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FRANÇOIS OUVIÈRE (1807-1867)
François Marie Jean Baptiste Crescent Ouvière est né à Livorno (Toscane) le 29 juin 1807. Il est le fils cadet de Jean Baptiste Ouvière, négociant et de son épouse Suzanne Long.
Au début des années 1810, la famille est domiciliée en France, à Aix-en-Provence (le père y décède le 5 novembre 1815) et par la suite à La Ciotat.
François Ouvière suit une formation d'ingénieur civil à l'Ecole Nationale des Ponts-et-Chaussées de Paris. Il devient ensuite entrepreneur de travaux publics à Marseille. Il se marie le 16 février 1841 dans cette ville, âgé de 33 ans, avec Julie Baptiste Toussaint Teissere, 22 ans (née à Marseille le 31 octobre 1818).
Au début des années 1850, François Ouvière travaille à la construction du chemin de fer d'Espagne et est fait chevalier par Ferdinand VII.
Passionné d'astronomie, il met au point, au milieu des années 1850, à son domicile marseillais du 17, place de la Liberté (1er arrondissement), un instrument permettant de donner une idée générale et complète de notre système solaire, le "Cosmographe", qu'il présente pour la première fois, avec le Comité local de Marseille, à l'Exposition Universelle de Paris de 1855,
LE COSMOGRAPHE
Voici quelques extraits du livret de présentation de François Ouvière, Cosmographe - Observatoire vraiment populaire - Orientateur fixe et précis des lignes, des plans et des mouvements célestes, pour un point donné quelconque de la sphère terrestre, Paris, Victor Dalmont, Editeur, 1855 (Image 2) :
"Composé de deux cercles principaux qui se coupent à angles droits et de quelques axes ou verges de direction, le tout fixe, en fonte, fer et cuivre, supporté par un piédestal en pierre.
Il a pour objet de remplacer en un lieu quelconque, déterminé de la terre, pour toutes les études élémentaires (...), tous les instruments d'astronomie. Notre appareil dirige l'œil de l'observateur (...). Susceptible d'être établi dans de grandes proportions, comme un monument sur une place publique ; en dimensions moindres, dans un jardin, sur une terrasse (...) ; notre Cosmographe constitue à lui seul un observatoire complet (...).
Que faut-il ? Quelques coups d'œil attentifs jetés (...) sur le ciel, à l'aide du Cosmographe ; quelques courtes explications ; la lecture des indications écrites sur les verges et les plans de notre instrument, dont l'inclinaison varie nécessairement, selon la latitude du lieu de son installation. Quelle ville, quelle ville maritime surtout, quel collège, quelle communauté, quel particulier même (...), ne serait jaloux de se procurer de pareils avantages !
Nous avons sollicité vivement (...) l'autorisation de l'exposer en 1855, à l'extérieur de ce palais [jardin sud du Palais de l'Industrie, à l'est de la rotonde du Panorama], dans sa situation et ses dimensions normales [pour place publique], en plein air, en face du ciel et des astres (...).
Il n'y a qu'à lire cette inscription "axe du monde" [autour duquel la terre tourne réellement sur elle-même, de l'ouest, à l'est, en vingt-quatre heures] sur la longue verge en fer de notre Cosmographe et l'oeil (...) perçoit immédiatement la projection des pôles dans le ciel, ainsi que les mouvements apparents de tous les astres du firmament (...).
Un observateur quelconque n'a qu'à placer de manière que son rayon visuel effleure la grande plaque ou Cercle vertical qui porte cette inscription : "plan du méridien", soit à la surface de gauche, soit à celle de droite, et son rayon visuel se prolonge jusqu'aux Astres qui, à ce moment, passent dans le Méridien du lieu où se fait l'Observation.
[Avec] le plan du cercle qui porte cette inscription : "plan de l'équateur céleste", notre Cosmographe indique d'un coup d'œil (...), à tout instant de la nuit (...) cette grande série d'étoiles qui forment l'équateur céleste et qui divisent l'univers en deux hémisphères, boréal et austral, ou nord et sud (...).
La plaque du "plan de l'équateur céleste" - Au moment de l'équinoxe de printemps (21 mars) et de l'équinoxe d'automne (23 septembre), le soleil se projette dans les deux signes équinoxiaux (...). Au moment du solstice d'été (22 juin) et du solstice d'hiver (22 décembre), le soleil se projette dans les deux signes du Cancer et du Capricorne.
Gnomonique - Notre appareil est le plus simple, le plus exact et le plus complet des cadrans solaires".
LE SUCCÈS DU COSMOGRAPHE
François Ouvière dépose, le 29 septembre 1859, le brevet de 15 ans de son "Cosmographe orientateur" et déménage la même année au 26, rue Dieudé (Marseille, 6ème arrondissement).
