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jeudi 7 février 2019

986-ALBUM DE JEAN WALBURG DE BRAY, "PRINCIPAUTÉ DE MONACO", VERS 1875






DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 08/02/2024




PRÉSENTATION

Voici un petit album anonyme et non daté, au format à l'italienne, qui présente en couverture, sur fond de percaline bleue, un titre, "Principauté de Monaco", et les armoiries correspondantes en lettres dorées. 

Il mesure 20,2 x 13,9 x 0,9 cm et est constitué de 12 pages en accordéon (Leporello) de 19 x 12,6 cm, recevant chacune un tirage albuminé de 14,9x9,3 cm. 

Quatre des vues sont consacrées à Monaco, les huit autres concernant le Casino de Monte-Carlo et ses jardins.

La pâleur des photographies a contraint à retoucher chacune d'entre elles, tant au niveau du contraste que de la netteté.












































ESSAI DE DATATION

L'ensemble des prises de vue de Monaco et Monte-Carlo semble :

- postérieur à 1868, du fait de la présence de la Gare de Monaco (érigée fin 1867-début 1868) dans la Vue Générale de la Principauté (ligne Nice-Monaco ouverte le 19 octobre 1868) et de la présence du "Café Divan" (ouvert début 1868 puis renommé avant 1870, "Café de Paris") dans la vue de la Façade (nord) du Casino de Monte-Carlo (à gauche de la photo, face à l'Hôtel de Paris), 

- postérieur à 1869, du fait de la vue de la Façade (nord) du Casino (modifiée l'été 1869), de la vue de la nouvelle façade de l'Eglise Sainte-Dévote (chapelle restaurée dès l'été 1870 et inaugurée le 25 janvier 1871) et de la présence du "Tir aux Pigeons" du Casino de Monte-Carlo (en travaux dès 1869 et ouvert en novembre 1871) dans la Vue générale de la Principauté et dans la Vue prise de Saint Martin,

- mais antérieur à la réalisation des travaux du Casino entrepris en 1878 (absence de l'Opéra, de son dôme et de ses tours d'entrée - façade sud - et absence du kiosque à musique - terrasse sud).

Les photographies, qui semblent former un ensemble homogène, peuvent donc être datées entre 1871 et 1878. 



VUE GÉNÉRALE DE LA PRINCIPAUTÉ

Au premier plan de
la Vue générale de la Principauté, se remarque la gare de la Condamine. L'étude de ses bâtiments, ainsi que des maisons du bosquet sud attenant, peut permettre de dater plus précisément l'album étudié.







De nombreuses vues anciennes du Rocher de Monaco (estampes et photographies) permettent en effet de suivre l'évolution de ce lieu.

Sur la photographie étudiée, le grand bâtiment en planches de la gare été démoli (en août et septembre 1872) et reconstruit plus à l'est, libérant l'espace central où le nouveau bâtiment, érigé entre juillet 1873 et avril 1874, apparaît achevé.

Cette vue date donc au plus tôt du printemps 1874. Cependant, l'absence d'une maison qui sera construite dans la parcelle boisée proche de la gare pendant l'été ou l'automne 1874, réduit la période de datation de la vue étudiée au printemps ou à l'été 1874.


- Détail de la vue de l'album étudié, intitulée, Vue générale de la Principauté, 1874.




VUE DU JARDIN DU CASINO

Une autre photographie de l'album étudié, intitulée, Jardin du Casino de Monte-Carlo, montre un pavillon élégant dont l'histoire peut être retracée.






Ce pavillon a été conçu pour la participation de la Principauté de Monaco à l'Exposition Universelle de Vienne de 1873.

"Son Excellence le Baron de Schwarz-Seaborn [Directeur Général de l'Exposition], a accordé dans le parc du Palais de l'Exposition un vaste emplacement où sera édifié un chalet au fronton duquel on verra inscrit le nom de Monaco. C'est dans cette gracieuse construction que se trouveront réunies toutes les provenances de la Principauté [produits agricoles et industriels]." (Journal de Monaco du 21 janvier 1873).

"Le pavillon destiné à l'exposition de la Principauté de Monaco à Vienne, est aujourd'hui achevé et presque complètement mis en place. Il a été construit à Paris dans les ateliers de la compagnie Franco-Suisse, sous la direction de M. Ernest Janty, architecte inspecteur des travaux des Tuileries et du Louvre. La décoration intérieure a été confiée à des artistes d'une valeur reconnue." (Journal de Monaco du 22 avril 1873).


- Estampe du Pavillon de Monaco à L'Exposition Universelle de Vienne, été 1873.


