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DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 21/09/2023
NICE - L’ANCIEN HÔTEL DES ÎLES BRITANNIQUES
INTRODUCTION
Cet article est né de la découverte d'une rare photographie des années 1870, ayant pour sujet le Grand Hôtel des Îles-Britanniques de Nice.
Cet hôtel, aujourd'hui disparu, a été remplacé par le bâtiment de la Banque BNP Paribas, situé à l'angle de l'avenue Jean-Médecin et du boulevard Victor-Hugo. Il semble cependant difficile de dire si l'immeuble actuel est dû à un profond remaniement de l'ancien bâtiment ou à sa reconstruction totale.
La recherche a fourni très peu d'éléments sur l'histoire du bâtiment dont seules les façades sont connues. Elle a inversement fourni beaucoup d'éléments sur l'histoire des hôteliers qui s'y sont succédés (propriétaires du fonds).
Cependant, leurs réseaux familiaux très conséquents (plusieurs générations d'hôteliers sur plusieurs pays), ne seront qu' évoqués ici, afin de se concentrer sur l'histoire de l'hôtel.
LE TERRAIN ET LA CONSTRUCTION (1867-1868)
Le 3 avril 1867, Joseph Durante (1), ancien serrurier, et Antoine Brun (2), marchand boucher, achètent au Bureau de Bienfaisance et Œuvre de la Miséricorde de Nice, une parcelle de terrain située "à l’angle de l’avenue du Prince-Impérial et du boulevard de Ceinture" (AM, 2T 27-225).
Ce terrain est situé dans un nouveau quartier en plein développement, entre la gare de chemin de fer et la place Masséna. Il est proche de plusieurs édifices religieux édifiés sur le boulevard de Ceinture (Eglise russe ou Temple grec, 1858-1860 ; Temple allemand, 1865-1866 et bientôt Temple écossais, 1868-1869) et sur l'avenue du Prince-Impérial (Eglise Notre-Dame de Nice en construction depuis 1864 et ouverte au culte dès 1868).
Le 18 septembre 1867, Joseph Durante demande l’autorisation municipale de bâtir une maison sur ce terrain (arrêté du 1er octobre 1867, AM, 2T 25-332).
L'immeuble d'angle doit être constitué de deux façades identiques composées d'un rez-de-chaussée et de quatre étages alignant chacun 9 baies rectangulaires. Une porte est prévue au centre du rez-de-chaussée et deux balcons latéraux symétriques doivent souligner deux des fenêtres des deuxième et troisième étages de chacune des façades.
Les travaux sont rapidement engagés. Côté avenue du Prince-Impérial (actuelle avenue Jean-Médecin), le chantier est accosté d'un bâtiment également en construction (jusqu'à l'angle de la rue Adélaïde), face au nouvel l'Hospice de la Charité (érigé vers 1854-1858 à l'emplacement de l'actuel Centre commercial Nice-Etoile).
Côté nord-ouest, le chantier confronte le jardin de la Maison de Vincent Roux qui se construit en 1867-1868 sur la rue Adélaïde (actuelle rue Paul-Déroulède).
Côté boulevard de Ceinture ou d'Enceinte (actuel boulevard Victor-Hugo), le chantier (futur n°2) est accosté d'un terrain nu (futur n° 4), d'un bâtiment oblique existant depuis les années 1850 et empiétant sur le boulevard (futur n° 6) puis d'un bâtiment en construction, le futur Hôtel Paradis de Joseph Féraud (au n° 8).
Huit mois plus tard, le 20 juin 1868, la maison Durante et Brun est déclarée complètement édifiée par les deux hommes (AM, 2T 27-225). Les travaux intérieurs se poursuivent alors que le bâtiment est destiné à être entièrement occupé par l'Hôtel des Îles Britanniques géré par Maurice Rosnoblet.
LA GÉRANCE DE MAURICE ROSNOBLET (Dès 1868)
L’Hôtel des Îles Britanniques, ouvre en octobre 1868.
Les noms de l’hôtel et de son directeur ne sont
pas cités dans l’Annuaire niçois de 1869 (Annuaire des Alpes-Maritimes) mais sont précisés dès le Journal
de Nice du 28 janvier 1869.
"L’Hôtel" ou le "Grand Hôtel des Îles-Britanniques" est également signalé en 1869, "avenue du
Prince-Impérial" et "boulevard d'Enceinte" ou "boulevard Longchamp" (nouveau nom du boulevard), dans le Guide Baedeker de l’Italie
septentrionale (p 127), le Guide Murray, France (p 546), le Nice-Guide
de Léo Watripon (p 87 et appendice publicitaire) et le Guide Gsell-Fels, Sud-Frankreïch
(p 273).
L’hôtel et son directeur sont ensuite régulièrement cités dans les annuaires niçois (listes des professions et des habitants), les journaux et les guides de voyage des années 1870, l’avenue du Prince-Impérial étant cependant renommée, "avenue de la Gare", dès septembre 1870 (chute du Second-Empire).
