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DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 17/03/2024
NICE - LE JARDIN DES PLANTES OU JARDIN PUBLIC
UN JARDIN DE PLAN TRIANGULAIRE (1854-1860)
La vue montre la partie orientale du Jardin de plan circulaire, le bassin à jet d'eau central desservi par des allées rayonnantes (mais sans allée externe piétonne), les parterres essentiellement plantés sur leur pourtour, la présence d'une rangée d'arbres limitant le côté nord du Jardin (mais disparue du bas des façades), le grand coffrage installé près du parapet et la rangée d'acacias qui s'arrête à l'angle du quai Masséna.
La date portée par l'artiste (1853) semble notamment confirmée par la présence du jet d'eau du bassin. L'absence de la palissade qui entoure le Jardin des Plantes, de décembre 1851 à octobre 1855, pose cependant problème, sauf si cette dernière est basse et peu visible.
La vue montre les plantations de la rive gauche du Paillon avec les platanes des boulevards du Pont-Neuf et du Pont-Vieux et les jeunes ormeaux de la place Charles-Albert.
La place des Phocéens, apparaît uniquement pourvue d'un bosquet de grands arbres face à l'entrée de la rue Saint-François-de-Paule, alors qu'une vue, probablement antérieure (deuxième partie de l'article, Image 8) mais certes en partie fantaisiste, montre déjà une rangée d'arbres en bord de rive. Ces arbres, qui sont attestés dès 1855, ne vont peut-être être plantés qu'en 1853 ou 1854.
En avril 1853, le Jardin se voit à nouveau enrichi par de nombreux dons de plantes (L'Avenir de Nice du 27 avril 1853).
L'été suivant, le souhait de voir repousser la fermeture du Jardin des Plantes au-delà de 8 heures du soir est exprimé, afin d'y profiter de promenades à la fraîcheur (L'Avenir de Nice du 5 août 1853 ; numéro du journal dépouillé mais non conservé). Cette demande implique que l'accès du Jardin peut être contrôlé, sans que l'on sache si c'est grâce à la palissade évoquée et/ou à des grilles placées aux entrées.
L'endiguement de 1853 permet l'extension de la place du Jardin des Plantes vers le sud. En 1854, le Jardin des Plantes bénéficie de cette extension, abandonnant le plan circulaire initial pour un plan triangulaire calqué sur celui de la place (Image 11).
Les allées du Jardin, désormais systématiquement bordées de treillages, conduisent au bassin maintenu à son emplacement originel. A partir du printemps 1854, la municipalité vend les coupes de foin du Jardin Public.
Le nouveau Plan-Régulateur pour les faubourgs de la Croix-de-Marbre et Saint-Jean-Baptiste, voté en Conseil Municipal le 25 mars 1854, entre en vigueur le mois suivant.
Le rapport du Conseil d'Ornement de juin 1854 cible les travaux prioritaires à entreprendre dans la ville et, notamment, l'élargissement de 6 m du quai Masséna puis la reconstruction du mur avec remblai et enrochement sur 200 m, pour un devis de 36,000 fr (L'Avenir de Nice du 3 juin 1854). Il semble cependant que ces travaux ne sont pas engagés.
Ce plan mélange les réalisations et les projets. Il montre ainsi deux projets de Pont à l'Embouchure du Paillon, l'un face à la rue Saint-François-de-Paule et l'autre dans le prolongement du boulevard du Midi (c'est ce dernier qui sera retenu mais il ne sera réalisé qu'en 1864). Il montre également la place des Phocéens avec un projet de square (en pendant de celui du Jardin des Plantes), comprenant un bassin (mais ce square ne sera réalisé qu'en 1867-1868).
Le Jardin des Plantes adopte ici le nouveau plan triangulaire, avec trois entrées situées dans les angles (deux au nord et une au sud). Il est entouré d'une allée externe et desservi par sept allées internes rayonnantes (celle du sud prolongée) convergeant vers le bassin nord, toutes bordées de plantations sur leurs deux côtés. Une rangée d'arbres est également présente en bord de rive, dans la continuité de celles du quai Masséna et de la Promenade des Anglais. Cette vision correspond dans sa globalité au Jardin qui est agrandi vers le sud mais il n'est pas certain que cela soit le cas dans le détail (nombre d'allées et plantations).
Le plan ci-dessus montre, sur la rive droite, le Jardin des Plantes (partie de l'actuel Jardin de l'Arménie) bordé des trois voies de la place du Jardin-des-Plantes : à l'ouest (actuelle avenue Gustave V), à l'est (partie de l'actuelle avenue de Verdun) et au nord (partie de l'actuelle avenue de Suède).
