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dimanche 4 février 2024

1331-MONACO, LA GARE DE LA CONDAMINE (Histoire et Représentations)-1

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- Photographie attribuée à DAVANNE Alphonse (1824-1912), Vue du Rocher de Monaco, vers 1863,
vue nord-sud, tirage albuminé de 15,2x20,8 cm, sur carton de 22x30,6 cm,
Los Angeles, J. Paul Getty Museum, ici.

Une telle vue pourrait être datée entre l'automne 1857 (date de début du premier séjour d'Alphonse Davanne) et l'été 1867 (date d'occupation du site par la gare). Cependant, sur le Rocher, dans les Jardins du Palais, on remarque deux des quatre palmiers de Bordighiera, transplantés en 1863 (Journal de Monaco du 18 octobre 1863). En bord de mer, l'Etablissement de Bains apparaît uniquement doublé d'un bâtiment du côté oriental, ce qui réduit la période de datation entre 1863 et 1864.


MONACO, LA CONDAMINE : 

HISTOIRE ET REPRÉSENTATIONS DU QUARTIER DE LA GARE (1860-1890)



MONACO, LA GARE DE LA CONDAMINE (1867-1870)


Les Textes

L'aménagement du site de la Gare de la Condamine, sur un plateau légèrement incliné au nord et en contrebas du Rocher de la Principauté, est entrepris à partir de juin 1867. Les travaux de déboisement puis de nivellement durent plusieurs mois. 

Fin août, on apprend que "la gare de Monaco commence à s'élever sur ses fondements" (Journal de Monaco du 25 août 1867). 

Fin octobre, des bateaux débarquent sur le quai du port les matériaux nécessaires à sa construction : "La semaine prochaine, on creusera les fondements de la gare de Monaco ; les terrains où elle doit s'élever sont tout fait déblayés" (Journal de Monaco du 27 octobre 1867). 

Le 26 décembre 1867, plusieurs membres influents de la Compagnie des Chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée arrivent par train spécial "à la gare de Monaco dont la construction touche à sa fin" (Journal de Monaco du 29/12/67). Cette affirmation semble cependant exagérée. Si certaines des constructions, notamment en planches, peuvent avoir été bâties en près de deux mois, il n'est pas possible que ce soit le cas pour l'ensemble des bâtiments. 

Ces derniers ne sont d'ailleurs décrits qu'à la fin du mois de juin 1868 : "A l'entrée de la station de Monaco s'élève un bâtiment destiné à servir de remise aux voitures du Prince ; plus loin sont les quais, l'un couvert, l'autre découvert ; puis un pavillon très coquet, construit en briques de Saint Henri. Près de là se trouvent l'abri et le bâtiment destinés aux voyageurs. A ce bâtiment, on a annexé un salon réservé à S.A.S. Cette construction est en belles pierres de Beaucaire" (Journal de Monaco du 21 juin 1868).

En l'attente de l'ouverture de la voie ferrée permettant d'atteindre la Gare de Monte-Carlo, un bâtiment provisoire en bois est construit à la Condamine en septembre 1868. Il a pour but d'accueillir les voyageurs, avant de les acheminer vers le Casino grâce à des omnibus tirés par des chevaux : "On construit, à côté de la station de la ville, une gare provisoire en bois, très grande et très confortable et qui permettra d’attendre patiemment" (Journal de Monaco du 21 septembre 1868).

Après la circulation de quelques trains spéciaux au cours de l'année 1868, la Gare de La Condamine reçoit officiellement ses premiers voyageurs le 19 octobre 1868. 

En février 1869, à l'occasion d'une description de l'ensemble de la ligne Nice-Monaco, la remarque suivante est cependant émise : "Nous descendons dans une gare qui ne fait guère honneur à la Principauté. Ma pazienza, comme on dit en Italie, ce n’est qu’une gare provisoire !" (Journal de Monaco 21 février 1869).


Les Images

En dehors d'une vue d'Alphonse Davanne ou de Miguel Aleo datant vers 1860 (Collection privée), les plus anciennes photographies de La Condamine consultées (Collections publiques et privées nationales et internationales) datent au plus tôt de 1863 et révèlent un site entièrement boisé d'orangers, de citronniers et d'oliviers, comme les vues stéréoscopiques de Jean Andrieu (n° 564, début 1863, Collection privée) ou la vue d'Alphonse Davanne datant de la fin de l'année 1863 (Image 1 en tête d'article). D'autres vues semblables s'échelonnent de 1864 à 1867.

