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samedi 20 juin 2015

377-L'OEUVRE DE GABRIEL OROZCO (ARTISTE MEXICAIN, NÉ EN 1962)-1





- Portrait de Gabriel Orozco par le photographe Enrique Badulescu, 2010.


Cet article est une synthèse de nombreux éléments pris sur Internet mais surtout tirés des articles du catalogue de
 la rétrospective Gabriel Orozco du Centre Pompidou en 2010.


Gabriel Orozco est un plasticien mexicain, né en 1962, à Jalapa. Fils d'un peintre muraliste engagé, il fait ses études d'art à Mexico (1981-1984) puis à Madrid (1986-1987). Peu valorisé dans son pays, il se fait connaître internationalement dès le début des années 90 (1992-1993). Une grande rétrospective Gabriel Orozco a lieu en 2009-2011 avec une exposition qui est présentée successivement au MoMA de New York, au Kunstmuseum de Bâle, au Centre Georges Pompidou de Paris et à la Tate Modern de Londres, avec un contenu variable et une scénographie différente. 
Suite à une résidence de création au Japon, une exposition lui est consacrée de janvier à mai 2015 au Musée d'Art Contemporain de Tokyo et, cet été, à la Galerie Marian Goodman de Londres. En France, il faut noter, d'avril 2014 à décembre 2016, les commandes de la Région Centre-Val de Loire, avec les expositions de Gabriel Orozco au Château de Chaumont/Loire.






VOIR LA VIDÉO (3 MN 03) DE PRÉSENTATION DE
 L'EXPOSITION GABRIEL OROZCO AU CENTRE POMPIDOU (15/09/2010-30/01/2011)


Gabriel Orozco rejette l'idée d'un art spécifiquement mexicain au profit d'une oeuvre contemporaine à volonté universelle. Il se définit lui-même comme un voyageur sans atelier fixe, vivant entre le Mexique (surtout), les USA et la France, s'inspirant des lieux qu'il traverse, des moments vécus, des espaces où il expose et des matériaux rencontrés. "Ayant abandonné mon atelier, je suis devenu un consommateur de tout ce qui se présente et un producteur de ce qui existe déjà" (conférence, 2001).


PRÉSENTATION CHRONOLOGIQUE DES OEUVRES (1975-1995)


 - OROZCO Gabriel (né en 1962), Saturn, 1975,
pastel sur papier, 33,5x47,5 cm, Collection de l'artiste.

- OROZCO Gabriel (né en 1962), Organic Composition, étude, 1983,
mine de plomb sur papier, 10x17 cm, Collection de l'artiste.


  - OROZCO Gabriel (né en 1962), Chapel, 1989,
tête d'éléphant empaillée et troncs d'arbre, dimensions variables,
installation temporaire, Mexico, exposition de 1989,
 au Museo del Ex-Convento del Desierto de los Leones.
Installation hybride positionnant dans l'ancienne chapelle une tête animale accrochée comme un crucifix
 au-dessus de troncs sur le sol, évoquant par leur forme, texture et couleur le corps de l'éléphant morcelé.


Gabriel Orozco utilise une grande diversité de médiums, dessin, peinture, sculpture, photographie (instantanés mettant à jour un concept et traces photographiques d'intervention), vidéo, création numérique, architecture, et use, notamment en sculpture, d'échelles variées, allant de l'oeuvre infime à l'oeuvre monumentale. La diversité de ses pratiques et l'hétérogénéité apparente de ses œuvres ne masque pas la grande cohérence de sa démarche qui en fait l'un des grands artistes actuels.
Fasciné par l'infiniment petit et l'infiniment grand (l'atome,le cosmos), il s'intéresse aux lois de la physique et, en particulier, aux lois de la matière en mouvement (combinaison, croissance, transformation, déplacement, expansion) et aux traces et empreintes physiques et symboliques du temps sur la matière. "Je m'intéresse beaucoup au début des choses, ce qui commence ou se développe, ou ce qui prend une direction" (entretien, 1998).
Dès les années 1980, il est en quête d'une géométrie abstraite qui se manifeste dans ses œuvres notamment par la présence de cercles concentriques, d'ellipses et de sphères (dès 1991) qu'il mélange aux matières organiques, aux objets et aux matières industrielles (assemblages dès 1986).