Le Messager du Midi du 21 août 1860 rappelle que "Beaucoup d'établissements d'enseignement secondaire ou même supérieur se sont déjà procurés le cosmographe, dont M. Ouvière a, du reste établi, plusieurs modèles, depuis ceux qui conviennent aux places publiques et aux grandes institutions jusqu'à ceux que l'on peut placer dans un cabinet de physique ou même tout simplement sur la pendule d'une cheminée".
Le 31 juillet 1861, François Ouvière adresse une lettre au Président de l'Académie des Sciences pour mettre son œuvre sous la protection de l'Institut Impérial de France et demander l'autorisation d'installer un Cosmographe perfectionné au milieu de la grande cour intérieure du palais de l'Institut :
"Déjà, sur le rapport de Monsieur le recteur de l’Académie et sur le rapport de M.M. les professeurs de la Faculté des Sciences, la ville de Montpellier a placé ce petit monument au milieu de la grande et belle place de l’Esplanade ; Marseille en a élevé un semblable sur la grande place Saint-Michel ; la Faculté des Sciences et la presse de Bordeaux sollicitent, en ce moment, l’installation de ce monument sur une des places publiques de la ville de Bordeaux ; plusieurs Lycées impériaux, plusieurs Facultés des Sciences, plusieurs établissements d’instructions, etc, ont adopté le cosmographe.
Tous les Bulletins Scientifiques de Paris ont fait l’éloge de cet instrument d’utilité et d’instruction publique bien constatées. Quelques écrivains ont examiné le cosmographe aux points de vue de moralisation publique, de progrès social".
A la suite de cette lettre il présente, à la séance de l'Académie des Sciences du 5 août 1861, son "cosmographe portatif populaire et peu coûteux" (Le Constitutionnel du 6 août 1861 p 2).
Henri Garcet, dans ses Leçons nouvelles de Cosmographie (éditions de 1861 et de 1866 pp 449-450), présente à nouveau le Cosmographe et fait le point sur ceux qui ont été installés. "Le premier grand modèle a été donné par M. Ouvière, au lycée Napoléon, à Paris, et installé par lui dans l'une des cours de son établissement. Un autre orne la terrasse du petit collège de Vanves (annexe du du lycée Louis-le-Grand) [lycée du Prince Impérial].
En outre, l'appareil a été adopté par plusieurs villes du midi de la France, notamment par Montpellier , Sorèze, Aix, Vannes, Nice, Nîmes, Draguignan, etc. Il est installé sur une place publique [passage ajouté dans l'édition de 1866].
Enfin, M. Ouvière a réduit le Cosmographe en un petit modèle, mobile autour d'un axe horizontal, et que chacun peut orienter et disposer suivant la latitude du lieu d'observation. On peut trouver [examiner] ces charmants appareils chez M. Lamotte-Lafleur, éditeur, 88, rue Saint-Martin".
En 1864, François Ouvière publie la communication suivante dans la revue Les Mondes (n° 15, décembre 1864, pp 610-611) : "Vous apprendrez avec plaisir que je viens de placer quatre nouveaux grands et élégants cosmographes publics, du grand modèle perfectionné, tout bronzés, dorés et sur piédestal dorique, en pierre finement taillée, et entourés d'une grille (...) au milieu des plus belles places publiques de Nîmes (Gard), de Sorèze (Tarn), d'Aix (Bouches-du-Rhône) et de Draguignan (Var)".
Si l'on récapitule les cosmographes cités au XIX° siècle, ainsi que ceux listés dans des recherches effectuées aux XX° et XXI° siècles, et notamment celles de Jean-Michel Faidit (Communication à l'Académie de Nîmes de 2021), il y ceux érigés à :
- Paris, 1855, donné par son auteur suite à l'Exposition Universelle, installé sur la place du Lycée Louis-le-Grand et Napoléon, monument de 6 m de haut (conservé dans l'actuel lycée Henri IV) ;
- Vanves, date (? - avant 1864), au milieu du Parc du Lycée Impérial (actuel lycée Michelet), monument de 6 m de haut (conservé) ;
- Montpellier, 1860, sur la grande Esplanade (de la Plaine), monument de 6 m de haut (conservé sur une stèle placée à l'entrée de l'Ecole Nationale d'Agriculture) ; Le Messager de Nice du 25 mai et du 24 juin et du 21 août 1860 ;
- Marseille, 1861, place Saint-Michel (place Jean-Jaurès) ; La Gironde du 28 juin 1861 p 3 ;
- Paris, Institut Impérial (projet non réalisé ?) ;
- Nîmes, 1863, Esplanade (actuellement au Planétarium du Mont- Duplan) ;
- Sorèze, 1864, jardins de l'Abbaye-Ecole (conservé) ;
- Aix-en-Provence, 1864 ;
- Draguignan, 1864 ; un instrument de petites dimensions est conservé au Musée des Beaux-Arts de la ville ;
- Bordeaux, 1865, terrasse du Jardin-des-Plantes (?) ; souhaité dès 1861, Actes de l'Académie Nationale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, 1861, vol. 23, pp 110-111.
