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1- A. (?-?) & L. (?-?) CHAMPEAUX, St-Bertrand-de-Comminges, vue non datée,
tirage albuminé de 9,5x6 cm, sur carton de 10,6x6,3 cm, Collection personnelle.
MME CHAMPEAUX, PHOTOGRAPHE EN HAUTE-GARONNE AU XIX° s.
INTRODUCTION
Madame Champeaux est une photographe du XIX° siècle sur laquelle peu d'éléments sont connus et conservés.
Jean-Marie Voignier, dans son ouvrage, Répertoire des Photographes de France au Dix-Neuvième Siècle (Le Pont de Pierre, 1993), la cite comme paysagiste, active dans les années 1860 à Aurignac (Haute-Garonne).
Quatre Cartes de visite seulement témoignent de la production de Mme Champeaux avec quatre vues de la Haute-Garonne, prises dans les localités de Bagnères-de-Luchon, Montauban-de-Luchon et Saint-Bertrand-de-Comminges, respectivement situées à environ 70 et 40 km d'Aurignac :
- Bagnères-de-Luchon [ou Luchon] (Casino des Chasseurs) :
Titre imprimé au bas du recto (vue verticale). Le verso du carton-photo à fond blanc présente, sous les armoiries françaises du Second Empire, les indications suivantes, "Photographie des Familles - Mme Champeaux" (Collection privée).
- Eglise de Montauban près Luchon [Montauban-de-Luchon]. Vue de l'église, du cimetière et du presbytère.
Le carton-photo à fond blanc ne porte aucune inscription imprimée au recto mais présente au verso le titre manuscrit et, sous les armoiries françaises du Second Empire, les indications imprimées suivantes, "Photographie des Familles - Mme Champeaux" (Collection privée).
- Saint-Bertrand-de-Comminges. Vue prise du sud-est.
Titre imprimé sur le côté gauche du recto (vue horizontale). Le verso du carton-photo à fond blanc présente comme sur le carton précédent, sous les armoiries françaises du Second Empire, les indications, "Photographie des Familles - Mme Champeaux" (Collection privée).
- St-Bertrand-de-Comminges. Vue prise du nord-est, depuis le pont du Plan (Images 1 er 2).
Le recto du carton-photo à fond jaune comporte sur le côté droit, les indications suivantes, "Photographie des familles (écriture néo-gothique) - A & L. Champeaux". Le titre manuscrit est indiqué au verso (Collection personnelle).
Ces quatre photographies laissent imaginer une série conséquente de vues de Bagnères-de-Luchon et de ses environs mais également de sites et monuments de tout le département de la Haute-Garonne.
La présence d'armoiries au dos des deux premiers cartons renvoie à une date postérieure à 1860 et le fait que ce soient les armoiries napoléoniennes, à une date antérieure à septembre 1870 (chute du Second Empire).
L'absence des armoiries au dos du quatrième carton pourrait renvoyer à une date postérieure à 1870 mais la couleur du carton et l'écriture néo-gothique semblent cependant évoquer le milieu et la seconde moitié des années 1860.
La dénomination "Photographie des Familles" adoptée est très spécifique et ne semble s'être développée que vers 1862 avec l'atelier du parisien Henri Le Françay, avant d'être reprise par plusieurs ateliers de photographes jusqu'à la fin du siècle. Elle identifie, en dehors du côté populaire, un art essentiellement basé sur le portrait et apparaît ici un peu décalée en relation avec des paysages, d'autant qu'aucun nom de rue ni même de ville n'indique une adresse d'atelier.
Enfin, les trois premiers cartons portent le seul nom de femme de la photographe ("Mme Champeaux") alors que le quatrième présente le nom précédé de deux initiales de prénoms, ("A. & L. Champeaux") qui renvoient potentiellement à celle de Mme Champeaux et à celle de son époux ou de son enfant.
2- A. (?-?) & L. (?-?) CHAMPEAUX, St-Bertrand-de-Comminges, vue non datée,
tirage albuminé de 9,5x6 cm, sur carton de 10,6x6,3 cm, Collection personnelle.
Les cartes postales des premières années du XX° siècle reprennent parfois ce même point de vue
et montrent les quelques changement opérés dans les bâtiments du faubourg du Plan.