La première photographie montrant l'aménagement des lieux, prise par Miguel Aleo (Image 2 ci-dessous), ne révèle que l'extrémité occidentale du site, en partie déboisé et nivelé, avec la présence de deux cabanes au pied du Rocher. 

Le flanc oriental du Rocher apparaît amputé d'une petite partie de sa base, le long du chemin qui contourne la partie boisée et aboutit à la Place d'Armes (futur boulevard Charles III, dénommé ainsi par ordonnance princière du 4 juillet 1876). 

Cette photographie fait partie d'un album acheté le "11 janvier 1869" mais semble dater de l'extrême fin de l'année 1867 (Image 2 ci-dessous).


2- ALEO Miguel (1824-c.1900), Monaco, fin 1867,
vue nord-sud extraite de l'Album, Nice Et Les Environs,
acquis par Nellie L. Spencer, "Nice - 11 th Jan. 1869",
à la Librairie Etrangère, place du Jardin Public, 
où les vues ont été déposées à partir de janvier 1868,
tirage albuminé de 14,2x9,2 cm, Collection personnelle.

Le site de la future gare apparaît déboisé et nivelé mais le cadrage ne permet pas 
de voir la zone de construction, située plus au nord (à gauche de l'image).



La deuxième vue, une estampe de Deroy (Image 3 ci-dessous), montre une vision des bâtiments de la Gare (face à la mer) qui correspond à la description du Journal de Monaco du 21 juin 1868, avec du nord au sud : le pavillon de briques (guichets, bureaux et logements) ; une suite de trois bâtiments en U dont deux grands bâtiments en bois destinés aux voyageurs et aux marchandises, accompagnés du Salon en pierre du Prince de Monaco ; et enfin un grand hangar occidental dévolu à l'entretien et à la réparation des machines et des matériels

La remise destinée aux voitures du Prince est probablement ce bâtiment bas, visible au sud du local technique dans la parcelle boisée conservée au pied du Rocher (entre le chemin qui longe la Gare et le chemin parallèle qui partage la parcelle boisée en deux, future rue de la Colle, dénommée ainsi par ordonnance princière du 9 novembre 1877). 

Sur le flanc occidental du Rocher, une seule cabane est présente et sur le flanc oriental la base rocheuse n'apparaît pas particulièrement amputée.

Cette image ne peut pas être antérieure à fin 1868 car le bâtiment provisoire en bois de la Gare de La Condamine et le viaduc de Sainte-Dévote y sont présents mais elle pourrait tout aussi bien dater des deux ou trois années suivantes. 

Cependant, la terrasse du Tir aux Pigeons de Monte-Carlo est déjà visible (érigée entre août 1869 et novembre 1871) mais pas encore renforcée d'arcades aveugles (1871), ce qui induit une date vers 1870 (Image 3 ci-dessous).


3- DEROY (Père [Isidore 1797-1886] ou Fils [Auguste 1825-1906] ?), dessinateur et graveur, Vue générale de Monaco, prise de la gare de chemin de fer, vers 1870,
vue nord-ouest/sud-est extraite de la Collection de Vinck, 
Un siècle d'histoire de France par l'estampe1770-1870, édition non datée, 
Paris, BnF, Gallica.

Cette estampe peut être datée vers 1870 car elle montre, à Monte-Carlo, en contrebas du Casino, la terrasse hémicirculaire du Tir aux Pigeons (érigée entre août 1869 et novembre 1871) mais pas encore renforcée d'arcades aveugles (1871).

Noter également la voie rectiligne de l'avenue de la Gare qui va du sud de la Gare jusqu'à l'Etablissement de Bains situé en bord de mer. Cette avenue, réalisée en 1867-68, porte le nom de "avenue de la Gare" dès 1868 mais n'est officiellement dénommée ainsi que par ordonnance princière du 4 juillet 1876).
 


D'autres photographies font d'ailleurs échos aux caractéristiques de cette estampe, comme une vue panoramique de Jean Walburg de Bray (Image 4 ci-dessous) ou encore une vue anonyme (L'Obs, juillet 2023, ici).


4- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Monaco, Vue générale de la Principauté, détail, vers 1870,
vue nord-ouest/sud-est, tirage albuminé de 14,9x9,3 cm, Collection personnelle.



D'autres estampes semblent également dater des premières années de la Gare (vers 1868-1870), malgré leur édition postérieure, comme l'estampe parue dans L'Illustration du 27 janvier 1872 (pp 56-57, réalisée par Auguste Deroy d'après S. Melton, ici) ou l'estampe de l'hebdomadaire russe Illustration Mondiale parue en 1874 (gravée par Lavrenti Seriakov d'après un dessin de Rezanov, ici). 

