dimanche 20 avril 2025

1385-LES PREMIERS PHOTOGRAPHES DE BOULOGNE/MER (1839-1861)


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- The Boulogne Gazette du 29 mai 1849 p 3,
Paris, BnF (Gallica).



INTRODUCTION


Voici les résultats d'une recherche basée sur les recensements de Boulogne-sur-Mer (1841, 1846, 1851, 1856 et 1861), ainsi que les journaux, bulletins, revues, annuaires, ouvrages et registres d'état civil de cette même période. Une liste de neuf noms seulement a pu être établie entre 1839 et 1861 dont sept sont déjà connus. 

Le premier daguerréotypeur de passage (parisien) n'est cité qu'en 1849 (Image 1) mais il est très probable que d'autres l'aient précédé. Le premier daguerréotypeur à s'installer dans la ville (parisien) n'est pour sa part cité qu'en 1851, même si cette date paraît tardive (3 ans après l'ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Amiens-Boulogne).

Plusieurs habitants de Boulogne-sur-Mer semblent se former à la photographie au début des années 1850 au plus tard mais il est difficile d'en préciser la date exacte car ils exercent parallèlement une autre profession qui reste longtemps celle qu'ils affichent (professeur de dessin, hôtelier, menuisier). Ainsi, les registres de recensement de la période étudiée ne recèlent-ils qu'une seule fois le terme de "daguerréotypeur" et quatre fois seulement celui de "photographe".

Une même difficulté concerne l'activité des photographes repérés. Se contentent-ils de recherches techniques et artistiques personnelles ? Ouvrent-ils leur atelier au public ? Sont-ils des portraitistes et/ou des paysagistes (Image 2) ? 

Cette méconnaissance est accentuée par le fait que peu de daguerréotypes boulonnais des années 1850 sont conservés de nos jours et que les photographies sur papier, conservées en plus grand nombre, témoignent presque exclusivement des années 1860.

Il faut cependant citer les vues du Port et de la Gare de Boulogne-sur-Mer, réalisées par Edouard Baldus (1813-1889) en 1855.



LISTE DES DAGUERRÉOTYPEURS ET PHOTOGRAPHES 


Identités


- DE MAUNY Louis Frédéric (c.1812, Bayeux, Calvados - Boulogne-sur-Mer, Pas-de-Calais 25 août 1878)

- DEPOILLY ou DE POILLY Edouard François (Abbeville, Somme, 13 juillet 1811 - Boulogne-sur-Mer, Pas-de-Calais, 8 avril 1879)

- GARDNER Philippe (?-?)

- HULEUX Adrien (Boulogne-sur-Mer, Pas-de-Calais, 6 mars 1823 - Boulogne-sur-Mer, Pas-de-Calais, 24 octobre 1881)

- LAMY Adolphe (c.1819-?)

- SABATIER ou SABATIER-BLOT Jean Baptiste (Lassur, Ariège, 31 janvier 1801 - Paris 17ème, 20 octobre 1881)

- SIMONET  ou SIMONET DE CHANGY Charles Constant (Paris c.1795 - Arras, Pas-de-Calais, 1er mai 1864)

- TAILLIEZ Benjamin Paul (Saint-Omer, Pas-de-Calais, 12 octobre 1815 - Boulogne-sur-Mer, Pas-de-Calais, 30 décembre 1882)

- VERNEUIL Auguste Marie (Paris 5ème, 17 août 1812 - Paris 14ème, 25 mai 1904)

 

2- The Boulogne Gazette du 2 juin 1853 p 2,
Paris, BnF (Gallica).

"Notre attention a été attirée, alors que nous marchions dans la rue de l'Écu, par deux belles productions photographiques représentant, l'une, la Cathédrale, et l'autre, le Palais-de-Justice, dans la Haute-Ville, et exposées dans une des fenêtres de la Librairie de M. Watel. Ces deux vues des principaux édifices de notre ville ont été fixées sur papier grâce à un appareil Daguerre amélioré, par deux amateurs de notre ville qui ont consacré leur temps et leur attention à perfectionner la photographie. En ce qui concerne le dessin et la perspective, elles sont, bien sûr, parfaites, et les lumières et les ombres sont bien rendues, bien que ce système d'obtention de vues correctes soit encore dans son enfance ; et nous n'avons aucun doute que, dans peu de temps, par cette découverte, lorsqu'elle sera parfaite, des vues seront obtenues en quelques minutes, égales aux plus beaux dessins lithographiques jamais produits".



Chronologie


- (NOM) : un nom entre parenthèses indique une personne supposée en activité

- NOM : un nom en italique indique la présence temporaire d'un artiste itinérant

- NOM/NOM : un nom séparé d’un autre nom par une barre oblique ou slash indique une cession de l’atelier


- 1839-1841 : 

- 1841-1843 :

- 1844-1846 :

- 1846-1848 :

- 1849 : SABATIER

- 1850 : 

- 1851 : SIMONET - 

- 1852 : SIMONET - 

- 1853 : (DE  POILLY) - (GARDNER) - SIMONET - (TAILLIEZ) - 

- 1854 : DE  POILLY - GARDNER - SIMONET - TAILLIEZ -

- 1855 : DE POILLY - GARDNER - LAMY - SIMONET - TAILLIEZ - (VERNEUIL) -

- 1856 : DE POILLY - GARDNER - LAMY/VERNEUIL - SIMONET - TAILLIEZ -

- 1857 : DE POILLY - GARDNER - SIMONET - TAILLIEZ - VERNEUIL - 

- 1858 : DE POILLY - GARDNER - SIMONET - TAILLIEZ - VERNEUIL - 

- 1859 : DE POILLY - GARDNER - SIMONET - TAILLIEZ - VERNEUIL - 

- 1860 : DE POILLY - GARDNER - SIMONET - TAILLIEZ - VERNEUIL - 

- 1861 : DE MAUNY - DE POILLY - GARDNER - HULEUX -TAILLIEZ - VERNEUIL - 



 ADRESSES DES ATELIERS


Les ateliers sont regroupés dans la Basse-Ville et le canton nord de Boulogne-sur-Mer.


- NOM : un nom en italique indique la présence temporaire d'un artiste itinérant 

- DATE/DATE : deux dates séparées par une barre oblique ou slash indiquent une incertitude


- ÉCU (rue de l' - puis rue Napoléon - actuelle rue Victor Hugo) : 

                             n° 46 - SIMONET (entre 1852/53 et 1854/55)

                             n° 32 - SIMONET (de 1854/55 à 1860)

                             n° 22 - VERNEUIL (1858-1860)

                             n° 32 - VERNEUIL (1860-1861 et au-delà)

                             n° 22 - DE MAUNY (dès 1861 puis quai de la Douane, 24)

- NEUVE CHAUSSÉE (rue - actuelle rue Adolphe Thiers) : 

                             n° 45 - SIMONET (entre 1851 et 1853)

                             n° 26 - TAILLIEZ (1853/55-1861 et au-delà)

- ROYALE (rue - actuelle rue Nationale) : 

                             n° 167 - HULEUX (dès 1860/61 puis rue de la Lampe, 38)

- SIBLEQUIN (rue - partie de l'actuelle rue Faidherbe) : 

                             n° 2 - LAMY (1855-1856)

                             n° 2 - VERNEUIL (1856-1857)

- SIMONEAU (rue) : 

                             n° 15 - SABATIER (1849)

- TANT PERD TANT PAIE (rue - partie de l'actuelle rue Amiral Bruix) : 

                             n° 13 - DE POILLY (1853/55-1861 et au-delà)

- Adresse non retrouvée - GARDNER (1853/54-1861 puis Grande Rue, 62)




samedi 12 avril 2025

1384-"SIMONET", DAGUERRÉOTYPEUR À PARIS ET BOULOGNE-SUR-MER

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS





INTRODUCTION


La recherche de la semaine passée concernait le photographe Louis de Mauny et notamment son atelier de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). A cette occasion, j'ai croisé le nom de plusieurs autres photographes de la même ville. L'un d'entre eux a retenu mon attention, un dénommé "Simonet" dont le nom est rarement cité et dont les prénoms semblent ignorés.

Après quelques recherches, aucune photographie de sa production ne semble connue et la seule mention de sa carrière est celle présente dans l'ouvrage papier de Jean-Marie Voignier :

"Simonet, ph. Boulogne sur Mer (Pas-de-Calais) ; années 1850. Daguerréotype" (Répertoire des Photographes de France au Dix-Neuvième Siècle, Le Pont de Pierre, 1993 p 232). 

Suite à la consultation de sites de Généalogie, un nom et des prénoms semblent rapidement s'imposer. Je les repousse dans un premier temps, avant d'accepter leur évidence. Il s'agit de "Charles Constant Simonet de Changy". 



BIOGRAPHIE


Paris

Charles Constant Simonet de Changy est né, à Paris, au cours de l'été 1795 (acte de naissance non retrouvé). Il est le fils de Jean Baptiste Simonet de Changy et de Marie Louise Jouffret de Changy.

Rien n'est connu de sa jeunesse. Vers 1816, âgé de 21 ans, il se marie, probablement à Paris, avec Aimée Elisabeth Goutelly (Goutilly/Goutelli/Goutel/Gantilly), née vers 1894 (actes de naissance et de mariage non retrouvés).


Saint-Avertin

Le couple part s'installer dans la commune de Saint-Avertin, située dans les environs sud de Tours (Indre-et-Loire).

C'est là que vont naître leurs trois fils mais deux d'entre eux vont malheureusement décéder en bas-âge : François Charles le 22 juillet 1817, Emil Constant (né le 15 juillet 1818 ; décédé à 3 mois et 3 semaines le 6 octobre 1818) et Constant Emil Simonet de Changy (né le 23 décembre 1819 ; décédé à 11 mois et demi le 9 décembre 1820).

Dans ces différents actes d'état civil, Charles Constant Simonet de Changy est uniquement dit "propriétaire en cette commune" (son âge même n'est pas cité).


Paris

Charles Simonet de Changy, son épouse Elisabeth et leur fils François Charles semblent revenir à Paris dans les années 1820 ou 1830. 

En juillet 1837, il se rend à Munich où il est signalé en tant que "marchand, de Paris" (Königlich Bayerischer Polizey-Anzeiger von München - Journal Officiel de la Police Bavaroise de Munich, Liste des Etrangers du 9 au 12 juillet 1837, p 572).

