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| - DERUSSY Philibert (Lyon 1814-Paris 1894), Portrait d'homme jeune, vers 1845-1851, daguerréotype, photographie positive directe sur cuivre argenté, Paris, BnF (Gallica). |
PHILIBERT DERUSSY, "LE RAPHAËL DU DAGUERRÉOTYPE"
1- BIOGRAPHIE
LYON (ANNÉES 1810-1830)
Ses origines
Philibert Derussy est né le 9 décembre 1814, à Lyon, rue plat d'argent (ou du Plat-d'Argent), 19 (État civil de Lyon, Naissances, 1814, acte 4043, vue 356) (1).
Il est le dernier des cinq enfants de Jean Jacques Derussi/Derussy (Lyon c.1762-Lyon 1822), fabricant de tulle, et de Jeanne Alix (Lyon 1775-Lyon 1839), qui se sont mariés à Lyon, le 9 avril 1793.
Rien n'est connu de la jeunesse de Philibert Derussy à Lyon. À sept ans (1822), il perd son père, âgé de 60 ans.
Peut-être travaille-t-il par la suite avec son frère aîné, également prénommé Philibert (né à Lyon le 8 février 1796), dans le magasin de nouveautés de ce dernier ?
Sa mère, Jeanne Derussy née Alix, âgée de 64 ans et six mois, décède à Lyon, rue Saint-Jean, 30, le 5 août 1839.
PARIS (ANNÉES 1830-1840)
Son mariage
Le 12 juillet 1842, âgé de 27 ans, Philibert Derussy épouse, à Paris (paroisse Saint-Laurent, 10e arrondissement), Marie Antoinette Vilain, 22 ans (née à Paris en mai 1820) (État civil reconstitué de Paris).
Cette dernière est la fille d'Antoine Vilain et d'Elisabeth Laurent, et la soeur cadette du sculpteur Victor Vilain (1818-1899), 1er Prix de Rome en 1838.
L'adresse des époux n'est pas connue à la date de leur mariage, ni à celle de la naissance de leur fils, Jules Edouard Derussy, le 10 mai 1843 (l'État civil reconstitué de Paris ne cite pas l'arrondissement) (2).
Sa carrière et sa famille
Philibert Derussy participe, aux côtés de MM. Sabatier Blot, Bourquin, Claudet et Bisson fils, à l'Exposition des produits de l'Industrie française de 1844 (Paris, Champs-Élysées, 1er mai-30 juin) où apparaissent, pour la première fois, des daguerréotypes (portraits et vues).
Les nombreux catalogues et articles relatifs à l'Exposition révèlent sa profession et son nom, jusque-là absents de l'ensemble des annuaires et des journaux parisiens, et font sa réputation :
- "Derussy à Paris - Instruments pour le daguerréotype, portraits au daguerréotype" (Catalogue officiel de l'Exposition de 1844, p. 222, n° 3498 ; L'Industrie, Exposition des produits de l'Industrie française, 1844 p. 20).
Ses portraits colorisés y sont jugés "agréables" et d'une "grande vérité" (Mémorial du Commerce et de l'Industie, 1844 p 503 ; Bulletin de l'Ami des Arts du 1er janvier 1845 p 18).
- "M. Derussy a exposé des épreuves où ce procédé est asez heureusement employé : les teintes naturelles dans les chairs et la variété des tons dans les habits remédie en partie à l'ensemble gris et triste des épreuves ordinaires (Archives du Commerce, janvier 1845 p. 271).
Ces épreuves "lui méritent une citation favorable pour la bonne exécution" (Exposition des produits de l'industrie française en 1844, Rapport du Jury central, t. 3, 1844, p. 386).
Sa récompense est l'occasion d'attester, pour la première fois, son adresse, "rue des Prouvaires, 3". Cette voie va de la rue Saint-Honoré à la rue Traînée, dans le 3e arrondissement de Paris (actuel 1er).
Le 25 août 1844, sa fille, Victoria Marie Louise Derussy, naît à cette adresse qui est, tout à la fois, celle de l'atelier et du domicile (3).
En 1845, l'adresse de son atelier est pour la première fois citée dans un annuaire parisien :
- "Derussy, portraits au daguerréotype, Prouvaires, 3" (Almanach-Bottin du Commerce de Paris, 1845, p. 132).
Au printemps 1847, Philibert Derussy participe à l'Exposition de l'Académie de l'Industrie qui a lieu dans la salle Valentino (rue Saint-Honoré, 359). Ses daguerréotypes sont, là encore, très remarqués.
