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DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 22/07/2022
INTRODUCTION
Plusieurs centaines de vues de Cannes prises au XIX° siècle sont conservées dans les collections internationales publiques et privées ou en vente sur Internet.
La plupart de ces photographies ne sont pas datées. Lorsqu'une date est présente, cette dernière a été le plus souvent inscrite par l'acheteur sur une vue qui peut dater de plusieurs années ou sur un album constitué de vues prises sur une décennie entière.
Si la mention de l'auteur (timbre sec ou humide, signature) est rare sur les grands formats, elle apparaît plus souvent sur les vues stéréoscopiques, les Cartes de visite et les Cabinets et permet de resserrer la datation de la prise de vue. L'adresse de l'atelier notamment donne souvent une indication précieuse mais les photographes ont parfois, avec plusieurs années d'écart, renouvelé les tirages d'une même prise de vue, sans parler des acheteurs de leur fonds (éditeurs de photographies puis de cartes postales).
Que ce soit sur les sites des collections publiques ou sur les sites de vente en ligne, les photographies sont donc "approximativement" datées ("vers", "circa") à une ou deux décennies près.
Le lieu photographié lui-même est riche d'enseignements, du fait du renouvellement de ses architectures, de ses plantations ou de son mobilier urbain mais les repères visuels bien datés restent peu nombreux. Ainsi, le nouvel Hôtel de Ville de Cannes érigé de juillet 1874 à juillet 1876 est un indicateur fort dans une vue montrant les Allées (qu'il en soit présent ou absent) mais reste insuffisant pour en préciser la date.
Il est donc nécessaire d'étudier de nombreuses photographies d'un même lieu sous différents points de vue et de les comparer entre elles pour repérer, dans un premier temps, les modifications urbaines. Il faut ensuite croiser les renseignements collectés sur l'évolution de la ville, plans, guides touristiques, articles de journaux, comptes-rendus de conseils municipaux mais également dessins et peintures, avec le regard porté sur les photographies. Ce sont tour à tour les textes qui permettent de dater les vues ou les vues datées qui permettent de dater un aménagement ou une construction.
Le fait de disposer de photographies scannées en haute résolution, d'en observer le détail et de dresser une liste de repères visuels permet, dans un premier temps, un classement par décennie. Si l'installation de réverbères, l'organisation d'un square, la construction d'un hôtel, la pose d'une statue, voire le renouvellement d'un commerce peuvent être bien documentés, il n'en est pas de même pour la construction d'une maison, la réfection d'une façade, l'ajout d'un étage, le prolongement d'un toit ou l'apparition d'une publicité peinte. Cependant, la multiplication des repères visuels crée progressivement un faisceau d'indices, et les vues datées, une chaîne chronologique de plus en plus précise, à un ou deux ans, voire à quelques mois près (chronotopie).
L'étude des vues du port de Cannes n'en est ici qu'à son premier stade. Cet article sera par la suite régulièrement mis à jour, du fait de la consultation nouvelle de textes éclairants ou d'images datées, remettant en question ou précisant la datation proposée.
LE PORT DE CANNES
Les photographies les plus anciennes conservées semblent dans les années 1850, celles de Charles Nègre (1852), de Charles Furne et Henri Tournier (1858) puis, dans les années 1860, celles de Joseph Contini, Jacques Bussi, Jules Buisson, Charles Nègre à nouveau, Jean Andrieu, Jean Walburg Debray (ou de Bray), Jules Messy, André Gasquet, Miguel Aleo & Alphonse Davanne.
Certaines vues ont été prises par des photographes voyageurs (souvent parisiens), d'autres par des photographes régionaux (souvent implantés à Nice) et d'autres encore par des photographes installés à Cannes. Entre 1850 et 1900, une soixantaine de photographes ont effectué des prises de vues de Cannes et de son port, montrant le môle, le quai Saint-Pierre et la face orientale du Mont-Chevalier (ou Suquet).
Ces vues ont généralement été prises de l'est, depuis le boulevard de la Croisette, le môle et les Allées mais il existe des vues plongeantes prises de l'ouest, depuis le Mont-Chevalier, ou du nord, depuis la route de Grasse. De nombreuses vues orientales sont panoramiques, montrant des Allées jusqu'au môle, d'autres sont seulement partielles, se concentrant sur le môle ou les extrémités du quai Saint-Pierre (extrémité sud prise du môle et extrémité nord prise des Allées), montrant parfois les Allées et toujours le Mont-Chevalier. De très rares vues dévoilent enfin le quai Saint-Pierre dans toute sa profondeur, avec sa voie mise en perspective entre navires et architectures.