Le 20 novembre 1837, à l'occasion du dépôt de sa demande d'un brevet d'invention pour 15 ans d'un "Système de fonte et d'épuration des graisses, huiles, résines, etc.", son adresse parisienne est précisée rue Notre-Dame-des-Victoires, n° 15 (2ème arrondissement) (Archives historiques de l'INPI), 

En 2013, des chercheurs ont attribué ce brevet à son fils, François Charles Simonet de Changy, étudiant à l'Ecole des Mines de Paris et n'ayant pas encore atteint la majorité lui permettant de déposer le dossier à son nom (ici et ici). 

C'est une hypothèse intéressante, d'autant que François Charles, une fois ingénieur, déposera sous le nom de "Charles de Changy", de nombreux brevets d'invention à Bruxelles (dès 1845) puis à Paris (avec notamment un brevet de "Châssis-presse à reproduction photographique" déposé à Bruxelles et Paris en septembre et octobre 1862). Cependant, ce dernier s'est peut-être dirigé vers cette profession du fait des passions et des qualités de son père.

Charles Constant Simonet de Changy va d'ailleurs déposer à nouveau quelques brevets en ses nom et prénoms, alors que la majorité de son fils est atteinte (en 1838). C'est notamment le cas, le 11 mai 1839, pour un brevet de 5 ans d'un "Nouveau système de transmission de mouvement applicable aux pompes, tours, manèges, etc." (validé le 4 août 1840).

"Ces transmissions consistent en diverses combinaisons, bien connues, de bielles donnant le mouvement à des manivelles coudées et activées par un balancier à pendule". Ce brevet sera cependant déchu par ordonnance du roi du 25 avril 1843, du fait de la réforme globale du droit français des brevets cette année-là.

À ces dates, Charles Constant Simonet de Changy habite désormais dans la commune de Montmartre, près de Paris, place du Théâtre, n° 35 (actuel 18ème arrondissement).

Il semble qu'au tournant des années 1840, Charles Constant et son épouse Elisabeth se séparent. Cette dernière va aller vivre près de Bruxelles (Belgique), à Saint-Josse-ten-Noode (rue de l'Etoile, 9), rejointe, au plus tard en 1845, par son fils François Charles, dès la fin de ses études.


Photographe à Paris

Même si aucun document n'en apporte la preuve, Charles Constant Simonet de Changy se forme, à Paris, au Daguerréotype dès les années 1840, au plus tard à la fin de la décennie. 

Il semble d'ailleurs mener une activité de "photographe" ambulant, sous le seul nom de "Simonet". En juin 1850, son passage et son exposition sont notamment annoncés dans la ville de Lille (Nord).


- Publicité pour le photographe Simonet, parue dans le Journal de Lille des 16 et 22 juin 1850 p 3,
Paris, BnF (Gallica).

L'opticien Alphonse Seratzki de Lille (plus tard cité comme photographe) 
est-il parent de l'opticien Louis Seratzki de Boulogne-sur-Mer ?




Photographe à Boulogne-sur-Mer

Est-ce après un déplacement à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), comme d'autres photographes parisiens avant lui, que "Simonet" décide de s'y établir ? Est-ce parce qu'aucun photographe n'y est encore installé à l'année ? Est-ce pour y vivre plus librement son amour avec une femme de 32 ans plus jeune ? 

Toujours est-il qu'il est cité, avec sa nouvelle compagne, dans le recensement de la ville du printemps 1851, à l'adresse de la rue Neuve Chaussée, 16 : "Simonet Constant, Daguerréotypeur, marié [oui], 50 ans [non, 55 ans] ; Dausquet [Dosquet] Emma, sa femme, mariée [probablement pas], 28 ans [24 ans]"

Marguerite Emma Dosquet est née le 14 mars 1827 à Sarreguemines (Moselle). Elle est la fille de Joseph (dit Victor) Dosquet, tailleur d'habits (1792-1849) et de Charlotte Baumgarten (1798-1873), qui se sont mariés dans cette ville le 2 mai 1826 (Archives Municipales de Sarreguemines, Registres d'état civil).

Entre le printemps 1851 et l'été 1853, "Simonet" déménage ses atelier et domicile, rue de l'Écu, 46. 

Un passage du journal La Lumière du 15 août 1853 le cite ensuite dans la liste des meilleurs auteurs de travaux au Daguerréotype : "... M. Simonet, de Boulogne, pour la plaque".

À la date de parution de cet article, "Simonet" est de nouveau papa depuis peu. L'acte de naissance précise que "Marie Constance Simonet de Changy, fille de Charles Constant Simonet de Changy, ancien négociant, 52 ans [58 ans], et de Emma Marguerite Dosquet, sans profession, 27 ans ", est née le 1er août 1853, rue de l'Écu, 46.

Le 30 mai 1854, il est cette fois évoqué dans un extrait de The Boulogne Gazette : "Nous avons déjà remarqué la splendide collection de M. Simonet [sans plus de détail], qui mérite amplement d'être visitée".

En 1855, le couple attend un nouvel enfant. C'est une fille, Marguerite Simonet de Changy, qui naît le 30 juillet 1855, rue de l'Écu, 32. Ce nouveau numéro d'immeuble implique un déménagement du n° 46 au n° 32 (au seul étage du bâtiment), effectué entre l'été 1851 et l'été 1855. 

Malheureusement, quelques mois plus tard, leur première fille, Marie Constance, décède à cette adresse, le 18 octobre 1855, âgée de 2 ans et 2 mois.

Lors du recensement du printemps 1856, sont listés au 32, rue de l'Écu : "Simonet Charles Constant, Photographe, marié, 60 ans [oui, bientôt 61 ans] ; Dosquet Emma, sa femme, mariée, 30 ans [29 ans] ; Simonet Marguerite, leur fille, 10 mois ; Duna Augustine, domestique, célibataire, 24 ans"

Le 23 août 1856, c'est une nouvelle enfant qui voit le jour : "Marie Blanche Simonet de Changy, fille de Charles Constant, ancien négociant, âgé de soixante-et-un ans, demeurant en cette ville, rue de l'Écu (...) et d'Emma Marguerite Dosquet, âgée de trente ans [29 ans]".

"Simonet" est signalé dans la liste des "Photographe (Artistes)" de Boulogne-sur-Mer dans les Annuaires-Almanachs Firmin-Didot de 1858 et 1859.

Le 1er décembre 1859, Charles Constant Simonet de Changy fait déposer par l'avocat parisien Ch. Perpigna, un nouveau dossier de brevet d'invention pour 15 ans, concernant des "Perfectionnements apportés à la panification et susceptibles d'autres applications" (validé le 28 février 1860)".

"Le principe de mon invention consiste à introduire dans la confection de la pâte un agent qui opère la dissolution de la plus grande partie du gluten et autres éléments nutritifs contenus dans la farine (la diastase que j'obtiens en infusant dans l'eau l'orge maltée), et qui assure, par ce moyen, un plus grand rendement d'un pain plus nourrissant pour une quantité de farine donnée".

Il fait également valider son brevet en Belgique en décembre 1859 (représenté par A. Anoul à Ixelles) puis au Royaume-Uni, avec un dépôt auprès du Consul britannique de Boulogne-sur-Mer, le 29 mai 1860.

Cependant, le photographe quitte, avec sa famille, la ville de Boulogne-sur-Mer avant l'été 1860, cédant son local de la rue de l'Écu, 32 et probablement son fonds, au photographe "Verneuil" qui y déménage son atelier.


Arras

Charles Constant Simonet de Changy s'installe à Arras (Pas-de-Calais), sans que la raison de ce choix ne soit connue. 

Y exerce-t-il ses activités de photographe ? Rien ne permet de l'affirmer. Il va avoir 65 ans au cours de l'été 1860.

Il continue cependant de perfectionner l'invention de son pétrin et dépose, lors d'un séjour à Paris où il se dit domicilié chez M. Boucher, boulanger, boulevard de Strasbourg, 65, un dossier de brevet d'un "Système d'agitateur-pétrisseur mécanique", le 29 avril 1863 (certifié le 22 juin 1863). L'été 1863, il fait reconnaître ce dernier brevet en Belgique et au Royaume-Uni.

Charles Simonet de Changy, "ex-sapeur de l'armée, âgé de soixante-huit ans, domicilié à Arras, rue de Beaufort, n° 25", décède à son domicile le 1er mai 1864.

Il laisse une compagne de 38 ans et deux filles, Marguerite et Marie Blanche, respectivement âgées de 8 et 7 ans. 

Son ex-femme, Elisabeth Goutelly, décèdera la même année, âgée d'environ 70 ans

Leur fils, François Charles Simonet de Changy (1817-1897), ingénieur électricien, âgé de 45 ans, se mariera à Bruxelles le 11 janvier 1865, avec Jeanne Joséphine de Deyn, 21 ans (née le 13 juillet 1843, à Bruxelles), et perpétuera le nom.



ÉPILOGUE


La vie et la carrière de Charles Constant Simonet de Changy ou "Simonet" reste mal connue. Il semble avoir eu une vie relativement aisée, avoir possédé des propriétés, avoir été sapeur dans l'armée puis négociant, inventeur et photographe.

Sa production artistique reste ignorée, du fait de l'absence d'images conservées et du peu de renseignements collectés. Il semble s'être intéressé à la photographie dès les années 1840 et avoir été reconnu pour son talent. Il ne semble pas avoir exposé à Paris.

Il a officié au minimum une douzaine d'années (années 1849-1860 attestées), d'abord à Paris puis à Boulogne-sur-Mer, comme "daguerréotypeur" (terme cité dans le recensement boulonnais de 1851 et induit dans l'article de La Lumière de 1853) puis également comme "photographe" (terme cité dans son annonce lilloise de 1850 puis dans le recensement boulonnais de 1856). Il est probablement devenu l'un des membres de la Société Boulonnaise de Photographie, fondée au printemps 1856.

Si son activité de portraitiste est avérée (annonce lilloise), il n'en va pas de même de celle de paysagiste. Cependant, il est probablement l'un des auteurs de vues de Boulogne-sur-Mer sur papier, exposées rue de l'Écu en 1853.




dimanche 6 avril 2025

1383-LOUIS DE MAUNY (1812-1878), PHOTOGRAPHE À LONDRES ET BOULOGNE-SUR-MER

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- Détail d'une publicité pour les ateliers de DE MAUNY Louis (1812-1878), 
parue dans, J. Brunet, Nouveau Guide dans Boulogne et ses environs
Boulogne-sur-Mer, 1865,
Appendice publicitaire
 (Google Livres).



INTRODUCTION


Pourquoi s'intéresser au photographe Louis Frédéric de Mauny (dont le nom est parfois retranscrit, Mauny, Demauny, De Manny, Demanny, Demany) ? 

