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mardi 21 octobre 2014

269-LUIGI SERAFINI, "CODEX SERAPHINIANUS", 1981




SERAFINI Luigi (né en 1949), Codex Seraphinianus, 1981, p 62.



Un nouvel article de Martine CHIARAPPA, professeur d'Arts plastiques du Collège Jean Moulin d'Alès (Gard) et partenaire du blog.
Si vous aussi, vous souhaitez devenir partenaire du blog et y publier des articles, merci de me contacter à l'adresse suivante : patin.camus@gmail.com 


VOIR UNE VIDÉO (5 MN 26, 2015) DE PRÉSENTATION DU CODEX SERAPHINIANUS, 1981.



 SERAFINI Luigi (né en 1949), Codex Seraphinianus, 1981, pp 242-243.

 SERAFINI Luigi (né en 1949), Codex Seraphinianus, 1981, pp 278-279.

SERAFINI Luigi (né en 1949), Codex Seraphinianus, 1981, pp 344-345.


Le Codex Seraphinianus, publié en 1981, a été écrit et dessiné dans les années 1970 (près de quatre ans de travail) par l'architecte et artiste italien, Luigi SERAFINI, né en 1949. Le mot "codex" est un mot ancien qui désigne des feuillets assemblés ; cela renvoie aux débuts du livre dont la forme a été inventée au cours du II° siècle avant Jésus-Christ (en Asie-Mineure).


 SERAFINI Luigi (né en 1949), Codex Seraphinianus, 1981, p 15.



Ce codex prend l'allure d'une encyclopédie organisée en plusieurs chapitres qui étudie un univers extra-terrestre inspiré par notre monde. Il traite du vivant (humain, animal, végétal), du minéral et d'une certaine forme de science traitant de l'architecture, des mathématiques et d'autres domaines, comme des costumes ou des jeux. Le tout représente 370 pages écrites dans un alphabet totalement inventé, laissant place à l'imaginaire du lecteur pour inventer l'histoire. Cet alphabet reste non décrypté, même si à ce jour certains s'y essaient encore.
Ce qui fait de ce livre un livre d'art c'est à la fois les illustrations, l'écriture et la mise en page, l'inventivité des formes et des couleurs, la place du texte dans la page et le fantastique qui en émane.


SERAFINI Luigi (né en 1949), Codex Seraphinianus, 1981, p 25.

SERAFINI Luigi (né en 1949), Codex Seraphinianus, 1981, p 77.

SERAFINI Luigi (né en 1949), Codex Seraphinianus, 1981, p 121.

SERAFINI Luigi (né en 1949), Codex Seraphinianus, 1981, p 124.


Étrangetésbizarreries, monstruosités, êtres hybrides, métamorphoses : les créatures imaginaires et fantastiques de ce codex font écho à celles de l'histoire et de l'histoire de l'art qui illustrent nos croyances et nos peurs depuis la nuit des temps. Du VI° siècle avant Jésus-Christ, on peut noter l'hyppalectryon, créature hybride de la Grèce antique. D'autres créatures antérieures pourraient faire l'objet d'une recherche mais il apparaît que nos représentations les plus anciennes témoignent d'un imaginaire propice à inventer des formes sophistiquée afin de « conjurer » ce qui ne pouvait faire l'objet d'un raisonnement.
Il ressort que ces formes fantastiques se créent à partir d'un fond de réalité pour s'en extraire par la fiction. Elles s'inventent au gré des époques et des besoins en relation avec les cultures, légendes et religions (masques chinois, africains...). Les cartographes des XV° et XVI° siècles ne mélangent-ils pas ce qu'ils ont pu observer avec l'évocation de légendes antiques ?


- Hyppalectryon, figurine en terre cuite de Thèbes, vers 575-470 av. J.-C., Paris, Musée du Louvre.
 - Gargouille, sculpture en pierre, église Notre-Dame-de-Paris, XIII° s.


- BOSCH Jérôme (c.1450-c.1516), Triptyque du Jardin des Délices, 1503, détails de l'Enfer, panneau de droite,
huile sur bois, 220x389 cm, Madrid, Musée du Prado.



- LE TESTU Guillaume (c.1510-1573, explorateur et cartographe français, pilote royal du Havre), Cartographie universelle, 1556,
 détails de l'Asie centrale, nord-est de l'Inde, folio 28 v°, premier détail avec Cynocéphale, Blemmye et Sciapodes, et second détail avec Blemmye,
manuscrit enluminé sur papier, 118 pages dont 57 planches, 53x36 cm,
Vincennes, Service historique de la Défense, Bibliothèque D-1-Z.14.


Aujourd'hui, cet imaginaire perdure dans l'art jusque dans les jeux vidéo. A ce titre, Juan Fontcuberta (séries Herbarium, 1984, et  Fauna, 1985-89) ou Wim Delvoye (Atlas, 1999), comme Luigi SERAFINI (Codex, 1981), font partie des artistes qui poursuivent cette tradition mais pas avec les mêmes objectifs.
Il semble loin le temps de l'obscurantisme où chacun priait dans le confessionnal par peur du diable, des mauvais esprits qui faisaient trembler dans les chaumières, encore que... Dans certaines cultures, certaines traditions, la notion de mauvais esprit, de fantômes et autres chimères continuent de sévir et posséder.
Tel n'est pas le souhait de nos deux artistes. Chacun, à leur manière, crée un univers singulier ou le vrai et le faux s'hybrident, se confondent, s'interpénètrent au point où les figures trouvent leur justesse et leur juste place, dans un vitrine, une installation, un livre. Leur genre revisite le réel pour créer des œuvres dont l'objectif est de nous confondre, nous bousculer, nous interroger sur nos représentations, nos aprioris. En adhérant à leur univers, nous partons en voyage le temps d'une lecture ou d'une exposition. N'est-ce pas là aussi l'un des offices de l'art ?


- FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Lavandula angustifolia (Série Herbarium), 1984,
tirage gélatino-argentique. Plante réalisée avec des matériaux pauvres, des déchets, des végétaux et une tête de poulet.


- FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Felix Penatus (Série Fauna, 1985-1989),
 squelette du félin ailé ; vestiges osseux découverts en 1932 dans une caverne du Grand Atlas, Maroc.
- FONTCUBERTA Joan (né en 1955), Aerofantes (éléphants volants), (Série Fauna, 1985-1989),
 couple du Kenya prenant leur vol. Photographie de Claude A. Bromley ( 1941), document dune valeur douteuse.



- DELVOYE Wim (né en 1965), Atlas, 1999,
40 cartes couleur du planisphère physique et géographique
mais avec des déformations, des déplacements, des formes étranges et humoristiques
 (île ci-dessus en forme de chaussure) et 2715 noms inventés (continents, mers, pays, villes ...).