Villa-Beau-Rivage" est cité dans le Panorama de Cannes de V. Petit de 1865 (C). 

La "Pension de la Villa Beau Rivage" est citée dans Les Echos de Nice du 25 janvier 1866.

"L'Hôtel Beau-Rivage" est ensuite signalé dans : Les Echos de Nice du 26 octobre 1867 ; le Guide Murray de 1867-68 (M) ; le Plan de Cannes de 1869 (N) ; l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O) ; le Plan de Cannes de 1871 (P).

 

5- Nombreuses cabines de bains présentes sur la plage, à l'ouest du Pont de la Fous, face au Casino (malgré la vision faussée par la perspective oblique).

 

6- Rue de la Fous/Foux


7 et 8- Jardins de la Villa Herman(n), comprenant l'Hôtel Herman(n) et plusieurs autres bâtiments érigés vers 1860-61, en retrait du boulevard, tout au nord du terrain mais répartis des deux côtés du ruisseau de la Foux qui, même une fois couvert et servant de rue, divise en deux la propriété

La "Villa Herman" est citée, dès novembre 1861, en tant que "pension" (Léon Mahieu, Vie de Mgr Baunard, 1924 pp 47 et ss.).

"L'Hôtel des Etrangers", dirigé par M. L. Lesur, est signalé dès 1863, sans qu'il soit possible d'affirmer qu'il s'agit du nouveau nom de l'Hôtel Herman(n), même si des indices postérieurs semblent suggérer le même emplacement, à l'angle de la rue de la Foux et de la rue d'Antibes.

L'Hôtel est présent sous le nom "d'Hôtel des Etrangers" dans : les publicités du Galignani's Messenger parues du 24 octobre au 14 décembre 1863 ; l'Annuaire-almanach Didot et Bottin de 1864 (E) ; l'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1864 (F) ; puis sous le nom de "Pension Lesur" dans les publicités du Galignani's Messenger d'octobre 1864.

Le "Jardin Hermann" est pour sa part cité, boulevard de l'Impératrice, dans l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O).

La "Parfumerie Herman" est signalée (du même côté ouest du ruisseau) dans : le Plan de Cannes de 1871 (P) ; les Tableaux synoptiques de Cannes de 1871 (Q) et de 1872 (S). 

La Villa accueillera, en 1871, "l'Hôtel de Gray", cité au nord-ouest de la propriété sur le Plan de Cannes de 1871 (P). Ce dernier deviendra la même année, "l'Hôtel (de) Gray et d'Albion", tenu par M. H. Foltz (Revue de Cannes du 22 octobre 1871).

Il est à noter que le prénom de M. Foltz, maître d'hôtel de nationalité allemande, est "Herman(n)", ce qui n'est pas sans créer une certaine ambiguïté avec le nom du parfumeur "Herman(n)" (prénommé Louis) dont l'entreprise est située dans la même propriété.

 

9 et 10- Pont de la Fous/Foux (1859 ?) et ruisseau du même nom, dans un deuxième temps recouvert dans sa partie sud

Le pont est tout à la fois situé dans l'alignement du boulevard de la Croisette et à l'embouchure du ruisseau.

Le cours de ce dernier va être recouvert dans sa partie la plus proche de la mer qui traverse la Villa Herman(n), afin de former une rue perpendiculaire au boulevard de la Croisette.

Cette couverture, postérieure à 1859, est au plus tard réalisée en 1866 car la rue est officiellement dénommée "rue Macé" en septembre de cette année-là (B).

Cette rue est cependant dénommée "chemin des Cannettans" (du nom des habitants du Cannet qui l'utilisent pour rejoindre Cannes) dans le Recensement de Cannes de mai 1866 (J) et "rue des Cannettans" dans l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O) puis, suite à la chute du Second Empire, "rue Armand", sur le Plan de Cannes de 1871 (P).

C'est la ruelle parallèle à la "rue Herman", située plus à l'est, qui affichera le nom de "rue Macé" sur le Nouveau Plan indicateur de Cannes et de ses environs de 1888 (BnF).

 

11- Nombreuses cabines de bains sur la plage, à l'est de la Villa Herman(n) et du Pont de la Foux.


- Détail n°2 de la photographie étudiée montrant le boulevard de la Croisette en 1864. 
La numérotation ci-dessous identifie :
- sur la ligne haute, les éléments en retrait mais dont le terrain communique avec le boulevard 
- sur la ligne médiane, les éléments longeant le côté nord du boulevard 
- sur la ligne inférieure, les éléments longeant la plage.