- Parce qu'au-delà des portraits qu'il a réalisés des deux côtés de la Manche, à Londres et à Boulogne-sur-Mer sous le nom de "Monsieur Louis", "Louis de Mauny" ou "Louis F. de Mauny". il a photographié pendant plus de 15 ans les rues, bâtiments et plages de cette station balnéaire française à forte population britannique.

- Parce que ses portraits et vues sont peu présents dans les Collections nationales et internationales et qu'il n'a été que peu étudié, en dehors du relevé de ses six adresses d'ateliers londoniennes (pic.nypl.org) et de ses deux adresses boulonnaises. Côté français, la seule et brève étude connue est celle de Jean-Marie Voignier, dans son Répertoire des Photographes de France au XIX° siècle (Le Pont de Pierre, 1993 p 178) : "Mauny Louis de. ph. Boulogne sur Mer (Pas de Calais), rue Napoléon 22, puis quai de la Douane 24 ; Londres, Euston Road ; des années 1860 aux environs de 1900. Vues de Boulogne" ;

- Parce qu'il a fondé une véritable dynastie, avec des enfants et petits-enfants photographes. La recherche va cependant se restreindre ici à la seule étude de sa vie et de sa carrière.



BIOGRAPHIE 


Bayeux

Louis Frédéric de Mauny est né dans l'arrondissement de Bayeux (Calvados), en 1812 ou 1813 (le 4 mars ?) [acte non retrouvé]. 

Il est l'un des trois (?) enfants de Louis François Edouard de Mauny (Englesqueville-en-Auge, Calvados vers 1773-Bayeux, Calvados 14 décembre 1824) et de Rebecca Sudbury (Reading, Berkshire, en 1772 ?-Londres après 1824) qui se sont mariés vers 1803 (à Basildon, près de Reading, Berkshire ?). A la date du décès du père, en décembre 1824, la mère est domiciliée à Londres.

Louis de Mauny se forme probablement, à Paris, aux arts du dessin et de la peinture, au tournant des années 1830. Son nom reste cependant absent des expositions de cette période.

C'est dans cette ville qu'il se marie à l'âge de 27 ans, le 26 juin 1839, avec Julie Angélique Moreau, 19 ans (née le 11 avril 1820). 


New York

Les époux de Mauny semble quitter Paris pour New York dans les mois qui suivent leur mariage. C'est dans cette ville que leurs trois fils vont naître : Jules Frédéric (vers 1840), Gustave (vers 1842) et Frédéric (vers 1848) (ce dernier étant rarement cité dans les généalogies de la famille). 

La profession exercée par Louis de Mauny reste inconnue, même s'il est fort probable que ce soit à nouveau dans le domaine de la peinture ou du dessin. Son adresse new-yorkaise est 173 Bowery, au sud de Manhattan (Longworth's American Almanac, New York Register, 1841 p 487).

La date précise du retour de la famille de Mauny en Europe reste inconnue mais peut être située au tournant des années 1850. 


Paris

La famille est en effet présente à Paris au début de l'année 1852 mais elle semble déménager à Londres dès 1853 ou 1854.


Londres

La présence de Louis de Mauny à Londres est attestée fin 1854 lorsqu'il est déclaré en faillite [preuve d'une activité déjà engagée] et se voit convoqué au Tribunal de Commerce à la date du 25 janvier 1855 (traduction française) : 

"Louis Frederick de Mauny (poursuivi comme "Ls. de Mauny"), Eltham, Kent [banlieue sud-est de Londres, située environ à 20 km de sa deuxième adresse], et No. 112, Sloane-street, Chelsea, Middlesex [quartier huppé du centre de Londres, probablement l'adresse de sa boutique], professeur de dessin, professeur de langues et marchand de lithographies" (The London Gazette du 17 novembre 1854).

L'issue de cette situation n'est pas connue en détail mais il apparaît que c'est au cours de l'année 1855 que Louis de Mauny s'installe en tant que photographe, cette fois au nord de Londres, dans une zone récemment englobée dans la ville, au 16 Fitzroy Terrace, New Road, Saint Pancras, Camden.

En 1857, le dénomination de la voie est changée et l'adresse de Louis de Mauny devient 374 Euston Road (near Regent's Park, Saint Pancras, Camden), adresse qu'il va conserver pendant de nombreuses années (The Post Office London Directory, 1862 p 291) et où il va ouvrir une Ecole de Photographie.


2- Louis de MAUNY (1812-1878), Verso d'une Carte de visite, vers 1860 (?).


 

Les intitulés de ses adresses suivantes ne varieront essentiellement que par le numéro de la rue, sans qu'il soit possible d'affirmer s'il s'agit toujours du même bâtiment ou de nouveaux locaux dans la même rue, avec le 333 puis le 313, Euston Road.

Dans la première moitié des années 1860, Louis de Mauny ouvre cependant une succursale au sud de Londres, au 4 Orange Row, Kennington Road, Lambeth, qu'il ne semble conserver que quelques années seulement.


Boulogne-sur-Mer

Après avoir rencontré un certain succès lors de sa participation à la Foire de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) d'août 1861, Louis de Mauny décide d'ajouter à son activité anglaise, une adresse d'atelier dans cette ville française. 


3- Publicité pour les ateliers de DE MAUNY Louis (1812-1878), 
parue dans, The Boulogne Gazette des 1er, 8 et 15 janvier 1862, 
Paris, BNF (Gallica).

22, RUE DE L'ÉCU, 22.
PHOTOGRAPHIE ARTISTIQUE DE MAUNY,
London House 374 Euston Road, près de Regent's Park.
PORTRAITS ET RESSEMBLANCES GARANTIS.
Les artistes dont les portraits, au salon de l'an dernier en août, ont reçu les éloges unanimes des habitants de Boulogne, se sont installés au centre de la ville, au n° 22, RUE DE L'ÉCU, où ils continueront leur activité à des tarifs très modérés.
Rien ne sera négligé de la part des Artistes pour mériter la confiance accordée à leurs travaux l'été dernier, et tous les efforts seront faits pour que aucun portrait ne quitte leurs mains sans être parfaitement achevé et ressemblant indiscutablement.
Des cartes de visite, aussi belles que celles fabriquées à Londres ou à Paris, sont vendues à 12 francs la douzaine.
Médailles pour broches ou bracelets.
Portraits à partir d'un franc et plus.
Tous types de portraits et objets d'art reproduits.
Une attention particulière est portée à la pose et une parfaite ressemblance est garantie.
Les anciens maîtres sont reproduits en toutes tailles.
Les amateurs et les artistes sont spécialement invités à examiner les épreuves.



4- Publicité pour les ateliers de DE MAUNY Louis (1812-1878), 
parue dans, The Boulogne Gazette du 18 mai au 6 août 1862, 
Paris, BNF (Gallica).
Le nom du photographe reste absent de la publicité.

22, RUE DE L'ÉCU, 22, BOULOGNE-SUR-MER,
Et London House, 374, Euston Road, près de Regent's Park.
PHOTOGRAPHIE SCIENTIFIQUE
PORTRAITS À PARTIR DE 1 FRANC ET PLUS 
Garantis ne pas changer et d'une parfaite ressemblance.
PORTRAITS SUR LIN, SANS REFLET ET D'UNE GRANDE BEAUTÉ
Pour broches, médailles ou à envoyer par courrier.
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Il s'installe dans l'une des rues commerçantes les plus fréquentées, à l'emplacement d'un précédent atelier et dépôt de photographies, au 22, rue de l'Ecu, voie dite ensuite rue Napoléon par un arrêté de début 1862 (actuelle rue Victor-Hugo) (The Boulogne Gazette du 1er janvier 1862). Ses nom et adresse n'apparaîtront cependant dans les Annuaires-Almanachs Firmin-Didot qu'à partir de 1864.



5- Publicité pour les ateliers de DE MAUNY Louis (1812-1878),
 parue dans, The Merridew's Visitor's Guide to Boulogne-sur-Mer and its environs, Boulogne-sur-Mer, 1864 p 18 
(Google Livres).



6a et 6b- DE MAUNY Louis (1812-1878), Deux versos de Cartes de visitevers 1863-1865.


7- DE MAUNY Louis (1812-1878), Verso de Vues stéréoscopiques, vers 1863-1865.


8- Publicité pour les ateliers de DE MAUNY Louis (1812-1878),
 parue dans, J. Brunet, Nouveau Guide dans Boulogne et ses environsBoulogne-sur-Mer, 1865, 
Appendice publicitaire
 (Google Livres).



Peu après, il loue une deuxième adresse boulonnaise avec magasin, proche de la précédente, au 24, quai de la Douane (actuel quai Gambetta), qu'il va ensuite conserver seule.


9- DE MAUNY Louis (1812-1878), Verso d'une Carte de visite, vers 1865-1866.



Au-delà des portraits de studio, et notamment des pêcheurs et pêcheuses en habit traditionnel, Louis de Mauny va développer une activité de paysagiste dans Boulogne et ses environs (rues et bâtiments emblématiques, monuments, port et plage). 

Il participe notamment, en 1866, à l'Exposition Internationale de Pisciculture de Boulogne-sur-Mer avec des portraits de pêcheurs et des scènes prises sur les quais et la plage.


10- Publicité pour les ateliers de De MAUNY Louis (1812-1878), 
parue dans, The Merridew's Visitor's Guide to Boulogne-sur-Mer and its environsBoulogne-sur-Mer, 1866 p 200
 (Google Livres).



Son fils aîné, Jules Frédéric de Mauny reste à Londres où il ouvre un atelier personnel, vers 1863-1864, au 67 Welbeck Street, Saint Marylebone, Westminster et se voit probablement confier ensuite l'atelier paternel d'Euston Road. 

Jules de Mauny va demander sa naturalisation britannique et se marier à Londres, à l'âge de 31 ans, fin 1871, à Londres (Marylebone), avec, Louisa Harriett Chamberlaine (1851-1935), 21 ans (née à Londres le 17 mars 1851). Le couple, dans sa résidence de St Pancras, aura quatre enfants dont certains deviendront à leur tour photographes.

Les deux autres fils de Louis de Mauny, Frédéric et Gustave travaillent avec lui à Boulogne-sur-Mer (Registres de recensements). 

Le cadet, "Gustave de Mauny, Photographe, demeurant à Boulogne, âgé de vingt-six ans, célibataire", décède malheureusement dans cette ville, le 25 décembre 1868. 

Louis de Mauny est également assisté par un employé, comme le photographe Edouard Richard, âgé de 17 ans, signalé dans le recensement de 1866 puis l'ouvrier photographe, Henri Green, âgé de 22 ans, cité dans le recensement de 1872.