Il communique au nord-ouest avec une partie de la rue (de la) Croix-de-Marbre (partie de l'actuelle avenue de Suède) puis avec la nouvelle route ou chemin de Saint-Etienne (actuelle rue Maccarani), au nord-est avec la rue Paradis (qui a gardé ce nom) puis avec le quai Masséna (ancien quai du Pont-Neuf et actuelle avenue de Verdun) qui conduit à la place Masséna (partie ouest de l'actuelle place du même nom), et au sud-ouest avec le chemin des Anglais (actuelle Promenade des Anglais).
Sur la rive gauche, le boulevard du Midi (actuel quai des Etats-Unis) aboutit à la place des Phocéens (futur square des Phocéens puis partie de l'avenue des Phocéens, actuelle avenue Max Gallo), face à la rue Saint-François-de-Paule (qui a gardé le même nom) et au boulevard Charles-Albert (future avenue des Phocéens et partie actuelle de l'avenue Max Gallo) puis à la place Charles-Albert et au Pont-Neuf (parties est et centrale de l'actuelle place Masséna).
Une photographie contemporaine montre l'angle nord de la place du Jardin-des-Plantes (Image 12).
Cette photographie est l'œuvre d'Édouard Baldus (1813-1889) ou du marquis Henri Charles Emmanuel de Rostaing (c.1826-1885).
La vue ci-dessus montre, sur la gauche, la partie nord de la ligne de bâtiments ouest, avec, au rez-de-chaussée de la Maison Trabaud [n° 8], l'extrémité de l'enseigne des "Bains des Quatre Saisons" puis l’enseigne du "Café du Jardin des Plantes", dit aussi "Café-Restaurant du Jardin-Public".
Ce Café, tenu par Gaspard Feraud/Féraud, a peut-être succédé au "Café du Beau-Séjour", signalé dans L'Indicateur Niçois pour 1845 et pour 1846, au Jardin des Plantes, "à côté de la Pension Anglaise", tenu par "Dominique Griselli". Cependant, les Indicateurs Niçois pour 1847 et pour 1848 citent "Dominique Griseri (sic), faubourg Croix-de-Marbre, près le chemin S. Etienne".
La date de fermeture du "Café du Jardin des Plantes" semble coïncider avec le décès de son propriétaire, Gaspard Feraud, âgé de 30 ans, le 13 mars 1856. C’est probablement Alphonse Karr qui va reprendre cet emplacement, l’aménager à l’automne 1856 et y ouvrir sa boutique de fleurs, fruits et légumes début 1857.
Au-delà de la rue Croix-de-Marbre, la ligne de bâtiments nord du Jardin se révèle dans toute sa longueur mais désormais dépourvue d'arbres côté est. Le deuxième bâtiment montre sous les fenêtres du dernier niveau l'enseigne (lisible lorsque l'on zoome dans l'image) de "l'Hôtel de la Pension Anglaise" [n° 9].
L'Hôtel de la Pension Anglaise est l'un des plus anciens hôtels de Nice. Il s'installe tout d'abord dans la Maison Goiran, au faubourg de la Croix-de-Marbre, où il est cité dès le premier tiers du XIX° siècle.
Fin 1837, alors qu'il est tenu par l'Anglais Ferdinand Frédéric Guarducci (c.1812-1875), il déménage dans ce bâtiment grandiose et neuf de la place du Jardin des Plantes (ici). En 1840, il offre 8 salons et 40 lits (William Farr, A Medical Guide to Nice, Appendix p 132 ; ouvrage écrit en 1840, préfacé à Nice le 23 janvier 1841 et édité en 1841).
Le long bâtiment n'est d'ailleurs achevé qu'en 1847 (côté est) et appartient à plusieurs propriétaires. L'Hôtel de la Pension Anglaise semble n'en occuper qu'une partie (côté ouest), ce que confirment les estampes réalisées d'après des dessins exécutés par Hercule Trachel vers 1848-1851 (ici et ici).
