SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS
ADRESSE
Cimetière du Château - Allée François Aragon - 06300 - Nice
HORAIRES D'OUVERTURE AU PUBLIC :
Du 1er mars au 31 octobre, de 8h 30 à 18h 00
Du 1er novembre au 28 ou 29 février, de 8h 30 à 17h 00
La sortie est cependant demandée par une sonnerie qui retentit 30 minutes avant l'heure de fermeture.
INTRODUCTION
Dès son entrée dans le cimetière, le visiteur est saisi par l'ordonnancement et la sérénité des lieux. Loin de l'agitation bruyante de la ville basse, il se trouve dès lors au cœur de la ville des morts avec ses quartiers et ses rues, ses 240 années d'existence et ses 2.400 sépultures.
Moment d'hésitation et de vertige, souvent amplifié par l'éblouissante et chaude lumière méditerranéenne. Où se diriger ? Que voir ? Qu'en retirer ?
Le Cimetière du Château est aujourd'hui encore un lieu de sépulture (inhumations, columbarium) mais également un lieu de mémoire (individuelle et collective) et un musée à ciel ouvert. Plusieurs approches sont possibles pour le découvrir : historique, religieuse, sociale et artistique.
Le visiteur peut :
- flâner au hasard des allées paysagées,
- essayer de tout voir (plan positionné à l'entrée),
- se limiter à certains plateaux,
- se cantonner à une période donnée,
- se concentrer sur les tombes des personnalités (QR Codes auprès de certaines tombes),
- s'intéresser à la grande diversité des monuments funéraires (miroir social), à leurs influences antiques, gréco-romaine (sarcophages, colonnades, frontons, drapés, nudité) et égyptienne (pyramides, obélisques, figures de pharaons),
- étudier les sculptures : les figures humaines (religieuses, allégoriques, portraits de défunts), leur échelle, leur posture et leurs vêtements (à l'antique ou contemporains), les figures animales (oiseaux et de plus rares serpents, lions ou chien), les représentations de végétaux (troncs, feuillages, fleurs, couronnes) et d'objets (sabliers, urnes, ancres, torches, livres, et accessoires indiquant la profession du défunt),
- décrypter les symboles (Terre/Ciel, Obscurité/Lumière, Douleur/Espérance, Mort/Résurrection),
- rechercher les vitraux et les mosaïques,
- observer les réalisations des fondeurs (croix, porte-couronnes, grilles, chaînes, portes ouvragées, paravents) et le mobilier funéraire,
- lire les inscriptions dont les épitaphes,
- repérer les signatures des créateurs (architectes, marbriers, sculpteurs, fondeurs),
- faire des photographies ou des vidéos,
- se laisser aller à la rêverie, à la méditation ou à la prière.
Une visite de 45 minutes peut permettre une première découverte. Le plan ci-dessus indique notamment les tombes des personnalités, réparties dans l'ensemble des lieux (FIG. 1).
Le visiteur souhaitant découvrir les tombes les plus anciennes (1820-1860) pourra se diriger, au nord, vers la jonction du Plateau d'Entrée et du Petit Cimetière et, au sud, vers l'Allée Alpini et les Allées Bavastro et Robiony (rangées externes).
Le visiteur plus spécifiquement intéressé par les sculptures (plus de 150 tombes présentant une ou plusieurs figures humaines en ronde-bosse ou en relief, généralement en pierre et plus rarement en bronze), pourra choisir les zones où elles sont particulièrement concentrées, au nord, sur le Plateau d'Entrée, le Petit Cimetière et le Plateau Grosso, au sud, dans l'Allée du Brûloir, l'Allée Orizet, le Plateau Gambetta (le plus riche et le plus homogène, offrant plus de 40 tombes sculptées des années 1900-1930) et le Plateau protestant Inférieur.
Enfin, le visiteur pourra découvrir la Chapelle du Cimetière (1932-1941) et l'ancienne Chapelle Tarani (1899-1900) (Plateau Gambetta).
QUELQUES REPÈRES
Le Cimetière du Château a été créé en 1783, en dehors de la ville (sarde), sur un terrain vallonné situé à l'extrémité nord de la Colline du Château, avec deux parties séparées, un cimetière catholique au nord et un cimetière juif au sud. Un certain nombre de sépultures de l'ancien cimetière juif mais également d'anciens cimetières catholiques ont été transférées dans les lieux.
En 1845, une partie de cimetière protestant et orthodoxe (hivernants) a été aménagée du côté oriental.
Chaque confession a possédé un espace enclos de murs et une entrée particulière jusqu'à la loi de laïcisation de 1881. A partir de cette date, les séparations entre les cimetières catholique, protestant et orthodoxe ont progressivement disparu pour former un seul espace ouvert aux défunts de toutes confessions. Le cimetière juif a cependant été conservé, avec son entrée propre.