Intéressé par l'invisible, l'imperceptible, l'instant, l'éphémère, le vide apparent, l'absence, Gabriel Orozco cherche à faire voir autrement le réel et brouille les frontières tant entre l'environnement quotidien et l'oeuvre d'art, qu'entre les sphères publiques et privées, les différentes époques et cultures, le physique (naturel) et le mental (culturel), les mathématiques et le hasard, le volume (3D) et l'image (2D) ou encore les matières organiques et industrielles. 

Adepte de toute matière et de toute technique, il affirme son goût pour les matériaux pauvres, les choses trouvées et les objets et matériaux recyclés. Il s'intéresse aussi bien à l'humain (échelle de son propre corps comme module, trace du geste, empreinte de la main, présence de l'oeil, crâne), à l'animal (photos d'animaux vivants, travail avec des animaux naturalisés, des squelettes), au végétal (feuilles, branches et troncs d'arbres, légumes et fruits, notamment les oranges), au minéral (pierres, briques), qu'aux objets et matières industrielles (produits de supermarché, boîtes, moyens de transport, jeux, tables...). 


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Recaptured nature, 1990,
caoutchouc vulcanisé, l'une des trois versions, 94,93x94,93x94,93 cm, SFMOMA.
Ce ballon géant gonflé (et dégonflable), constitué de chambres à air de camion, récupérées et marquées par leur usage, affirme sa présence et sa matérialité de contenant sphérique, prêt au mouvement. L'objet qui reste identifiable a été modifié, tout en conservant en partie sa fonctionnalité d'origine.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), My Hands Are My Heart, 1991,
deux épreuves argentiques à blanchiment de colorants, 23,2x31,8 cm chacune, édition de 5.
L'artiste comprime et moule un bloc d'argile rouge, devant sa poitrine nue, exposant ensuite le résultat qui forme un cœur marqué des empreintes des doigts.

- OROZCO Gabriel (né en 1962), My Hands Are My Heart, 1991,
terre cuite, 15,2x10,2x15,2 cm, Collection de l'artiste.
Boule d'argile façonnée en forme de cœur par les mains de l'artiste, exposée sur un étal de marché, en écho au diptyque photographique révélant son processus d'élaboration.


 - OROZCO Gabriel (né en 1962), Crazy Tourist, 1991,
épreuve couleur chromogène, 57,2x71,1 cm, édition de 5, New York, Marian Goodman Gallery.
Photo d'un marché vide avec les tables géométriques s'étageant dans l'espace, ponctuées de plus par le dépôt d'oranges réalisé par l'artiste.

- OROZCO Gabriel (né en 1962), Extension of Reflection, 1992,
épreuve couleur chromogène, 57,2x71,1 cm, édition de 5, 
New York, Marian Goodman Gallery.

QUELQUES ÉLÉMENTS D'ANALYSE DE CETTE OEUVRE  
- l'oeuvre est un agrandissement d'une photographie couleur réalisée par l'artiste ;
- cette photographie, prise en plongée, est la trace d'une intervention de l'artiste (absent de la photo) en milieu urbain, dans un lieu banal et quotidien (rue, parking), après la pluie ;
- cette intervention physique a été réalisée à l'aide d'une bicyclette (absente de la photo) ;
- cette intervention peut être déduite des empreintes humides de pneus de bicyclette, du fait de la traversée successive de deux des trois flaques d'eau visibles, sur le sol sec ;
- ces empreintes sur le sol sont les traces graphiques (comme des dessins au compas sur une feuille ou une toile) de passages répétitifs, circulaires et aléatoires qui dessinent les cernes multiples d'un grand cercle, accosté du cercle d'une plaque d'égout et des surfaces des flaques à la géométrie moins régulière ;
- ces flaques d'eau forment des surfaces miroirs reflétant une palissade, la silhouette d'arbres et le ciel gris bleu nuagé de blanc (en écho aux gris et blancs du sol) ;
- la photo garde trace d'une intervention éphémère et disparue (les empreintes et les flaques ont séché) ;
- cette intervention s'est déroulée dans l'espace (lieu) et le temps (passages successifs) nécessaires au déroulement des mouvements circulaires ;
les empreintes circulaires et planes (pneus) s'opposent à la perspective géométrique du sol et à celles des reflets ;
- comme l'indique le titre de l'oeuvre, le passage des roues a étendu la flaque d'eau ("extension") et la possibilité de reflet ("reflection") ;
- cette intervention minime sur le sol goudronné vide permet de renvoyer aux flaques luisantes (microcosmes) qui elles mêmes reflètent le ciel (macrocosme) ; 
- ce renvoi de l'infiniment petit (mouvements en rond du corps en vélo) à l'infiniment grand (ciel) se retrouve également dans les traces de pneu et les cercles (plaque d'égout, flaques) qui peuvent évoquer la mécanique spatiale et notamment l'orbite de planètes ou de satellites ;
- la "reflection" renvoie donc, au-delà du sens "reflet", au sens "réflexion" car le geste simple dans un lieu quotidien traduit ici une pensée scientifique et une vision philosophique du monde.