Certaines d'entre elles présentent cependant des incohérences du fait de l'absence de bâtiments attestés à cette période, tant à la Condamine qu'à Monte-Carlo, comme une estampe d'Auguste Deroy (éditée dans Le Magasin Pittoresque de 1874 p 381, ici).



LA GARE DE LA CONDAMINE (1870-1875)


Les Textes

Le Journal de Monaco du 7 juin 1870, annonce que la Compagnie de Paris à Lyon et à la Méditerranée (P.L.M.) "a décidé la démolition d’une partie des bâtiments actuels de la gare dont les dimensions sont beaucoup trop exiguës. La nouvelle construction, plus vaste et mieux disposée sous tous les rapports, sera plus en harmonie avec les besoins de notre ville. Les ouvriers mettront la main à l’œuvre sous peu".

Du fait des évènements de 1870 et 1871, la reconstruction de la gare est cependant repoussée pendant près de deux ans et ce n'est qu'à partir d'avril 1872 qu'elle est annoncée pour l'été (Journal de Monaco des 30 avril, 02 mai, 25 juin et 09 juillet 1872). 

Mi-août les travaux, envisagés pour "quelques mois" (Journal de Monaco du 13 août 1872), commencent par la démolition de l'ancienne gare provisoire en planches (bâtiments des voyageurs et des marchandises).

Cette démolition dure plusieurs semaines : "Dans quelques jours, l'élégante bâtisse qui doit la remplacer sortira du sol, et notre ville sera dotée enfin d'un bâtiment en harmonie avec ses besoins. L'ancienne construction était non-seulement désagréable à l’œil mais elle se trouvait encore, depuis quelque temps, tout-à-fait insuffisante, par suite de l'augmentation du nombre des voyageurs, et de l'importance qu'a prise le trafic des marchandises" (Journal de Monaco du 10 septembre 1872). 

Etrangement, les travaux se voient ensuite stoppés pendant près de six mois. 

En juin 1873, le chantier de reconstruction de la gare semble reprendre, alors que se termine l'ouverture de la rue (entamée en 1867) qui va de la Gare de Monaco au vallon de Sainte Dévote (future rue Grimaldi, dénommée ainsi par ordonnance princière du 4 juillet 1876).

"Les travaux d'agrandissement de notre gare, retardés pour des causes que nous ignorons, ont pris à cette heure un développement qui fait supposer que leur achèvement aura lieu dans un temps assez rapproché. L'ensemble du bâtiment, une fois terminé, offrira un charmant coup d'œil. Nous apprenons, d'autre part, que la Compagnie du chemin de fer a cédé à des particuliers les terrains qui bordent l'avenue de la gare, et que de coquettes villas s'y élèveront sous peu" (Journal de Monaco du 24 juin 1873).

"Nous avons dit, il y a quelque temps, que les travaux de reconstruction de notre gare étaient commencés. Nous apprenons aujourd'hui, qu'après leur achèvement qui aura lieu à la fin de l'été, on transformera en square toute la partie occupée actuellement par le bâtiment provisoire en bois" (Journal de Monaco du 22 juillet 1873). 

Cette dernière phrase révèle que le bâtiment provisoire en planches, démonté en août et septembre 1872 pour laisser place au chantier du bâtiment définitif, perdure en l'attente de la livraison de ce dernier, à un autre emplacement de la Gare.

Les travaux entrepris se continuent cependant à l'automne : "Une partie des membres du conseil d'administration de la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée, en tournée d'inspection sur toute la ligne pour l'amélioration du service, a passé la journée de dimanche à Monaco. Ces hauts administrateurs ont assuré que les travaux d'agrandissement de notre gare seraient promptement achevés" (Journal de Monaco du 28 octobre 1873).

Ces propos sont cependant démentis par un nouvel article publié au début du printemps 1874 : "Le nouveau bâtiment de la gare de Monaco sera prochainement livré au public. Les ouvriers mettent la dernière main au travaux complémentaires, après quoi, la baraque en bois actuelle sera démolie, et remplacée par des jardins" (Journal de Monaco du 7 avril 1874).

La construction du nouveau bâtiment de la Gare a duré environ 10 mois (entre juin 1873 et avril 1874).



Les Images

La première photographie à montrer la Gare dégagée de son ancien bâtiment provisoire central en planches (démonté en août et septembre 1872) est celle d'Eugène Degand (Image 5 ci-dessous).
 
La présence de ce même bâtiment remonté plus au nord et l'absence du chantier du nouveau bâtiment (entamé en juin 1873) impliquent une prise de vue datant au plus tôt de septembre 1872. 