ÉTUDE DE LA VUE DE L'ÉGLISE DE MONTAUBAN PRES LUCHON
La vue du Casino des Chasseurs de Bagnères-de-Luchon est postérieure à l'ouverture de ce dernier, vers 1854, par Firmin Sapène. Les deux vues de la localité de Saint-Bertrand-de-Comminges, prises de loin, sont pour leur part difficiles à dater mais il n'en va pas de même pour celle de l'église de Montauban près Luchon (Collection privée).
L'église, située à l'entrée du village, peuplé alors d'un peu plus 300 habitants (un peu plus de 500 aujourd'hui), est moins célèbre et photographiée que le jardin botanique du curé et sa cascade, situés sur les hauteurs.
En 1842, l'église est dite "ce qui existe de plus misérable" et contraste avec la fort belle maison du presbytère située plus à l'est (J.-F. Hureau-Bachevillier, Historique de Bagnères-de-Luchon et ses environs, Paris, Pourrat Frères, 1842 pp 139-140).
Une lithographie d'Edouard Paris, intitulée Eglise de Montauban, près Luchon (Haute-Garonne), réalisée d'après l'un de ses dessins antérieurs, est diffusée en novembre 1851 par les Frères Pierre et Jean Thierry, imprimeurs à Paris. Elle permet de visualiser les deux édifices et de constater que l'église visible sur la photographie de Mme Champeaux est bien différente (Paris, BnF, Gallica ; la parution de l'estampe est signalée dans la Bibliographie de la France du 15 novembre 1851).
Au début des années 1850, l'abbé Carrère a en effet conçu le projet d'une église neuve et surélevée (coupée de la route de Luchon à Montauban et des inondations dues au ruisseau de Sainte-Christine) et en a posé la première pierre le 16 septembre 1854.
Les plans conservés de l'architecte Loupot, datent de 1853 et de mai 1858 (Archives départementales de la Haute-Garonne). La construction semble s'être continuée jusqu'en 1860, le manque d'argent stoppant ensuite les travaux.
Dans un ouvrage entamé en 1859 et édité en août 1860, le Dr Ernest Lambron révèle que "l'église est à peine aux deux-tiers de sa construction car elle vient seulement de recevoir sa toiture" (Dr Ernest Lambron, Les Pyrénées et les eaux thermales sulfurées : Bagnères de Luchon, T II pp 664-666 ; la parution de l'ouvrage est signalée dans la Bibliographie de la France du 25 août 1860).
Il décrit cependant un édifice quasi achevé, avec son église inférieure de style roman et son église supérieure de style gothique dont les voûtes et les sculptures sont achevées, comme celles du tympan du portail d'entrée représentant L'Adoration des Bergers.
Que manque-t-il alors à l'édifice, en dehors du décor intérieur et du mobilier liturgique ? Les vues de l'église actuelle, relayées par celles des Cartes postales de la première décennie du XX° siècle, montrent désormais la présence d'un très haut clocher hexagonal au-dessus de l'entrée.
Sa construction, restée en attente, s'est faite lors d'une deuxième campagne de travaux (date non retrouvée) mais avec des modifications par rapport au projet original de 1858 et sans la haute flèche envisagée.
Selon la mairie actuelle de Montauban-de-Luchon, le chantier aurait été repris en 1869, à la mort de l'abbé Carrère, par le neveu de ce dernier qui aurait modifié les plans du clocher et permis sa construction puis la consécration de l'église en 1875.
La photographie étudiée présente ainsi un état intermédiaire de l'édifice où le clocher est absent mais où la nef est couverte et le portail occidental pourvu du tympan sculpté mais encore encadré d'un échafaudage.
Ces deux éléments architecturaux, signalés dans l'ouvrage du Dr Ernest Lambron, impliquent au plus tôt les années 1859 ou 1860. La vue a donc probablement été prise puis diffusée dans le tout début des années 1860.
RECHERCHES SUR M. ET MME CHAMPEAUX
La recherche généalogique a consisté à cibler le nom de "Champeaux" au XIX° siècle, dans le seul département de la Haute-Garonne puis dans les départements voisins et enfin dans la France entière, avec une attention particulière aux professions, aux variantes du nom (Champeaux/Champeau/Champeaud) et aux initiales des multiples prénoms.
Deux photographes de ce nom ont été relevés, dans les années 1850-1860, tous deux à Paris :
- M. Auguste Champeaux (?-?), à Paris Belleville, rue Saint-Denis, 52, associé à Marie Félix Chevalier (J.M. Voignier).