Maurice Rosnoblet est né le 1er avril 1816 à
Amancy (Haute-Savoie). Il est l’un des huit enfants d’André dit Grasset
Rosnoblet (Amancy 27 novembre 1786 - Amancy 28 septembre 1850) et de Marguerite Roch (La Roche-sur-Foron 22 mai 1786 - Arenthon 21 février 1857), cultivateurs.
La carrière de Maurice Rosnoblet reste inconnue jusqu’en 1857. Il a cependant deux frères aînés qui travaillent dans le milieu de la restauration et de l'hôtellerie, l'un à Amancy, dans leur commune natale, et l'autre à Paris.
En 1857, Maurice Rosnoblet est maître d’hôtel à Paris et domicilié au 194, rue de Rivoli (rue du 1er arrondissement où sont installés de nombreux hôtels renommés mais aucun à ce numéro).
Âgé de 40 ans, il épouse dans cette ville, le 12 mars 1857 à la mairie du 1er arrondissement, Hélène Antoinette Marie Beck, gouvernante, proche de ses 23 ans (née le 31 mars 1834 à Mutzig, Bas-Rhin).
Le couple va avoir 5 enfants :
- Marie Félix Antoinette Rosnoblet qui naît le 16 août 1857 à Marseille (lors d'un séjour de sa mère seule) ;
- Charles Maurice Achille Rosnoblet, le 12 novembre 1860 à Paris (1er arrondissement) ;
- Marguerite Edmond Elisa Rosnoblet, le 5 mars 1862 à Paris (1er arrondissement) mais qui décède à la même adresse le 23 avril 1862, à l'âge d'un mois et demi ;
- Marie Louise Alexandrine Rosnoblet, le 19 avril 1866 à Monaco ;
- Jeanne Marguerite Augustine Rosnoblet, le 4 septembre 1868 à Menton.
Les lieux évoqués dans les actes de naissance, Paris, Monaco et Menton, résument la
carrière de Maurice Rosnoblet avant son implantation à Nice.
Il semble qu’il ait quitté Paris avec sa famille vers 1862-1863 pour
s’établir à Menton. L'édition de 1865 de l’ouvrage d’Alexandre Lubanski,
Guide aux Stations d’Hiver du Littoral Méditerranéen (préfacé en juillet 1864 ; pp LIV et LVII),
révèle qu’il y tient, "l’Hôtel des Îles-Britanniques au quartier Garavan : Cet
établissement, ayant changé de propriétaire, est nouvellement et fraîchement décoré".
L'été 1864, lors de deux mariages monégasques où il est témoin, Maurice Rosnoblet est cependant dit "gérant" et "directeur de l'Hôtel de Paris" de Monaco (au Casino de Monte-Carlo).
Il est probable qu'il dirige les deux établissements. En avril 1866, l’acte de naissance de sa fille Marie Louise Alexandrine à Monaco rappelle qu'il est directeur de l'Hôtel de Paris et domicilié à Monaco mais en septembre 1868, l'acte de naissance de sa fille Jeanne Marguerite Augustine à Menton le dit maître d'hôtel, domicilié à Menton.
Fin 1868, Maurice Rosnoblet ouvre l'Hôtel des
Îles-Britanniques de Nice et n'en conserve pas moins l’hôtel mentonnais éponyme.
Ce nom de "Grand Hôtel des Îles-Britanniques" est répandu au XIX° siècle en France et en Italie. Les plus anciens (dès les années 1820-1830) semblent être ceux de Paris (rue de la Paix) et de Rome (piazza del Popolo) mais il en existe ensuite à Florence et Naples (dès les années 1840-1850) puis à Cannes (Alpes-Maritimes) (tenu en 1865 par Maurice Christin au 22, route de Fréjus), San Remo (Ligurie) (boulevard de l'Impératrice, vers 1885, tenu par P. Marini) mais aussi à La Bourboule (Puy-de-Dôme) (Grand Hôtel F. Bellon, vers 1885, tenu par Donneaud, près de l’Etablissement thermal),..
NOTES
(1) Famille Joseph Durante
Joseph Durante est l'un des deux enfants connus de Jules Alexandre Durante (né à Nice le 25 février 1764) et de Marie Thérèse Charlotte Imbert (née à Nice le 11 février 1772) qui se sont mariés à Nice le 20 janvier 1788.
Joseph Durante est né à Nice entre 1788 et 1800, s'est marié dans cette ville le 9 novembre 1822 avec Françoise Arnaud (date et lieu de naissance inconnus), et y a exercé le métier de serrurier. Le couple semble avoir eu au moins un enfant, Louis Durante (né à Nice le 14 janvier 1829).
En 1867, au moment de l'achat du terrain et de la demande de construction, Joseph Durante a environ 70 ans, ne travaille plus et est domicilié au 5, rue de l'Arc. Après 1868, il semble cependant quitter Nice, avec son épouse.