Seul l'espace actuel multiconfessionnel des anciens cimetières chrétiens va être, dans un premier temps, présenté ici mais la visite du Cimetière juif reste incontournable.
Il ne semble subsister aucune tombe des premières décennies d'occupation du cimetière catholique (1783-1819).
Les tombes les plus anciennes datent des années 1820-1840 (une dizaine plus quelques plaques) et sont essentiellement situées au nord sur le Plateau d'Entrée (pourtours sud et est) et au sud, dans l'Allée Alpini.
Les tombes des années 1850-1860 sont plus nombreuses (une quarantaine plus quelques plaques), essentiellement situées, du côté nord, sur le Plateau d'Entrée (pourtour nord-est) et le Petit Cimetière (pourtour sud) et, du côté sud, dans les Allées Bavastro et Robiony.
Des photographies panoramiques des années 1860, prises depuis la plateforme du Château, montrent notamment la partie sud du cimetière catholique, avec la chapelle Sainte-Madeleine (démolie en 1932) et des tombeaux essentiellement constitués d'un petit tertre de terre dominé par une croix ou de plus rares dalles de pierre entourées d'une balustrade métallique (entourage).
Cependant, les sépultures conservées, antérieures à 1860, offrent des types complémentaires avec des pierres tombales dominées par une stèle de chevet portant une urne sculptée, de hauts sarcophages néo-classiques à fronton triangulaire, gravés d'inscriptions et ornés de motifs funéraires (notamment, Tombe Tourin-Rouquairol, vers 1825, Plateau d'Entrée et Tombe Gioan, vers 1830, Allée Alpini) et des baldaquins à colonnade gréco-romaine (Tombe Giraud-Salvy, vers 1825 et Tombe Risso, vers 1845, Plateau d'Entrée). En dehors des masques en acrotères de la Tombe Gioan (FIG. 3), aucune représentation humaine en buste ou en pied de cette période ne semble conservée.
Le cimetière protestant et orthodoxe, créé à l'origine sur le versant oriental de la butte principale en 1844-1845 (base et terrasses) n'a pour sa part pas conservé de tombes antérieures à 1860.
Peu après l'Annexion française de 1860, l'ensemble du Cimetière du Château est agrandi et réaménagé (coupe de cyprès, organisation d'allées, construction de murs de soutènement des terrasses, réparations). Les fosses en pleine terre semblent progressivement disparaître dans les deux décennies suivantes, au profit de tombes maçonnées, recouvertes d'une simple dalle (aux lettres de plomb) ou d'un monument funéraire.
Stèles, sarcophages, colonnes brisées, cippes en forme de stèles ou de piliers quadrangulaires, mausolées (néo-classiques), édicules en forme de chapelle (souvent néo-gothiques) se multiplient à profusion dans tout le cimetière (monuments acquis par achat privé ou souscription publique sur des concessions à perpétuité). Une seule figure sculptée témoigne des années 1860, le médaillon en bronze de la Tombe du musicien et compositeur Ernst (1865-1866, Allée Defly) (FIG. 4).
Dans l'édition de 1866 (p 327) de son ouvrage intitulé Les Promenades de Nice, Emile Négrin évoque seulement la renommée de quatre personnalités inhumées ici, celle "du violoniste Ernst [mort en 1865, Allée Defly] (FIG. 4), des naturalistes Risso [mort en 1845, Plateau d'Entrée] et Vérany [mort en 1865, Plateau d'Entrée ?], du conventionnel Sergent-Marceau [homme politique et peintre mort en 1847, Petit Cimetière]".
Quatre portraits seulement sont conservés des années 1870, un buste de pierre de la Tombe de l'architecte Vittorio Gastaldi (vers 1871, Plateau Grosso), la statue en pied et en bronze de la Tombe du philosophe et démocrate russe Alexandre Herzen (vers 1875, Premier Plateau du Cimetière protestant et orthodoxe) (FIG. 5), le médaillon en bronze de la tante de Léon Gambetta, Jenny Massabie (1878, transféré en 1909 sur le deuxième Tombeau de Gambetta situé sur le plateau éponyme) (FIG. 6) et le médaillon en bronze de la Tombe d'Antonia Seren-Hocquart (concession de 1893 mais médaillon daté de 1879, Allée Brunel).