 

12- Villa basse et de petites dimensions, érigée en retrait du boulevard au plus tard en 1863-64.

Ce bâtiment est dénommé "Villa Ardisson" sur le Plan de Cannes de 1871 (P).

Une villa sera bâtie dans la partie sud-ouest du terrain de la Villa Ardisson en 1865 puis dénommée "Villa Cresp" n° 2 dans : le Recensement de Cannes de 1866 (J) ; l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O). Elle sera ensuite citée sous le nom de "Villa Rey" n°2 sur le Plan de Cannes de 1871 (P), accostant la Villa Bagatelle (du côté ouest), comme la Villa Rey n°1 (du côté est).

 

13- Villa érigée vers 1863-64 

Le bâtiment porte le nom de "Villa Bagatelle" dans : le Recensement de Cannes de 1866 (J) ; l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O) ; le Plan de Cannes de 1871 (P).

 

14- Villa érigée vers 1862-63 

Le bâtiment porte le nom de "Villa Rey" dans : le Recensement de Cannes de 1866 (J) ; l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O) ; le Plan de Cannes de 1871 (P) et le Recensement de 1872 (R).

 

15- Villa érigée avant 1862 

Le bâtiment porte le nom de "Maison ou Villa Bernard" dans :  le Recensement de Cannes de 1866 (J) ; l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O) ; le Plan de Cannes de 1871 (P).

 

16- Villa érigée vers 1862-63

M. Depradon est signalé dans cette villa lors du Recensement de Cannes de 1866.

Le bâtiment porte ensuite le nom de "Villa Ste-Claire" dans l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O) et sur le Plan de Cannes de 1871 (P).

 

- Détail n°3 de la photographie étudiée montrant le boulevard de la Croisette en 1864. 
La numérotation ci-dessous identifie :
- sur la ligne haute, les éléments en retrait mais dont le terrain communique avec le boulevard 
- sur la ligne médiane, les éléments longeant le côté nord du boulevard 
- sur la ligne inférieure, les éléments longeant la plage.



17- Rue Gonnet

La voie porte le nom de l'hôtelier Gonnet dans la première moitié des années 1860. 

Elle devient ensuite la "rue Rostan" dès le Recensement de Cannes du printemps 1866 (J), même si cette dénomination n'est officialisée qu'à la fin de l'année 1866 (B). Ce nom est ensuite présent sur le Plan de Cannes de 1871 (P).

 

18 et 19- Villas Barbe n°1 (à l'ouest) et n° 2 (à l'est), érigées, parallèlement ou successivement en 1859-60 

Est-ce dans une seule de ces villas ou dans les deux que l'Hôtel Gonnet s'installe à partir de février 1860 et ouvre en août suivant (Journal de Genève des 4 février et 21 août 1860 ; Galignani's Messenger du 19 octobre au 16 décembre 1860) ? 

Il est difficile de le dire car un jeu de chaises musicales va se dérouler tout au long des années 1860, avec plusieurs noms d'hôtels et de maîtres d'hôtel qui vont se succéder dans les deux villas Barbe et dans les trois villas qui l'accostent du côté est, bâties entre 1862 et 1864.  

Quelques étapes de ces déménagements ont cependant pu être retrouvées. 

- une photographie de Charles Nègre de 1862, révèle une enseigne de l'Hôtel Gonnet, dirigé par M. P. Gonnet, sur la façade nord de la Villa Barbe n°1 (voir l'article de ce blog, ici). Celle-ci n'exclut pas cependant la possibilité d'autres enseignes du côté sud, notamment sur la Villa Barbe n° 2.

- la photographie de Joseph Messy de 1864 dévoile l'inscription du nom de l'Hôtel Gonnet sur les deux façades ouest et sud de la Villa Barbe n° 1 mais aucune sur la façade sud de la Villa Barbe n°2.

- le "Grand Hôtel de Provence" semble s'installer dans l'une des villas, avec un maître d'hôtel anglais, et faire son ouverture dès janvier 1865 (Galignani's Messenger, publicités du 19 janvier au 16 mars 1865).

- le Panorama de Cannes de V. Petit de 1865 (C) nomme "l'Hôtel de Provence" sous la Villa Barbe n° 1 puis "l'Hôtel Gonnet" et "l'Hôtel Gray" sous les trois villas voisines mais sans plus de précision sur leur répartition. 

L'Hôtel Gonnet a-t-il alors cédé la Villa Barbe n° 1 à l'Hôtel de Provence et n'occupe-t-il plus que la Villa Barbe n°2 ? 