"Il nous paraît avoir atteint le but (...) d'obtenir des épreuves daguerriennes d'une extrême perfection avec une promptitude en quelque sorte fabuleuse (...) tout ce qu'il a fait jusqu'à ce jour est dépassé par les épreuves merveilleuses qu'il obtient maintenant avec ses nouveaux procédés et, à ce sujet, nous engageons les amateurs à visiter l’exposition qu’il tient constamment ouverte, rue Saint-Honoré, 83.
Ils y admireront un grand nombre de portraits qui, tous, ont été obtenus dans l’espace de deux à six secondes, une promptitude qui empêche la physionomie de se contracter, et permet de lui conserver son expression naturelle. M. Derussy opère aussi rue des Prouvaires, 3, près la rue Saint-Honoré, en face celle du Roule" (L'Indépendant du 1er juillet 1847).
L'épouse de Philibert Derussy, Marie Antoinette, née Vilain, âgée de 27 ans et cinq mois, sans profession, décède malheureusement, à Paris, le 12 octobre 1847.
Elle est inhumée, le 14 octobre suivant, au Cimetière de Montmartre (18e arrondissement) (État civil reconstitué de Paris ; Le Moniteur parisien du 17 octobre 1847 ; Registres du Cimetière de Montmartre).
Son frère Victor Vilain expose un buste en plâtre la représentant, au Salon de mars 1848 (Catalogue du Salon, Explication des ouvrages exposés au Musée du Louvre, 1848 p. 368).
Philibert Derussy se retrouve veuf après 5 ans de mariage et père de deux enfants, respectivement âgés de 4 et 3 ans (2).
Ses nom, activité professionnelle et adresse sont cette fois cités dans l'Annuaire général du Commerce de 1848 et de 1849, "Derussy, portraits au daguerréotype, Prouvaires, 3".
Philibert Derussy participe ensuite à l'Exposition nationale des produits de l'Industrie agricole et manufacturière de 1849 (Paris, Champs-Élysées, 1er juin-30 juillet) et est à nouveau récompensé par une citation favorable (L'Artiste, 1849, vol. 5 p. 107 ; Le Moniteur Industriel du 22 novembre 1849 ; Études économiques pratiques : compte-rendu de l'Exposition industrielle et agricole de la France en 1849, 1849, p. 279 ; Rapport du Jury central sur les Produits de l'Agriculture et de l'Industrie - Exposés en 1849, 1850, T. I, p. 538).
L'été 1849, dans ce qui semble être sa première petite annonce, il est présenté sous le nom de "Durussy" (sic), le surnom de "Raphaël du Daguerréotype" (4) et la date de son installation se voit (enfin) précisée :
- "ancienne maison tenue depuis 8 ans [1841]", avec potentiellement la même adresse (attestée par ailleurs dès 1844) (Le Journal des Débats politiques et littéraires du 21 juillet 1849 ; Journal des Villes et des Campagnes du 1er août 1849 ; La Presse du 8 août 1849).
Le fait qu'il propose ses "Portraits Daguerriens" sous une en-tête affichant, "Beaux-Arts, - Tableaux, Musiques, Gravures, Objets d'art", relance l'interrogation sur sa formation artistique initale. Il se qualifie d'ailleurs du terme ambigu, "d'artiste", en 1847, lors du décès de son épouse Marie Antoinette (dont il avait, peut-être, fait la connaissance par l'intermédiaire de son frère sculpteur).
Le nom de Philibert Derussy perdure dans les annuaires parisiens de 1850 et de 1851, toujours, rue des Prouvaires, 3. Il est l'un des locataires de ce bâtiment de quatre niveaux, acheté en 1840 par M. Didier, médecin-dentiste, qui a cherché, dès 1846, à louer sa "grande et belle maison pour hôtel garni" (La Presse du 2 juin 1840 et du 18 septembre 1846).
Ce bâtiment, situé près de l'angle formé par la rue des Prouvaires et la rue Saint-Honoré, est l'un de ceux qui vont échapper, pour un temps, aux expropriations et destructions entamées à partit de 1851, afin d'étendre le quartier des Marchés et d'établir les pavillons des Halles de Paris (5).
daguerréotype, photographie positive directe sur cuivre argenté,
Paris, BnF (Gallica).
PARIS (DÉBUT DES ANNÉES 1850)
Son itinérance
Deux petites annonces, qui paraissent ensuite en novembre 1851, révèlent que Philibert Derussy, "après huit années de succès non interrompus" (depuis 1844), a exercé, l'été 1851, dans la station thermale de Luchon (Haute-Garonne) et qu'il est désormais présent à Toulouse, avec une galerie d'exposition rue Lafayette et un atelier allée Lafayette, 22 (L'Émancipation du 7 novembre 1851 ; La Gazette du Languedoc du 16 novembre 1851).