11- DE MAUNY Louis (1812-1878), Verso d'une Carte de visite, vers 1866-1878.

Une Carte de visite, aux inscriptions identiques, porte la date manuscrite de "1868" et une autre, celle de "1872".



Louis de Mauny va décéder à son domicile de Boulogne-sur-Mer, au 24, quai de la Douane, le 25 août 1878, âgé de 66 ans. 

Son épouse, Julie Angélique née Moreau, domiciliée à Paris, rue de Littré, 7 (6ème arrondissement), ancienne Institutrice, âgée de 70 ans, décèdera pour sa part, le 1er novembre 1890, rue de Sèvres, 42 (dans le 7ème arrondissement).



UNE DEUXIÈME COMPAGNE


Paris

Certains documents révèlent un aspect plus intime de la vie de Louis de Mauny et permettent de préciser certains faits.

Au retour de New York, Louis de Mauny, âgé de 40 ans, entretient, au début de l'année 1852, une liaison extra-conjugale avec Isabelle Larousse, 30 ans (née le 22 avril 1822, à Provins, Seine-et-Marne). De cette union, une enfant, Marie de Mauny, va naître à Paris le 2 novembre 1852 et être reconnue par son père.

Cependant, Louis de Mauny semble mettre fin à sa liaison, en quittant Paris pour Londres, vers 1853, avec son épouse et ses trois fils.


Londres

C'est probablement à Londres que Louis de Mauny apprend le décès de sa fille Marie, à la fin de l'année 1860. 

Dans l'acte de décès, deux témoins, voisins de la fillette, déclarent qu'hier, 29 octobre 1860, est décédée à Condé (Condé-sur-L'Escaut, Nord), "en une maison sise place d'armes, Marie de Mauny, âgée de huit ans, née et domiciliée à Paris, fille légitime de Louis Frédéric de Mauny, âgé de quarante-sept ans, peintre et d'Isabelle Larousse, âgée de trente-cinq ans, sans profession, domiciliés audit Paris" (Archives Départementales du Nord, registre des Naissances, Mariages et Décès 1853-1863, vue 926).

Cette déclaration, certes faite par des témoins qui ne font que répéter ce qu'on leur a transmis, interroge cependant, au-delà même du décès et du lieu. Louis de Mauny y est dit parisien. A-t-il conservé une adresse à Paris ? Assure-t-il la subsistance de sa deuxième famille ?


Boulogne-sur-Mer

Est-ce le décès de Marie qui a rapproché les deux anciens amants ? Il semble que Louis de Mauny et son épouse Julie Angélique née Moreau, domiciliés à Boulogne-sur-Mer, se séparent au début des années 1860 mais sans divorcer, et que Julie Angélique quitte définitivement la ville. 

Isabelle Larousse vient alors s'installer au domicile de Louis de Mauny et partager sa vie et celle de ses enfants. Elle est notamment citée dans les recensements boulonnais de 1866, 1872 et 1876 où elle est dite "sa femme".

Lors de la déclaration de décès de Gustave de Mauny en décembre 1868, par son frère Frédéric, Gustave est dit le fils de Louis de Mauny et "de feu [!] Angélique Moreau (les autres renseignements n'ont pu nous être transmis", sans qu'il soit possible de savoir si cette affirmation est un mensonge volontaire ou non.

Isabelle Larousse travaille peut-être au magasin de photographie familial ; elle reste en tout cas présente auprès de son conjoint jusqu'à la mort de ce dernier, fin août 1878.

La déclaration de décès de "Louis Frédéric de Mauny, photographe" est faite par ses deux enfants, "Frédéric de Mauny, âgé de trente ans et Jules de Mauny, âgé de trente-huit ans [sa présence laisse présumer d'une mort annoncée], tous deux photographes", lesquels déclarent que leur père, "âgé de soixante-six ans, veuf [!] en premières noces d'Angélique Moreau, époux en secondes noces [!] d'Isabelle Larousse, âgée de cinquante-six ans, est décédé ce jour".

Lors de la succession de ce dernier, un inventaire est fait le 16 septembre 1878, un jugement du Tribunal civil de première instance est rendu le 2 janvier 1879 et la déclaration de succession est réglée le 14 février suivant (Archives Départementales du Pas-de-Calais, Boulogne-sur-Mer, Tables des successions, 3Q14/164, vue 55).

Le détail des biens n'est pas connu mais il semble que Louis de Mauny ait pris des dispositions de son vivant pour sa compagne et son fils Frédéric car seul son fils Jules (l'aîné) est désigné comme héritier.

L'atelier de photographie du 24, quai de la Douane de Boulogne-sur-Mer semble revenir à Frédéric de Mauny (1848-?) [actif jusque vers l900 ; acte de décès non retrouvé], celui du 326 Euston Road de Londres à Jules de Mauny (1840-1921), en restant sous le nom de son père.

Un lot de trois terrains boisés situés au Parc du Vésinet, sur la commune de Chatou (près de Paris) est cependant mis en vente en juin 1879 : 

- à la requête de "mademoiselle Isabelle Larousse, propriétaire, demeurant à Boulogne-sur-Mer"

- face à, "M Jules-Frédéric de Mauny, en sa qualité de seul et unique héritier, mais sous bénéfice d'inventaire seulement" [seul héritier légal ou testamentaire ayant accepté la succession avec ses dettes potentielles mais de manière conditionnelle jusqu'à concurrence des biens reçus], 

- et à la défenderesse et défaillante, "Madame Angélique Moreau, veuve de M. Louis Frédéric de Mauny, ayant demeuré ci-devant à Boulogne-sur-Mer et actuellement sans domicile ni résidence connus : ladite dame ayant été commune en biens avec ledit feu sieur de Mauny" [Frédéric n'est pas cité] (L'Industriel de Saint-Germain-en-Laye du 31 mai 1879).

Isabelle Larousse, "sans profession, née à Provins (Seine-et-Marne) le 22 avril 1821 [1822] (...), veuve de de Mauny Louis [!]", demeurant à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), rue du Dr Danvin, décédera à son domicile, le 5 août 1909, âgée de 87 ans.


12- DE MAUNY Frédéric (1840-1911), Verso d'un Carte de visite, vers 1885.


13- DE MAUNY Jules (1840-1911), Partie basse du recto d'un Cabinet, vers 1885.



LES ATELIERS DE LOUIS DE MAUNY


Les résultats de la recherche préalable à cet article sont proches de ceux des études britanniques mais en différent cependant par quelques dates et mettent en parallèle les adresses londoniennes et boulonnaises relevées dans les documents britanniques et français (ouvrages, journaux photographies). 

Quelques éléments restent encore à confirmer du fait que certaines des adresses complémentaires ont pu perdurer au-delà des années où elles sont citées.

Louis de Mauny a occupé les adresses suivantes entre 1855 et 1878 :

-16 FITZROY TERRACE, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON : vers 1855-1857.

- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON : vers 1857-1861 (Image 2).

- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 22, RUE DE L'ECU, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1861-1862 (Images 3 et 4).

- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN - 22, RUE NAPOLEON, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1863-1865 (Images 5 et 6).

- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN & 4 ORANGE ROW KENNINGTON ROAD, LAMBETH, LONDON - 22, RUE NAPOLEON, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1863-1865 (Images 7, 8 et 1).

- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 22, RUE NAPOLEON & 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1865-1866 (Image 9).

- 374 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER : vers 1866 (Image 10).

- 333 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER: vers 1866-1875 (Image 11). 

- 313 & 333 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON [cette adresse est encore citée dans, Adressbuch für Photographie und verwandte Fächer, 1879 p 82 mais dans des listes qui datent de 1876] - 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER: vers 1875-1876.

- 326 EUSTON ROAD, ST PANCRAS, CAMDEN, LONDON - 24, RUE DE LA DOUANE, BOULOGNE-SUR-MER: dès 1877 (Images 12 et 13).



REMARQUES


Sur les ateliers

Il est parfois difficile de distinguer les ateliers appartenant à Louis de Mauny de ceux de son fils aîné Jules en Angleterre. Jules de Mauny est-il devenu propriétaire de l'atelier de la rue Euston avant ou après le décès de son père en 1878 ? 

Il semble d'ailleurs que ce soit Jules de Mauny qui a fait construire le nouvel atelier situé au n° 326 Euston Road en 1876 (Minutes of Proceedings of the Metropolitan Board of Works, London, 1876 p 366). Mais l'a-t-il fait en son nom ou celui de son père ? Cette ambiguïté est renforcée par le fait que l'atelier londonien conservera le nom de "Monsieur Louis", après le décès de ce dernier (Images 2, 5, 9, 10 ; 13 et 14).

Les prénoms eux-mêmes peuvent parfois créer une certaine ambiguïté, avec d'une part le père, "Louis de Mauny", "Louis Frédéric de Mauny", "Frédéric de Mauny", "Frédéric Demauny" (Recensement de 1866), "Louis F. de Mauny" (Image 8), et d'autre part les fils, "Jules Frédéric de Mauny" et surtout "Frédéric de Mauny", "Frédéric Demauny" (Recensement de 1866), "F. de Mauny" (Image 12).

Enfin, il faut signaler l'existence de l'adresse londonienne du 27 Coventry Street, dirigée par "Monsieur Louis", à la fin des années 1860 ou au début des années 1870, sans qu'il soit possible d'affirmer qu'il s'agit d'un autre atelier de Louis de Mauny.


14- Verso d'une Carte de visite, vers 1865-1875.



Sur les cartons-photos

Il semble qu'une partie des portraits et des vues réalisés par Louis de Mauny aient été des stéréoscopies avant d'être tirés au format de Cartes de visite.

Les armoiries du Royaume-Uni et du Second Empire français présentes sur les publicités et cartons-photos de Louis de Mauny, interrogent. A-t-il obtenu des brevets les justifiant et si oui, à quelle date ?

Seules les armoiries du Royaume-Uni sont présentes dans les Guides de Boulogne-sur-Mer en anglais de 1864 et 1866 (Images 5 et 10) mais ces mêmes armoiries sont accompagnées de celles de la France au verso des cartons-photos londoniens et boulonnais du milieu des années 1860 (Images 6b et 9). Ceci permet de considérer que leur usage s'est strictement limité à cette période restreinte, sans que la raison n'en soit connue.





dimanche 30 mars 2025

1382-PASSER L'HIVER À NICE (1760-1860)-2 : LES BAINS DE MER

 

 SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- CAFFI Ippolito (1809-1866), Nice, vue de la plage prise depuis les Ponchettes
détail de l'extrémité occidentale de la plage du boulevard du Midi et de ses cabines de bains, 1852, 
vue sud-est/nord-ouest, huile sur carton, 28,5x44 cm, signée et datée, Collection particulière (Wikimedia)




INTRODUCTION

 

Dans la seconde moitié du XVIIIᵉ siècle, Nice est une ville-étape du Grand-Tour et une cité-frontière cosmopolite où se développe notamment une communauté britannique.