Cette étude va se concentrer sur quelques éléments du quai Saint-Pierre et du Mont-Chevalier vus de l'est et délaisser les autres points de vue et l'étude des Allées et du môle. La synthèse ci-dessous provient de l'étude comparative de près de 300 photographies des lieux.
Le port a été aménagé dès la fin des années 1830, avec le môle (1838-1839), le quai Saint-Pierre (1838-1842) puis le phare (1854) et la longue ligne de bâtiments du quai Saint-Pierre essentiellement bâtis vers 1850, avec des entrepôts (surtout du côté sud) et des magasins (surtout du côté nord) surmontés de logements.
LES PHOTOGRAPHIES (1860-1900)
Les cinq photographies ci-dessous, panoramiques, lisibles et libres de droits, ont été sélectionnées afin de permettre une synthèse claire de la plupart des repères visuels, sur quatre décennies.
photographie datée par l'acheteur de "1876",
En rouge, les modifications intervenues entre 1863 et 1874, avec par ordre chronologique :
(entraînant la disparition de la tourelle centrale, visible sur la photo précédente), fin 1864 ;
- surélévation d'un niveau de l'extrémité septentrionale d'une maison située du côté sud
du quai Saint-Pierre, au n° 16, bordant la place Massuque, vers 1867 ; cette maison a été celle du peintre Joseph Contini ;
- fin de construction d'un haut bâtiment situé à mi-hauteur du Mont-Chevalier,
- Anonyme (peut-être DEBRAY Jean Walburg [1839-1901]), Vue de Cannes, détail, vers 1879-1880, tirage albuminé de 14,8x9,4 cm, Collection personnelle. En rouge, les modifications intervenues entre 1875 et 1880, avec par ordre chronologique : - ombre (pourtour creusé) autour de l'horloge (encastrée) de la Tour de l'Horloge, vers 1875 ; - installation d'une barrière de protection au sommet de la Tour de la Castre, vers 1878 ; - surélévation d'un niveau d'une maison située sur le quai Saint-Pierre, côté nord (n° 7 ?), vers 1879-1880. - GILETTA Jean (1856-1933), Vue de Cannes, détail, vers 1887, photographie (fol. 19) appartenant à un Album ayant pour titre, "Provence - 19 Janvier - 6 février - 1892", Paris, BnF (voir sur Gallica). En rouge, les modifications intervenues entre 1881 et 1887, avec par ordre chronologique : - changement de l'horloge de la face orientale de la Tour de l'Horloge (en saillie, éclairée, avec large cadran noir) , et placement de trois horloges sur les autres faces, plus petites et rondes mais également avec un large cadran noir, vers 1881 ; - démolition de la chapelle Saint-Pierre puis de la Caserne situées à l'extrémité sud du quai Saint-Pierre, vers 1882 ; - développement important des arbres situés à mi-hauteur du Mont-Chevalier, du côté sud, vers 1882-1887 ; - surélévation ou reconstruction de l'ensemble d'une maison située du côté sud du quai Saint-Pierre, au n° 16 (maison Contini), bordant la place Massuque (côté sud), (comparer avec la vue précédente) ; Joseph Contini quitte cette maison fin 1882 et cette dernière est agrandie peu après, fin 1882-début 1883 ; - réfection en cours d'une maison située du côté sud du quai Saint-Pierre, au n° 15, bordant la place Massuque (côté nord), vers 1887. - Anonyme (peut-être ND [Neurdein] ou GILETTA Jean), Vue de Cannes, détail, vers 1898, tirage de16,8x12 cm, Collection personnelle. En rouge, les modifications intervenues entre 1888 et 1898 : - construction de trois nouvelles maisons ou groupes de maisons sur le flanc sud du Mont-Chevalier, vers 1888-1890 ; - installation d'une avancée de toit (créant une zone d'ombre) sur une maison située du côté nord du quai Saint-Pierre, au n° 5, vers 1890-1893 ; - publicité peinte, "Faïence d'Art", sur le grand pignon de la maison située près de la Tour de la Castre, vers 1896-1898. SUR CANNES VOIR ÉGALEMENT Le port au milieu du XIX° siècle Photographies anciennes du port de Cannes (1865-1890) |