Cette hypothèse est cependant démentie par une photographie anonyme qui peut être datée entre 1865 (présence du Café de la Rotonde) et 1868 (absence des extensions latérales du Cercle Nautique) et qui présente encore les enseignes de l'Hôtel Gonnet sur les façades ouest et sud de la Villa Barbe n°1 (Archives Municipales de Cannes, 25Fi1601). L'Hôtel de Provence s'est-il implanté dans le bâtiment érigé au nord de la Villa Barbe n° 1 (visible sur le Plan de Cannes de 1871) (P) ?

L'Hôtel de Provence (absent des Annuaires des Alpes-Maritimes de 1864 et 1865) (F, G) quitte l'endroit, en 1866, pour s'installer en retrait de la mer, près du nouveau boulevard du Cannet, chemin de Terrefial (Guide Bradshaw's Continental de décembre 1866 p 257). Son nom "d'Hôtel ou de Grand Hôtel de Provence" s'affiche ensuite dans l'ouvrage du Dr Lee de 1867 (L) puis dans tous les ouvrages de la fin des années 1860 et au-delà.

Fin 1866, M. P. Gonnet confie l'Hôtel Gonnet à son employé M. F. Daumas pour diriger une succursale, "l'Hôtel Désanges/Des Anges", situé rue d'Antibes. Cet hôtel ouvre en février 1867 (Journal de Nice du 14 février 1867 ; Revue de Cannes du 29 février 1867 p 3). 

Sur le Plan de Cannes de 1871 (P), la "Villa Barbe" n° 1 est désormais affichée sous ce nom alors que le nouvel "Hôtel Gonnet et de la Reine", occupe non seulement la Villa Barbe n° 2 mais également la villa voisine que l'Hôtel Gray vient de quitter pour s'installer dans la Villa Armand/Herman(n).

Dès 1872, la Villa Barbe n°1 devient "l'Hôtel des Quatre Saisons", dirigé par Claude Guillon (Revue de Cannes du 24 octobre 1872).

 

20- Etablissement de Bains Gonnet, présent sur la plage, face à l'hôtel, ouvert dès le printemps 1861 (Le Messager de Nice du 9 mai 1861).

Sur l'image étudiée, l'établissement repose visiblement sur des pilotis. C'est le premier Etablissement de Bains construit sur la plage de la Croisette.

 

21- Villa érigée en 1862-63 par M. Le Goff (?) et accueillant l'Hôtel Gray dès 1863

La Villa est visible sur une photographie datable de l'été 1863 mais encore dépourvue d'enseigne de l'Hôtel Gray sur sa façade nord, contrairement aux photographies postérieures (voir l'article de ce blog, ici).

La "Pension Gray et Compagnie" est cependant citée dès l'Annuaire-Almanach Firmin & Didot de 1864 (E) et l'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1864 (F), ce qui laisse penser qu'il a investi la villa à la fin de l'année 1863.

L'annonce parue dans le Galignani's Messenger du 16 septembre au 25 novembre 1864 mais également dans le Journal de Nice du 5 octobre 1864, présentant "l'Hôtel Gray pour Famille - nouvel établissement de bord de mer", ne signalerait donc pas l'ouverture de l'hôtel mais sa réouverture saisonnière. 

"L'Hôtel Gray ou Gray et Cie", dirigé par M. Ch. Gray, Ecossais, est ensuite cité dans l'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1865 (H) et le Recensement de 1866 (J). 

M. Gray ouvre cependant, fin 1866, l'Hôtel Impérial, dans la ou les villas voisines (côté est), laissant l'Hôtel Gray à M. H. Foltz.

M. Foltz déménage ensuite l'Hôtel Gray, en 1871, au nord-ouest de la Villa Armand/Herman(n) située sur le même boulevard, à l'emplacement de l'ancien Hôtel des Etrangers. Il est nommé "Hôtel de Gray" sur le Plan de Cannes de 1871 (P). L'hôtel fusionne la même année avec un autre établissement et prend le nom "d'Hôtel Gray et d'Albion" (Revue de Cannes du 22 octobre 1871).

L'ancien emplacement de l'Hôtel Gray et celui de la Villa Barbe n°2 sont pour leur part réunis sous le nouveau nom, "d'Hôtel Gonnet et de la Reine", notamment présent sur le Plan de Cannes de 1871 (P).

