- Monument n°8 (Plateau Gambetta, allée externe, côté nord, concession n° 7831) :
MAUBERT Louis (1875-1949), Chapelle du Baron Robert H., 1917-1926,
détail du médaillon de la Mort de la porte de bronze, 1921.
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LE TOMBEAU DE ROBERT HUDSON RÉALISÉ PAR LE SCULPTEUR LOUIS MAUBERT
Âgé de 72 ans, le britannique Robert Hudson (né à Londres, le 21 janvier 1845) qui réside dans la ville de Nice, acquiert au début de l'année 1917, une concession (n° 7831) du Cimetière du Château, au nord du Plateau Gambetta. Il confie la construction du monument, vers 1920, au sculpteur niçois, Louis Maubert (1875-1949), déjà célèbre pour ses œuvres dans la ville, avec notamment le Monument de Gambetta (Place Béatrix, actuelle place Général de Gaulle, 1909, détruit en 1942) et le Monument à la Reine Victoria (Cimiez, 1912).
Le Projet de Monument funéraire, daté du 26 avril 1921, est conservé aux Archives Municipales de la Ville de Nice (cote : 1W344). La réalisation du Monument a lieu entre 1921 et 1926.
En 1935, le testament de Robert Hudson stipule : "Je désire être incinéré et que mes cendres soient déposées dans mon caveau du cimetière du Château à Nice" (voir le Journal du Droit International, 1938, pp 595-601, sur Gallica). Il meurt le 21 janvier 1936, à l'âge de 91 ans.
Le Projet de Monument funéraire, daté du 26 avril 1921, est conservé aux Archives Municipales de la Ville de Nice (cote : 1W344). La réalisation du Monument a lieu entre 1921 et 1926.
En 1935, le testament de Robert Hudson stipule : "Je désire être incinéré et que mes cendres soient déposées dans mon caveau du cimetière du Château à Nice" (voir le Journal du Droit International, 1938, pp 595-601, sur Gallica). Il meurt le 21 janvier 1936, à l'âge de 91 ans.
La chapelle, érigée en marbre ocre et blanc, est orientée est-ouest. Elle se présente sous la forme d'un mastaba carré et clos dont la porte occidentale, en bronze ajouré, est gardée par deux lions face à face, et dont la petite baie occidentale est ornée d'un vitrail.
Sur le toit de la chapelle, une femme voilée éplorée, ou Douleur, est assise sur un large siège adossé à des rochers, la tête accoudée sur son bras gauche.
Des plantes grimpantes symboliques, desséchées et mortes, sont visibles des deux côtés du siège et l'accoudoir du bras gauche est recouvert par un long pan du voile.
Sur le côté nord du socle portant la statue, le sculpteur a apposé sa signature : "L . MAUBERT Sre (statuaire) A NICE".
Le milieu des faces latérales de la chapelle est pour sa part timbré du blason en bas-relief portant les armoiries familiales, avec le cerf de Saint-Hubert dominant un heaume de chevalier et le blason porté par les figures jumelées d'ours. Une frise d'oves fait le tour de la chapelle, couronnant les façades et soulignant la naissance du toit.
Sur la face principale, la porte est accostée de deux lions de marbre blanc, couchés sur de hauts piédestaux, et de deux torches sculptées, renversées. L'inscription suivante est gravée sur le linteau :
"THE FAMILY VAULT OF
BARON H. FIRST BARON BORWICK
OF HAWKSHEAD COUNTY LANCASTER".
Il est à noter que ce titre de Baron n'a été créé et attribué à Robert Hudson qu'en 1922, date où il a été élevé à la pairie, ce qui explique qu'il soit le Premier Baron Borwick.
La porte de bronze, à deux battants, donne la touche Art Déco du monument. Elle est ornée dans sa partie basse et pleine, de deux génies funéraires ailés face à face (Éros antiques éteignant la torche des sensations sur le corps du défunt), positionnés de profil et appuyés sur leur longue torche renversée. Une variation intervient au niveau de la position des mains et des pieds afin de différencier les deux figures.