Ce médaillon a été déplacé en 1909 au revers du nouveau Tombeau de la Famille Gambetta,
Une dizaine d'exemples témoignent pour leur part des années 1880, avec les figures religieuses de la Tombe Lesage (deux anges en pied et en pierre, vers 1883, Allée éponyme) (FIG. 8) et de plus nombreux portraits comme, le médaillon de bronze de la Tombe du géologue Edouard Desor (1882, Deuxième Plateau Protestant) (FIG. 6 bis), le buste en pierre de la Tombe de la Veuve Cauvin (vers 1882, Allée Lesage), le buste en pierre de la Tombe de l'architecte Jules Chatron (vers 1884, Allée Lesage), le buste en pierre de la Tombe de Joséphine Pontier (vers 1883, Allée Robiony) et le buste en bronze de la Tombe d'Auguste Gal (1883-1884 ; Plateau Grosso) (FIG. 7).
Des estampes et photographies réalisées en janvier 1883, lors des funérailles de Léon Gambetta, révèlent une partie des monuments du Plateau d'Entrée avec des stèles et des sarcophages portant une croix, la toute récente Pyramide des Victimes de l'Incendie du Théâtre du 23 mars 1881 (1881-1882) près de la grande Croix métallique du Cimetière (1845, retirée au début du XX° siècle), les "chapelles", obélisque et pyramide de l'Allée Robiony et les "chapelles" et la Tombe familiale des Gambetta (1878) de l'Allée du Brûloir.
Dès les années 1880, les guides de voyage signalent au Cimetière du Château de Nice, la Pyramide des Victimes de l'Incendie du Théâtre (drame au retentissement national), les sépultures de la Famille Garibaldi (tombe de sa mère sur le Plateau d'Entrée et cendres de sa première épouse dans la chapelle Sainte-Madeleine - cendres transférées à Rome en 1932), ainsi que la Tombe et la Pyramide (de bois, chargée de couronnes, détruite en 1909) de Léon Gambetta.
La Fête de la Toussaint du 1er novembre et plus encore le Jour des Morts du lendemain attirent chaque année une foule de plus en plus nombreuse. Les gens ne se recueillent pas seulement sur les tombes familiales (avec dépôt de fleurs) mais également sur celles des personnalités exemplaires auxquelles elles rendent hommage.
"Des couronnes ont été déposées sur les tombes des incendiés du Théâtre-Municipal, et sur celle de la mère de Garibaldi, situées dans la partie inférieure du cimetière. D'autres morts célèbres qui ont leur tombe au Château, ont été aussi visités par la foule : entre autres, la mère de M. Gambetta, enterrée récemment ; Herzen, le célèbre penseur russe, etc., etc." (Le Petit Niçois du 3 novembre 1882).
Le Petit Niçois du 3 novembre 1886 signale, en plus des tombes déjà évoquées, quelques tombes du Petit Cimetière, la Tombe de la Famille Sergent-Marceau (vers 1834), la Tombe du Général Eberlé (vers 1837) et le Monument aux Soldats Morts au Tonkin (croix de pierre inaugurée en juin 1886 sur le Plateau d'Entrée et déplacée au XX° siècle au Cimetière niçois de Caucade).
Les 1er, 2 et 4 novembre 1898, Le Petit Niçois publie trois articles d'Henri Sappia consacrés à l'histoire du cimetière, à ses personnages célèbres et à quelques monuments funéraires remarquables (les deux n'allant pas obligatoirement de pair), créant ainsi le premier guide culturel du lieu.
Henri Sappia cite désormais une trentaine de célébrités (mais aucune décédée avant 1820), militaires et hommes politiques, artistes, érudits, négociants et bienfaiteurs des hospices de la ville et il accompagne son texte de quelques dessins montrant la Tombe du naturaliste Antoine Risso [vers 1845, baldaquin néo-classique surmonté d'un gâble néo-gothique, Plateau d'Entrée], la Statue du philosophe et démocrate Alexandre Herzen, [installée en 1875, Premier plateau protestant et orthodoxe] (FIG. 5), la Pyramide des Victimes de l'Incendie du Théâtre [1881-1882, Plateau d'Entrée], la Tombe du négociant Gal [1883-1884, Plateau Grosso] (FIG. 7), auxquels s'ajoute celui d'un monument imaginaire en hommage à d'autres célébrités, enterrées ou non ici, Nice à ses Glorieux Enfants (FIG. 10).
En 1899, Fritz Mader consacre un passage de son livre Die Riviera au Cimetière du Château. Pour la partie catholique, il signale sur le Plateau d'Entrée, la Pyramide des Victimes de l'Incendie du Théâtre, le Monument des Soldats Morts au Tonkin et Madagascar, la Tombe du naturaliste Risso, la Tombe de la Famille Garibaldi ; dans le Petit Cimetière, la Tombe d'Emira Sergent, "sœur du brave Général Marceau", la Tombe du poète Rancher et la Tombe du Général Eberlé, "gouverneur de Nice sous Napoléon Ier" ; sur le Plateau Grosso, "le monument le plus élevé" qu'est la Tombe Grosso (FIG. 2 et 9) ; sur le Plateau Supérieur, la Tombe et la Pyramide Gambetta.