Le 14 septembre 1876, leur fils Louis Durante, serrurier, âgé de 47 ans (Nice 14 janvier 1829 - Nice avant 1917), déclare lors de son mariage à Nice avec Claire Laurence Gerbolin, proche de ses 48 ans (Nice le 20 septembre 1828 - Nice 2 mars 1917), que le dernier domicile et la date de décès de ses parents lui sont inconnus.
La question de l'héritage reste posée mais il est probable que son père, Joseph Durante ait, avant son départ de Nice, revendu ses parts de l'Hôtel des Îles-Britanniques à la famille Brun. Le nom de Louis Durante (qui n'aura pas d'enfant) n'apparaîtra pas dans les documents relatifs à l'hôtel.
(2) Famille Antoine Brun
En 1867, au moment de l'achat du terrain et de la demande de construction, Antoine Brun a 41 ans et exerce avec son épouse le métier de marchand boucher, rue de la Boucherie.
Il est probable qu'il soit parent par alliance avec Joseph Durante ; leur degré de parenté n'a pu être précisé mais deux mariages entre des fils Brun et des filles Durante ont été célébrés à Nice en 1854 et 1860.
Antoine Brun est né à Nice le 12 février 1826. Il est l'un des six enfants (5 garçons et une fille) de Charles Brun (né à Nice à la fin du XVIII° siècle) et de Pauline Marie Rose Roux (Nice 17 août 1801 - Nice 3 décembre 1838) qui se sont mariés à Cimiez le 30 juillet 1822 et ont exercé le métier de fromagers.
Antoine Brun s'est marié le 12 novembre 1848 avec Antoinette/Antonia Bagnaro (Nice 4 septembre 1825 - Nice 26 juin 1879, boulevard Longchamp, Maison Brun). Le couple a eu 6 enfants (4 garçons et 2 filles), tous nés à Nice entre 1849 et 1859, et baptisés, pour les quatre premiers à l'église Saint-Jacques, et pour les deux derniers à Sainte-Réparate (ce qui induit un changement de domicile).
Veuf et propriétaire, Antoine Brun décèdera à Nice, au 9 rue Delille, le 31 octobre 1881, à l'âge de 55 ans. Ce sont ses enfants qui gèreront désormais le bâtiment du Grand Hôtel des Îles-Britanniques :
- Charles Fortuné Brun (Nice le 5 septembre 1849 - ?) dont la suite de la vie et la date de décès restent inconnues ;
- Jean Baptiste César Brun (né à Nice le 7 avril 1851 - Nice après 1900/avant 1935), marchand boucher, marié à l'âge de 27 ans, à Nice le 29 novembre 1877, à Elisabeth Joséphine Mars, sans profession, 22 ans (Nice 15 juin 1855 - Nice 20 juin 1935, au 35, rue de la Buffa) ;
- Louis Charles Brun (Nice 29 juillet 1852 - Nice 13 août 1853), décédé à l'âge d'un an ;
- Madeleine Antoinette Brun (Nice 3 décembre 1853 - Nice 13 septembre 1933 au 80, rue du Maréchal-Joffre), sans profession, mariée à Nice, à 21 ans le 19 avril 1875, avec André Antoine Ferran, maître d'hôtel, 24 ans (Nice 7 septembre 1850 - Nice 4 janvier 1925, au 6, Montée de l'Olivetto) ;
- Charles François Brun (Nice 1er février 1856 - Nice après 1903), propriétaire, marié à 26 ans, le 4 janvier 1883, à Nice avec Marie Augustine Delphine Anne Mayzonnié, 22 ans (Nice 18 avril 1860 - Nice 23 novembre 1931 au 67, chemin de la Bornala). Le couple a divorcé le 29 juin 1896 ;
- Joséphine Françoise Brun (Nice 3 juillet 1859 - Nice 10 janvier 1940, domiciliée 18, boulevard du Righi), 21 ans, sans profession, mariée à Nice le 21 février 1881, avec Antoine Marie/Marius Ange Maccario/Macari, horloger-bijoutier, 29 ans (Nice 11 janvier 1852 - Nice 15 février 1917 au 4, rue Dante).
Le couple a eu au moins deux enfants :
Albert Antoine Maccario (Nice 19 octobre 1883 - Nice 4 décembre 1963), marié à Nice, le 18 juin 1921, dessinateur (domicilié au 26, rue d'Angleterre), 37 ans, avec Lucie Martine Trucchi, sans profession, 38 ans (née le 30 janvier 1883 à Nice) ;
Gabrielle Jeanne Louise Maccario (née le 27 septembre 1891 à Nice), sans profession, mariée à Nice le 18 mai 1911, à 19 ans, avec Paul Henri Vasseur, employé de commerce, 27 ans (né le 10 octobre 1884 à Lille, Nord). Le couple a divorcé le 18 janvier 1922.