 

22- Villa érigée vers 1863-64 et accueillant, avec la villa qui l'accoste au nord (non visible sur la photographie), l'Hôtel Impérial, au plus tard en 1866

"L'Hôtel Impérial" est dirigé par M. Ch. Gray, anciennement directeur de l'Hôtel Gray de la villa voisine. 

Il est cité dans : les publicités du Galignani's Messenger parues du 27 septembre au 13 décembre 1866 ; l'ouvrage de Ch. Th. Williams de 1867 (L) ; le Guide Murray de 1867-68 (M) ; le Journal des Baigneurs du 25 février 1869 ; l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O). 

Il prend le nom "d'Hôtel National" suite la chute du Second Empire et est dénommé ainsi sur le Plan de Cannes de 1871 (P).

 

23 et 24- Villa latérale du Grand Hôtel de Cannes, positionnée à l'entrée sud-est des jardins du Grand Hôtel de Cannes dont le bâtiment est, lui, érigé en retrait du boulevard, entre juin 1863 et octobre 1864

Le nom du "Grand-Hôtel de Cannes" est cité dans tous les documents, de 1863 (projet et travaux) à 1872 et au-delà. L'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1865, le signale en précisant l'existence du "Gymnase Pichery" (H).

 

25- Cercle Nautique, érigé dès le printemps 1863 et inauguré en octobre 1864

Son nom est cité dans tous les documents, de 1863 à 1872 et au-delà.

 

(26)- Rue (probablement postérieure à 1864) et terrain non bâti

Cette voie est désignée sous le nom : "d'avenue du Cercle Nautique" dans l'ouvrage de V. Petit de 1870 (O) ; de "rue de la Rotonde" sur le Plan de Cannes de 1871 (P).

Le terrain planté d'arbres, situé plus à l'est, est l'emplacement où sera bâti le Café de la Rotonde entre février et décembre 1865 et nommé ainsi dans : le Recensement de Cannes de mai 1866 (J) ; la liste de V. Petit de 1870 (O) ; le Plan de Cannes de 1871 (P).

 

 

NOTES 

 

(A) Les premières constructions sont établies dans la partie orientale de la Croisette. Une première maison est peut-être érigée en 1858 (?) par Marius Aune (maison qui va accueillir l'Hôtel de la Plage, hors-champ de l'image étudiée). Deux maisons sont ensuite bâties par Marius Barbe en 1859-60 (maisons qui vont notamment accueillir l'Hôtel Gonnet).

Le Plan de Cannes, publié dans l'ouvrage de Jean-Baptiste Girard, Cannes et ses environs : guide historique et pittoresque, en 1859 (Paris, BnF), présente une grande partie du rivage oriental de la ville mais sans aucune construction à proximité de la plage.

Le Plan de Cannes de 1864 ne présente, pour sa part, que la partie occidentale du boulevard de la Croisette, compris entre les Allées et la Villa Herman(n) (Archives Municipales de Cannes, 202 et Paris, BnF).

 

(B) Dénomination des rues de la Ville de Cannes :

Le 22 septembre 1866, "le conseil municipal adopte les dénominations suivantes pour les rues nouvelles jusqu'à ce jour innommées, ou mal désignées :

- Boulevard de l'Impératrice, longeant la mer à l'Est, depuis l'hôtel des Princes ou les Allées de la marine, jusqu'à la villa Marina, désigné précédemment sous le nom de Boulevard de la Croisette. 

[Cette décision - validée par le préfet en novembre 1866 - officialise le nom déjà utilisé de "boulevard de l'Impératrice" car ce dernier est cité dans :  l'Annuaire-almanach Didot et Bottin de 1864 (E) ; l'ouvrage du Dr Lubanski, préfacé en juillet 1864 et édité en 1865 (I) mais il est vrai que cette dénomination est uniquement présente dans l'appendice publicitaire de l'ouvrage (publicité de l'Hôtel Gonnet) qui peut être postérieur ; le Recensement de Cannes du printemps 1866 (J).

Le conseil municipal reviendra sur cette décision le 4 janvier 1871, suite à la chute du Second Empire du 4 septembre 1870. Le boulevard reprend ainsi le nom de boulevard de la Croisette dans : le Plan de Cannes de 1871 (P) ; le Recensement de Cannes de 1872 (R)].

- Rue Rostan, de la rue d'Antibes au boulevard de l'Impératrice, désignée précédemment sous le nom de rue Gonnet

- Impasse Legoff, de la rue Rostan au mur de clôture des jardins du Grand-Hôtel.

- Rue Macé, de la route d'Antibes, Grand Hôtel de Genève, au boulevard de l'Impératrice.