L'Hôtel est encore tenu par Ferdinand Frédéric Guarducci pendant de nombreuses années puis par Pical en 1855. Succursale de l'Hôtel des Etrangers de Jean Schmitz, en faillite en février 1855, l'Hôtel de la Pension Anglaise perdure toute l'année 1855 (il encore cité dans les Listes générales des Etrangers publiées dans L'Avenir de Nice en décembre 1855) mais il cède ensuite son emplacement à l'Hôtel d'Angleterre en 1856. L'ouvrage, Nice, d'Auguste Burnel (rédigé en 1856, préfacé en janvier 1857 et édité au 1er trimestre 1857), comporte en effet une publicité pour "l'Hôtel d'Angleterre tenu par Vincenzo Palmieri, Place du Jardin-Public (...) nouvellement et richement restauré et meublé".
Dans la partie centrale du bâtiment, couronnée du grand fronton triangulaire percé d'un oculus, la photographie montre cette fois l'enseigne (lisible lorsque l'on zoome dans l'image) de "l’Hôtel de Grande-Bretagne" sous les fenêtres du dernier niveau, alors que celle de "l'Hôtel Victoria" se déploie plus bas (peu lisible même en zoomant), sur le balcon situé au-dessus du porche d'entrée [n° 5].
L'Hôtel Victoria ouvre là en septembre 1846 et se voit ensuite signalé dans L'Indicateur Niçois pour 1847. Son enseigne, d'abord positionnée sous les fenêtres du dernier niveau, cède cet emplacement à celle de l'Hôtel de Grande-Bretagne d'Henri Brezzi au printemps 1854 (ouverture le 15 mai 1854). L'Hôtel Victoria de Jean Zichitelli abandonne alors une partie des bâtiments car il est en attente d'un déménagement dans un bâtiment en construction, situé sur la Promenade des Anglais (ouverture le 3 octobre 1855). Henri Doniol, lors de la publication de ses, Souvenirs sur les miens et sur moi (1897, vol. IV p 53), évoquera son séjour de bains de mer d'août 1854 à Nice, à l'Hôtel de Grande-Bretagne [récemment installé] dont la croisée de balcon était ouverte dès le jour "sur le Jardin-Public en création".
Enfin, à l'extrême droite de la photographie, l'enseigne du "Restaurant Français" de François Escoffier [autre Maison Trabaud, n° 1], ouvert début 1853 (L'Avenir de Nice du 23 mars 1853), est lisible (lorsque l'on zoome dans l'image), près de l'angle de la rue Paradis. Il déménagera quai Masséna, 5, en 1858 ou 1859.
Cette photographie peut donc être datée au plus tôt du printemps 1854 (présence de l'Hôtel de Grande-Bretagne) et au plus tard de septembre 1855 (présence de l'Hôtel Victoria). Cependant, l’absence des plantations qui seront effectuées au printemps 1855 le long de la rive du Paillon (de chaque côté du coffrage visible ici), implique davantage une date entre mai 1854 et mars 1855. Ce raisonnement semble contredit par l'absence, sur la photographie, de la palissade qui entoure le Jardin des Plantes de décembre 1851 à octobre 1855 mais il est possible, comme énoncé précédemment, que cette palissade soit basse et peu visible.
"On nous annonce, dit L'Avenir de Nice du 6 janvier 1855, que dorénavant la musique militaire jouera les jours de fête au rond-point du Jardin Public [près de l'entrée sud], de 2 heures à 3 heures 1/2 du soir, et les jeudis, de 2 heures 1/4 à 3 heures 1/4". Jusque-là, les concerts de la Garnison avaient alternativement lieu sur le Cours/Corso (deux fois par semaine) et dans le petit jardin semi-tropical de l'Etablissement littéraire Visconti (le vendredi).
Désormais, les concerts de la Garnison vont avoir également lieu dans le Jardin des Plantes, chaque saison d'hiver, à partir du mois de novembre, et vont être très appréciés.
Le Jardin, situé près de la jonction des deux parties de la ville, entre la station des voitures de place Masséna et la Promenade des Anglais, devient un lieu incontournable.
C'est un lieu :
- de rencontre de personnes de toutes nationalités et de toutes classes sociales ; il est très fréquenté par les familles anglaises dont les femmes, blondes et pâles, imposent leur mode vestimentaire et protègent leur teint à l'aide d'ombrelles blanches doublées de couleur ;
- d’observation des plantes : les arbres et arbustes sont d'essences et de provenances variées, (notamment à fleurs tels que magnolias et lauriers-roses), les fleurs sont innombrables et de toutes couleurs, telles que roses parfumées, géraniums, liserons, balisiers des parterres mais également nymphéas du bassin, dans une tentative avortée de créer un jardin aquatique dans un bassin en rocaille, inspiré de celui de la Villa niçoise du comte de Pierlas, au Ray, avec notamment deux énormes feuilles de nénuphar Victoria offerts par l'horticulteur Marion (L'Avenir de Nice du 12 octobre 1855),
- d'écoute musicale, de lecture, de promenades (allées, bassin) et de jeux pour enfants.