L'image révèle également à l'extrémité sud de la parcelle boisée, la présence d'une nouvelle maison accostée d'une dépendance, toutes deux érigées en 1871 ou 1872 (Image 5 ci-dessous).


5- DEGAND Eugène, Vue de Monaco et Monte-Carlo, fin 1872-début 1873,
vue nord-ouest/sud-est, tirage albuminé de 21,8x14,7 cm, Collection personnelle.

Une vue identique est présente dans l'Album Nice et ses Environs
vue 35, Paris, BnF, Gallica.




Des vues stéréoscopiques semblables à l'image précédente sont présentes dans la série Bords de la Méditerranée d'Etienne Neurdein (fin 1872, Collection privée), ainsi que dans la série Vues de France de Lévy & Cie (1873) (Vienne, Autriche, Albertina Museum, ici). 

Un dessin de T. Taylor, Monaco, Vue prise au bas de la Tête de Chien, s'inspirera par la suite de l'une des vues d'Etienne Neurdein de 1872 (estampe gravée par Ch. Barbant parue dès 1877 dans les éditions successives de l'ouvrage d'Elisée Reclus, Nouvelle Géographie Universelle, La Terre et les Hommes T II, La France, Hachette & Cie).

Une vue contemporaine est présente dans un petit Album de Monaco photolithographique, édité vers 1875 (Collection personnelle, ici).

Une photographie d'Alphonse Davanne montre cette fois le nouveau bâtiment de la Gare en cours de travaux mais manifestement en fin de construction (fin 1873-début 1874) (Image 6 ci-dessous).

Cette vue révèle également la présence de trois nouvelles maisons au centre de la parcelle boisée, probablement érigées à partir du printemps 1873 (une moyenne de 8 mois étant constatée à cette époque pour la réalisation du gros œuvre des maisons). 


6- DAVANNE Alphonse (1824-1912), Vue du Rocher de Monaco, fin 1873-début 1874,
vue nord-ouest/sud-est, tirage albuminé de 22x14 cm, Collection personnelle.

Il existe également des vues stéréoscopiques semblables du lieu signées d'Aleo & Davanne.

La présence d'Alphonse Davanne est attestée à Nice dès fin octobre 1873 (Les Echos de Nice, Listes des Étrangers des 30 octobre, 6 et 20 novembre 1873). Lors de la séance du 5 juin 1874 de la Société Française de Photographie, Alphonse Davanne montre d'ailleurs ses épreuves réalisées l'hiver précédent, et notamment celles de Monaco (Bulletin de la Société Française de Photographie, 1874, vol. 20, n° 6, pp 157-160).




Une vue de Jean Walburg de Bray montre désormais le nouveau bâtiment achevé (après avril 1874) mais encore en présence du bâtiment en planches ; ce dernier n'a donc pas laissé place à des jardins, contrairement à ce qui avait été annoncé (Journal de Monaco du 4 avril 1874) (Image 7 ci-dessous)

Une vue contemporaine est incluse dans le Recueil, Italie du Nord, Autriche, France (vue 58, Paris, BnF, Gallica).


7- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Monaco, Vue générale de la Principauté, printemps ou été 1874,
vue nord-ouest/sud-est extraite de l'Album, Principauté de Monaco,
tirage albuminé de 14,9x9,3 cm, Collection personnelle.

Une vue identique est présente dans l'Annuaire de la Principauté de Monaco de 1878,
 Amsterdam, Rijksmuseum, ici



Les maisons vont désormais se multiplier au sud de la parcelle boisée. Une vue d'Alfredo Noack montre le chantier de l'une d'entre elles, au second semestre 1874 (Image 8 ci-dessous). 


8- NOACK Alfredo (1833-1895), 3494. Monaco, été ou automne 1874,
vue nord-sud, tirage albuminé de 33,5x27,5 cm, Collection privée.

 Le numéro inscrit dans le négatif (3494.) identifie le lieu et n'est en aucun cas un indice chronologique.



La maison en construction de l'image précédente, se révèle achevée sur une nouvelle vue de Jean Walburg de Bray. Le bâtiment provisoire du côté nord y est, par ailleurs, toujours debout. Enfin, dans la parcelle boisée, la petit maison située entre deux bâtiments hauts est désormais précédée d'une dépendance.

Cette vue peut être datée du tout début de l'année 1875 (Image 9 ci-dessous).


9- DE BRAY Jean Walburg (1839-1901), Monaco, Vue générale de la Principauté, début 1875,
vue nord-ouest/sud-est extraite de l'Album, Principauté de Monaco,
tirage albuminé de 14,9x9,3 cm, Collection personnelle.


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