De nombreux textes vantent son climat hivernal, la douceur de ses températures, son ciel bleu ensoleillé, sa position abritée des vents et la pureté de son air marin, tous arguments qui incitent les élites européennes à venir passer l'hiver et se soigner dans la ville.

Les malades résident dans une location confortable, suivent un régime alimentaire adapté, fréquentent leurs concitoyens et s'adonnent essentiellement à des sorties au grand air, avec des promenades à pied en bord de mer, des balades en voiture et des courses en bateau aux environs. 

Très peu de textes, en revanche, évoquent l'attrait et la pratique thérapeutique des bains de mer à Nice avant 1820. 

La mer ne sert pas seulement au voyage, au commerce, à la pêche ou à la contemplation du spectacle de l'infini, mais encore aux bains, voire aux ingestions d'eau salée.

Déjà connus dans l'Antiquité, ces bains sont réintroduits en Angleterre vers 1700 et s'y répandent dans le second tiers du XVIIIᵉ siècle, avec les stations balnéaires de Scarborough et Brighton et les recommandations du Dr Richard Russell (1750) puis celles du Dr William Bunchan (1769) (Dr Russell, De Tabe glandulari, 1750, traduit en anglais sous le titre, Glandular Diseases, or A Dissertation on the Use of Sea Water in the Affections on the Glands, 1752 ; Dr Bunchan, Domestic Medicine, or A Treatise on the Prevention and Cure of Diseases, 5 volumes, 1769 ; James Clark, The Influence of Climate in the Prevention and Cure of chronic Diseases, 1829...).

Cette pratique, relayée par les traductions des traités britanniques, va gagner de nombreux pays d'Europe dès la seconde moitié du XVIII° siècle. En France, il faut noter la rédaction de l’ouvrage du Dr Hugues Maret (Mémoire sur la manière d'agir des bains d'eau douce et d'eau de mer, et leur usage, 1769) et le développement de stations balnéaires, comme celles d'Hyères et Sète au bord de la Méditerranée et de Dieppe et Boulogne-sur-Mer, au bord de la Manche.

Les bains de mer (eau froide en mouvement, riche en sel et matières organiques) sont recommandés pour un grand nombre d'affections, surtout pour les maladies respiratoires chroniques (poitrinaires et phthisiques atteints de la tuberculose pulmonaire) mais également les maladies rhumatismales, les problèmes gynécologiques, digestifs et dermatologiques, les troubles nerveux et les états d'anémie.

 

 

PRENDRE LES BAINS DE MER À NICE


 

LES ANNÉES 1760-1820


En 1766, l'édition de l'ouvrage du Dr Tobias Smollett, regroupant les lettres qu'il a écrites pendant ses séjours à Nice (1763-1765), concourt à populariser les bienfaits des bains de mer de la ville : 

"Lettre XXIII - Nice, le 19 décembre 1764 - Lorsque je me suis baigné en été, j'ai payé trente sols, équivalents à dix-huit pence, pour être transporté jusqu'à l'endroit de bain, qui se trouvait à un mile de chez moi.

Maintenant que je parle de la baignade, il peut être utile de vous informer que bien qu'il y ait une belle plage ouverte, s'étendant sur plusieurs miles vers l'ouest de Nice, ceux qui ne savent pas nager doivent prendre grand soin lorsqu'ils se baignent, car la mer est très profonde, et la descente est très abrupte à moins d'un mètre ou deux de la bordure de l'eau.

Les gens ici ont été beaucoup surpris lorsque j'ai commencé à me baigner au début du mois de mai. Ils trouvaient cela très étrange qu'un homme semblant consomptif [consumé par une maladie de poitrine] se jette dans la mer, surtout lorsque le temps était si froid ; et certains médecins prédisaient une mort immédiate. Cependant, lorsqu'ils ont constaté que je me portais mieux grâce au bain, certains officiers suisses ont essayé l'expérience, et quelques jours plus tard, notre exemple a été suivi par plusieurs habitants de Nice.

Cependant, il n'y a aucune commodité pour cette pratique, dont les femmes ne peuvent profiter entièrement à moins de renoncer à toute considération de décence ; car la plage est toujours bordée de bateaux de pêche et bondée de gens.

Si une dame devait assumer la dépense de faire dresser une tente sur la plage où elle pourrait mettre et enlever son costume de bain, elle ne pourrait prétendre entrer dans la mer sans des accompagnateurs appropriés ; et elle ne pourrait certainement pas plonger tête la première dans l'eau, qui est la méthode la plus efficace et la moins dangereuse de se baigner.

Tout ce qu'elle peut faire est d'avoir de l'eau de mer amenée chez elle et d'utiliser une baignoire, qui peut être préparée selon ses propres directives ou celles de son médecin" (traduction du texte original, T. Smollett, Travels through France and Italy, 2. vol., mai 1766, pp 355-56).

Ce texte est riche en enseignements. Le Dr Smollett, qui tente par ses voyages d'améliorer son état de santé, se baigne à l'ouest de la ville de Nice, dans un premier temps en été et sans provoquer de réaction. Ses bains de printemps sont, en revanche, jugés suicidaires mais comme ils s'avèrent efficaces, ils se voient bientôt imités. Il est probable que l'exemple de Tobias Smollett puis son récit à succès ont permis à certains baigneurs d'avancer la saison des bains au printemps.

Le docteur note également que la plage niçoise ne dispose ni de tentes ni d'assistants de bains indispensables aux femmes, et que ces dernières se voient réduites à prendre des bains d'eau de mer dans la baignoire de leur domicile, ce qui atteste un tel usage dès cette époque, avec de l'eau probablement livrée par le personnel d'une maison de bains.


""A Nice, nous avons trouvé l'Hôtel des quatre nations, une auberge convenable et raisonnable (...). Tout le quartier a l'air d'une station balnéaire anglaise. La ville est très animée et enrichie par l'afflux d'étrangers qui y viennent pour profiter du climat en hiver, et un grand nombre de personnes y sont accueillies".

-  James Edward Smith, A Sketch of a tour on the continent in the years 1786 and 1787, in The Monthly Review, 1793 p 163.

 

Les témoignages concernant les bains font malheureusement défaut dans les cinq décennies suivantes. Les journaux citent en effet les personnalités qui vont "passer l'hiver à Nice" mais ne précisent que très exceptionnellement que c'est "pour y prendre les bains de mer", comme c'est le cas, l'été 1818, pour Hortense de Beauharnais (1783-1837) [fille adoptive de Napoléon Ier et mère du futur Napoléon III], duchesse de Saint-Leu (Gazzetta di Firenze du 7 juillet 1818).


 

LES ANNÉES 1820-1830


Les traités médicaux et les installations de bains

En 1822, le Dr Pierre Richelmi édite un ouvrage sur le climat de Nice et consacre un passage à l'eau du golfe qu'il décrit protégée des vents par les montagnes environnantes, calme sous un ciel serein, et plus chaude en hiver et plus fraîche en été que celle de toutes les rades connues, du fait de sa grande profondeur :

"En effet, sur la plus grande étendue de ce rivage, à portée de cette ville (si l'on en excepte, jusqu'à un certain point, le quartier du Lazareth, où le peu de profondeur de la plage permet de s'élancer en toute sécurité), les baigneurs sont embarrassés de trouver un local assez sûr et assez propre pour se baigner, et en se baignant, pour peu qu'ils s'écartent des bords de l'eau, ils se trouvent sitôt sans appui sur la plante des pieds, courant le risque de se noyer, s'ils ne savent point prendre promptement leur parti à la nage. Note : Des Actionnaires font maintenant travailler à un établissement de bains de mer, froids, et chauds, qu'ils se proposent de mettre en activité avant la fin du mois d'août".

"Il y a, outre cela, à Nice, deux établissements de bains publics, à la température que l'on désire, d'eau simple ou d'eau de la mer, que l'on rend hépato-sulfurées si on les demande. On a deux endroits assez propices pour les bains de mer : un aux Ponchettes et l'autre au Lazareth (...). On trouve chez le docteur Binet, dans la place du Lycée, un établissement pour des bains de vapeur, et on a, à Nice, à un prix fort modéré, des bateaux, pour faire sur la mer des courses à volonté, qui sont si utiles aux poitrinaires"  (P. Richelmi, Essai sur les agrémens et la salubrité du climat de Nice, 1822, pp 53-54 et 176-177).

L'auteur pointe ainsi des inconvénients déjà évoqués par Tobias Smollett : le manque d'installations de bains dont des tentes pour se changer et probablement l'absence de filets délimitant la zone de baignade, du fait d'une étendue d'eau rapidement profonde, à l'exception du Lazaret. Les plages de ce quartier, située à l'est de la ville, au pied du Montboron, offrent d'ailleurs, même si l'auteur ne le précise pas, du sable au lieu des galets qui caractérisent les autres plages. 

Il est difficile de savoir si le projet d'établissement du Lazaret, peut-être inspiré de celui des Bains Vailhen érigés à Marseille en 1820, a abouti car il n'est plus jamais cité par la suite. Cependant, un privilège par patentes a bien été accordé, le 6 septembre 1822, à une Société d'actionnaires "pour un établissement flottant de bains de mer dans le port de Nice" (G. Flandin, Recueil des édits, lettres-patentes, manifestes et ordonnances publiés dans le Duché de Savoie dès le 10 septembre 1814, 1829, vol. 15, p 141). 

En 1826, Rosalinde Rancher cite, à la suite du Dr Richelmi, deux établissement de bains publics à Nice, soit le même nombre que celui signalé depuis les années 1810 (Reichard, Guide des voyageurs en Italie et en Suisse, 1816  ; Guide des Voyageurs en Italie, 1819 p 71). Il précise cependant que l'un est situé sur la place Victor et l'autre sur la place de la Paix : "On est très-bien servi dans chacun d'eux, et on y trouve des bains d'eau douce et d'eau de mer qu'on envoie chercher pour cet usage" (Guide des Etrangers à Nice, 1826 p. 67).

Un ouvrage britannique, édité la même année, évoque à nouveau le manque d'installations de la ville de Nice : "L'apparence de la ville est, dans l'ensemble, riche, active et joyeuse : ce pourrait être un bon endroit pour se baigner en mer en été, si des installations étaient fournies.