- M. Joseph Amédée Champeau (né le 28 mai 1828 à Suzy, Aisne), rue de Lille, 8, qui a épousé à Suzy, le 10 août 1859, Josèphe Hortense Mathilde Doré (née le 1er avril 1836 à Paris).
Par ailleurs, un couple, dont le mari n'est pas photographe, pourrait cependant correspondre à la recherche, celui de Léonard Champeaux et d'Anne Champeaux, née Parricaud, impliquant que la première des initiales des deux prénoms imprimées sur le quatrième carton-photo est celle de Madame Champeaux : Anne & Léonard Champeaux, associés.
Essayer d'en apprendre plus sur ce couple a été complexe et les résultats restent fortement incomplets. Il apparaît cependant que :
- Anne Parricaud est née à Bordeaux (rue Mingin, 17), le 17 mars 1833. Elle est la fille de Léger Parricaud, maçon, âgé de 47 ans et de son épouse, Anne Gui. À l'âge de 28 ans, Anne Parricaud, sans profession, domiciliée à Bordeaux (rue Mingin, 34), alors que ses père et mère sont tous deux décédés, épouse, le 23 mai 1861, Léonard Champeaux dans cette même ville.
- Léonard Champeaux est né à St-Junien Labregère [Saint-Junien-La-Bregère, Creuse], le 23 avril 1834. Il est le fils d'Etienne Champeaux (forgeron puis tailleur de pierres) et de son épouse, Marie Darfeuille.
Âgé de 27 ans, tailleur de pierres lui aussi ("maçon" puis "entrepreneur de bâtisse" ou "entrepreneur de travaux publics"), domicilié à Bordeaux (rue Villedieu, 21), Léonard Champeaux épouse dans cette même ville, Anne Parricaud, le 23 mai 1861.
- Le couple aura trois enfants, trois fils qui vont naître à Bordeaux (route de Bayonne) et devenir à leur tour entrepreneurs de travaux publics (avec leur père puis dans les années 1890, sous le nom de "Champeaux frères") : "Etienne" Léger Champeaux, né le 16 avril 1862, et les jumeaux Jean Baptiste "Léonce" et Etienne "Albert" Champeaux, nés le 18 novembre 1863.
Le recensement de la ville de Bordeaux de 1866 indique bien la famille "Champeau" (sic) route de Bayonne, avec le père Léonard, "maçon", la mère Marie (sic) et les trois fils Etienne, Léonce et Albert mais les renseignements concernant les âges sont erronés, les jumeaux se retrouvant notamment avec des âges différents. Les recensements suivants, de 1872 à 1896, citent toujours la famille à l'adresse de la route de Bayonne, mais à nouveau quelques erreurs, notamment sur le lieu de naissance du père.
Un séjour de toute la famille Champeaux est attesté, l'été 1894, à Montauban (Tarn-et-Garonne, cette fois) où le fils Albert se marie le 6 août avec une fille native de cette commune.
Léonard Champeaux décède quelques jours avant son 66ème anniversaire, à son domicile bordelais, route de Bayonne, 34, le 16 avril 1896 et est inhumé, le 18 suivant, dans le caveau familial du Cimetière de la Chartreuse (caveau série 27-n° 54).
Anne Champeaux, dite "Marie" dans le recensement de 1866 puis "Joséphine" (prénom employé en famille) dans le recensement de 1881 (ainsi que dans l'acte de décès de son époux en 1896), décèdera à l'âge de 77 ans, le 6 décembre 1910, sous le nom de "Joséphine Anna Parricaud, veuve Champeaux" et sera inhumée le 8 suivant auprès de son mari, sous le nom de "Joséphine Parricaud".
La famille Champeaux a-t-elle effectué plusieurs séjours à Aurignac dans les années 1860 et mis en dépôt ses photographies dans les librairies de Bordeaux et Toulouse, et celles des villes photographiées ?
Elle a très bien pu photographier l'église de Montauban près Luchon vers 1861-1863, à une date où elle portait déjà son nom de femme et où l'échafaudage du portail de l'édifice était encore en place.
Aucune preuve n'atteste cependant qu'Anne et Léonard Champeaux ont effectué des séjours en Haute-Garonne dans les années 1860 ni qu'ils sont bien les auteurs des photographies étudiées.