(Mémoires de la Société des Sciences Naturelles, des Lettres et Beaux-Arts de Cannes et de l'Arrondissement de Grasse, 1868-1873, dénomination des rues du 22 septembre 1866, T II, 1870  pp 303-304 et 317).


 (C) Victor Petit, Panorama de la Ville de Cannes (Paris, BnF), lithographie éditée fin 1865 (Bibliographie de la France du 9 décembre 1865 p 563). 

Cette date est confirmée, d'une part par la représentation du Café de la Rotonde (non légendé), bâti entre février et décembre 1865 sur le boulevard de la Croisette et, d'autre part par l'absence des nouvelles parties orientales de la chapelle protestante ou Christ Church, réalisées entre avril et novembre 1866, au quartier des Anglais.

La façon de positionner les nombreux noms des bâtiments dans la légende et le fait de ne pas nommer certains d'entre eux créent des ambiguïtés. Ces ambiguïtés sont accentuées par le fait que le dessin qui, certes reflète globalement les proportions des architectures, ne respecte pas toujours leur détail (nombre de baies et hauteur des façades).

Victor Petit a multiplié les dessins de Cannes en 1863 puis a réalisé deux panoramas (est-ouest) de la Ville de Cannes vue de la mer en 1864. Il a ensuite fusionné et réactualisé ces deux panoramas et les a édités et réédités sous forme de lithographies noir ou couleur jusqu'en 1868. 


(D)- Recensement de Cannes du printemps 1861 (quartiers de la Foux et de la Croisette). Ce dernier ne signale que l'Hôtel tenu par Gonnet (Archives Municipales de la Ville de Cannes, 1F9, vues 102-103).


(E)- Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Firmin Didot et Bottin réunis, Paris, 1864, p 1580.

 

(F)- Annuaire des Alpes-Maritimes de 1864, 3ème partie, vue 72 ; listes très partielles et dépourvue d'adresses (Archives Départementales des Alpes-Maritimes). 


(G)- Elisée Reclus, Les Villes d'hiver de la Méditerranée, 1864.


(H)- Annuaire des Alpes-Maritimes de 1865, 2ème partie, vues 134-138 (Archives Départementales des Alpes-Maritimes).


(I)- Dr Lubanski, Guide aux stations d'hiver du Littoral méditerranéen, préfacé en juillet 1864 et édité en 1865.


(J)- Recensement de Cannes du printemps 1866 du boulevard de l'Impératrice. Ce dernier reste difficile à exploiter car seulement sept des bâtiments de la photographie y sont nommés (nom du propriétaire ou nom commercial), sans être alignés sur les noms des personnes recensées, ce qui empêche notamment de savoir qui vit où (Archives Municipales de Cannes, 1F10, vues 126-127 et 134). 


(K)- Guides-Joanne : Itinéraire de la France, vol. 2, De Paris à la Méditerranée, 1865 ; De Lyon à la Méditerranée, 1866 ; En Europe, 1867.


(L)- Dr Edwin Lee, Hyères and Cannes, 1867. 

- Ch. Th. Williams, The Climate of the South of France, 1867. 


(M)- Guide Murray, A Handbook for Travellers in France, 1867-68 p 539.


(N)- Plan de Cannes (petit et simplifié) de 1869 (Collection privée).


(O)- Victor Petit, Cannes - Promenades des Etrangers dans la ville et ses environs, édition de 1870, liste des bâtiments par rue, Supplément pp 16-18. La liste de l'édition précédente, datée de 1868, n'a malheureusement pas été conservée dans l'exemplaire consulté.


(P)- Plan de Cannes de 1871 (Archives Municipales de Cannes, 1Fi105).

Le plan indique notamment la présence, sur la plage, de trois Etablissements de Bains, respectivement situés : face à la Villa Montaret, à l'est du Pont de la Foux, et face à la rue de la Rotonde (entre le Cercle Nautique et le Café de la Rotonde).


(Q)- "Tableau synoptique de la Ville de Cannes" publié dans le Courrier de Cannes du 31 décembre 1871 (Archives Municipales de Cannes).


(R)- Recensement du printemps 1872 (quartier et boulevard de la Croisette). Il cite un seul nom de maison, celui du "Cercle Nautique" (Archives Municipales de la Ville de Cannes, 1F11, vues 143-146).


(S)- "Tableau synoptique de la Ville de Cannes" publié dans le Courrier de Cannes du 21 novembre 1872 (Archives Municipales de Cannes).