J'ai décrit à une personne, à qui une telle entreprise pourrait convenir, les cabines de bain utilisées à Weymouth et Brighton [sur les côtes de la Manche au sud-est et au sud de Londres] ; il a dit qu'il serait nécessaire d'obtenir l'autorisation du gouvernement, - l'autorisation du gouvernement pour permettre à deux roues de charrette d'entrer dix mètres dans la mer, et d'en ressortir !" (traduction d'un passage de, Four Years in France, 1826, reproduit dans, The Monthly Review, September-December 1826 p. 102).

Deux éléments de cet extrait sont à relever : l'absence de "cabines de bains sur roues" ou "bathing-machines" (attestées par ailleurs dès le premier tiers du XVIIIᵉ siècle en Angleterre) et le souhait de pouvoir "se baigner en été", qui montre encore la prédilection pour cette saison, même chez un Britannique.


"Nice, Bains de mer, en Sardaigne."

- Dr Engelmann et Reichard, Manuel pour les voyageurs en Allemagne et dans les pays limitrophes
Francfort, 1827 p 118.


Les Bains George(s) semblent s'implanter en 1834, dans une maison située rue de France, parallèle à la Promenade des Anglais, mais cet établissement reste étrangement absent des annuaires (Image 5).

La pratique de ce type de bains de mer peut se faire dans un établissement, à la séance ("au cachet") ou sur abonnement, ou être assurée par service spécial au domicile de la personne.

Début 1838, le londonien Ferdinand Guarducci, qui vient d'inaugurer son nouvel Hôtel de la Pension Anglaise, place du Jardin des Plantes, annonce au sein même de ses locaux, une offre de "Fresh and Salt Water Baths" (Galignani's Messenger du 20 janvier 1838).

En 1839, le Dr Weber évoque la question des bains dans le seul passage suivant de son Guide pour les étrangers à Nice, l'une des stations d'hiver les plus réputées du nord de l'Italie en raison de son climat doux (traduit de l'allemand) : "Le quartier au-delà du port, en direction de Montboron, s'appelle Lazareth, bien que le bâtiment qui porte ce nom ait été complètement détruit par l'explosion d'un moulin à poudre situé à proximité en 1794. La mer a englouti la plupart des ruines, et il ne reste que quelques vestiges de murs émergeant des rochers, pittoresques sur fond de bleu profond.

C'est ici un endroit paisible et sûr pour se baigner, où les masses rocheuses abritent de petites grottes et cavernes artificielles, semblables à des cabines de bain, offrant sécurité aux femmes et aux enfants. La vue depuis cet endroit est également très belle" (E. Weber, Handbuch für Fremde in Nizza, einem seines mi/den Klimas wegen berühmtenWinter-Aufenthaltes in Ober-Italien, Heidelberg, Frankfurt & Leipzig, 1839 p 42).



LES ANNÉES 1840


Les traités médicaux et les installations de bains

En 1842, le Dr J. Stummés, dans un ouvrage consacré aux bains de mer, met ceux de Nice en valeur : "Parmi tous les établissements de bains marins, cités [Dieppe, Boulogne-sur-Mer, Royan, La Rochelle, Marseille, Nice, Gênes, Livourne, Naples, Trieste, Bad Doberan en mer Baltique et Ostende en mer du Nord], je considère ceux de Nice comme les plus avantageux, non pas par leur élégance et leur magnificence – car en cela ils sont surpassés par ceux de France – mais bien pour de nombreux autres avantages, qui sont en harmonie avec la position topographique favorable de ses plages maritimes.

En effet, Marseille possède de nombreuses usines chimiques dont les résidus sont jetés dans la mer, polluant ainsi une grande partie de la côte. Les rives de Gênes sont presque inaccessibles et sans plage. À Livourne, il faut se rendre en barque au lieu où l'on prend les bains.

En revanche, Nice présente une plage couverte de galets très fins, sur laquelle passe une eau limpide et exempte de toute saleté, car les conduites communiquent avec le petit fleuve du Paillon, qui divise la ville et ses faubourgs.

Avec un grand confort, on peut loger agréablement dans les maisons voisines, qui sont presque touchées par les vagues de la mer, et se déshabiller sous des tentes appropriées ou dans une cabine ("macchina") adaptée et mobile. En outre, la température de l'eau de mer, qui monte généralement à +17°, et celle de l'atmosphère, modérée et constante, méritent une attention toute particulière.

L'utilisation des bains de mer est recommandée du 15 juillet au 1er septembre ; les Anglais, au contraire, commencent leur saison de bains seulement en septembre, et l'étendent jusqu'à octobre, voire même jusqu'à la fin de novembre : ils ont reconnu que pendant cette période, l'eau de mer possède une action tonique et sédative plus efficace. La saison consiste généralement à prendre entre 20 et 25 bains.

Il serait superflu de mentionner le climat favorable de Nice, étant donné qu'il est généralement reconnu comme le meilleur d'Europe ; je me permets simplement de remarquer que, du mois de mai jusqu'en septembre, on jouit d'un temps invariablement clair, et la mer est presque toujours calme, ce qui permet d'utiliser les bains pendant trois mois sans interruption. L'an dernier, pendant les deux mois où j'ai utilisé les bains marins à Nice, leur utilisation a seulement été suspendue pendant cinq jours à cause d'une mer agitée" (Dr J. Stummés, Intorno al uso de' bagni del mare, Pavia, 1842, traduction du texte en italien, pp. 6-7).

Ce texte présente une période de bains qui s'étend de mai à novembre, selon les nationalités, et atteste, pour la première fois, la présence d'installations sur les plages de Nice, de tentes en toile et de cabines de bain en bois.

Dans l'Encyclopédie des gens du monde, parue la même année, l'article consacré aux Bains de mer en général (vol. 17, 1842 pp 549-550) donne une vision française et globale de leur usage et définit la saison idéale, à "la fin de l'été". 

L'auteur distingue les bains de pleine mer et ceux pris en baignoire où l'on "est privé de l'effet des vagues, du mouvement libre, du renouvellement constant de l'eau et de l'air si vif de la mer" mais où l'eau peut-être échauffée et mêlée à d'autres médicaments.

Au milieu des années 1840, quatre établissements de bains publics sont cités à Nice : place Victor, Maison Donaudy, place du Gouvernement, près la Poste aux lettres et place du Jardin des Plantes (Bains des Quatre Saisons), Maison Trabaud. 

Un quatrième s'ajoute courant 1846, rue Saint-Français-de-Paule, près le Théâtre (Antoine Risso, Nouveau guide du voyageur à Nice, 1844 p 76 ; L'Indicateur Niçois pour 1844, 1845, 1846, 1847 et 1848).


Remarques

Les bains de mer "à la lame" (dans les vagues) continuent à se dérouler essentiellement en été, après le départ des hivernants, et semblent être essentiellement une pratique des étrangers domiciliés à l'année dans la ville : "Pendant l'été, bien que la chaleur soit modérée par une brise marine, le séjour devient inconfortable en raison de la sécheresse, des mouches et des moustiques, de l'excès de poussière sur les routes, et d'autres désagréments liés à cette saison. 

Malgré cela, de nombreuses familles étrangères y restent pour profiter des bains de mer ; d'autres se rendent sur les collines environnantes, notamment au Belvédère, un endroit très frais et agréable, ainsi que dans d'autres campagnes charmantes" (traduction d'un passage de Notizie topografiche et statistiche degli Stati Sardi, 1847 p 722).

Les hôtels niçois mettent en évidence, dans leurs publicités, leur position abritée des vents, leur proximité des promenades publiques, leur exposition au midi, leur vue sur mer et leur proximité de la plage. 

Dès 1848, l'Hôtel de Londres est pris en charge par M. Estienne, propriétaire à Marseille des "Grands Bains de la Méditerranée", établissement qu'il continue d'ailleurs de diriger pendant les étés (Le Nouvelliste du 19 novembre 1848). 


La famille impériale de Russie

L'été 1845, la grande-duchesse Hélène de Russie (1807-1873) est à Gênes, auprès de sa belle-sœur, l'Impératrice Alexandra de Russie (1798-1860). Les deux femmes, souffrantes, se sont fait annoncer à Nice.

Cependant, c'est sans l'Impératrice que la grande-duchesse Hélène vient à Nice, et pour la seule journée du 6 septembre 1845. "Questionnée sur le motif d'un séjour aussi court et d'un départ aussi précipité, l'aimable princesse répondit en souriant : ce voyage n'est qu'un caprice de femme souffrante ; j'ai voulu venir prendre un bain de mer, déjeuner et dîner à Nice" (Le Sémaphore de Marseille du 14 septembre 1845). 

Ce bain a probablement été pris sur la plage. 


2- Photographe anonyme, Vue de la Promenade des Anglais, Nice 1856, détail de la vue est-ouest
 
montrant la partie orientale de la Promenade des Anglais et l'Hôtel Victoria, récemment ouvert (1855) et, sur la plage, un groupe de cinq ou six cabines de bains en bord de voie et une en bord de mer,
épreuve de 19x26 cm, P_240-1.r.11.-10, Magyar Országos Levéltár (Archives nationales de Hongrie). 
L'auteur de cette photographie peut être Pierre Ferret, Henri de Rostaing ou Louis Crette.



LES ANNÉES 1850


Les traités médicaux

Aux nombreux traités médicaux spécifiques à la ville de Nice, rédigés dans les années 1840 (Dr Farr, Naudot, de Corvey, Provençal, Camous), viennent s'ajouter ceux des années 1850 (Dr Lee, Fitz-Patrick, Lubanski, Pollet). Il est vrai qu'avec l'afflux des malades, les médecins de toutes nationalités se sont multipliés dans la ville.

Edwin Lee, dans l'ouvrage, Nice et son climat, édité en 1851, fait le point sur la question des bains (p 41) : "Il y a dans la ville trois ou quatre établissements assez commodes pour les bains d'eau douce et d'eau de mer. On peut aussi prendre dans la saison convenable des bains en pleine mer au moyen des maisonnettes sur roues, comme on en voit aux bains de mer en Angleterre et en France".


Les projets de Casino

Le projet de M. de Fiers d'établir un Casino à Nice, exclusivement accessible aux étrangers l'hiver (comme il en existe à Aix-les-Bains, l'été), est révélé début 1850 mais au moment de son échec. Autorisé par la municipalité, il est en effet refusé par le gouvernement (Bulletin de Paris du 3 février 1850 ; Le Droit du 12 janvier 1851). 