 - OROZCO Gabriel (né en 1962), Cats and Watermelons, 1992,
épreuve couleur chromogène, 40,5x50,8 cm, édition de 5, New York, Marian Goodman Gallery.
Intervention éphémère, insolite et humoristique réalisée dans un rayon de supermarché et conservée par la trace photographique. Des boîtes industrielles d'aliments pour chats se superposent à des pastèques, leur servant de chapeau. L'artiste intervient directement dans le monde réel et quotidien pour mettre en scène tout à la fois des éléments en 3D et en 2D (volume cylindrique de la caisse en carton, volume ellipsoïdal de la pastèque, volume cylindrique des boîtes, étiquette s'adaptant au cylindre) qui renvoient au végétal, à l'animal et à l'industriel,


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Yielding Stone, 1992,
environ 35,6x43,2x43,2 cm, Collection de l'artiste,
Boule de plasticine grise (pâte à modeler non durcissante) que l'artiste a fait rouler dans les rues et qui a gardé l'empreinte des textures rencontrées et agrégé de nombreux débris, graviers et poussières.
La boule exposée est soumise au toucher des visiteurs, garde leur empreinte et s'additionne progressivement des poussières du musée. L'oeuvre révèle ainsi son processus de fabrication et détourne l'usage traditionnel du modelage (réservée aux esquisses et mise en forme).


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Breath on Piano, 1993,
épreuve argentique à blanchiment de colorants, 40,6x50,8 cm, édition de 5, New York, Marian Goodman Gallery.
La photographie enregistre le familier, les effets de matière, le mouvement et l'éphémère : le souffle humain (faible bruit) laisse une fine buée peu visible et très éphémère sur la surface laquée du piano (au fort son potentiel) qui change un instant d'apparence. Tout renvoie à l'humain, intérieur, objet, souffle, sans la présence de son corps.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Home Run, 1993,
oranges, dimensions variables, installation temporaire pour le MoMA de New York.
Seul un cartel présent dans le musée renvoie à l'oeuvre positionnée dans l'espace urbain ; l'artiste a demandé aux habitants de l'immeuble d'en face, durant le temps de l'exposition, de positionner chaque matin, des oranges (livrées chaque semaine par le musée) sur le bord de leur fenêtre.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Pinched Ball, 1993,
épreuve argentique à blanchiment de colorants, 40,6x50,8 cm, édition de 5, New York, Marian Goodman Gallery.
L'artiste photographie un ballon dégonflé (sphère devenue ovoïde), usé par sa mise en mouvement (récupéré), avec une grille de motifs graphiques déformée ; il contient une flaque d'eau qui s'adapte à sa déformation.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Island Within an Island, 1993,
épreuve argentique à blanchiment de colorants, 40,6x50,8 cm, édition de 5.
L'artiste garde une trace photographique d'une installation urbaine in situ, réalisée avec des débris trouvés sur place. Cette installation devant un muret et proche d'une flaque d'eau, imite la ligne des immeubles urbains sur fond de ciel, à proximité de l'océan. Par cette mise en abyme, l'artiste affirme sa démarche déduite du lieu et des matériaux trouvés, son goût pour les interventions éphémères, la mise en scène photographique (point de vue et trace) et enfin la confrontation microcosme/macrocosme. L'installation crée un double du réel mais en avant de ce dernier (près/loin) et la perspective géométrique donne les mêmes dimensions à la maquette qu'aux architectures.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), La DS, 1993,
Citroën DS modifiée, 140,1x482,5x115,1cm, Paris, Collection FNAC.
oeuvre créée pour la France ; voiture française emblématique des Trente Glorieuses, coupée en trois parties dans le sens de la longueur et réassemblée sans le tiers central et le moteur.
Le spectateur pouvait, à l'origine, monter dans l'oeuvre et faire l'expérience du nouvel espace proposé.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Four Bicycles (There Is Always One Direction), 1993,
4 bicyclettes, 198,1x223,5x223,5 cm, Collection Carlos et Rosa de la Cruz.
Oeuvre créée pour la Hollande ; objets emblématiques du pays, les bicyclettes, délestées de leur guidon et de leur selle, sont emboîtées les unes dans les autres et forment un tout sans soudure reposant sur une unique béquille. 4 bicyclettes comme 4 points cardinaux avec un seul centre.