Cette annonce interroge sur d'éventuels déplacements antérieurs en province mais aucun élément n'est venu confirmer cette hypothèse, que ce soit dans sa ville natale ou ailleurs.
Alors que cette publicité précise que le photographe va "rester fort peu de temps" à Toulouse, ce dernier va y séjourner plusieurs mois et être cité dans le Guide toulousain ou Annuaire général de Haute-Garonne de 1852 (index alphabétique) : "Derussy al Lafayette, 22".
À son départ, c'est l'un de ses élèves toulousains, Douau (coiffeur-parfumeur), qui ouvre un atelier rue Boulbonne, 25, et se revendique du maître : "Douau, - Daguerrien, - Elève de Derussy, Professeur à Paris" (Annuaire de Haute-Garonne et de l'Ariège de 1853 p. 427).
De retour à Paris, Philibert Derussy semble continuer son activité professionnelle, même si son atelier n'apparaît plus dans les annuaires parisiens des années suivantes.
daguerréotype, photographie positive directe sur cuivre argenté,
Paris, BnF (Gallica).
Son successeur
C'est au début de l'année 1854 que Philibert Derussy cède son atelier à l'ingénieur-chimiste-photographe, Charles Hippolyte Vion (né à Paris, vers 1800) et à son équipe de chimistes et d'artistes.
Charles Vion quitte alors la rue de la Roquette, 140 (8e arrondissement ; 11e actuel), après la faillite de son activité de fabricant de produits chimiques et d'inventeur de systèmes de machines, pour celui de la rue des Prouvaires, 3 (6).
Il fait paraître, dès le printemps 1854, plusieurs publicités pour son nouvel "Établissement Galvano-plastique et Photographique" (Le Figaro du 14 mai 1854).
L'une d'entre elles, présente dans Le Charivari du 14 août 1854, affiche ses "Portraits - Sur plaque, sur papier et stéréoscopiques.", tout en précisant, "Maison fondée en 1838 - par M. Derussy" et "Exposition - de 1844-1849".
Cette date de "1838" semble contredire celle de 1841, évoquée par Philibert Derussy lui-même (en 1847). Elle se réfère peut-être à la date d'installation de Philibert Derussy à Paris et à sa première activité professionnelle (peintre, opticien, chimiste ou autre), avant celle de photographe, de 1841 à 1854.
PARIS (MILIEU DES ANNÉES 1850-MILIEU DES ANNÉES 1890)
Il semble qu'après avoir quitté la rue des Prouvaires, Philibert Derussy, alors âgé de 39 ans, occupe une nouvelle adresse parisienne (non répertoriée dans les annuaires) mais également, dès le début des années 1860, une maison (qu'il vient de faire construire ?) au Vésinet (commune de Croissy, Seine-et-Oise, située au nord-ouest de Paris, à une vingtaine de km de la capitale ; actuelle commune du Vésinet, Yvelines).
Lorsque le 1er février 1866, sa fille Victoria Marie Louise, 21 ans, mercière, se marie à Paris (8e arondissement), avec Arthur Etienne Droussant, 30 ans, mercier (né en octobre 1836), il est dit à cette occasion, "rentier, âgé de 50 ans" [51 ans], domicilié au Vésinet" (L'Indicateur des Mariages du 7 janvier 1866 ; État civil de Paris ; Recensement de Croissy de 1866, vue 36).
Son beau-fils décède cependant, à 32 ans et 10 mois, le 25 décembre 1869, à son domicile parisien de la rue du faubourg Saint-Honoré, 54 (8e).
Lorsque sa fille, marchande mercière, se remarie le 13 octobre 1870 (8e arrondissement), avec son beau-frère, Léon Droussant, marchand mercier, Philibert Derussy est dit, "propriétaire, âgé de 56 ans, demeurant à Paris cours de Vincennes, 34 [quartier de Bel-Air, 12e arrondissement], présent et consentant" (État civil de Paris).
Vingt-quatre ans plus tard, Philibert Derussy va décèder, le 2 juillet 1894, à son domicile parisien de l'avenue Malakoff, 2 (16e arrondissement), âgé de 79 ans (État civil de Paris, acte 733).
Sa fille Victoria Marie Louise, épouse Droussant, décédera, le 10 juillet 1907, à l'âge de 62 ans, à son domicile de Croissy-sur-Seine (Yvelines).
À VENIR :
PHILIBERT DERUSSY, "LE RAPHAËL DU DAGUERRÉOTYPE"-2
ÉTIQUETTES
NOTES
(1)- Bibliographie sommaire :
- Janet E. Buerger, "Ph. Derussy", in, French Daguerreotypes, The University of Chicago Press, 1986, pp. 212-213.