- Nice, 1865, sur la Promenade des Anglais ;
- Vannes, avant 1866 ;
- Avignon, date (?), place de l'Horloge (déplacé au Rocher des Doms ; disparu suite à des travaux en 1970).
Il semble qua la plupart des Cosmographes aient été installés dans la première moitié des années 1860. Ne sont listés ci-dessus que ceux installés en France mais il y a eu des instruments installés à l'étranger, chacun étant dressé selon la latitude de la ville.
Plusieurs Cosmographes ont été acquis suite à des Expositions ou Concours Agricoles et Industriels, ainsi à Montpellier (Exposition industrielle de 1860), Nîmes (médaille vermeil à l'Exposition de l'Industrie de 1863), à Draguignan (médaille d'or à l'Exposition de 1864) ou encore à Nice (médaille d'or au Concours Régional de 1865).
LE COSMOGRAPHE DE NICE
Dès 1861, Le Messager de Nice relaye le souhait de voir installer un exemplaire du cosmographe de François Ouvière, sur la terrasse du Château ou à l'extrémité du quai du Midi, mais cette demande n'est pas exaucée (Le Messager de Nice du 11 novembre 1861 pp 2-3).
Le Cosmographe est, par la suite, présenté au Concours Régional qui se tient à Nice, du 11 avril au 15 mai 1865, dans et autour des locaux de l'ancienne Gare provisoire de chemin de fer de la place des Phocéens.
Le Cosmographe est installé du côté occidental du tout récent Pont Napoléon III, sur la terrasse du grand escalier menant à la mer situé à l'extrémité de la Promenade des Anglais, face au Jardin public. Son achat par la ville est souhaité dès son installation (Journal de Nice du 27 avril 1865).
L'instrument de précision (6ème classe) de François Ouvière, récompensé par une médaille d'or de 1ère classe au Concours en mai 1865, semble être acquis par la municipalité puis installé à demeure au même emplacement. Il est l'un des derniers grands Cosmographes installés sur une place publique.
Le monument niçois, entouré d'une grille circulaire, fait environ 3, 80 m de haut. Il est constitué du Cosmographe (env. 1, 80 m) qui repose sur une piédestal dorique de section carrée, surélevé par un socle.
Par la suite, le Journal de Nice publie régulièrement des lettres de François Ouvière incitant à l'utilisation du Cosmographe niçois lors d'évènements astronomiques, passage de Jupiter, équinoxes... (voir notamment, Journal de Nice des 19 août et 23 septembre 1866 et du 23 mars 1867).
Au Congrès Scientifique d'Aix (Bouches-du-Rhône), François Ouvière présente, le 18 décembre 1866, l'usage et l'utilité du Cosmographe, évoque son installation dans 12 villes, les neuf récompenses civiques déjà obtenues et appelle à la propagation de son œuvre d'utilité générale (Journal de Nice du 16 janvier 1867).
François Ouvière décède cependant à son domicile marseillais le 17 mai 1867. L'exploitation de son instrument (en concurrence avec d'autres modèles), ne semble pas lui survivre.
De nombreuses photographies du Pont Napoléon III ou Pont des Anges, de la Promenade des Anglais et du Jardin public ou Nouveaux jardins, témoignent du Cosmographe niçois tout au long du XIX° siècle mais ce sont des vues d'ensemble qui le montrent généralement de loin : vues prises depuis les étages de la Maison Donaudy (place puis square des Phocéens), la terrasse de l'Hôtel des Anglais (place du Jardin public), la terrasse ou la plage du quai du Midi (Image 5).
Les photographies les plus anciennes connues sont celles prises par Jean Andrieu, Charles Nègre et Miguel Aleo & Alphonse Davanne qui datent des années 1865-66 (Image 4).
En 1877, Frédéric Zurcher dans un article sur le Cosmographe paru dans La Nature du 8 septembre (n° 223, pp 225-226) cite les exemplaires de Montpellier, Marseille, Draguignan et Nice, avec une vue de ce dernier (Image 6) :
"Des inscriptions en relief font connaître les noms des différentes parties du cosmographe. Le socle du petit monument porte une série de renseignements astronomiques intéressants, qui complètent les connaissances acquises à l'aide de l'instrument".
Le Cosmographe est ensuite présent dans les clichés qui capturent le Premier (1882-83) puis le Deuxième Casino de la Jetée-Promenade (1889-1944).
Les photographies rapprochées conservées (cartes postales des Editions Giletta, M.T.I.L., Léon & Levy, Levy & Neurdein réunis, B.F./Catala et E.L.D./Tairraz) datent pour la plupart du premier quart du XX° siècle et préfèrent l'appellation de "Méridien" à celle de "Cosmographe" (Image 7).
A ce jour, j'ignore à quelle date le Cosmographe niçois a disparu (1929 ?). Des cartes postales le montrant ont encore circulé juste après la Seconde Guerre Mondiale mais elles semblent avoir été éditées antérieurement.