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ANDRIEU, PHOTOGRAPHE À VILLEFRANCHE D'AVEYRON
(vers 1865)
QUATRE CARTES DE VISITE CONNUES
Les quatre photographies réalisées par le photographe Andrieu semblent provenir d'un album familial. Deux d'entre elles montrent le portrait d'un homme (un jeune et l'autre âgé) et les deux autres, le portrait d'une femme (une jeune et l'autre âgée). Il est probable qu'il s'agisse des portraits pris séparément de deux couples mariés mais rien ne permet de l'affirmer.
Les deux jeunes se présentent dans une pose identique, debout, légèrement de de trois-quarts, devant un rideau plissé (placé à gauche ou à droite) et un décor de meubles en trompe-l'œil (secrétaire ou bibliothèque), sur un fond de mur orné de bandes blanches et de plinthes agrémentées d'un décor de triangles alternativement sombres et clairs. Chacun d'eux pose la main droite sur le dossier ornementé d'une chaise en bois.
Les deux personnes âgées (les pieds coupés par le cadrage) sont, pour leur part assises, de face, sur une chaise en bois, devant un rideau plissé et un mur nu aux plinthes ornées de triangles. Chacune d'elles pose la main sur un guéridon recouvert d'un longue nappe à franges, décorée de motifs floraux. La femme apparaît chaudement vêtue, la tête coiffée d'un bonnet et le corps enveloppé dans une cape.
Le studio est le même pour les quatre portraits (triangles des plinthes, motifs peu identifiables du tapis) et la chaise utilisée est identique, accrochant la lumière par son bois vernis et ses clous en laiton (pieds avant et montants du dossier tournés, pieds arrière sans mouluration mais courbés, assise épaisse et cloutée).
Le recto des Cartes de visite est orné d'un liseré doré entourant le tirage et dépourvu de toute inscription. Le verso est, quant à lui, timbré à l'encre rouge de la seule signature du photographe pour les deux jeunes gens mais présente le nom du photographe dominant les armoiries de la ville de Villefranche pour les deux personnes âgées, ce qui renforce l'idée de contemporanéité des prises de vue et l'hypothèse de couples posant séparément.
Plusieurs mois ou années peuvent séparer les prises de vue des deux couples et il semble difficile d'affirmer quel duo est le plus ancien. Tous les éléments des cartons-photos évoquent cependant les années 1860 : recto sans inscription, présence de liseré doré, utilisation d'encre rouge, d'armoiries ou de signature, absence d'adresse précise, sans oublier le décor en trompe-l'œil et le style même de la chaise à médaillon Second Empire de l'atelier.
RECHERCHES SUR LE PHOTOGRAPHE
Seul le nom du photographe "Andrieu" est inscrit au revers des cartons-photos, sans prénom et sans adresse d'atelier. Le nom de la ville n'est même pas indiqué sur deux d'entre eux et c'est une chance que ces derniers aient été conservés avec les deux autres.
Aucune étude ne référencie ce photographe dont le nom de famille est assez répandu dans la région. Quelques photographes homonymes ("Andrieu" ou "Andrieux") sont connus en France dans la seconde moitié du XIX° siècle et le tout début du XX° siècle, mais aucun dans cette zone géographique.
Le seul document qui cite ce photographe est le Journal de Villefranche des samedis 2, 9, 16, 23 et 30 décembre 1865, dans une publicité qui révèle également le nom d'un associé.
Le fait que l'associé "Cot" n'est pas cité sur les portraits étudiés implique pour les photographies une date antérieure ou, plus probablement, postérieure à 1865, où "Andrieu" tenait seul l'atelier.
Le nom de famille "Cot", contrairement à celui d'Andrieu, est moins répandu en Aveyron et rare à Villefranche, seuls deux hommes portant ce nom sont connus dans cette période :
- "Alphonse Cot", né le 25 juillet 1807 à Saint-Antonin-du-Val (Tarn-et-Garonne), "commis marchand" lors de son mariage en 1839, "marchand de toile" lors de la naissance de son fils en 1840 et dans les deux décennies suivantes (Annuaire-Almanach) puis "propriétaire" lors du mariage de son fils en 1879 ; il est décédé à Villefranche, le 18 avril 1890, à l'âge de 82 ans ;
- "François Alphonse Cot", fils du précédent, né le 4 octobre 1840. Son nom apparaît parallèlement à celui de son père uniquement dans l'Annuaire-Almanach de 1861, en tant que "libraire", comme François Duclo (qui a une pratique photographique) ; il est ensuite dit "manufacturier" (filateur), à l'âge de 39 ans, lors de son mariage à Villefranche, le 15 octobre 1879 (avec Marie Angèle Catherine, sans profession, âgée de 20 ans, née le 4 février 1859 à Villefranche), ainsi que dans la décennie suivante ; il est décédé après 1902.
"ALEXANDRE" ANDRIEU ?
Peu de choses sont connues de la vie de François Alphonse Cot, sauf ses bons résultats lorsqu'il était élève au Collège de Villefranche, notamment en classe de Cinquième, lors du premier semestre de l'année scolaire 1852-1853. Or, dans ce même bilan scolaire apparaît, en 2ème Division de la Classe Supérieure, le nom de l'élève "Alexandre Andrieu".
Ce renseignement est loin d'être déterminant, le photographe Andrieu pouvant ne pas se prénommer Alexandre, ne pas être natif de Villefranche d'Aveyron ou bien être beaucoup plus âgé que François Alphonse Cot.
Cependant, l'hypothèse est à creuser, la coexistence de deux jeunes amis, proches en âge et tous deux anciens élèves du Collège de Villefranche, pouvant justifier leur association une fois adultes.
Huit garçons "Andrieu" sont nés à Villefranche dans les années 1830 et 1840 ; quatre ont porté le prénom "Alexandre" mais l'un d'eux est décédé à l'âge de quatre mois. Un seul semble correspondre à l'âge d'un élève de la Classe supérieure, lors de l'année scolaire 1852-1853, il s'agit de :
- Joseph Amans Marie Alexandre Andrieu, né le 3 novembre 1840 (d'un père armurier), dit "armurier" lors d'une souscription en 1866 (don de "Andrieu père et fils armuriers"), lors de son mariage à Villefranche le 29 avril 1867 et lors de son décès dans la même ville le 3 avril 1896, à l'âge de 55 ans.
ÉPILOGUE
La durée de l'atelier tenu par "Cot & Andrieu", comme celle de l'atelier tenu par "Andrieu" seul, reste inconnue, d'autant que les deux associés ont pu conjuguer le métier hérité de leur père avec l'activité de photographe.
La publicité, parue à cinq reprises en décembre 1865, peut d'ailleurs tout aussi bien avoir eu comme but d'annoncer l'ouverture de l'atelier "Cot & Andrieu", que de rappeler son existence au moment des étrennes.
NOTES
Sur les photographes de l'Aveyron au XIX° siècle et au début du XX° siècle, voir notamment :
- le Journal de l'Aveyron (1796-1944) ; le Bulletin d'Espalion (1838-1945) ; Le Narrateur (1841-1848 puis 1882-1944) ; le Journal de Villefranche (1848-1882), sur le site de la Bibliothèque nationale de France (Gallica) et sur le site des Archives Départementales de l'Aveyron.
- Jean-Marie Voignier, Répertoire des Photographes de France au Dix-Neuvième Siècle, Le Pont de Pierre, 1993.
- Hervé Lestang, "Portrait Sépia - Trois mille visages de la photographie" (site en ligne, ici).