Près de la flamme de la torche de droite, le sculpteur a à nouveau apposé sa signature mais cette fois sur trois lignes et accompagnée de la date : "LMaubert 1921 Nice". Il est à noter que de 1921 à 1933, le sculpteur dirigea la Villa Médicis à Rome.
Dans la partie haute de la porte, les battants ajourés sont ornés de quatre médaillons des quatre âges (ou saisons) de la vie, représentés par quatre visages féminins, accompagnés de végétaux symboliques. Les visages de l'enfance (muguet du printemps), de l'âge adulte (rose de l'été) et de la vieillesse (houx de l'hiver) sont tournés de trois-quarts, alors que le visage de la Mort, est lui de face, le crâne recouvert du linceul et accosté de fleurs de pavot (symbole de sommeil et de renouveau).
On aperçoit en arrière des portes de bronze, le vitrail coloré, aux dominantes chaudes équilibrées de larges surfaces bleues et de touches de vert. Ce dernier offre en son centre le buste du Christ souffrant, portant la couronne d'épines, bénissant de la main droite (percée) et, de l'autre, tenant le Livre (Vie, Mort, Résurrection et Jugement).
- DECÔTE Georges (1870-1951), Vitrail du Tombeau de Robert H., 1926,
détail central du visage du Christ (pris au travers des interstices de la porte de bronze),
et signature et date apposés en bas à droite.
Sur le pourtour du vitrail court l'inscription suivante "RESURREXI ET ADHVC TECVM SVM", qui est l'ouverture du Chant liturgique du jour de Pâques du rituel romain, tirée du Psaume 139 (138), verset 18b : "Je Suis Ressuscité et Je Suis Encore Avec Toi". Le peintre a signé et daté son travail en bas à droite : "G. Decôte INT et DelTLyon MCMXXVI". Il s'agit du peintre lyonnais Georges Decôte (1870-1951) qui a créé (Invenit) et dessiné (Delineavit) le motif. Le maître verrier lyonnais C.Blanchon (signature apposée en bas à gauche) a réalisé le vitrail d'après son carton en 1926 et apporté probablement ainsi la touche finale au monument.
- Face arrière du monument montrant l'ensemble du vitrail.
UN MONUMENT INFLUENCÉ PAR LES ŒUVRES D'ANTONIO CANOVA
- MAUBERT Louis, Tombeau de Robert H., détail du lion gauche éveillé et du lion droit assoupi.
Avec l'étude du monument de Louis Maubert, l'influence du sculpteur italien néo-classique Canova devient manifeste. Elle s'impose tout d'abord par la figure des lions que Canova a particulièrement affectionnée dès son enfance et qu'il a utilisée, souvent unique et ailée, notamment dans le Tombeau du Pape Clément XIII (1782-1792, Rome, basilique Saint-Pierre), le Tombeau de l'Archiduchesse Marie-Christine d'Autriche (1798-1800, Vienne, Eglise des Augustins), le projet de Tombeau de Francesco Pesaro (1799, esquisse en bois et cire du Musée Correr de Venise) et le projet de Tombeau du Titien (1790-1795), réalisé après sa mort par ses élèves comme tombeau de l'artiste, Tombeau de Canova (Venise, Santa Maria Gloriosa dei Frari, 1827). La figure du lion, puissante et royale, y est tout à la fois celle du gardien sacré des cimetières antiques, le symbole de l'Empire romain et celui de la ville de Venise près de laquelle Canova est né, où il a étudié et travaillé, et y est décédé et enterré.
Le rapprochement le plus intéressant entre les lions de Maubert et ceux de Canova se fait avec ceux du Mausolée de Clément XIII où les deux lions, couchés face à face et surélevés par un piédestal, gardent la porte du tombeau.