Un nouveau projet de Casino est cette fois déposé en juin 1853, par la famille Schneider. Ce Casino se verrait doté de salons de jeux et de loisirs (salle de bals et de concerts, salon de billard, salle de lecture, salons pour dames, galerie de tableaux, petit musée d'histoire naturelle, restaurant, café), situé au milieu de jardins (serre et ménagerie) mais également couplé avec un établissement de bains (L'Avenir de Nice des 22 et 26 juin 1853). 

Le projet est accepté par la municipalité mais, lui aussi, refusé par le ministre piémontais de l'Intérieur en octobre. Cependant, une nouvelle demande est faite dans les semaines suivantes et est cette fois acceptée (Gazette du Midi des 28 octobre et 5 décembre 1853). 

Le Casino ouvre le 4 janvier 1854 dans la propriété Pollan, située sur la Promenade des Anglais, avec tout d'abord un grand pavillon de bois qui accueille notamment une salle de bals et de concerts (L'Avenir de Nice du 7 janvier 1854 ; Marie de Solms, Nice ancienne et moderne, Florence, 1854 p 93) (Image 3). 


3- Publicité pour le Casino de Nice, parue dans L'Avenir de Nice du 7 janvier 1854,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes.



L'établissement fait cependant faillite au bout de trois mois (Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 01FS 1217, 06FS 0180 et 0181 ; L'Avenir de Nice des 4 et 5 juin 1854).


Les installations de bains

Au printemps 1852, une belle et grande maison meublée, située près du port de Nice, en bord de mer et en plein midi, est proposée à la vente ou à la location pour devenir "un hôtel avec établissement de bains de mer, dont Nice se trouve encore privée, malgré la nécessité tous les jours mieux sentie, par le grand nombre d'étrangers qui de toutes les parties du globe viennent pour rétablir leur santé sous un aussi beau ciel et jouir d'un climat aussi doux, si justement et universellement renommé.

Un pareil établissement serait recherché en toutes saisons, par les nombreux habitants qui viennent passer le quartier d'hiver et par ceux auxquels sont ordonnés les bains des eaux de la Méditerranée dont on peut jouir depuis le mois d'avril à fin octobre (Le Sémaphore de Marseille des 15, 29 avril, 6 et 9 mai 1852).

Cette grande maison est très probablement la nouvelle Maison Salvi, située au Lazaret et bâtie en 1850. Si aucun établissement de bains ne va à nouveau y être créé, l'Hôtel Royal s'y installera cependant fin 1857.

Le 8 juin 1852, L'Avenir de Nice publie le manifeste municipal suivant, déclinant le règlement des bains de mer : 

- "1° Il est réservé aux baigneurs la partie de la plage du Lazaret comprise entre le petit séminaire et le port, et celle comprise entre l'extrémité Est de la Terrasse et la rampe du boulevard du Midi. 

- 2° Il est réservé aux baigneuses l'endroit dit des "payrou" depuis les rochers jusqu'à l'extrémité Est de la Terrasse, ainsi que la partie du rivage comprise entre la rampe du boulevard du midi et l'embouchure du Paillon. Des signaux spéciaux indiqueront d'une manière précise les susdites limites.

- 3° Les personnes qui se baigneront devront se couvrir décemment et s'abstenir de tout acte inconvenant, sous les peines portées par la loi".

Quelques remarques s'imposent : ce règlement est publié début juin, ce qui semble impliquer une saison de bains qui commence à cette date : il délimite des zones de plages spécifiquement réservées aux femmes et aux hommes mais sans inclure la plage qui longe la Promenade des Anglais ; il cherche, enfin, à lutter contre l'habitude masculine de prendre des bains de mer entièrement nu.

Le 4 décembre 1852, un long article publicitaire intitulé "L'Hiver à Nice" paraît dans le Journal des débats politiques et littéraires : "Aux portes de la France, et sur le seuil de l'Italie, Nice est à cinq jours de Londres, à quatre de Paris, de l'Allemagne et de la Suisse (...). 

Pour les maladies rebelles ou chroniques, peu de villes offrent, comme Nice, autant de ressources pour les combattre : soit sous le rapport du service médical exercé par d'habiles praticiens du pays et de l'étranger, soit par la facilité de faire usage des bains de mer en tout temps, etc. (...).

On trouve à Nice (...) de nombreux établissements de bains ; d'excellens hôtels, pensions, maisons meublées et délicieuses villas (...) ; enfin des logements confortables à la portée de toutes les fortunes" (Journal des débats politiques et littéraires du 4 décembre 1852).

Pierre Mary, qui tient la maison de bains proche du Théâtre-Italien (depuis 1846), fait établir fin 1852 un souterrain voûté, au sol pavé de marbre, qui part de la rue Saint-François-de-Paule, passe sous le boulevard du Midi et accède directement à la plage par une porte percée dans le mur de digue, permettant tout à la fois le passage des baigneurs et celui des conduites destinées à puiser l'eau de mer.

En juillet 1853, il fait réaliser des travaux sur la plage pour y installer des cabines de bains puis inaugure son établissement début décembre, face à la porte de son tunnel (L'Avenir de Nice des 25 septembre, 17 octobre et 15 décembre 1852 et des 9 juillet et 7 décembre 1853).

Une publicité postérieure précisera que l'établissement renommé, "Polythermes. Bains de la Méditerranée, rue St-François-de-Paule et boulevard du Midi, offre une grande variété de services : bains d'eau douce, bains de mer chauds et froids, bains sulfureux, bains de vapeur et bains minéraux adaptés à toutes les conditions et disponibles en hiver comme en été. Monsieur Mary, dans son établissement, a construit une élégante allée couverte permettant l'accès sécurisé à la mer pour des exercices de natation sous la surveillance de maîtres nageurs compétents" (Auguste Burnel, Nice, janvier 1857, Appendice publicitaire).

Depuis le début des années 1850, le sieur Charles Faraut tient une cabine de bains sur la plage du Boulevard du Midi, face à l'Hôtel Paradis. En mai 1853, il rappelle dans une petite annonce son offre de services (Image 4), les sauvetages qu'il a opérés par le passé et la perte récente de ses installations qu'il va devoir rétablir (L'Avenir de Nice des 18 mai et 4 juin 1853 ; Pierre Cauvin, Guide du Commerce, 1855, vol. 2 p 87 : L'Avenir de Nice du 25 février 1860). 


4- Petite annonce de Charles Faraut parue dans L'Avenir de Nice des 18 mai et 4 juin 1853 (Archives Départementales des Alpes-Maritimes)


Il est à noter que les cabines de bains à Nice ne se réduisent pas, dans les années 1850, à celles de Charles Faraut et de Pierre Mary sur la plage du boulevard du Midi mais qu'il existe celles du sieur Georges et du sieur Lambert sur le Promenade des Anglais, même si les noms de ces derniers n'apparaissent dans les documents qu'au tournant des années 1860 (Image 5).

Quelques tableaux, aquarelles, estampes et photographies témoignent de ces cabines niçoises des années 1850, le plus souvent vues de loin. Elles semblent encore peu nombreuses, positionnées au bord ou en retrait du rivage, sur les plage du boulevard du Midi (Image 1) et de la Promenade des Anglais (Image 2). De rares tentes sont visibles, constituées de tissus qui ferment un espace parallélépipédique ou pyramidal.

Les cabines en bois, de plan carré, polygonal ou rectangulaire, sont horizontales, en forme de cabanes posées sur des tréteaux ou bien de roulottes, généralement équipées d'une paire de grandes roues à l'avant et de plus petites à l'arrière. 

Ces cabines mobiles, "bathing-machines" ou "voitures-baignoires", sont semblables aux cabines anglaises et européennes dont témoignent de plus nombreuses et anciennes représentations mais sans que l'on puisse vérifier si, comme elles, elles sont emmenées dans les vagues par des chevaux, sont équipées d'une "voile" ou "capote" masquant la descente des femmes dans l'eau et sont accostées d'un "baigneur" professionnel ("conducteur", "maître-nageur", "guide", "accompagnateur") veillant à immerger, assister et surveiller la personne.

En 1855, Pierre Cauvin, dans son guide niçois, ajoute aux quatre maisons de bains jusque-là citées, la maison créée par le Dr Provençal, au quartier de Riquier, rue de Villefranche (citée dès 1852). 

Il cite également l'Etablissement hydrothérapique, ouvert vers 1854 rue de France, Maison Brès, dirigé par le Dr Lubanski l'hiver, en alternance avec celui de Longchêne près de Lyon, l'été.

Il cite encore l'Établissement de bains atmosphériques Millet/Milliet, à proximité de la Villa Bermon(d), au quartier de Saint-Etienne (Pierre Cauvin, Guide du Commerce. Indicateur niçois, suivi d'un Cicerone de l'étranger pour Nice et ses environs, 1855, vol. 1 pp 70 et 132 ; vol. 2 p 66). 

Après le succès de leur établissement de Lyon, les frères Millet ont inauguré le 15 février 1854, un établissement similaire à Nice, afin de renforcer les bienfaits thérapeutiques de l'air comprimé par l'influence bénéfique d'un climat salubre et ensoleillé (L'Avenir de Nice du 17 février 1854 ; Annali universali di medicina, Milano, 1856, vol. CXV p 221).

Enfin, l'ouvrage publie l'annonce de l'Ecole spéciale de Commerce, d'Industrie et d'Agriculture, située à Nice rue Victor, qui précise notamment sa prise en charge des "bains de mer, visites du médecin, médicaments" des élèves (Pierre Cauvin, op. cit., 1855, vol. 2 p 131).

Malgré la présence importante de Français, Bavarois et Russes à Nice, c'est l'influence étrangère anglaise qui prédomine encore dans la ville, avec agences de locations anglaises, magasins anglais, pharmacies, médicaments et médecins anglais.

Nice se voit d'ailleurs de plus en plus souvent comparée à la station balnéaire de Brighton, pour sa réputation, les bienfaits de son climat et ses bains de mer ou sea-bathing mais avec une plage ensoleillée de galets gris et rugueux où les cabines de bains ou bathing-machines n'ont été que récemment introduites (John Oldmixon, Gleanings from Piccadilly to Pera, 1854 p. 112 ; Chamber's Journal of Popular Literature, Science and Arts, February 3 1855 p. 65 ; John Murray, Hand-Book for Travellers in Northern Italy, 1856 p. 75 ; Le Siècle du 13 septembre 1858).

Auguste Burnel dans l'ouvrage, Nice, édité en janvier 1857 (p 33), aborde à son tour la question des bains : "Déjà un assez grand nombre de familles étrangères ont pris l'habitude de venir passer la saison des bains à Nice, et cette année (1856) on a pu remarquer que l'émigration, en tête de laquelle figurent la Lombardie et le Piémont, avait pris une importance considérable.