 - OROZCO Gabriel (né en 1962), Yogurt Caps, 1994,
4 couvercles de yaourts de 7,9 cm de diamètre chacun,
installation à la Marian Goodman Gallery de New York.
Les spectateurs découvrent avec surprise une salle vide. Après observation, cette salle est juste ponctuée d'un cercle transparent (couvercle de pot de yaourt avec étiquette de prix et tampon de date de péremption mais sans le pot de plastique ni le laitage) au rebord bleuté, positionné à hauteur de la bouche sur chacun des 4 murs, comme les 4 points cardinaux. L'espace vide de la pièce fait partie de l'oeuvre, de la même façon que les spectateurs qui tournent dans la pièce pour voir tour à tour les 4 couvercles, sans jamais pouvoir les embrasser tous du regard.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Elevator, 1994,
cabine d'ascenseur modifiée, 243,8x243,8x152,4 cm, The Dakis Joannou Colection.
La cabine d'ascenseur est à peine identifiable retirée de sa gangue habituelle et rendant visibles l'ensemble de ses faces.
La cabine sciée en 3 parties horizontales est amputée de sa partie centrale et adaptée à la taille de l'artiste. Le spectateur fait l'expérience du nouvel espace immobile mais ressent le mouvement de la cabine du fait du souvenir de l'usage.



- OROZCO Gabriel (né en 1962), Dog Circle, 1995,
photographie couleur, 32,7x47,3 cm, New York, Marian Goodman Gallery.
L'artiste photographie des petits-riens de la vie ordinaire qui prennent valeur de symboles
de la vie même ; ici le demi-cercle tracé par la queue en mouvement (floue) d'un chien dans le sable.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Until You Find Another Yellow Schwalbe, 1995,
quarante épreuves chromogènes, 31,6x47,3 cm chacune, Londres, Tate Modern.
Les photographies montrent, après la Chute du Mur (1989), des couples et un trio de scooters emblématiques de l'Est berlinois des années 60, circulant dans l'Allemagne réunifiée. L'artiste, qui roule en scooter cherche son semblable dans Berlin et les photographie côte à côte durant 2 mois, laissant une invitation au propriétaire de l'autre véhicule sur un parking à la date d'anniversaire de la réunification allemande (3 octobre) ; 2 seulement viendront d'où le trio de Schwalbe sur la 40éme photo. Les photos gardent tracent des déplacements dans la ville et des rencontres fortuites. Les photos des véhicules immobiles tournés vers la droite, prises dans différents endroits, donnent cependant par leur présentation séquentielle la vision du pivotement des scooters.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Horses Running Endlessly, 1995,
bois, 8,7x87,5x87,5 cm, l'une des 3 versions, New York, MoMA,.
Jeu d'échecs agrandi (x4), de 256 cases, avec uniquement des cavaliers de quatre couleurs différentes (au lieu de 2), évoquant la potentialité de leur déplacement circulaire (règle du jeu) et non répétitif sur le damier et leur course infinie.


- OROZCO Gabriel (né en 1962), Parking Lot, 1995,
installation à la galerie Micheline Szwajcer, Anvers.
Face au problème de stationnement dans la rue de la galerie, l'artiste décide de transformer, le temps de l'exposition, la galerie en parking gratuit (places pour 7 ou 8 véhicules) avec pancarte et guichet, se contentant d'exposer une série de dessins sur les murs. L'espace privé de la galerie devient un espace public, fait entrer l'extérieur à l'intérieur et expose des véhicules à nouveau immobiles.