- CANOVA Antonio (1757-1822), Mausolée du pape Clément XIII, 1782-1792,
Rome, pilier de la crypte de la basilique Saint-Pierre.
- MAUBERT Louis (1875-1949), Lions gardant l'entrée du Tombeau de Robert H., 1917-1926,
Les rapprochements ne s'arrêtent pas là. Les figures de génie funéraire à la torche renversée du monument de Maubert renvoient également à l'art de Canova qui l'a utilisé unique et assis dans le projet du Tombeau de Philadelphie (1894, esquisse en plâtre du musée de Bassano), unique et debout dans un haut-relief en marbre qui lui est attribué, et unique et assis en présence d'une ou de deux figures de lions dans le Mausolée de Clément XIII, celui de Marie-Christine d'Autriche et le projet du Tombeau du Titien.
Le rapprochement le plus intéressant s'effectue cette fois avec la réalisation par Canova du Cénotaphe des Stuart (1817-1819, Rome, basilique Saint-Pierre) où deux génies funéraires de marbre, sculptés en haut-relief, sont au repos, debout face à face, appuyés sur leur longue torche renversée, et s'affirment sans équivoque comme le modèle retenu par Louis Maubert : certes, le medium est différent (bronze au lieu de marbre), le relief est plus bas, et les ailes sont plus longues et collées au corps.
- CANOVA Antonio (1757-1822), Cénotaphe des Stuart, Rome, pilier de la crypte de la basilique Saint-Pierre, 1817-1819.
- CANOVA Antonio (1757-1822), Cénotaphe des Stuart, Rome, pilier de la crypte de la basilique Saint-Pierre, détail du génie funéraire de droite, 1817-1819.
- CANOVA Antonio (1757-1822), Génie funéraire, date (?),
haut-relief en marbre de Carrare attribué à l'artiste, 140x87x15 cm (vente aux enchères de 2012).
- MAUBERT Louis (1875-1949), Tombeau de Robert H., 1921,
détail du bas de la porte de bronze, Nice, Cimetière du Château, Plateau Gambetta.
Enfin, la figure assise sur un large siège de la Douleur de Maubert, positionnée sur le toit de la chapelle souligné d'une frise d'oves, n'est pas sans évoquer la figure papale assise sur le siège pontifical positionnée sur le sarcophage au rebord souligné d'une frise d'oves du Mausolée de Clément XIV (achevé en 1787, Rome, basilique des Saints Apôtres).
- CANOVA Antonio (1757-1822), Mausolée du Pape Clément XIV, 1787,
Roma, basilique des Saints-Apôtres.
Louis Maubert a reçu le surnom de "sculpteur des rois" comme Antonio Canova. L'art de ce dernier a durablement marqué l'art du XIX° siècle et de la première moitié du XX° siècle et notamment l'art français, du fait de ses expositions au Louvre et des commandes réalisées pour Napoléon 1er. Divulguées par les ouvrages d'art et de nombreuses copies, les œuvres de Canova étaient présentes et admirées en France. Louis Maubert connaissait bien l'art de Canova et a pu notamment fréquenter ses œuvres romaines lors de sa direction de la Villa Médicis de 1921 à 1933.
- GUGLIELMI Paolo (1804-1862), Les Lions du Tombeau de Clément XIII, sculptés par Canova, gravures, 1830.
Si Louis Maubert rend à Nice un hommage appuyé au génie de Canova, il n'en rend pas moins un hommage au riche commanditaire britannique (fabricant alimentaire) du monument du Plateau Gambetta. Le lien entre Canova et la Grande-Bretagne existait de même, du fait de l'existence de ses mécènes anglais mais également du fait de sa réalisation du Cénotaphe des Stuart, membres de la famille royale britannique. Il reste possible que la présence de ces lions aient été une demande de Robert H., amateur d'art, pour la réalisation de son tombeau.