J'ajoute qu'indépendamment de l'avantage des bains de mer, Nice peut offrir à l'étranger les ressources de l'hydrothérapie et même celle des eaux minérales. En effet, Nice est placée à quelques heures seulement des établissements hydrothérapiques de Saint-Dalmas [géré successivement par des hôteliers de Nice] et de la chartreuse de Pesio [avec le Dr Brandéis qui officie également à Nice]".

Le Dr Pollet rappelle, dans ce même ouvrage, que "l'époque la plus favorable pour les bains de mer, à Nice, est entre le commencement de juin et la fin de septembre" (Dr Pollet, "Lettre à l'Avenir sur les bains de mer", dans, Auguste Burnel, Nice, janvier 1857, Appendice pp 205-218).

L'Hôtel Victoria, tenu par M. Zicchitelli (Image 2), qui a déménagé sur la Promenade des Anglais en 1855, reste désormais ouvert toute l'année, "sur le littoral à l'ouest de la ville, avec une belle exposition sud, pratique en hiver pour les invalides, et en été pour les baigneurs, en dehors de la ville et près de la plage" (Murray, Hand-book for Travellers in Northern Italy, 1858 p 69).

Le 27 avril 1857, la Société de Bains de Nice voit le jour, autour d'un projet dirigé par le Dr Alexandre Lubanski. La société recueille les fonds nécessaires dès le mois d'août et conçoit un grand établissement au bord du rivage du Lazaret, avec une aile consacrée aux bains de mer et l'autre aux bains d'eau douce (Élévation non datée du bâtiment, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 2Q 69).

"On va construire à Nice des bains de mer sur le belle plage de Montboron. Karr, ce roi des baigneurs a pris sous sa protection ce projet qui va devenir une utilité européenne" (Joseph Méry, dans son ouvrage, Ems et les bords du Rhin, 1858 p 16).

Malheureusement, ce projet ne va pas aboutir du fait de problèmes de procédure (procès entamé en mars 1858, Gazzetta de Tribunali, 1859 pp 247-248), alors qu'un établissement de bains et qu'une maison de jeux ont été ouverts à Monaco et que deux nouveaux projets plus grandioses y sont commencés.

Alphonse Karr va dénoncer cet échec dans sa revue Les Guêpes de juillet 1859 : "Nice n'a pas voulu avoir de bains de mer : - Nice est coquette et capricieuse, - elle veut être aimée pour elle-même. - Le docteur Lubanski a voulu établir à Nice des bains de mer. 

- Au moment de l'exécution, le syndic Barralis, notaire de profession, qui avait, sinon rédigé, du moins lu et approuvé l'acte de société, a refusé de verser le montant de sa souscription à cause d'une irrégularité dans cet acte. Nice aurait de charmants bains de mer ; l'eau y est tiède depuis le mois de mai jusqu'au mois de novembre ; les femmes y restent jolies, - ce qui n'a pas lieu sur les plages de l'Océan".

Seul, le Dr Lefèvre va créer, vers 1859, un petit établissement d'hydrothérapie au Lazaret .

Dans l'article consacré aux Bains de mer de son Dictionnaire universel de la vie pratique à la ville et à la campagne de 1859 (pp 174-76), Guillaume Belèze cite vingt-huit stations balnéaires françaises et affirme que, "Ostende en Belgique et Nice dans les Etats sardes sont, à l'étranger, les bains de mer les plus fréquentés par les Français"

Il évoque également les costumes de bains français alors en vigueur, avec pour les hommes, caleçon ou gilet-caleçon de tricot sans manches et, pour les femmes, large pantalon et blouse à manches-courtes, en laine et de même couleur, ainsi que bonnet, chaussons, peignoir (pour se sécher) et pelisse ou manteau (pour traverser la plage).

5- Publicité pour les Bains George parue dans L'Avenir de Nice des 1er juin, 11 juin et 9 juillet 1859 p 4,
Archives Départementales des Alpes-Maritimes.



La famille impériale de Russie

Dans la seconde moitié des années 1850, ce sont surtout les séjours de la famille impériale de Russie qui viennent asseoir la réputation de Nice et de ses bains de mer, avec notamment les deux longs séjours de l'Impératrice douairière Alexandra Feodorovna de Russie (du 26 octobre 1856 au 21 avril 1857 et du 17 octobre 1859 au 1er juin 1860) et les multiples séjours de la grande-duchesse Hélène (du 16 novembre 1856 au 1er juillet 1857, quelques semaines en décembre 1857, en mai et juin 1858, entre novembre 1858 et janvier 1859 puis en juin 1860 et octobre 1861).


"Jamais, depuis que Nice existe, tant de têtes couronnées ou princières n'avaient paru dans ses murs, et surtout n'y avaient fait un aussi long séjour".

- Auguste Burnel, Nice, ouvrage rédigé en 1856 et édité en janvier 1857, p 41.


Les deux femmes vont d'ailleurs être, dès 1857, parties prenantes au sein de la Société des Bains de Nice, tant sur le plan financier que celui de la conception de l'établissement envisagé au Lazaret.

L'Impératrice est frêle et semble souffrir de tuberculose et de problèmes cardiaques. Si les journaux ne rapportent aucun récit de bain de mer pris par l'Impératrice à Nice, c'est pourtant la raison de ses séjours, sur le conseil de ses médecins (Gazette de France du 11 février 1845 ; La Patrie du 1er mai 1858). 

L'Impératrice est certes une habituée des saisons d'été dans des stations thermales (Bade ; Ems le plus souvent ; Kreuth ; Fischbach...) mais plus rarement dans des stations balnéaires (Odessa en 1828).

La grande-duchesse Hélène souffre pour sa part de maux qui ne sont pas connus mais chacun des articles de journaux se complaît à répéter qu'elle séjourne à Nice "pour prendre des bains de mer". 

La grande-duchesse est elle-aussi une habituée des saisons thermales (Ems, Ischl, Réval/Tallinn...) mais plus encore des stations balnéaires de la Manche et de la mer du Nord (avec notamment, Scheveningen, près La Haye, Pays-Bas en 1829 ; Brighton, Angleterre, en 1831 ; Dieppe, France, en 1840 ; Ostende, Belgique, en 1858). 

À Nice, une cabine et un ponton de bois sont mis à sa disposition dès le mois de mars 1857 et ses bains précoces semblent à nouveau avancer la saison des bains. 

Dans les années suivantes, ce sont les Bains Lambert qui revendiqueront le fait d'avoir été l'établissement de son altesse la grande-duchesse Hélène et même d'en avoir, pour un temps, porté le nom (Le Courrier des Ardennes du 5 novembre 1862 ; La Gazette des Eaux du 19 novembre 1863 ; Guide Joanne, Les stations d'hiver de la Méditerranée, 1882 p 12).

Léopold Amat écrira, en 1864, que la grande-duchesse "prit ses bains sur la plage de la Promenade des Anglais, où un baraquement informe et par trop rustique avait été improvisé" (L Amat, De la nécessité d'un Casino à Nice, 1864 p 16).



SYNTHÈSE


La fréquentation de la ville de Nice par les ressortissants des pays d'Europe du Nord s'est essentiellement développée à partir de la seconde moitié du XVIII° siècle, du fait de l'attrait de son climat hivernal bienfaisant.


"Non seulement on a joui et on jouit à Nice d'une santé parfaite, faite pour attirer constamment les étrangers que le désir d'échapper aux rigueurs des hivers, ou le besoin de respirer un air doux et tempéré, fait affluer sous cet heureux climat...".

- Gazette nationale du 18 février 1805.


La pratique des bains de mer semble longtemps restée confidentielle, parce qu'elle avait essentiellement lieu en été (de juillet à septembre) et parce que la ville ne disposait pas d'installations spécifiques qui auraient pu faire sa réputation. Cependant, la saison des bains semble s'être progressivement allongée. 

Les maisons de bains publics, peu nombreuses au départ, mais offrant des bains de mer sur place et à domicile, ont commencé à se multiplier à partir des années 1830. Les premières tentes et cabines de bains sont apparues vers 1840, permettant aux hivernants, et en particulier aux femmes, de bénéficier en début de séjour, de bains de mer praticables jusqu'à mi-novembre.

Le nombre d'hivernants a régulièrement augmenté avec, en parallèle, une part croissante de visiteurs non pas attirés par des raisons médicales mais par les plaisirs de la villégiature. Cette évolution a eu deux effets majeurs : les prix des locations ont fortement augmenté et les demandes d'activités de divertissement se sont intensifiées. Dans ce contexte, les bains de mer ont pu progressivement devenir une activité mondaine prisée.


"De mon temps Nice était Nice, et n'était pas la vie de château dans le jardin des Hespérides. Alors on y allait pour guérir, aujourd'hui on y est pour jouir".

- La France du 31 mars 1842


Ce n'est vraiment qu'à partir des années 1850 que des établissements de soins se sont ouverts dans la ville et que les cabines de bains se sont multipliées sur les plages, couplées avec des écoles de natation. De grands hôtels ont commencé à rester ouverts pendant l'été, alors que cette saison était jusque-là désertée par les étrangers, notamment du fait de leur crainte des fortes chaleurs, des rayons solaires et de la grande luminosité. 

Dans la seconde moitié des années 1850, l'exemple fameux de la grande-duchesse Hélène de Russie a non seulement popularisé la pratique des bains de mer à Nice mais également leur usage dès le mois de mars. Désormais, les cabines de bains se verront le plus souvent mises à l'abri des tempêtes pendant la mauvaise saison mais installées sur les plages niçoises de mars à octobre.


 "Nice, 12 novembre 1857 - Hier, j'ai vu des femmes délicates se plonger dans la mer, comme on le fait ailleurs en juillet et en août".

La Patrie du 17 novembre 1857.


Le gouvernement et la municipalité n'ont cependant pas su répondre aux besoins et aux désirs croissants des étrangers et n'ont favorisé ni l'ouverture d'un grand établissement de bains en bord de plage ni celle d'un casino offrant des salons de jeux et de loisirs.

Ce n'est qu'après l'annexion française de 1860 que de tels projets pourront être réalisés et que l'afflux des étrangers se verra non seulement facilité mais encore accru par l'ouverture d'une ligne de chemin de fer. 

Cependant, en dépit de l'intérêt ancien pour le quartier du Lazaret et ses aspects pittoresques et sécurisés, c'est auprès de la nouvelle ville et plus particulièrement sur la Promenade des Anglais que ces projets s'épanouiront.