Pour la partie protestante et orthodoxe, il cite "un bloc de granit présentant le portrait du géologue Edouard Desor (mort en 1882) dans un médaillon de bronze offert par sa ville d'adoption, Neuchâtel" [1882] (FIG. 6 bis) et "la statue de bronze de l'agitateur russe Alexandre Herzen (mort en 1870), fondateur de la plus ancienne revue nihiliste, La Cloche" [installée en 1875] (FIG. 5).
Des cérémonies officielles (dates anniversaires, inaugurations, visites présidentielles) se multiplient au Cimetière du Château, en particulier sur les tombes des Familles Garibaldi et Gambetta. Les touristes qui fréquentent Nice pendant la saison d'hiver, notamment lors du Carnaval de février, viennent également rendre hommage à ces grands hommes.
Bientôt, un monument prestigieux est d'ailleurs consacré à ces derniers dans la ville, le Monument à Garibaldi sur la place éponyme en 1891 et le Monument à Gambetta en 1909 sur la place Béatrix, actuelle place Général de Gaulle (monument détruit en 1942).
Au tournant du XX° siècle, les photographes professionnels et amateurs et les éditeurs de cartes postales donnent priorité aux tombes Garibaldi et Gambetta mais s'intéressent également à l'ensemble des monuments prestigieux du Plateau Grosso (avec notamment les sculptures monumentales de la Tombe Grosso [FIG. 2 et 9] et de la Tombe Isnard datant de 1894) et du Plateau Gambetta (nouvelle appellation du Plateau supérieur dont l'occupation a été entièrement renouvelée dans les années 1890).
Les Fêtes de la Toussaint donnent l'occasion aux journaux de signaler les tombes des personnalités dernièrement inhumées (Tombe du sénateur Borriglione,1902-1903, Plateau Gambetta) (FIG. 11), les nouveaux monuments prestigieux (Tombe de la Famille Raiberti, 1900-1906, Plateau Gambetta) (FIG. 12) mais également les réaménagements de sépultures anciennes (restauration et pose d'une stèle), notamment celles du Général Eberlé (1894), du poète Rosalinde Rancher (1903), d'Annita Garibaldi (1909) puis le transfert des corps de la Famille Gambetta dans un nouveau tombeau (Plateau Gambetta, 1909).
De très nombreuses figures en pied en pierre, religieuses (Anges, Marie Madeleine, rares Christ et Vierge Marie) et allégoriques (Douleur/Pleureuse, rares Vertus, Mémoire/Pensée, Génie) témoignent de cette période, ainsi qu'une dizaine de groupes sculptés (composés de 2 à 5 figures) dont la moitié sur le Plateau Gambetta.
Les portraits des défunts sont le plus souvent des bustes et des médaillons en pierre ou plus rarement en bronze (souvent par deux, mari et femme ou parfois frères ou sœurs). Il existe cependant quelques portraits en pied et en pierre, comme ceux des enfants de la Tombe Faraut-Pastore (vers 1892, Petit Cimetière), des parents de la Tombe Grosso (1894, sur le Plateau éponyme) ou de l'enfant de la Tombe Bussone (vers 1906, Plateau Grosso).
Parmi les réalisations des sculpteurs, il faut retenir les neufs monuments funéraires (chapelles et figures) de Giuseppe Garibaldi (homonyme de l'homme politique et du peintre marseillais), réalisées à Carrare entre 1890 et 1910 (côté nord, Plateau Grosso et Allée Brunel ; côté sud, Allée Orizet et Plateau Gambetta).
Dans le premier tiers du XX° siècle apparaissent, sur les monuments funéraires, les vitraux parfois figurés et les mosaïques à fond d'or.
Les auvents de zinc et les châssis de verre qui protégeaient les tombes et leurs couronnes ont quasiment disparu de l'ensemble du cimetière (un auvent, à l'arc générateur brisé, subsiste dans l'Allée Brunel sur la Tombe Delbecchi).
La période 1920-1940 voit la dernière grande floraison de monuments et sculptures funéraires (Marie Madeleine/Douleur, Gardien(ne) des cendres, portraits), parfois de style Art Déco, notamment sur le Plateau d'Entrée (pourtours ouest et nord et zone centrale), le Plateau Gambetta et le Plateau dit Protestant Inférieur.
Peu de tombes de soldats de la Première Guerre Mondiale sont localisées dans ce cimetière car elles ont été majoritairement implantées dans le cimetière militaire niçois de Caucade.
La chapelle de la Sainte-Trinité, construite sur les plans de l'architecte François Aragon, remplace dans les années 1932-35 la petite chapelle Sainte-Madeleine. Le cimetière est également agrandi à cette époque, avec le Carré de l'O.N.U implanté à son extrémité nord-ouest.