L'alignement des hauts bâtiments néoclassiques qui l'encadrent (hôtels, appartements de location, bureaux, consulats) et leurs commerces du rez-de-chaussée finissent d'en faire un lieu privilégié.
Ce n'est pas encore un lieu paradisiaque car le Jardin reste de petites dimensions, les arbres ne donnent pas encore d'ombre, les bancs de pierre sont parfois brûlants, le vent soulève la poussière des voies, des tourbillons de moustiques jaillissent au crépuscule, le Paillon exhale les mauvaises odeurs des égouts et les mendiants et les garnements gâchent parfois l'ambiance.
Si le Guide du Commerce, Indicateur Niçois [vol. 1] suivi du Cicerone de l'Etranger [vol. 2] pour 1855 (ouvrage rédigé au premier semestre 1855 et édité à Nice la même année par Pierre Cauvin) ne dit pas un mot du Jardin, il cite, mais d'une manière incomplète cependant, les bâtiments qui l'entourent (propriétaires, commerces et habitants), du sud-ouest au nord-est (vol. 2, pp 82-83).
"Dans l'ordre de notre parcours, nous trouvons d'abord la maison Laurencin ; la maison Roubiony, où sont les bureaux du Consulat de France (...) ; la maison Trabaud, où sont les Bains des Quatre-Saisons.
Vient ensuite la rue Croix-de-Marbre, dans laquelle se trouvent le grand atelier de carrosserie de Laure dit Normand, et le magasin Barberis, où les étrangers de la Croix-de-Marbre, trouvent un assortiment d'épices, denrées-coloniales, etc.
En tournant pour rejoindre le quai Masséna, la place du Jardin-Public montre les façades de : l'hôtel de la Pension Anglaise, succursale de l'hôtel des Etrangers que M. Schmitz s'est adjointe afin de pouvoir offrir la vue de la mer aux voyageurs qui en font la demande (...) ;
l'hôtel Victoria, tenu par M. Zichitelli, sans contredit l'un des plus beaux et des meilleurs hôtels de Nice, et à ce titre justement réputé ;
l'hôtel de la Grande Bretagne, tenu par M. Brezzi (...) ;
et deux autres maisons dont la dernière fait l'angle de la rue Paradis, dans laquelle M. Périé tient, à droite, un magasin convenablement assorti d'épiceries, denrées coloniales, etc., et conséquemment avantageusement connu.
Le quai Masséna commence à l'angle opposé de cette même rue, par la maison Corinaldi [Maison de la veuve Coppon aux locations exploitées par Corinaldi], et s'étend jusqu'à la Place-Masséna".
Cette présentation peut être complétée par les renseignements des listes alphabétiques des professions et des habitants du même ouvrage (peu de noms sont cités du fait des locations saisonnières et des hôtels).
Les bâtiments ouest affichent une numérotation paire, croissante du sud au nord, avec notamment :
- au n° 2, le magasin de modes et de nouveautés de Madame Gonin [Maison du Consulat de France] ;
- au n° 4, la boutique de modiste de Madame Suchet et l'atelier de l'artiste peintre Kamenscki [pavillon Robiony/Roubiony] ;
- au n° 6, l'appartement du comte Urbain Garin de Cocconato, propriétaire ;
- au n° 8, la Maison Trabaud, avec au rez-de-chaussée les "Bains des Quatre Saisons" de Monsieur Louis Trabaud et le "Café du Jardin-Public" tenu par Gaspard Feraud/Féraud, et à l'étage l'appartement de Ferdinand Pollan aîné, propriétaire.
Les bâtiments nord affichent une numérotation impaire, décroissante d'ouest en est, avec notamment :
- au n° 9, l'Hôtel de la Pension Anglaise ;
- au n° 7, Raymond Gauthier, marchand de bois de construction et propriétaire, et Georges Zerega/Zéréga, maître de danse, d'escrime et de gymnastique ;
- au n° 5, l'Hôtel Victoria ;
- au n° 3, l'Hôtel de la Grande Bretagne ;
- au n° 1, la Maison Trabaud, à l'angle de la rue Paradis, avec la famille de l'ébéniste Joseph Mignon et le "Restaurant Français" de François Escoffier.