L'INFLUENCE DES OEUVRES DE CANOVA
Les lions de Canova ont été copiés un grand nombre de fois aux XIX° et XX° siècles, de toutes matières (marbre, bronze, terre cuite, plâtre...) et dimensions, avec parfois des modifications, et se sont retrouvés dans les musées internationaux mais également chez des particuliers, à l'intérieur ou à l'entrée du bâtiment. Il existe de nombreux articles de blogs et images sur ce sujet et la liste des copies est longue, tant en France (anciens locaux du Journal "Le Sillon", actuel Institut Marc Sangnier, Paris, extrême fin XIX°s.-tout début XX°s.) qu'à l'étranger (Chatsworth House, Grande-Bretagne ; Corcoran Gallery, Washington, 1860...) : voir notamment l'article de 2012 du blog d'André Fantelin et de Louis Musard, Paris myope et les images regroupées sur Pinterest.
- Copies en bronze des lions de Canova sur socle en marbre, situées à l'entrée de la Corcoran Gallery of Art de Washington, depuis 1860.
Je souhaite cependant souligner la présence de tels lions (inversés) à Nice même, à l'entrée de l'Hôtel Westminster (Promenade des Anglais), déplacés de leur Villa par les nouveaux propriétaires, au milieu du XX° siècle.
- Hôtel Westminster Concorde, Nice, Promenade des Anglais, lions flanquant l'entrée.
Je souhaite évoquer également l'oeuvre du sculpteur Riccardo Aurili (citée dans un article précédent) réalisée à Antibes en 1935 pour le Monument au Roi Albert 1er. Les deux lions d'Aurili (socle de 100x30 cm) sont semblables à ceux de Maubert (socle de 116,5x36 cm) et posent la question de leur réalisation. Ces lions sont-ils des copies exécutées par Maubert et Aurili ou bien des copies achetées et intégrées dans le monument ? Dans les deux cas, c'est l'exemple de Maubert (vers 1917-1926) qui a dû inspirer le choix des lions pour Aurili (1935), même si ce dernier est italien et connaisseur de l'oeuvre de Canova. (N.B. : une descendante du sculpteur Riccardo Aurili m'a confié posséder une photo de son arrière-grand-oncle le montrant en train de sculpter les lions du monument d'Antibes).
- AURILI Riccardo (1864-1943), Monument commémoratif à Albert Ier de Belgique (1875-1934),
Antibes (boulevard Maréchal Leclerc, Jardin Albert 1er), 1935.
Il faut rappeler que d'une part Aurili et Maubert possédaient, à Nice, un atelier dans la même rue et devaient bien se connaître, et que d'autre part, ils travaillaient, aux mêmes dates, pour un monument funéraire destiné au Plateau Gambetta, Aurili pour le Tombeau G.Foray (vers 1918-1925) et Maubert pour le Tombeau Robert H. (vers 1920-1926).
Difficile de terminer cet article sans évoquer rapidement l'influence d'autres œuvres de Canova sur les sculptures du Cimetière de Nice (autres représentations de génies funéraires notamment). Les couples sculptés par Canova (comme Amour et Psyché debout, 1776), n'ont-ils pas influencé ceux de Théodore Rivière (comme Dante et Virgile, vers 1900) et en particulier son groupe des Deux Douleurs de 1903, présent sur la Tombe du Baron R. (monument n°1 du parcours) ? La figure de l'Amour dans le groupe Psyché ranimée par le baiser de l'Amour n'a-t-elle pas influencé la figure de l'Ange agenouillé sculpté par Giuseppe Garibaldi sur le rebord de la Tombe de la Famille G. (monument n° 12 du parcours) ? Mais ceci est une autre histoire...
- CANOVA Antonio (1757-1822), Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, 1793,
marbre, 155x168x101 cm, Paris, Musée du Louvre, photographie de Raphaël Chipault.
- GARIBALDI Giuseppe (?-?), Ange posé sur le rebord du sarcophage, Nice, Cimetière du Château, Plateau Gambetta,
Tombe de la Famille Jean-Michel G., marbre, 1907.