Les premières lettres citées du prénom du photographe ("Ph.") ont laissé supposer qu'elles étaient celles de "Philippe", d'où l'adoption de ce prénom dans de nombreuses Collections internationales.
Le relevé de son nom ("Derussy") dans les annuaires parisiens de 1845 à 1851 - confirmé et diffusé ensuite par Jean-Marie Voignier - a, parallélement, pérennisé et restreint sa période d'activité à ces dates.
- Jean-Marie Voignier, "Derussy", in, Répertoire des Photographes de France au Dix-Neuvième Siècle, Le Pont de Pierre, 1993, p. 82.
- Serge Nazarieff, "Derussy", in, Early Erotic Photography, Taschen, 1993 (non consulté).
- François Boisjoly, "Derussy", in, Répertoire des photographes parisiens du XIX° siècle, Editions de l'Amateur, 2009 (non consulté).
- Michel Egot, "Un portrait au daguerréotype, système Derussy, dans mes photos de famille", 2011, sur le site de La Gazette Web (ici).
- François Bordes, "Derussy", in, Encyclopédie historique de la Photographie à Toulouse, 1839-1914, Editions Privat, 2016, p. 267.
Cet historien est le premier à avoir signalé la présence de Philibert Derussy dans la ville de Toulouse et à avoir identifié le photographe parisien, avec ses prénom et ses dates de naissance et de décès. Ses informations sont cependant restées lettres mortes.
- Serge Plantureux, "Pierre Flourens - Derussy - About an early daguerreian portrait" (1848), article du blog à son nom, du 4 juillet 2019 (ici).
- Marie Robert and Donald Nicholson-Smith, "Derussy", in, "Photography and Voyeurism in Nineteenth-Century France", Photography and the Body in Nineteenth-Century France, Yale French Studies, No. 139, 2021, pp. 26-43 (non consulté).
(2)- Jules Edouard Derussy est très probablement le fils de Philibert Derussy car ce nom de famille reste très rare dans ces années-là et sa naissance a lieu 10 mois après le mariage du photographe. Il est cependant impossible de l'affirmer. Aucune information sur la suite de la vie de cet individu n'a pu être retrouvée (malgré quelques homonymes).
(3)- L'État civil reconstitué de Paris orthographie le nom de sa fille, "Derusy" (sic), donne la date du "27 août 1844", qui doit être celle de l'acte de sa déclaration de naissance, et mentionne le "3e" arrondissement.
(4)- Le style du peintre Raphaël (1483-1520) est caractérisé par la grâce des poses, la sérénité des visages, les ombres fortes et la vigueur du coloris, ce qui semble difficilement s'appliquer aux daguerrétypes colorisés de Philibert Derussy. Il faut voir dans ce surnom - qu'il s'est probablement attribué - la revendication publicitaire d'un photographe-peintre de portraits de talent.
Voici ce que disait la suite d'un article évoqué plus haut, à propos des daguerréotypes coloriés exposés par Philibert Derussy en 1844 :
- "mais ce que la nature gagne à ce changement [ajout de couleur], l'art le perd. Cette espèce d'enluminure donne de la vérité sans ajouter de charme aux épreuves qui ne sont plus des dessins et sont loin d'être des miniatures. Néanmoins, sous le rapport industriel, les portraits coloriés peuvent avoir un grand succès dans un certain monde" (Archives du Commerce, janvier 1845 p. 271).
(5)- Une vue de la rue des Prouvaires, réalisée par le photographe Charles Marville (1807-1879) et datée vers 1865-68, est conservée au Musée Carnavalet Histoire de Paris (ici). Une reproduction en haute résolution permet également d'en découvrir le détail sur Wikipédia.
(6)- Charles Vion dépose un brevet de 15 ans de "Stéréoscope à soufflet", le 8 juillet 1854, et prépare celui du "Caoutchouc adapté à la photographie" qu'il déposera le 11 décembre suivant.
- Il organise parallèlement une grande fête photographique au Parc d'Asnières qui se déroule le 3 septembre 1854 mais est, à nouveau, déclaré en faillite lors du même mois. Son atelier perdure cependant dans les annuaires des années 1855 et 1856.
- Sur la faillite de Charles Vion, rue de la Roquette, en 1853, cf. L'Assemblée nationale du 20 août 1853 et Le Constitutionnel du 10 décembre 1853.
- Sur sa faillite de la rue des Prouvaires, cf., L'Assemblée nationale du 25 septembre 1854 ; Le Droit du 13 mars 1855).










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