"Exposition de Vienne - Nous entrons maintenant dans le kiosque provenant du pays qui a donné naissance à ces plantes. Cela se reconnaît à la présence des fleurs aimées du soleil qui en ornent l'entrée ; à la forme des statues antiques qui la décorent, et au style de la maison elle-même. Un large escalier abrité par une véranda, nous conduit à une galerie supportée par des colonnes. Deux charmantes têtes de femme nous sourient. Après avoir jeté un rapide coup d’œil au parquet fait en mosaïque de briques émaillées, nous entrons dans l'unique pièce du Chalet. Au milieu s'élève un socle en marbre noir dont les côtés sont ornés de médaillons en marbre de Carrare représentant les quatre saisons. Le buste également en marbre, du Souverain surmonte ce socle. De tous côtés, nous apercevons, établies sur des étagères d'ébène, les productions industrielles de cette heureuse contrée." (Journal de Monaco du 17 juin 1873).

En 1874, ce pavillon est remonté dans les jardins du Casino de Monte-Carlo, du côté oriental. 

"On a entrepris, depuis quelques jours, les excavations nécessaires à l'édification dans les jardins de Monte Carlo, du chalet où étaient placés les produits de la Principauté à l'exposition de Vienne. Cette construction élégante se trouvera en contrebas de la salle mauresque, et en façade sur le chemin cimenté qui conduit du Casino à, la gare de Monte Carlo." (Journal de Monaco du 10 février 1874).

"Le pavillon où étaient exposés les produits de la Principauté à l'exposition universelle de Vienne est, à cette heure, presque entièrement réédifié au milieu des jardins de Monte Carlo. Ce pavillon, très coquet de forme, est destiné à recevoir les œuvres d'art et les produits artistiques qui ont valu onze récompenses à notre pays." (Journal de Monaco du 16 juin 1874).

"On lit dans le Chroniqueur : (...) les jardins du Casino considérablement agrandis, présentent un coup d’œil charmant, surtout vus du perron de l'établissement. L'an passé, il n'y avait qu'une partie de ces jardins terminée, les terrains à droite de la route qui conduit à Menton étaient en contre-bas et nécessitaient de grands travaux de terrassement. Tout est nivelé aujourd'hui, les allées sont plantées d'arbres rares, d'agaves, de cactus, de toute la flore d'Afrique : on ne dirait jamais que ce jardin n'était qu'à l'état de landes il y a six mois à peine, et, comme dit le proverbe, il faut l'avoir vu pour le croire (...) Le pavillon si élégant qui faisait l'admiration des dames de Pesth et des aimables Viennoises a été réédifié ici tel qu'il était." (Journal de Monaco du 15 décembre 1874).

La vue étudiée n'est donc pas antérieure à l'été 1874 et vient confirmer la datation de la vue précédente.

Précisons que le pavillon de Vienne ne restera à l'emplacement cité que pendant six ans. Du fait de la construction, par Charles Garnier, d'un nouveau salon à l'est de la Salle Mauresque du Casino de Monte-Carlo, ce pavillon sera en effet démonté mi-juillet 1880. Il sera par la suite remonté (avant avril 1881), à l'ouest du Rocher, dans les jardins de St-Martin (près de la Casemate), afin de servir de musée (Journal de Monaco des 11 mai, 22 juin et 20 juillet 1880 et du 19 avril 1881).



L'AUTEUR

De nombreux photographes des années 1860-1870 se sont intéressés aux vues de Monaco et Monte-Carlo (paysages et monuments) et parmi eux, Alphonse Davanne (1824-1912), Miguel Aléo (1824- vers 1900), Alfred Noack (1833-1895), Eugène Degand (1829-1911) et Jean Walburg de Bray (1839-1901).

Ce dernier est le photographe officiel du Prince Charles III de Monaco (1818-1889), souverain de 1856 à 1889. Jean Walburg de Bray a réalisé au moins trois albums consacrés à Monaco et Monte-Carlo vers 1868 et deux albums en 1873 (le Palais du Prince puis la Cathédrale avant sa démolition) et de nombreuses vues panoramiques (voir sur Gallica quelques vues de Monaco [vers 1873] dans un album daté de février 1876). L'album étudié est-il de lui ?

Des photographies semblables à celles de l'album étudié existent avec des variations dans le format (Cdv, cartes Cabinet, photos stéréoscopiques, formats panoramiques, grands formats), le moment de prise de vue (à quelques minutes d'écart) ou le cadrage (tirage). Si toutes ces vues sont généralement anonymes et sans date, certaines d'entre elles apparaissent cependant dans des albums de Jean Walburg de Bray puis, après 1880, dans ceux de Jean Giletta qui a racheté une partie de son fonds, permettant ainsi d'identifier son auteur.

L'album, composé de vues de 1874, a pu être édité dans le milieu des années 1870 (vers 1875).


- UNSIGER Charles (1823-191), Le Tir aux Pigeons et le Casino de Monte-Carlo, vers 1877,
estampe extraite de l'ouvrage de REVOIL Bénédict Henry (1816-1882), Monaco et Monte-Carlo,
Deuxième Edition, Paris, E. Dentu Éditeur, 1879 p 258.